Patient Lwango Mirindi
 Docteur en sciences juridiques de la Vrije Universiteit Brussel (Belgique); titulaire d’un Diplôme d’études supérieures spécialisées en droits de l’homme et droit international humanitaire de l’Université catholique de Bukavu et d’une Licence en droit de l’Université de Kinshasa (République démocratique du Congo)
 Professeur à l’Université officielle de Bukavu et à l’Université catholique de Bukavu; Avocat au Barreau du Sud-Kivu (République démocratique du Congo)
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https://orcid.org/0000-0003-4448-891X


 Edition: AHRY Volume 4
  Pages: 122 - 143
 Citation: PL Mirindi, ‘Le droit saisi d’en-bas: les frémissements des droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales en République démocratique du Congo’ (2020) 4 Annuaire africain des droits de l’homme 122-143
 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2020/v4a7
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RÉSUMÉ:

Dans plusieurs provinces de la République démocratique du Congo, les Pygmées ont été expulsés de leurs forêts ancestrales par l’Etat, qui a érigé ces forêts en aires protégées. Ces expulsions ont été faites en violation des droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales, tels que ces droits découlent de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Le préjudice subi par les Pygmées n’a pas encore été réparé jusqu’à ce jour. La présente contribution s’appuie sur l’analyse de décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle se réfère également à des textes juridiques internes et à la pratique étatique en République démocratique du Congo. Dans ses résultats, la contribution montre que la reconnaissance des droits des Pygmées se heurte à plusieurs obstacles dans ce pays. Cependant, une tendance vers cette reconnaissance est en train d’émerger grâce au travail des parlements provinciaux et à travers certaines décisions de justice. Cette tendance doit être consolidée au plan légal et par les juges. Elle doit inclure la restitution des forêts aux Pygmées, l’adoption d’un modèle de conservation de la nature plus favorable aux Pygmées et la consécration légale de l’obligation pour l’État d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des Pygmées avant d’ériger leurs forêts ancestrales en aires protégées.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

Right seized from below: thoughts about the rights of the Pygmy peoples to their ancestral land and forests in the Democratic Republic of Congo

Abstract:

In several provinces of the Democratic Republic of Congo, the Pygmy peoples have been evicted from their ancestral forests by the state, which turned these forests into protected areas. These evictions were done in violation of the rights of the Pygmy peoples over their ancestral forests, as these rights derive from the African Charter on Human and Peoples’ Rights. The wrong suffered by the Pygmy peoples has not been remedied so far. This article is based on the analysis of decisions of the African Court on Human and Peoples’ Rights, as well as of the African Commission on Human and Peoples’ Rights. It also refers to laws and to state practice in the Democratic Republic of Congo. In its findings, the article shows that the recognition of the rights of the Pygmy peoples faces several obstacles in that country. However, a trend towards that recognition is emerging through the work of provincial parliaments and in some court decisions.

This trend must be consolidated through legislation and by the courts. It should include restitution of the forests to the Pygmy peoples, the adoption of a nature conservation model that is more favourable to the Pygmy peoples and the legal recognition of the state obligation to obtain free, prior and informed consent of the Pygmy peoples before turning their ancestral forests into protected areas.

MOTS CLÉS: Pygmées, peuple autochtone, forêts ancestrales, consentement libre, préalable et informé

 

SOMMAIRE:

1 Introduction 

2 Les droits des Pygmées de RDC sur leurs forêts à la lumière du travail de la Commission et de la Cour africaine  de la Commission et de la Cour africaine 

2.1 Les Pygmées de RDC comme peuple autochtone d’Afrique  

2.2 Les conséquences par rapport à la souveraineté de l’Etat  

3 La nécessité de mettre fin aux obstacles à la reconnaissance des droits des Pygmées et à la restitution de leurs forêts ancestrales des Pygmées et à la restitution de leurs forêts ancestrales  

3.1 Au plan juridique et judiciaire  

3.2 En ce qui concerne la perception des droits des Pygmées et la vision de la conservation de la nature  

4 Conclusion

 1 INTRODUCTION

A l’instar de plusieurs pays africains à population multi-ethnique,1 la République démocratique du Congo (RDC) a une population composée de plusieurs groupes, parmi lesquels figurent les Pygmées. Au plan africain, l’identification des Pygmées a été faite d’abord à partir de caractéristiques physiques ou morphologiques (notamment la petite taille) et ensuite d’éléments liés au mode et au milieu de vie.2 Sous l’appellation Pygmée, bien que cette dernière soit parfois perçue comme péjorative,3 on regroupe «un ensemble hétérogène de groupes ethniques dispersés, tous vivant dans le bassin congolais ... mais différant pourtant physiquement, génétiquement, linguistiquement et culturellement».4 Les Pygmées s’identifient ou sont identifiés sous différentes appellations: (Ba)Kola et Bedzan au Cameroun; Baka au Cameroun, en République du Congo (Congo Brazzaville) et au Gabon; (Ba)Rimba et (Ba)Bongo au Gabon; (Ba)Koya au Gabon et au Congo Brazzaville; Mikaya au Congo Brazzaville; (Ba)Aka en République centrafricaine et au Congo Brazzaville; (Ba)Twa, (Ba)Cwa, (Ba)Tembo, (Ba)Rhwa, (Ba)Sua, Asua, Efe en RDC; (Ba)Twa au Rwanda et au Burundi.5 Ils seraient les premiers habitants de la région des grands lacs africains, dont fait partie la RDC, où ils furent rejoints plus tard par des agriculteurs et des fermiers-éleveurs.6

En RDC, le mode de vie des Pygmées est étroitement lié aux forêts.7 En effet, dans ce pays, la forêt constitue l’habitat naturel de nombreuses communautés Pygmées.8 Et grâce à leurs pratiques traditionnelles, les Pygmées ont contribué au maintien et à la conservation des écosystèmes forestiers.9 Malgré cet apport, l’Etat les a expulsés de plusieurs forêts où ils vivaient, afin d’ériger ces forêts en réserves naturelles ayant pour but la conservation de la nature et excluant la présence et l’activité humaines.10 Tel fut le cas du Parc national de Kahuzi-Biega (PNKB), situé dans la province du Sud-Kivu (Est de la RDC), et dont la création remonte à l’époque coloniale en tant que réserve zoologique et forestière.11 Il fut érigé en parc national après l’indépendance du pays,12 puis sa superficie a été augmentée en y intégrant des forêts occupées par des communautés Pygmées.13 Ces dernières en ont été expulsées sans avoir été consultés;14 sans avoir donné leur consentement libre, préalable et éclairé;15 et sans indemnisation ni compensation.16 C’est également le cas de la Réserve naturelle d’Itombwe (RNI), dans la même province, dont la création en 200617 «n’a tenu aucun compte des desiderata des populations qui vivent dans la zone concernée, alors que leur avis avait été explicitement sollicité afin d’obtenir leur adhésion à une gestion participative».18

La même situation s’est produite dans d’autres provinces du pays, comme dans l’ex-Equateur où la réserve naturelle de Tumba-Lediima a été créée sans consultation des communautés affectées ni leur consentement; dans l’ex-Kasaï occidental où la création du Parc national de la Salonga en 1972 a entraîné le refoulement sans indemnisation des populations qui y vivaient -- dont des Pygmées -- et leur cantonnement dans les villages à la lisière de ce parc.19 En remontant plus loin dans le temps, on peut citer la création du Parc des Virunga en 1925 au détriment des Pygmées qui vivaient dans la zone, dans l’actuelle province du Nord-Kivu.20

Toutes ces décisions ont eu pour conséquence «d’exacerber l’appauvrissement des communautés forestières, et ironiquement, d’exclure ou de restreindre l’accès des personnes qui, par tradition, ont su habiter durablement dans ces forêts».21 Elles ont entraîné la perte du mode de vie et de la culture traditionnels des Pygmées concernés, qui depuis lors vivent dans des conditions précaires, de pauvreté et de vulnérabilité.22 Ces décisions constituent des violations des droits des Pygmées au développement, à l’autodétermination et à la libre disposition de leurs forêts ancestrales, garantis respectivement par les articles 22, 20(1) et 21 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine).23 Ces violations n’ont jamais été réparées par l’Etat. C’est pourquoi il est important d’envisager les voies de cette réparation, d’autant plus que la RDC a ratifié depuis le 20 juillet 1987 la Charte précitée24 et doit en respecter les normes.

