Olivier Baraka Bahoze
Licencié en Droit, Candidat au DES en droit international public et relations internationales et Chercheur au Centre d’etudes en règlement des différends internationaux en Afrique [CERDIA] (Université de Kinshasa 2020
Assistant à la faculté de droit et Coordonnateur du Club-DIH (Université de Goma 2016), Diplômé du Programme de formation en droit international des Nations Unies (Addis-Abeba 2019), Assistant parlementaire à l’Assemblée nationale de la RDC (2020-2023)
https://orcid.org/0000-0002-2980-1296
Edition: AHRY Volume 4
Pages: 60 - 82
Citation: OB Bahoze ‘Le système africain des droits de l’homme face à l’état d’urgence sanitaire due à la Covid-19’ (2020) 4 African Human Rights Yearbook 60-62
http://doi.org/10.29053/2523-1367/2019/v3a11
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RÉSUMÉ:
Cet article analyse le caractère non-dérogeable des droits prévus par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dans le contexte d’urgence sanitaire due à la pandémie de Covid-19. Il part du constat selon lequel le système africain des droits de l’homme consacre un standard élevé de protection des droits de l’homme comparativement aux autres standards régionaux et international du fait de l’impossibilité de déroger aux droits garantis quelle que soit la circonstance exceptionnelle. Cependant, maintenir un tel standard s’est avéré incompatible avec la nécessité d’endiguer la Covid-19. D’abord, la déclaration dans plusieurs Etats africains de l’état d’urgence sanitaire, dérogatoire aux droits de l’homme, viole la Charte africaine. Il en découle dès lors que de nombreuses mesures adoptées à cet égard annihilent certains droits garantis par la Charte tout en renforçant certains autres. Enfin, la justiciabilité de ces mesures devant les organes de mise en œuvre de la Charte reste hypothétique au regard de rapports complexes entre ces organes et les Etats. Pour renforcer à l’avenir l’efficacité du système africain de protection des droits de l’homme en cas d’urgence sanitaire, cette étude plaide en faveur de l’adoption d’une convention régionale applicable aux situations d’urgence pour un maximum de sécurité juridique face aux décisions étatiques susceptibles de rendre dérisoires les droits protégés par la Charte.
TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:
The African human rights system and Covid-19 induced states of emergency
Abstract: This article examines the non-derogable nature of the rights guaranteed in the African Charter on Human and Peoples’ Rights in the context of health emergency situations induced by the Covid-19 pandemic. It is premised on the understanding that the African human rights system provides a high standard for the protection of
human rights as compared to other regional and international standards due to the impossibility of derogating from the rights guaranteed irrespective of the circumstances. However, maintaining such a standard has proved incompatible with the need to contain Covid-19. First, the fact that several African states declared a state of health emergency, which included derogation from human rights, violates the African Charter. As a result, several measures taken on this occasion annihilate some rights while strengthening others. Finally, the justiciability of these measures before the bodies which oversee the implementation of the Charter remains hypothetical in view of the complex relations between these bodies and states. To strengthen the effectiveness of the African human rights system in future situations of health emergency, this article advocates for the adoption of a regional treaty applicable to emergency situations for the highest level of legal certainty in the face of government decisions likely to make the rights in the Charter illusory.
MOTS CLÉS: urgence sanitaire et protection des droits de l’homme, dérogation des droits de l’homme dans une situation d’urgence sanitaire, système africain des droits de l’homme face à la Covid-19, droits dérogeables et droits non dérogeables
SOMMAIRE:
2 Une réglementation incertaine de l’urgence sanitaire par la Charte africaine
2.1 La méconnaissance apparente de l’état d’urgence sanitaire
2.2 La portée de la dérogation aux droits de l’homme face à l’urgence sanitaire en Afrique
2.3 Les clauses de limitation ou de restriction au secours du défaut de la clause générale de dérogation?
3 L’impasse pratique de l’indérogeabilité et la justiciabilité des mesures sanitaire
3.1 L’impasse pratique du mythe d’indérogeabilité
3.2 Les organes de mise en œuvre de la Charte africaine face aux mesures sanitaires: entre audace et rendez-vous manqué?
1 INTRODUCTION
Analyser l’impact d’une pandémie internationale sur l’effectivité d’un système régional de protection des droits de l’homme peut sembler fort hasardeux à une triple dimension. D’abord, au regard du développement contemporain des droits de l’homme, sous l’impulsion onusienne, c’est la première fois que le monde fait face à une crise sanitaire de l’ampleur du coronavirus (Covid-19). Ce qui fait que le caractère inédit de cette crise défie tout précédent, anachronique soit-il. Ensuite, d’un point de vue stratégique, réfléchir sur une crise qui n’est pas encore finie ne permet d’aboutir qu’à des résultats provisoires susceptibles d’être balayés à tout moment. Enfin, au niveau de la méthodologie, s’aventurer sur un terrain qui suscite une curiosité aussi poussée vers la pluridisciplinarité peut conduire à une impasse, au pire, vers une sorte de Babel scientifique au sein duquel tout le monde parle et personne ne comprend.
C’est en considération de ce qui précède, que nous avons pris l’initiative - certes risquée mais passionnante au regard de l’actualité internationale - de cerner l’urgence sanitaire due à la Covid-19 à l’aune du système africain de protection des droits de l’homme. Tout part de l’avènement de Covid-19 qui, toutes proportions gardées, a mis le monde en hibernation. Avec sa chronologie1 qui fait rimer surprise générale et impréparation collective, la Covid-19 est parreé, dans un temps record, d’une épidémie interne vers une urgence de santé publique de portée internationale2 avant de se muer en pandémie internationale.3 Sa chaine de contamination a fait redouter une catastrophe sanitaire de l’ampleur de la peste noire,4 du choléra5 ou de la grippe espagnole6 de funestes mémoires.
Sur plusieurs points, la gestion de la crise sanitaire due à la Covid-19 s’est située à l’intersection du droit et de la santé. Ce qui fait qu’à côté des préoccupations sanitaires, celles relatives aux droits de l’homme deviennent de plus en plus sujettes à dialectique. Dans une certaine mesure, cette pandémie, tout comme l’urgence sanitaire qu’elle entraina, ont lourdement affecté le système africain de protection des droits de l’homme. Entant qu’un ensemble normatif et institutionnel cohérent, ce système a souffert dans son effectivité. En effet, ce constat est le dénominateur commun de tous les systèmes régionaux et international en cette période de crise sanitaire. Au demeurant, la survenance de cette pandémie a mis en quarantaine plusieurs conventions de protection des droits de l’homme.7 La paralysie des organes de mise en œuvre issus des plusieurs système en était donc une conséquence logique8 au point qu’il ne paraît plus excessif de conclure que la Covid-19 a «confiné la communauté internationale».9
A cet effet, pour contenir cette pandémie plusieurs États, y compris ceux d’Afrique, ont imposé une série de mesures coercitives. Monotones, ces mesures partent de la fermeture des lieux publics (écoles, églises, marchés) à l’interdiction de voyager (fermeture des frontières, gars, ports, aéroports), voire, le confinement de la population. Liberticides, ces mesures étaient appliquées à fond d’un recours excessif à la force doublé d’arrestations illégales et de détentions arbitraires, voire, de restrictions de l’espace civique. Ressorties d’une dimension répressive indéniable, leur mise en œuvre fait craindre une sournoise pénalisation des droits humains. Dès lors, partant d’un échantillon exigu, on peut remarquer que la quasi-totalité des États africains ont recouru aux mêmes méthodes. A l’image de la République démocratique du Congo (RDC),10 les États issus de toutes les Communautés économiques régionales africaines (CER)11 ont suspendu l’effectivité des droits de la Charte sous prétexte d’enrayer la Covid-19.
Ces mesures exaltèrent ainsi un désir mimétique mettant à nue une irréfutable impréparation collective. A l’exception du Burundi et du Bénin qui, sans décréter un état d’urgence sanitaire, ont arrêté des mesures aussi rigoureuses que coercitives, d’autres Etats comme le Cameroun,12 le Kenya, l’Ethiopie, l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria et la Tunisie,13 pour ne citer que ceux-là, ont recouru aux mesures identiques.
Certes, bon nombre de ces mesures ont été suggérées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Néanmoins, il est possible de remarquer que ces mesures étaient pour la plupart copiées de l’Europe. D’ailleurs, certaines critiques ont vu en leur application en Afrique un mécanisme de transfert par le Nord (Europe) de son risque de surmortalité due au coronavirus vers le sud (Afrique).14 Qu’importe, leur caractère liberticide n’a pas entamé leur forte légitimité sociale de départ. La contestation de ces mesures par ses destinataires n’a commencé qu’avec les débats autour de l’impact nocif qu’elles ont eu sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il en découle que si tout le monde paraissait coronaphobe au début de la pandémie, plusieurs ont basculé vers les coronasceptiques actuellement.
En gros, la mise en œuvre des mesures sanitaires renvoie à une vision dichotomique dans laquelle la symétrie entre respect des droits de l’homme et exercice des prérogatives de puissance publique15 se trouve fort accentuée. Face à cette situation, la question de restriction, limitation et dérogation des droits a mis le système africain devant ses propres insuffisances.
Par définition, la restriction est l’action de restreindre, «de réduire un droit ou une liberté, de diminuer la portée d’une mesure».16 Synonyme de limitation, elle peut renvoyer aussi aux «claw-back clauses» qui sous-entendent la limitation d’un droit par la disposition qui le consacre. La dérogation quant à elle, c’est «l’action d’écarter l’application d’une règle dans un cas particulier».17 C’est une possibilité de suspendre temporairement l’exercice d’un droit prévue par certaines conventions des droits de l’homme en cas de survenance d’une circonstance exceptionnelle rendant difficile leur effectivité.
Partant, si plusieurs droits de la Charte africaine18 sont susceptibles de restriction, aucun d’eux n’est passible de dérogation quelle que soit la circonstance.19 Cette spécificité normative a pour conséquence la consécration en Afrique d’un standard très élevé de protection des droits de l’homme, en comparaison avec d’autres standards régionaux et international. Cependant, ce standard paraît irréaliste surtout quand il faut lutter contre la propagation d’une pandémie de la véhémence du coronavirus. Au sein du système africain, par exemple, la seule consécration d’un tel standard n’a pu empêcher les violations des droits de l’homme durant cette période de l’urgence sanitaire. Plusieurs États ont dérogé aux droits de la Charte africaine pour faire face à l’urgence sanitaire sans déférence à ce standard. Ce qui fit que la gestion de la crise sanitaire eût un impact pervers sur l’effectivité des droits de la Charte.
Dès lors, la disjonction entre impossibilité de déroger aux droits de l’homme et la nécessité de répondre efficacement à l’urgence sanitaire en Afrique soulève quelques interrogations: Si aucune circonstance exceptionnelle n’est éligible pour fonder la dérogation des droits issus de la Charte africaine par un État, qu’en est-il alors d’une urgence sanitaire? Comment peut-on appréhender les mesures prises par les Etats africains pour endiguer la Covid-19 au regard du système africain de protection des droits de l’homme? Quel impact aura l’actualité sanitaire sur le caractère indérogeable des droits de la Charte? Quelle influence peut avoir la Covid-19 sur l’appréciation de la violation des droits garantis par la Charte?