Les avancées dans la reconnaissance des droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales et les obstacles à cette reconnaissance ont été relevées dans des travaux antérieurs à la présente contribution.25 En guise d’avancées, il a été noté le dépôt à l’Assemblée nationale, depuis le mois de juillet 2014, d’une proposition de loi organique portant principes fondamentaux relatifs aux droits des peuples autochtones Pygmées en RDC par un collectif de députés; mais surtout la promulgation de l’édit No 011/2018 du 5 juin 2018 portant promotion et protection des droits des peuples autochtones Batwa dans la province de Maï-Ndombe.26 Mais les lacunes de ces textes n’ont pas été mises en évidence, aspect que nous comptons examiner ici. Concernant les obstacles, il a été indiqué que les Pygmées n’ont pas accès à la justice car leurs plaintes «font rarement l’objet d’une enquête par l’appareil judiciaire et ce dernier est ... parfois négativement biaisé contre les peuples autochtones».27 Nous entendons nuancer cette affirmation en démontrant une timide prise en compte des droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales en justice. Nous soutenons également que pour réparer les préjudices qu’il a causés aux Pygmées, l’État congolais doit supprimer les obstacles actuels à la reconnaissance des droits spécifiques des Pygmées sur leurs forêts ancestrales, restituer aux Pygmées lesdites forêts et adopter un modèle de conservation de la nature qui ne soit pas défavorable aux Pygmées.

Pour ce faire, deux préoccupations vont nous guider et justifient la subdivision de notre analyse. D’abord, il s’agira, en partant de la jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine) et de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine), de préciser le rapport entre les droits des Pygmées de RDC sur leurs forêts ancestrales et la souveraineté de l’Etat. Ensuite, nous envisagerons ce que doit faire l’État congolais pour rétablir les Pygmées dans leurs droits sur leurs forêts ancestrales.

2 LES DROITS DES PYGMÉES DE RDC SUR LEURS FORÊTS À LA LUMIERE DU TRAVAIL DE LA COUR AFRICAINE ET DE LA COMMISSION AFRICAINE

Le principe de souveraineté permanente de l’État sur ses ressources naturelles «revêt le caractère d’un principe de droit international coutumier».28 L’exercice de cette souveraineté doit tenir compte des droits des peuples, dont ceux des Pygmées.

2.1 Les Pygmées de RDC comme peuple autochtone d’Afrique

Au plan universel, les peuples autochtones ont été définis en tenant compte de plusieurs critères qui sont leur auto-identification comme peuple autochtone, la relation particulière qu’ils entretiennent avec leurs terres et les ressources de ces terres, leur ascendance commune, leur continuité historique avec les sociétés qui se sont développées sur un territoire donné avant la domination coloniale, leur spécificité culturelle -- langue, organisation sociale, religion, valeurs spirituelles, modes de production, droits et institutions propres -- leur volonté de préserver cette spécificité, leur position non dominante dans la société où ils vivent.29

Pour sa part, grâce au travail de ses experts,30 la Commission africaine a précisé les critères permettant d’identifier un peuple autochtone en Afrique. Elle a insisté non pas sur l’antériorité historique dans l’occupation du continent, mais plutôt sur la différence de culture entre les peuples autochtones et les autres groupes qui forment la majorité de la population des États africains; ainsi que sur la position non dominante et la discrimination dont sont souvent victimes les peuples autochtones. Au vu de ces critères, elle a adopté les caractéristiques ci-après pour les peuples autochtones d’Afrique: leurs cultures et modes de vie diffèrent considérablement des groupes dominants dans la société; leurs cultures sont menacées, au point de l’extinction dans certains cas; la survie de leurs modes de vie particuliers dépend de la reconnaissance de leurs droits et de l’accès à leurs terres et à leurs ressources naturelles traditionnelles; ils souffrent de discrimination dans la mesure où ils sont considérés comme moins développés et moins avancés que les autres groupes plus dominants de la société; ils vivent souvent dans des zones inaccessibles, géographiquement isolées, et souffrent de diverses formes de marginalisation tant politique que sociale; ils font souvent l’objet de domination et d’exploitation à l’intérieur des structures politiques et économiques communément conçues pour refléter les intérêts et les activités de la majorité nationale. Cette discrimination, cette domination et cette marginalisation constituent une violation de leurs droits humains en tant que peuples/communautés, menacent la pérennité de leurs cultures et de leurs modes de vie et les empêchent de participer véritablement à la prise des décisions sur leur avenir et leurs formes de développement.31

La situation des Pygmées en RDC ressemble à celle décrite ci-haut. En effet, de manière unanime, des auteurs et des rapports décrivent ce qui suit à leur sujet: leur mode de vie est particulier car lié à la forêt, ils ne sont pas représentés dans les structures de prise de décision, leurs droits fonciers ne sont reconnus ni par la loi ni par les coutumes locales, leur discrimination et leur marginalisation notamment dans l’accès aux ressources de chasse et de pêche souvent contrôlées par des membres de communautés non-Pygmées, le risque de disparition de leur mode de vie et de leur culture en général suite à la perte de leurs forêts.32

C’est donc à juste titre que la Commission africaine a placé les Pygmées, dont ceux de RDC, dans la catégorie des peuples autochtones d’Afrique.33 L’étape suivante fut la précision des droits de ces derniers.

2.2 Les conséquences sur la souveraineté de l’État

Comme les Endorois et les Ogiek, les Pygmées font partie des peuples autochtones d’Afrique. Le rapport entre leurs droits sur leurs ressources naturelles et la souveraineté des Etats où ils se trouvent a été précisé par la Commission africaine dans l’affaire concernant les Endorois, puis par la Cour africaine dans l’affaire concernant les Ogiek. Les conclusions de ces deux organes valent pour la RDC.