Pour y répondre, nous allons confronter les mesures sanitaires susmentionnées aux prescrits de la Charte. Par l’approche comparative sera cerné le bien-fondé d’une clause de dérogation dans un instrument de protection des droits de l’homme. Une lecture évolutive s’imposera pour circonscrire la présente dans l’actualité sanitaire. Autrement dit, il sera question de faire une appréciation conjoncturelle de l’urgence sanitaire (2) dans l’optique de saisir les effets des mesures sur la Charte africaine, avant d’examiner les possibilités de leur justiciabilité devant les instances régionales de protection des droits de l’homme (3).
2 UNE RÉGLEMENTATION INCERTAINE DE L’URGENCE SANITAIRE PAR LA CHARTE AFRICAINE
La justification des mesures liberticides par l’existence d’une situation d’urgence sanitaire soulève quelques controverses. D’abord la notion d’urgence sanitaire semble être méconnue de la Charte africaine (2.1); ensuite, son impact sur les droits non dérogeables de la Charte est difficilement appréhendable (2.2). Enfin, il faut s’interroger si, dans une situation d’urgence, les restrictions aux droits peuvent constituer une clause dérogatoire de substitution (2.3).
2.1 La méconnaissance apparente du concept «urgence sanitaire»
Le concept «urgence sanitaire» est sans conteste parmi les plus utilisés au cours de cette année. S’il semble facile à définir, l’analyser à l’aune d’un système de protection des droits de l’homme lui attribue des contours volatiles. Par définition, qui dit urgence voit le «caractère d’un état de fait susceptible d’entraîner, s’il n’y est porté remède à bref délai, un préjudice irréparable, sans cependant qu’il y ait nécessairement péril imminent [...]».20 Le concept péril traduit un «danger imminent et grave; situation à hauts risques qui menace une personne (dans sa sécurité, sa santé, etc.), un bien, des intérêts, la société, l’État et crée un état d’urgence».21 L’état d’urgence se dit donc d’une
situation dans laquelle les pouvoirs de police administrative se trouvent renforcés et élargis pour faire face soit à un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit à des événements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique; situation pouvant ou non résulter de circonstances exceptionnelles et dont l’existence justifie que l’administration, sous réserve de l’appréciation du juge, passe outre certains délais ou exigences de forme ou de procédure.22
Dans bon nombre d’Etats, l’état d’urgence est régi par des dispositions constitutionnelles. En Afrique, sont encore rares les Etats qui disposent des législations spéciales en la matière.23 A l’inverse, au niveau régional, aucun instrument des droits de l’homme traite directement la question d’urgence, encore moins, celle de l’urgence sanitaire.
Le concept «urgence» proche de celui qui est utilisé dans la présente apparait lapidairement à l’article 9 de l’Acte constitutif de l’Union africaine relatif aux pouvoirs et attributions de la Conférence. Cette disposition liste - à son point 1(g) - parmi ses pouvoirs et attributions celui de «[d]onner des directives au Conseil exécutif sur la gestion des conflits, des situations de guerre et autres situations d’urgence ainsi que sur la restauration de la paix». Peut-on en déduire que l’urgence sanitaire figure parmi les «autres situations d’urgence» dont référence est faite à l’article 9(1)(g) de l’Acte constitutif? Cette possibilité serait difficilement écartée au regard du caractère - certes imprécis mais englobant - de cette formule. Pour le moins, cette disposition semble réfuter toute tendance à nier l’existence d’un droit africain de l’urgence. Aussi lapidaire soit-il, ce droit suffit pour rendre existant la notion d’«urgence sanitaire» dans le système africain, absente de la Charte fut-elle.