2.2.1 Le cas des Endorois contre le Kenya34

Les Endorois forment une communauté pastorale qui vit dans la région de la Rift Valley au Kenya. Dans cette affaire, la Commission africaine a recouru pour la première fois au droit des peuples autochtones pour décider en faveur d’un peuple en Afrique.35 En effet, en appliquant les articles 60 et 61 de la Charte africaine, elle s’est inspirée de la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme36 pour établir que les Endorois sont propriétaires de leur terre ancestrale; que l’Etat a le devoir d’évaluer si la restriction du droit de propriété des Endorois, par la création d’une réserve naturelle et l’octroi de concessions d’exploitation de rubis, est nécessaire pour assurer la survie des Endorois.37

Rappelant qu’elle avait déjà eu à préciser qu’un peuple habitant une région spécifique dans un Etat peut prétendre à la protection de l’article 21 de la Charte africaine,38 la Commission africaine a estimé que les Endorois ont le droit de disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. Elle a ensuite estimé que leur expulsion de la région du Lac Bogoria les a privés du droit de contrôler et d’user des ressources naturelles de leur terre ancestrale, et que cela équivaut à une violation de l’article 21 de la Charte africaine.39 Il en découle qu’en tant que peuples autochtones, les Pygmées de RDC sont propriétaires de leurs terres et forêts ancestrales, en vertu de l’article 14 de la Charte africaine.

Concernant le rapport entre le droit de propriété des peuples autochtones et la souveraineté de l’Etat, la Commission africaine a noté que ce droit de propriété n’exclut pas la possibilité de restriction de la part de l’État. Mais cette restriction doit être conforme aux lois en vigueur, décidée dans l’intérêt public ou dans l’intérêt général de la communauté concernée, nécessaire pour assurer la survie de ladite communauté et elle ne doit pas affecter les autres ressources naturelles nécessaires à la survie de cette communauté.40

L’élément le plus important qui nous concerne ici est que la Commission africaine a précisé que lorsqu’un projet envisagé a un impact sur les terres des peuples autochtones, l’Etat a le devoir non seulement de consulter ces peuples, mais aussi d’obtenir leur consentement libre, préalable et informé (c’est-à-dire en connaissance de cause) dudit projet; et cela en conformité avec leurs coutumes et traditions.41 Enfin, l’Etat doit s’assurer que la communauté autochtone affectée soit indemnisée et bénéficie du projet envisagé.42

Ayant ratifié la Charte africaine, la RDC doit consulter les Pygmées se trouvant sur son sol et obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé avant de décider de la création des réserves naturelles. En ne l’ayant pas fait, la RDC ne s’est pas conformée à ses obligations en vertu de ladite Charte.

En conséquence, à l’instar du Kenya, la RDC doit reconnaître le droit de propriété des Pygmées sur leurs forêts et les leur restituer, tout en s’assurant que les Pygmées aient accès à ces forêts et tirent avantage des possibilités d’emploi en leur sein. Elle doit dédommager adéquatement les Pygmées pour toutes les pertes subies; payer aux Pygmées des redevances provenant des activités économiques existantes dans leurs forêts converties en réserves naturelles.43 La position de la Commission africaine a été renforcée par la Cour africaine dans l’affaire concernant les Ogiek.

2.2.2 Le cas des Ogiek contre le Kenya44

Cette affaire a opposé la Commission africaine, agissant au nom de la communauté Ogiek du complexe forestier de Mau au Kenya. Il y était allégué que les Ogiek sont tributaires de la forêt de Mau pour leur subsistance traditionnelle et que ladite forêt est la source de leur identité religieuse. Que, cependant, ils sont menacés d’expulsion de cette forêt par le gouvernement du Kenya au motif que la forêt précitée constitue une zone de captage d’eau et qu’elle fait partie intégrante du domaine de l’État en vertu de la section 4 de la loi régissant les terres domaniales.45

La Cour africaine a d’abord rappelé que les Ogiek sont un peuple autochtone d’Afrique.46 Ensuite, elle a estimé que le Kenya a violé le droit des Ogiek au développement, pour les avoir fréquemment expulsés de la forêt de Mau et cela sans leur accord.47 La Cour a donc confirmé l’obligation pour l’Etat d’obtenir le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones avant de décider de l’expulsion de ces derniers de leurs terres, quel que soit le motif. Ce consentement constitue ainsi une limite à l’exercice par l’Etat de sa souveraineté permanente sur ses ressources naturelles.

Par rapport à l’article 21 de la Charte africaine, la Cour susdite a rappelé qu’elle avait déjà reconnu aux Ogiek un certain nombre de droits par rapport à leur terre ancestrale, à savoir le droit d’usage et le droit de jouissance des produits de la terre, qui présupposent le droit d’accéder à la terre et de l’occuper. Les Ogiek ayant été privés par le Kenya du droit de jouir et de disposer librement des richesses alimentaires que produisent leurs terres ancestrales, ce pays a violé l’article 21 susmentionné.48

Cette allusion aux richesses alimentaires des terres des Ogiek est intéressante car elle donne une portée plus large aux droits des peuples autochtones sur leurs terres ancestrales, en ajoutant la nourriture produite par la terre aux éléments du lien entre un peuple autochtone et sa terre. En effet:49

En affirmant que l’article 21 de la Charte africaine a été violé par le Kenya parce que cet Etat a privé les Ogiek de leur droit d’accéder à la nourriture abondante produite par leurs terres, la Cour opère un glissement sémantique de la nécessité et du caractère vital d’une terre pour la survie à la fois matérielle et culturelle d’un peuple (aspect déjà avancé par la Commission africaine) à l’utilité d’une terre ancestrale en termes de fertilité et d’abondance de sa production.

Dans le cas de la RDC, il est admis que les Pygmées tiraient leur nourriture de leurs terres et forêts ancestrales dont ils ont été expulsés par l’État pour y créer des réserves naturelles ou des aires protégées. En combinant la décision de la Cour africaine en faveur des Ogiek et la constatation de la Commission africaine en faveur des Endorois, on aboutit à une double conclusion à savoir: d’une part l’État ne peut pas décider d’ériger une forêt ancestrale des Pygmées en réserve naturelle ou en aire protégée sans avoir au préalable obtenu le consentement libre et éclairé des Pygmées concernés; d’autre part, les expulsions dont ont été victimes les Pygmées de RDC constituent des violations de leurs droits de propriété, de leur droit de disposer de leurs forêts ancestrales et de leur droit au développement garantis par la Charte africaine. Ces violations exigent une réparation adéquate qui n’a pas encore eu lieu.

3 LES OBSTACLES À LA RECONNAISSANCE DES DROITS DES PYGMÉES ET À LA RESTITUTION DE LEURS FORÊTS ANCESTRALES EN RDC

Ces obstacles existent en droit et dans la pratique étatique, que cette dernière relève du juge ou du service public en charge de la garde des parcs nationaux et des réserves naturelles.

3.1 Au plan juridique et judiciaire

Il faut épingler ici les limites légales et dans l’œuvre du juge interne.

3.1.1 Les difficultés d’ordre légal

Elles résident dans l’expression de la souveraineté de l’État sur les ressources naturelles et l’absence d’un texte légal permettant d’équilibrer cette souveraineté par la prise en compte des droits des Pygmées.

La souveraineté de la RDC sur ses ressources naturelles

Cette souveraineté est proclamée sans limitation dans la Constitution.50 Il en est de même dans les lois relatives à l’exploitation des ressources naturelles comme la terre,51 les forêts,52 les minerais53 et les hydrocarbures.54 C’est dans l’exercice de cette souveraineté que l’État congolais a souvent privé les Pygmées de leurs forêts ancestrales. Il est nécessaire que la manière dont cette souveraineté est exprimée dans les lois soit modifiée, de manière à la limiter par la nécessité du respect des droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales.

Les textes légaux consacrés spécifiquement aux Pygmées et leurs limites

L’article 51 de la Constitution dispose que l’Etat assure la protection et la promotion des groupes vulnérables et de toutes les minorités, ainsi que la promotion d’une coexistence harmonieuse de tous les groupes ethniques du pays. Il doit aussi veiller à l’épanouissement de tous les groupes ethniques, vulnérables et des minorités. Comme cet article ne précise pas ces minorités,55 les Pygmées pourraient s’en réclamer par rapport au reste de la population congolaise. Mais cela ne leur assurerait pas des droits spécifiques sur leurs forêts.

En revanche, une ‘proposition de loi organique portant principes fondamentaux relatifs aux droits des peuples autochtones Pygmées’ fut soumise en 2014 au parlement national.56 L’objectif de ce texte, comme indiqué à l’article 1er, était de protéger et promouvoir les droits des peuples autochtones Pygmées conformément à la Constitution. Et pourtant, celle-ci affirme sans limitation la souveraineté de l’Etat sur les ressources naturelles. A son article 2(1), la proposition faisait allusion à l’attachement et au lien étroit des peuples autochtones avec la nature (terme général si pas vague), au lieu de parler du lien avec leurs terres. L’article 18 prévoyait que l’Etat, la province et les entités territoriales décentralisées (ETD) organisent préalablement des consultations pour tout projet qui affecte directement ou indirectement la vie des peuples autochtones Pygmées, en vue d’obtenir ou non, leur consentement. Cette formulation était ambigüe parce qu’elle sous-entendait que dans certaines hypothèses, l’obtention du consentement de ces peuples ne serait pas requis. L’article 45 mentionnait que tout projet susceptible d’avoir une incidence sur les terres et ressources naturelles que possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement les Pygmées doit faire l’objet d’une étude préalable d’impact social et environnemental et obtenir le consentement libre, préalable et informé desdits peuples. Il rejoignait ainsi le standard préconisé par la Commission africaine et la Cour africaine. Mais l’article 48 indiquait que l’État, la province et les entités territoriales décentralisées consultent les peuples autochtones Pygmées concernés et coopèrent par l’intermédiaire des représentants choisis par eux-mêmes en vue d’obtenir préalablement leur consentement, libre et informé avant toute mise en valeur, utilisation ou exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres sur les terres qu’ils possèdent, occupent et utilisent traditionnellement. Or, le fait de consulter en vue d’obtenir le consentement n’implique pas nécessairement le droit pour le peuple autochtone de s’opposer au projet envisagé par l’État.57 Ce qui limitait la portée de l’article 45 ci-haut. Toutes ces incohérences devaient être corrigées. Malheureusement, jusqu’à la fin de leur mandat en 2018, les députés n’ont pas adopté la proposition.

Une nouvelle «proposition de loi organique portant principes fondamentaux relatifs à la protection et promotion des droits de peuples autochtones Pygmées en République démocratique du Congo» vient d’être déposée à l’Assemblée nationale. Elle a été déclarée recevable le 6 juin 2020 et a été transmise à la commission socio-culturelle de ladite Assemblée pour analyse.58 Espérons que la procédure aboutisse à l’adoption du texte par l’Assemblée nationale et le Sénat, et à sa promulgation par le Président de la République. Mais il convient d’en revoir certaines dispositions qui ne lui permettent pas d’atteindre le standard fixé par la Cour africaine et la Commission africaine.

Parmi les éléments positifs dans ce texte, il y a la référence à la Charte africaine dans le préambule, ce qui permet de renforcer la position des Pygmées face à l’État congolais. L’article 42 prévoit qu’aucune délocalisation, ni réinstallation des peuples autochtones Pygmées ne peut se faire sans leur consentement libre, informé et préalable, ni leur indemnisation juste et équitable. Le même article ajoute d’une part que sauf si les Pygmées concernés en décident librement autrement, l’indemnisation se fait sous forme de terres, de territoires et de ressources équivalents par leur qualité, étendue et régime juridique; ou sous forme d’une indemnité pécuniaire ou de toute autre réparation appropriée; et d’autre part qu’en cas de cessation de l’objet de l’expropriation, les Pygmées gardent la priorité de retour sur leurs anciennes terres. De même, l’article 44 prévoit que les peuples autochtones Pygmées ont le droit de jouir pleinement de toutes les ressources naturelles, ligneuses et non ligneuses ainsi que des bénéfices issus des services environnementaux sur les terres qu’ils possèdent, occupent ou utilisent traditionnellement. L’article 45 de la proposition de 2014 est repris tel quel dans la proposition actuelle. Par sa généralité, il implique que pour créer un parc national ou une réserve naturelle intégrale sur une terre d’une communauté pygmée, l’État doit consulter et obtenir le consentement libre, préalable et informé de ladite communauté. Les articles 42, 43 et 50 prévoient que l’État doit protéger les terres et ressources naturelles des Pygmées. Plus intéressant, l’article 57 comporte un effet rétroactif car il indique que l’Etat prend des mesures correctives concernant les délocalisations et les déplacements forcés dont les Pygmées ont été victimes de 1970 à ce jour. Combiné avec l’article 42, l’article 57 ouvre la voie à une indemnisation des Pygmées expulsés des aires protégées et à la restitution de leurs forêts.

La définition des peuples autochtones contenue à l’article 2 est celle qui figurait dans la proposition de 2014. De même, l’article 18 du texte de 2014 reste inchangé. Malgré sa formulation ambigüe, l’ancien article 48 du texte de 2014 est repris de manière identique à l’article 47. Pour améliorer le texte, il faudra revoir l’article 2 pour parler du lien des Pygmées avec leurs terres et ressources naturelles ancestrales -- et pas seulement avec la nature; supprimer ou revoir l’article 18 en lui enlevant la confusion qui laisse croire que dans certains cas le consentement libre, préalable et informé des Pygmées ne serait pas exigé pour accéder à leurs terres; supprimer ou revoir l’article 47 (ancien article 48) dont les termes doivent être modifiés pour éviter toute confusion sur la nécessité du consentement libre, préalable et informé des Pygmées.

Par ailleurs, pendant que l’Assemblée nationale tardait à examiner la proposition de loi de 2014, la province du Maï-Ndombe a, en date du 5 juin 2018, promulgué l’édit No 011/2018 portant promotion et protection des droits des peuples autochtones Batwa dans cette province. Ce texte est loin du standard fixé par la Cour africaine et la Commission africaine. En effet, à son article 2, il définit les Batwa en mettant en exergue leur lien avec la nature, mais pas avec la terre ou la forêt. A l’article 11, il ne parle pas du droit de propriété des Batwa sur leurs terres et ressources, mais plutôt de leur droit collectif à la possession, à l’accès à la terre et aux ressources naturelles. L’article 14 dispose:

Les Batwa ne peuvent être déplacés des terres qu’ils possèdent et/ou utilisent traditionnellement que pour une cause d’utilité publique et ce, après des consultations libres, informées et préalables, et moyennant une indemnisation juste et équitable.

Il n’y est pas question de la nécessité d’obtenir le consentement libre, préalable et informé des Batwa. Et pourtant, à l’article 1er, le texte définit ce consentement sans y revenir par la suite. A l’article 16, le gouvernement provincial garantit le droit pour les Batwa d’accéder aux bénéfices résultant de l’utilisation et de l’exploitation de leurs terres en vue de préserver la biodiversité.