En dehors du système africain, le droit dérivé de l’OMS nous paraît plus avancé sur la question de d’urgence sanitaire. D’abord, l’article 2(d) de la Constitution de l’OMS prévoit parmi ses fonctions celle de «fournir l’assistance technique appropriée et, dans les cas d’urgence, l’aide nécessaire, à la requête des gouvernements ou sur leur acceptation».24 Ensuite, dans son règlement sanitaire international, l’OMS dégage la procédure à suivre par les États face à tout événement survenu sur leur territoire pouvant constituer une urgence de santé publique de portée internationale.25 Pour donner plein effet à ce deuxième aspect, il a été conclu un accord entre la Commission de l’Union africaine et l’OMS26 ayant pour domaines de coopération
[...] toutes les questions relatives à la santé et aux domaines connexes, qui sont du ressort des parties, y compris, en tant que de besoin: d) la mobilisation, la gestion et la coordination, le cas échéant, de ressources appropriées pour les interventions sanitaires en collaboration avec des acteurs reconnus dans ce domaine et la coopération dans les situations d’urgence telles que celles résultant de troubles civils, de guerres et de catastrophes naturelle.27
Parmi les priorités de cette coopération le point cinq mentionne «le renforcement de la surveillance des maladies transmissibles et des réseaux de suivi de la santé, ainsi que l’établissement de stratégies de préparation aux situations d’urgence et de riposte aux épidémies [...]».28
Partant de ce qui précède, la méconnaissance de l’urgence sanitaire par le système africain ne semble qu’apparent. Son existence paraît aussi renforcée par les dispositions qui gouvernent le droit sanitaire international que Salmon divise en normes internationales spécifiques aux situations d’urgence de santé publique de portée internationale issues du droit de l’OMS accompagnées de règles de droit international des droits de l’homme et des peuples.29 En plus, au niveau international, certaines questions de santé publique présentant un caractère d’urgence ont conduit à une évaluation différente quand elles sont en relation avec le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Ces questions ont conduit à l’émergence d’une culture collective de l’urgence au niveau mondial.30
Au finish, peu importe le contexte, l’urgence sanitaire demeure une situation qui s’accommode rarement avec l’effectivité de certains droits et implique par ricochet une idée de dérogation.
2.2 La portée de dérogation aux droits de l’homme face à l’urgence sanitaire en Afrique
Les mesures adoptées par les États africains, pour faire face à la Covid-19, ont dérogé à plusieurs droits. Ce qui met les Etats en contradiction avec leurs obligations relatives à la Charte qui, contrairement aux autres instruments de protection des droits de l’homme, ne contient aucune clause de dérogation.31 En effet, pareille clause existe déjà dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) à son article 4.32 La même clause est reprise par les articles 27, 15 et 4 respectivement de la Convention américaine des droits de l’homme,33 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales34 et de la Charte arabe des droits de l’homme.35
Sur le plan formel, les dispositions qui consacrent la clause dérogatoire contiennent trois points: le premier comporte le principe (la clause de dérogation), le deuxième en prévoit l’exception (les droits non dérogeables), issus généralement du noyau dur des droits de l’homme, que Mbaye qualifiait à son temps d’«une sorte de système de SMIC36 des droits de l’homme».37 Le troisième donne les modalités procédurales qui naissent de la décision de déroger, à s’avoir l’obligation de communiquer au dépositaire cette décision, les dispositions concernées par la dérogation, le délai de dérogation et les raisons pour lesquelles l’Etat y a recourue. De surcroît, dans les systèmes européen et interaméricain, la dérogation se présente comme une paralysie complète et suspensive, quoique temporaire, de la jouissance et de l’exercice d’un droit.38
Outre la clause de dérogation, la dichotomie «droits dérogeables et non dérogeables» est aussi étrangère à la Charte africaine. Sur ce point, les commentaires de la doctrine sont fort contrastés. Somme toute, ils relativisent à l’unanimité le défaut de cette clause dans la Charte africaine.