Malgré ces limites, cet édit constitue une prise en main de la question des droits des peuples autochtones par une province. Celle-ci a exploité ses compétences prévues par la Constitution,59 pour mettre en place une protection a minima des Pygmées de cette province tout en évitant de toucher à la souveraineté de l’État sur les ressources naturelles.

D’autres propositions ou projets d’édits relatifs à la question des Pygmées ont été déposés et sont en cours d’examen aux assemblées provinciales des provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l’Equateur et de la Tshopo.60 Mais, comme l’ont relevé des organisations non gouvernementales, ces instruments juridiques de portée provinciale présentent un risque majeur de non applicabilité faute de mesures d’application.61 «Cette situation affecte les peuples autochtones car à ce jour, leurs droits ... ne sont pas mis en œuvre pleinement».62 Les députés et les organisations non gouvernementales, dans les provinces précitées, doivent être vigilants pour éviter que les textes en discussion n’établissent des standards différents applicables aux Pygmées selon les provinces. Ces difficultés d’ordre légal peuvent expliquer l’attitude du juge interne.

3.1.2 La stratégie d’évitement de la part du juge interne

Les terres occupées par les communautés en vertu de leurs coutumes font partie du domaine privé de l’Etat, en vertu de l’article 387 de la loi foncière. Mais le sort de ces droits est demeuré incertain car l’ordonnance du Président de la République qui, en vertu de l’article 389 de la même loi, aurait dû préciser le sort en question n’est jamais intervenue à ce jour. Cela a poussé à conclure que «les communautés locales ... ont été juridiquement dépossédées»63 et que «cette situation est génératrice d’insécurité foncière et aussi de précarisation».64 Certes, à son article 34, la Constitution de la RDC garantit le droit de propriété individuelle ou collective acquis en vertu de la loi ou de la coutume, mais cette protection reste douteuse dans la mesure où le sol est la propriété de l’Etat en vertu de la Constitution et de la loi foncière.

Dans ce contexte légal, les chances pour les communautés Pygmées de reconquérir leurs droits sur leurs terres et forêts devant le juge interne sont minces.65 Deux affaires concernant les Pygmées du PNKB peuvent nous servir pour illustrer l’embarras du juge congolais.

L’impasse dans l’affaire introduite par les Pygmées contre la RDC et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN)66

Dans cette affaire, 66 personnes se réclamant agir au nom des Pygmées expulsés du PNKB ont assigné, en matière civile, l’Etat congolais et l’ICCN devant le Tribunal de grande instance d’Uvira siège secondaire de Kavumu,67 dans la province du Sud-Kivu, pour non-respect de la procédure légale lors de l’extension du PNKB. Ils ont sollicité la restitution de leurs terres et leur dédommagement. Le tribunal s’est déclaré incompétent pour examiner la demande, au motif que celle-ci impliquait de se prononcer sur une matière qui n’est pas de la compétence du Tribunal à savoir la conformité ou non à la Constitution de l’acte ayant créé le PNKB.68 Les demandeurs ont fait un recours devant la Cour d’appel de Bukavu. Mais cette dernière a déclaré les appels recevables mais non fondés, en invoquant le même motif déjà avancé par les juges au premier degré.69

Depuis l’année 2013, le dossier a été introduit devant la Cour de cassation, mais aucune décision n’est intervenue jusqu’à ce jour. Devant cette impasse, le dossier a été soumis à la Commission africaine. Cette lenteur traduit la difficulté d’accès à la justice pour les Pygmées. Et pourtant, l’article 150(1) de la Constitution de la RDC dispose que «le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens».

Le recours à l’obiter dictum en faveur des Pygmées dans l’affaire opposant deux Pygmées à un garde-parc du PNKB et à l’ICCN 70

Dans cette affaire, un garde-parc du PNKB était poursuivi pénalement devant le Tribunal militaire de garnison71 de Bukavu pour avoir, dans l’exercice de ses fonctions, tiré des coups de feu avec son arme de service en direction de deux Pygmées qui étaient à la recherche de plantes médicinales à l’intérieur du PNKB. L’un de ces Pygmées est décédé; l’autre, qui s’est constitué partie civile, était blessé. L’ICCN fut appelé au procès comme partie civilement responsable.

En se fondant sur les éléments du dossier, le tribunal n’a retenu à la charge du garde-parc que l’infraction de coups et blessures aggravés.72 Ici, ce sont les arguments de l’ICCN et du Pygmée blessé, ainsi que les réponses des juges qui nous intéressent. En effet, l’ICCN a invoqué la turpitude des victimes, au motif que l’article 38 du Code forestier leur interdit l’exercice des droits d’usage forestiers (consistant notamment en la cueillette de plantes médicinales) dans un parc national.73 Pour sa part, le pygmée a justifié sa présence dans le PNKB au motif que cette partie du parc a depuis toujours fait partie de la forêt ancestrale de son peuple, dans laquelle ce dernier cueille des plantes alimentaires et médicinales. Le jugement n’a pas répondu à l’argument de l’ICCN. Toutefois, dans le résumé des faits, le jugement constate d’une part qu’il ressort de l’instruction que la partie civile appartient aux peuples autochtones Pygmées vivant à Tshombo, groupement de Miti, territoire de Kabare, province du Sud-Kivu; d’autre part qu’en 1975, l’Etat congolais avait

[p]ris la résolution de chasser dans le parc Kahuzi Biega les peuples autochtones de leur milieu naturel à travers l’ordonnance no 75-238 du 22 juillet 1975 portant modification des limites du PNKB ..., ce Parc malgré cette restriction est resté le milieu dans lequel se trouvent tous les produits vivriers et médicamenteux pour ces peuples.74

En se limitant aux constats ci-haut sans en tirer des conséquences juridiques, le jugement a implicitement reconnu les Pygmées comme peuple autochtone de la RDC; le lien ayant existé et continuant à exister entre ces Pygmées et leur forêt incluse dans le PNKB; bref «la légitimité desdits Pygmées à réclamer la restitution de leurs terres ancestrales se trouvant actuellement dans le PNKB ou à défaut leur indemnisation pour la perte de ces terres».75

Mais au lieu de recourir à l’obiter dictum, les juges auraient pu s’inspirer de la pratique des juridictions militaires qui, dans les procès portant sur des crimes internationaux, n’hésitent pas à invoquer la jurisprudence de la Cour pénale internationale ou des tribunaux pénaux internationaux.76 Dans ce sens, ils pouvaient invoquer les décisions de la Cour africaine et de la Commission africaine, se rapportant aux articles 14, 21 et 22 de la Charte africaine, comme arguments d’autorité en faveur des Pygmées expulsés du PNKB.

3.2 En ce qui concerne la perception des droits des Pygmées et la vision de la conservation de la nature

Avec souvent l’aide d’organisations non gouvernementales, des revendications sont menées par les Pygmées seuls ou en compagnie d’autres communautés. Dans le cas où les Pygmées ont déjà été expulsés (comme c’est le cas dans le PNKB), ils mènent des actions de contestation et de confrontation avec les gardes des aires protégées.77 En cas de menace d’expulsion (par exemple dans la RNI), ils refusent de quitter les lieux et d’abandonner leur mode de vie ancestral.78 En réponse, des expériences de gestion participative des aires protégées sont tentées, à l’instar de l’association des communautés locales (notamment Pygmées) à la délimitation de la RNI, qui a abouti à la réduction de sa superficie de 15 000 km2 à 5 732 km2 de manière concertée.79 De même, l’ICCN essaye d’associer les Pygmées à la gestion du PNKB à travers un processus de «conservation-développement»80 qui inclut l’emploi des Pygmées comme pisteurs c’est-à-dire guides pour les touristes ou comme gardes;81 la mise en place de Comités de conservation communautaire qui sont des structures représentatives des communautés - dont celles Pygmées - et à travers lesquelles le PNKB appuie le développement local en contrepartie de la conservation du parc;82 l’appui à la création des réserves et forêts communautaires à la périphérie du PNKB.83 Ces initiatives rencontrent des difficultés dans leur mise en œuvre,84 notamment parce qu’elles visent à convaincre les Pygmées à renoncer à leurs terres et forêts et par voie de conséquence à leur mode de vie ancestral.85

D’autres institutions publiques ont, sans succès, appelé à une réduction des limites du PNKB, à l’instar de la sous-commission parlementaire de la sous-région du Sud-Kivu en 1980; du Ministère des Travaux publics, urbanisme et habitat en 1982; de la Conférence nationale souveraine en 1991; du gouvernement en 1995; du Haut Conseil de la République/Parlement de Transition en 1996; de la Conférence provinciale du Sud-Kivu sur la reconstruction tenue à Bukavu en 1998.86 Nous estimons que ces initiatives n’ont pas rencontré l’assentiment des décideurs parce que la politique environnementale en RDC n’a pas été à l’origine conçue en faveur des

Congolais. Cela explique qu’elle exclut l’habitat humain dans les réserves naturelles.87 En effet, cette politique repose sur des fondements utilitaristes remontant à l’époque coloniale et marqués par des mesures de création de parcs nationaux et de protection d’espèces au profit des élites de l’Occident.88 Elle ne tolère pas la cohabitation avec une conception différente qui mettrait à l’avant-plan le rôle traditionnellement joué par les Pygmées dans la protection et la conservation des forêts.

4 CONCLUSION

Nous pouvons comparer l’apport de la Commission africaine et de la Cour africaine dans l’affirmation des droits des peuples autochtones d’Afrique à une spirale, dont le point central a été la reconnaissance de l’existence des peuples autochtones en Afrique. A partir de là et tout en tournant autour de ce point, les deux organes ci-haut ont développé un standard de protection, en élargissant leur interprétation des articles 14, 20, 21 et 22 de la Charte africaine au profit des peuples autochtones. Ces derniers sont propriétaires de leurs terres ancestrales et des ressources de ces terres, et ont le droit d’en disposer pour leur subsistance, pour préserver leur culture et pour leur développement. En conséquence, ils doivent consentir librement, prealablement et en pleine connaissance de cause à toute décision de l’Etat relative à leurs terres et ressources. Il s’agit là d’une limite importante à la souveraineté de l’Etat sur les ressources naturelles car elle implique un droit au refus au profit des peuples autochtones.

En érigeant les forêts ancestrales des Pygmées en réserves naturelles ou en parcs nationaux sans le consentement libre, préalable et éclairé des Pygmées concernés, l’Etat congolais a violé leur droit à l’autodétermination, leur droit à la propriété, leur droit de disposer de leurs ressources naturelles en vue de leur survie et de leur développement. Cela a causé et continue à causer des préjudices aux Pygmées. Tous ces droits étant garantis par la Charte africaine, la RDC doit réparer ces préjudices en rendant les forêts spoliées par l’Etat aux Pygmées. En même temps, la politique environnementale du pays doit être repensée pour placer les Pygmées au centre de la conservation de la nature.

La modification des lois est le moyen le plus efficace pour y arriver. En attendant, une timide tendance vers la reconnaissance des droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales se fait jour du côté du juge congolais comme illustré par les deux affaires ci-haut analysées. Mais ce juge doit faire preuve de plus d’initiative et, dans cette optique, exploiter la Charte africaine qui lui offre une voie permettant de décider en faveur des Pygmées. Le recours à l’argument d’autorité constitué par la jurisprudence de la Cour africaine et de la Commission africaine est le levier sur lequel le juge et les Pygmées de RDC peuvent s’appuyer pour protéger juridiquement leurs droits sur leurs forêts ancestrales face à l’Etat.

L’évolution est plus perceptible du côté du législateur. En l’occurrence, face à la lenteur de l’Assemblée nationale, ce sont les provinces qui prennent le relai pour reconnaître et protéger les droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales. Malgré les failles des textes légaux en vigueur ou en examen, il s’agit d’une tendance à saluer et à consolider par des textes légaux qui devront indiquer de manière expresse que la souveraineté de l’Etat est limitée par les droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales.

 


1. D Shelton ‘Self-determination in regional human rights law: from Kosovo to Cameroon’ (2011) 105 American Journal of International Law 64; D Rosenberg ‘Article 21, § 1’ in M Kamto La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l’homme. Commentaire article par article (2011) 524-529; NJ Udombana ‘The unfinished business: conflicts, the African union and the new partnership for Africa’s development’ (2003) 35 George Washington International Law Review 88-89.

3. Robillard & Bahuchet (n 2).

4. Robillard & Bahuchet (n 2).

5. Robillard & Bahuchet (n 2), voir également AK Barume ‘Le nouveau code forestier congolais et les droits des communautés des forêts.’ Atelier sur le Processus de mise en œuvre du Code Forestier de la République démocratique du Congo et de ses normes d’application (2003) 4.

7. En vertu de l’article 26 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ces derniers ont le droit aux terres, territoires et ressources qu’ils possèdent et occupent traditionnellement. Les forêts figurent parmi lesdites ressources. En ce qui concerne les Pygmées de RDC, nous utilisons l’expression forêts ancestrales pour traduire, outre la propriété collective de la forêt, le lien intergénérationnel unissant les Pygmées à la forêt.

10. C Shalukoma ‘La participation des populations Pygmées à la conservation dans le parc national de Kahuzi-Biega (République démocratique du Congo)’ in A Fournier et autres (dirs) Quelles aires protégées pour l’Afrique de l’Ouest? Conservation de la biodiversité et développement (2007) 438.

11. Ordonnance-loi 81/Agri du 27 juillet 1937, abrogée par l’Ordonnance-loi 52/201 du 14 juin 1950. Avant la création de cette réserve, les Pygmées y vivaient de la chasse, de la cueillette et du ramassage. Voir KD Mutimanwa ‘La situation des Bambuti-Batwa et le Parc national de Kahuzi-Biega: le cas des peuple Barhwa et Babuluko du PNKB, République démocratique du Congo’ in Forest Peoples Programme Les peuples autochtones et les aires protégées en Afrique-du principe à la pratique. Étude de cas No 2: République démocratique du Congo (2001) 90.

12. Ordonnance-loi 70/316 du 30 novembre 1970, portant création du PNKB.

13. Ordonnance 75-238 du 22 juillet 1975 portant modification des limites du PNKB, qui a multiplié la superficie du Parc de 60 000 ha à 600 000 ha.

14. EM Mudinga et autres ‘Analyse critique du processus de cogestion du parc national de Kahuzi-Biega en République démocratique du Congo’ (2013) 17 Revue électronique en sciences de l’environnement.