Ainsi, après avoir interprété juridiquement le silence de la Charte comme reflétant la non-indispensabilité de cette clause, voire, la volonté de ne pas assouplir la Charte d’avantage, ou, le vœu des rédacteurs de s’en remettre au droit international général quant à ce, Ouguergouz estime que «[l]a liberté de manœuvre des États parties à la Charte africaine n’a ainsi d’autres limites que celles qui sont mentionnées dans les clauses particulières de restriction des droits». 39 A sa suite, Ergec va plus loin en postulant la thèse selon laquelle l’omission d’une clause dérogatoire dans la Charte africaine n’exclut pas le droit de dérogation. Pour lui, ce droit gît en puissance dans les ‘claw-back clauses’.40 Une telle position est cependant difficilement convaincante car elle confond notoirement les ‘claw-back clauses’ à la clause de dérogation. Eba Nguema, quant à elle croit que l’absence d’une clause de dérogation dans la Charte africaine est un moyen d’affirmer le respect des droits de l’homme en temps de paix comme de crise pour responsabiliser les États des violations commises en période de crise.41 Ce qui se justifie dans un continent où l’existence de telles clauses exposerait aux multiples abus suite à la permanence de la crise au sein de plusieurs États.
Pour ce qui est de l’absence d’une disposition générale prévoyant les circonstances exceptionnelles en vertu desquelles une dérogation peut être décidée, Mbaye pointe le caractère changeant de ces circonstances tout en ne voyant nulle nécessité de les prévoir dans une formule générale qui reprend des idées sur lesquelles il y a désormais accord. Pour lui:42
Au moment de la rédaction de la Charte, la doctrine et la jurisprudence relatives aux droits de l’homme étaient bien établies pour dire qu’il s’agit de la guerre, des catastrophes naturelles, mais aussi pour ce qui concerne les pays en développement, de la situation économique et sociale [...].
Quant à l’absence d’une disposition relative aux droits indérogeables, une certaine doctrine - défendue entre autres par le juge Mbaye43 et le Commissaire Umozurike - postule qu’il n’était pas nécessaire de les préciser car les droits indérogeables sont déclarés en des termes absolus (articles 2 à 7), ce qui n’est pas le cas de droits susceptibles de dérogation.44 Mohamed El Kouhene s’inscrit aussi dans cette logique.45 Une autre doctrine, minoritaire, il nous semble, voit dans la proclamation des devoirs une limitation des droits et libertés que la Charte africaine garantit à l’individu.46
Par ailleurs, malgré l’abondance des querelles doctrinales à ce sujet, les décisions des organes chargés de la mise en œuvre de la Charte africaine sont restées constantes. La Commission africaine a gardé sa cohérence initiale à ce sujet. A des reprises réitérées, elle a opiné que les droits de la Charte africaine n’admettent aucune dérogation.47 Dans l’affaire Commission nationale de droits de l’homme et des libertés contre Tchad, elle conclut que «même une situation de guerre civile au Tchad ne [pourrait] être invoquée pour justifier la violation par l’État ou son autorisation de violation de la Charte africaine».48 Dans un rapport qui traite de la liberté d’expression et de la détention arbitraire, la Commission n’a pas suivi l’Érythrée dans son argumentaire selon lequel «les actes allégués s’étaient déroulés «sur fond de guerre au moment où l’existence même de la nation était menacée», et que, par conséquent, le gouvernement était «obligé de prendre les mesures de précautions nécessaires (dont la suspension de certains droits)».49 De l’avis de la Commission «l’état de guerre, qu’elle soit internationale ou civile, ou autre situation d’urgence au sein du territoire d’un Etat partie, ne peut pas justifier la violation de n’importe quel droit garanti par la Charte».50
Devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples - sans concerner uniquement les situations des conflits armés - cette position fut confortée. Comme l’indiquent les affaires Association pour le progrès et la défense des droits des femmes maliennes et Institute for Human Rights and Development in Africa c. Mali,51 d’une part, et Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Libye,52 d’autre part. Dans cette dernière, la Cour a semblé suivre la voie de ceux qui estiment que la Charte africaine pose de manière implicite les droits non dérogeables à travers l’affirmation de certains droits dans des termes absolus. En effet, la Cour constatait à titre préliminaire
que s’il est admis en droit international que dans des circonstances exceptionnelles, les États parties à un instrument des droits de l’homme tel que le PIDCP disposent du droit de dérogation. [sic] Il n’en demeure pas moins que ce droit comporte des limites dans la mesure où il existe des droits non dérogeables quelle que soit la situation qui prévaut.53
La Cour a par ailleurs établi un lien entre les droits non dérogeables posés dans le PIDCP et certains droits de la Charte en citant parmi les droits non dérogeables quelle que soit la situation qui prévaut: «des droits consacrés par les articles 6 et 7 du PIDCP à savoir le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, droits consacrés pour la plupart par les articles 6 et 7 de la Charte» avant de déduire que «malgré la situation politique et sécuritaire exceptionnelle qui prévaut en Libye depuis 2011, l’État libyen est internationalement responsable du respect et de la garantie des droits de l’homme énoncés par les articles 6 et 7 de la Charte».54 De cette dernière position, d’aucuns comprendront que certains droits de la Charte ne tirent pas leur indérogeabilité d’une clause prévue par la Charte mais des instruments internationaux - qui les ont posés comme tel - ratifiés par les Etats parties à la Charte. Cette position se fonde aussi bien sur l’article 60 de la Charte que sur la jurisprudence précitée.
Deux constats se dégagent à ce niveau. D’abord, aucune instance du système africain de protection des droits de l’homme ne s’est déjà prononcée sur la possibilité de déroger aux droits de la Charte dans une situation d’urgence sanitaire. Ensuite, aucune disposition de la Charte ne prévoit expressément la clause de dérogation, tout comme, aucune disposition de cet instrument ne dispose non plus, de manière spécifique, qu’aucun droit de la Charte ne peut faire l’objet de dérogation. En conséquence, il serait prématuré, au regard de l’actualité sanitaire, de conclure hâtivement que les débats autour de la question de dérogation sont clos définitivement. L’évidence selon laquelle la Charte ne permet aucune dérogation aux droits qu’elle prévoit - y compris en cas d’urgence sanitaire - est donc à relativiser.
2.3 Les clauses de limitation ou de restriction au secours du défaut d’une clause générale de dérogation?
Les restrictions prévues par la Charte peuvent-elles être alternatives à une clause de dérogation? Pour répondre à cette question, nous tenterons d’établir un lien de causalité entre les mesures sanitaires sus évoquées et les dispositions de la Charte susceptibles d’être violées (voir le tableau ci-dessous). Ceci permettra aussi de constater si de telles mesures s’accommoderaient avec les ‘claw-back clauses’ contenues dans certaines dispositions.
De ce tableau, on peut constater qu’au regard de la Charte africaine, la plupart des mesures prises pour endiguer la propagation de la Covid-19 ont affecté en aval des droits limités en amont.
Il convient de rappeler qu’en dehors des ‘claw-back clauses’ que peuvent contenir certaines dispositions, plusieurs instruments de protection des droits de l’homme prévoient une clause générale de restriction. Au niveau international, les articles 29(2) et 4 respectivement de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux culturels (PIDESC 1966)55 disposent d’une telle clause. Au niveau régional, la Convention américaine des droits de l’homme, l’inscrit à son article 32(2)56 et la Charte africaine l’énonce à son article 27(2) en ces termes: «Les droits et les libertés de chaque personne s’exercent dans le respect du droit d’autrui, de la sécurité collective, de la morale et de l’intérêt commun».