15. ‘Le droit au consentement libre, préalable et éclairé (CLIP) protège les peuples autochtones contre la perte de leur mode de vie, culture et identité en tant que peuple en reconnaissant leur droit de donner ou de refuser d’accorder leur consentement relativement aux projets et mesures qui peuvent affecter les terres qu’ils possèdent traditionnellement, occupent ou utilisent. Le CLIP est un processus qui implique des consultations éclairées et non-coercitives, des discussions, négociations et des rencontres et qui permet aux peuples autochtones de parvenir à un consensus et de prendre des décisions selon leurs systèmes coutumiers de prise de décisions’. Foyer de Développement pour l’Autopromotion des Pygmées et Indigènes Défavorisés (FDAPYD - Hope Indigenous peoples) et autres (n 6) para 12.

16. Mutimanwa (n 11) 95.

17. Arrêté ministériel 038/CAB/MIN/ECN-EF/2006 du 11 octobre 2006 portant création d’une réserve naturelle dénommée Réserve naturelle d’Itombwe ‘RNI’.

19. A Corriveau-Bourque et autres Etude de Référence sur la Tenure en République démocratique du Congo. Synthèse Provinciale (2019) 11-12.

20. Foyer de Développement pour l’Autopromotion des Pygmées et Indigènes Défavorisés (FDAPYD-Hope Indigenous peoples) et autres (n 6) para 11. Dans la même province du Nord-Kivu, le Ministre de l’Environnement, Conservation de la Nature, Eaux et Forêts a signé en 2006 un arrêté instituant la Réserve des Primates de Kisimba-Ikobo (RPKI) à Pinga, sans consultation des communautés et explication à elles données sur les impacts potentiels de cette réserve sur les moyens d’existence des communautés affectées. Voir Actions pour les Droits, l’Environnement et la Vie (ADEV) et autres (n 8) 7-8.

21. Actions pour les Droits, l’Environnement et la Vie (ADEV) et autres (n 8) 8.

22. Foyer de Développement pour l’Autopromotion des Pygmées et Indigènes Défavorisés (FDAPYD-Hope Indigenous peoples) et autres (n 6) para 13.

23. Actions pour les Droits, l’Environnement et la Vie (ADEV) et autres (n 8) 19.

25. La Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (DGPA) et autres (n 9); Foyer de Développement pour l’Autopromotion des Pygmées et Indigènes Défavorisés (FDAPYD-Hope Indigenous peoples) et autres (n 6); Mutimanwa (n 11); de Failly & Bantu (n 18); Mudinga et autres (n 14); Barume (n 5).

26. La Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (DGPA) et autres (n 9) 10.

27. Foyer de Développement pour l’Autopromotion des Pygmées et Indigènes Défavorisés (FDAPYD-Hope Indigenous peoples) et autres (n 6) para 7.

28. Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) CIJ (19 décembre 2005) (2005) Recueil 251 para 244.

33. Rapport du Groupe de Travail de la Commission africaine 10-11.

34. Centre for Minority Rights Development & Others c. Kenya (2009) AHRLR 75 (ACHPR 2009) (Affaire Endorois).

35. J Gilbert ‘Indigenous peoples’ human rights in Africa: the pragmatic revolution of the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ (2011) 60(1) International and Comparative Law Quarterly 248.

37. Affaire Endorois para 184, 187, 256-268.

38. Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Another c. Nigeria (2001) AHRLR 60 (ACHPR 2001) para 267. Comme le souligne Shelton, le droit de disposer des ressources naturelles a été, dans cette affaire, appliqué à un groupe identifiable à l’intérieur d’un Etat africain, à savoir le peuple Ogoni du Nigeria. Voir Shelton (n 1) 64. Cependant, a remarqué Onyango, la Commission a procédé de la sorte sans dire à quelle catégorie de peuple il faut rattacher les Ogoni (minorités ou peuple autochtone). Voir J Oloka-Onyango ‘Reinforcing marginalized rights in an age of globalization: international mechanisms, non-state actors, and the struggle for peoples’ rights in Africa’ (2003) 18 American University International Law Review 891. Dans le cas des Endorois, le cap est franchi: la Commission africaine reconnaît qu’ils sont non seulement un peuple bénéficiant de la protection offerte par les droits collectifs prévus par la Charte africaine, mais surtout qu’ils constituent un peuple autochtone. Voir affaire Endorois para 162.

39. Affaire Endorois para 268. De manière implicite, la Commission africaine affirme ici que les Endorois ont été victimes de spoliation de la part de l’Etat.

40. Ibid. para 264, 266-268. Gilbert note que pour la Commission africaine les croyances des Endorois constituent une religion et que, en considérant l’accès à leurs terres comme faisant partie de la liberté de ce peuple de pratiquer sa religion (liberté protégée par la Charte africaine), la Commission africaine a fourni un apport important aux droits des peuples autochtones en liant l’accès à la terre et la liberté de religion. Gilbert (n 35) 256.

41. L’affaire Endorois para 290. A ce propos, Gilbert note le rôle innovateur de la Commission africaine, en montrant que celle-ci a parlé du droit au consentement libre, préalable et en connaissance de cause des Endorois alors qu’un tel droit ne figure pas dans la Charte africaine. Voir Gilbert (n 33) 266. En comparant la protection offerte par la Commission africaine à celle de la Cour et de la Commission interaméricaines, Shelton estime que la première est allée plus loin que les secondes car ces dernières ont limité l’obligation d’obtenir le consentement libre, préalable et en connaissance de cause des communautés autochtones aux projets majeurs (à grande échelle) qui peuvent menacer l’existence ou le mode de vie propres des autochtones, tandis que la première envisage cette obligation pour tout projet ayant un impact sur le territoire des peuples autochtones, quelle que soit l’étendue ou la portée géographique dudit projet. Voir Shelton (n 1) 79.

42. Affaire Endorois para 266.

43. Affaire Endorois para 298.

46. Affaire Ogiek para 112.

47. Affaire Ogiek para 210-211.

48. Affaire Ogiek para 201.

49. PL Mirindi ‘Le droit des communautés locales: entre le caractère vital et la valeur économique de terres ancestrales note sous Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, requête n°006/2012, arrêt du 26 mai 2017, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. République du Kenya’ (2018) Cahiers du CERDHO 8.

50. Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée par la loi No 11/002 du 22 janvier 2011, article 9.

51. Loi 73-021 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés du 20 juillet 1973 telle que modifiée et complétée par la loi 80-008 du 18 juillet 1980 article 53. Ci-après: Loi foncière.

52. Code forestier, article 7; loi 14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature, article 3; loi 11/009 du 09 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement, article 3.

53. Loi 18/001 du 9 mars 2018 modifiant et complétant la loi 007-2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, article 3.

54. Loi 15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures, article 3.

55. B Kahombo ‘La protection des minorités ethniques en République démocratique du Congo. Entre rupture et continuité des ordres constitutionnels antérieurs’ (2010) 2 Konrad Adenauer Stiftung. Librairie africaine d’études juridiques 1; JPS Bigira ‘Le droit des minorités dans la vacuité de sa positivité. L’articulation congolaise à la fluctuation internationale’ in ON Rurihose (dir) Mélanges Célestin Nguya-Ndila Malengana. La République démocratique du Congo: les défis récurrents de décolonisation, de l’Etat de droit et du développement économique et social (2012) 309.

57. Pour une analyse sur ces nuances dans les conventions No 107 et No 169 de l’Organisation internationale du travail et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, voir PL Mirindi ‘Les droits des populations sur les ressources minières en République démocratique du Congo: une analyse à la lumière du droit international’, Thèse de doctorat, Vrije Universiteit Brussel, 2016 102-113 et 129-140.

59. La mise en œuvre des mécanismes de promotion et de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales est une matière entrant dans la compétence concurrente du pouvoir central et des provinces. Voir Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour à son article 203(1).

60. La Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (DGPA) et autres (n 9) 10 para 29-30.

61. Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (n 9) 10 para 29-30.

62. Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (n 9) 10 para 29-30

63. SM Matabaro ‘Les garanties du droit de propriété en République démocratique du Congo: droits et pratiques’ in SM Matabaro et autres (dir) Les droits de l’homme dans la région des grands lacs. Réalités et illusions (2003) 372.

64. IU Ona ‘Les transactions foncières paysannes: cas de la chefferie de Kabare’ Discussion Paper (2005) 4-5.

65. Un recours devant le Conseil d’Etat pour annulation des actes ayant créé les réserves naturelles au motif de la violation des lois applicables en la matière court le risque d’être déclaré irrecevable en raison du temps écoulé depuis l’acte en question; ou encore d’être confronté à une difficulté d’ordre juridique consistant à apprécier la validité d’un acte passé à l’aune d’une loi postérieure. Quoi qu’il en soit, les chances de succès resteront limitées tant que la législation ne prévoit pas l’exigence de l’obtention du consentement libre, préalable et informé des Pygmées avant la création d’une réserve naturelle sur leurs terres, ainsi que l’obligation de leur restituer les forêts dont ils ont été illégalement expulsés.

66. Tribunal de grande instance d’Uvira siège secondaire de Kavumu JPKM et consorts c. La RDC représentée par le Gouverneur de province du Sud-Kivu et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) RC4058 (jugement du 28 février 2011) (Affaire RC4058); Cour d’appel de Bukavu JPKM et consorts c. La RDC représentée par le Gouverneur de province du Sud-Kivu et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) RCA4570 (arrêt du 11 décembre 2012) (Affaire RCA4570).

67. En vertu des articles 94, 95, 110, 112 et 116 de la loi organique No 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire en RDC, les Tribunaux de grande instance connaissent, en matière civile, des contestations qui ne sont pas de la compétence des Tribunaux de paix. Ces derniers connaissent des contesta-tions portant sur le droit de la famille, les successions, les libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume, ainsi que des contestations susceptibles d’évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas deux millions cinq cent mille francs congolais. Au-dessus des Tribunaux de grande instance, se trouvent les Cours d’appel - qui connaissent de l’appel des décisions rendues au premier degré par les Tribunaux de grande instance - et, plus haut dans la hiérarchie, la Cour de cassation qui connaît de pourvois en cassation pour violation des traités internationaux dûment ratifiés par la RDC, des  lois et de la coutume lorsque ces pourvois sont formés contre les arrêts des Cours d’appel et les jugements rendus en dernier  ressort  par les juridictions de l’ordre judiciaire en matières civile, commerciale, sociale et pénale. La Cour de cassation connaît également de l’appel des arrêts rendus au premier degré par les Cours d’appel.

68. Affaire RC4058, 13.

69. Affaire RCA4570, 3, 5.

70. Tribunal militaire de garnison de Bukavu Ministère public et Parties civiles Munganga Nakulire et Mawazo Muna c. Prévenu Bahati Pilipili Nelly RP1213/017 (jugement du 24 juillet 2018) (Affaire RP1213/017).

71. Les Tribunaux Militaires de Garnison connaissent des infractions punissables de la peine de mort et de celles punissables d’une peine supérieure à 1 an, commises par les militaires, policiers et assimilés (article 1er de la loi No 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire).

72. Affaire RCA1213/017, 10, 25-29. En droit congolais, les coups et blessures sont aggravés soit lorsqu’ils entraînent une maladie, une incapacité de travail personnel, une perte de l’usage absolu d’un organe ou une mutilation grave; soit lorsqu’ils ont été donnés avec préméditation; soit lorsqu’ils ont causé la mort sans l’intention de la donner; soit enfin lorsqu’ils sont portés sur l’auteur d’un accident de circulation. Voir BCM Nyangezi Les infractions de A à Z (2011) 220-221.

73. Affaire RCA1213/017, 21.

74. Affaire RCA1213/017, 6.

75. PL Mirindi ‘Vers une reconnaissance des droits collectifs aux peuples autochtones et Pygmées en République démocratique en Congo, note sous Tribunal militaire de garnison, R.P. 1213/017 jugement du 24 juillet 2018, Auditeur militaire de garnison et Parties civiles c. Bahati PILIPILI Nelly’ (2019) Cahiers du CERDHO 8-9.

76. Commentant le recours par les juridictions militaires congolaises à la jurisprudence internationale dans les procès relatifs aux crimes internationaux, Mpiana estime que ce recours n’est pas effectué en vertu du principe de la primauté du droit international sur le droit interne (prévu par l’article 215 de la Constitution, car ce principe est circonscrit dans les rapports entre le droit conventionnel et le droit interne infra-constitutionnel), mais plutôt ‘participe de l’argument d’autorité en appui aux motivations du juge’. Voir JK Mpiana ‘La position du droit international dans l’ordre juridique congolais et l’application de ses normes’, Thèse de doctorat, Université La Sapienza de Rome, 2012, 386-387.

78. Info Congo ‘RDC: les Pygmées se lèvent pour défendre leurs droits aux forêts’ https://infocongo.org/fr/rdc-les-pygmees-se-levent-pour-defendre-leurs-droits-aux-forets/#!/map=209&loc=-3.60792394999999,28.59458264851751,12 (consulté le 21 juillet 2020); de Failly et Bantu (n 18) 15.

79. M Gauthier La cartographie 3D: un outil de planification et de gestion pour la Réserve d’Itombwe - Livre vert de modélisation participative en trois dimensions (2016); Lang (n 30).

80. Mudinga et autres (n 14) para 12, 47 à 57. Voir également la lettre no 1553/ICCN/ADG/DG/2007, adressée le 12 décembre 2007 par le Directeur de l’ICCN à la Banque mondiale, pour communiquer la politique relative aux principes de gestion participative de l’ICCN in ICCN Projet d’appui à la Réhabilitation des Parcs Nationaux (PREPAN) (2014) annexe 6.

81. Shalukoma (n 10) 438.

82. Mudinga et autres (n 14) para 2.

83. ICCN (n 80) annexe 10.

84. Mudinga et autres (n 14) para 12, 47 à 57.

85. La perception erronée des droits des Pygmées peut se remarquer dans la citation ci-après empruntée à Shalukoma: ‘Les interventions non appropriées d’ONG présentes sur le terrain compliquent parfois considérablement le travail entrepris avec les Pygmées au PNKB. Certaines d’entre elles, ne comprenant pas la vision de Conservation-Développement du PNKB, poussent en effet les Pygmées à revendiquer leur retour en forêt’. Voir Shalukoma (n 10) 442.

86. Mudinga et autres (n 14) para 14-25.

87. En effet, l’interdiction de l’exploitation des réserves naturelles intégrales et des parcs nationaux est totale dans la loi No 011/2002 du 29 août 2002 portant code forestier, article 38. Dans ce sens, voir G Sakata ‘Le droit forestier en République Démocratique du Congo’ (2008) 72 Etudes juridiques en ligne 13.

88. V Pouillard ‘Conservation et captures animales au Congo belge (1908-1960). Vers une histoire de la matérialité des politiques de gestion de la faune’ (2016) 679 Revue historique 579-583.