Bien qu’il a été possible de conclure que la plupart des droits ciblés par les mesures de restriction s’autolimitent par l’effet de ‘claw-back clauses’ (voir le tableau ci-haut), il n’en est pas ainsi pour soutenir que les mesures décidées par certains États africains s’inscrivent dans les restrictions aux droits fondées sur l’article 27(2) de la Charte. En effet, cette disposition se conçoit plus dans la forme d’une autolimitation des droits en général dans l’optique d’en prévenir des éventuels abus de jouissance ou d’exercice. L’existence de cette disposition martèle donc l’évidence selon laquelle aucun droit garanti par la Charte n’est absolu.57 A cet effet, la Commission africaine a d’ailleurs rappelé que
les restrictions s’inspirent du principe bien établi selon lequel les droits de l’homme et des peuples sont soumis à la règle générale selon laquelle nul n’a le droit de s’engager dans une activité quelconque ou d’entreprendre une action visant à anéantir tous les droits et libertés reconnus ailleurs. Les raisons de restrictions éventuelles doivent être l’intérêt légitime de l’Etat et les conséquences néfastes de la restriction des droits doivent être strictement proportionnelles et absolument nécessaires pour les avantages à obtenir.58
Dans l’affaire Constitutional Rights Project et autres c. Nigeria, elle a jugé que
[...] les restrictions des droits et des libertés prévus par la Charte ne peuvent être justifiées par les situations d’urgence ou les circonstances particulières. Les seules raisons légitimes de limitation des droits et des libertés contenus dans la Charte sont stipulées à l’article 27(2), à savoir que les droits ... s’exercent dans le respect du droit d’autrui, de la sécurité collective, de la morale et de l’intérêt commun.59
Il en découle que l’article 27(2) ne constitue pas une clause de dérogation, et ne saurait jouer son rôle, mais prévoit simplement les raisons légitimes de limitation des droits et libertés prévus par la Charte. Cette disposition ne saurait donc suffire àelle seule pour légitimer la mise en quarantaine de tout un régime de protection régional. Il en découle donc qu’en théorie, l’indérogeabilité des droits de la Charte africaine est consommée. Qu’en est-il de la pratique?
3 L’IMPASSE PRATIQUE DE L’INDEROGEABILITE ET LA JUSTICIABILITÉ DES MESURES SANITAIRES
L’évidence selon laquelle la Charte ne permet aucune dérogation aux droits qu’elle prévoit - y compris en cas d’urgence sanitaire - reste à tempérer. Sa validité empirique contredit son effectivité normative. Surtout quand on sait que, dans le cas d’espèce, le caractère non-dérogeable des droits de la Charte n’a pas empêché les États à déroger aux prescrits de cet instrument.
Ceci sous-entendrait que les droits de la Charte africaine ne sont indérogeables que sur papier (3.1). Une telle situation exposerait la Charte aux violations multiformes. Ce qui soulève la question de justiciabilité des mesures (3.2).
3.1 L’impasse pratique du mythe d’indérogeabilité
Le caractère non dérogeable des droits de la Charte fait aboutir indubitablement à une situation inextricable où aucune des mesures qu’avait nécessité l’endiguement de la Covid-19 ne s’accommoderait à la Charte africaine. La mise en œuvre de ces mesures devrait inévitablement violer la Charte tout comme le respect des droits entraverait l’applicabilité de ces mesures.
Par ailleurs, s’il faut appliquer le droit des traités à la Charte, on constatera que cet instrument est susceptible de dérogation.60 Dans ce cas, le caractère non dérogeable des droits de la Charte n’aura qu’une valeur symbolique, son effectivité étant sujette à difficulté. De mon humble avis, ce deuxième aspect, quoiqu’extrême, paraît réaliste dans le cas sous examen. Deux hypothèses peuvent s’analyser à ce niveau. D’une part, les États liés par la Charte africaine pouvaient déroger aux droits de cet instrument, afin de faire face à la pandémie, en se fondant sur le droit international général.61 D’autre part, les États pouvaient évincer le système régional par un système flexible.
La première hypothèse dissocie l’absence d’une clause de dérogation dans la Charte de l’impossibilité pour les États parties de se dérober de leurs obligations, en vertu de cet instrument, à chaque fois que les situations le rendraient inapplicable. La Charte africaine, comme tout traité, obéit formellement aux principes contenus dans la Convention de Vienne sur le droit des traités dont l’article 61 prévoit le
cas de survenance d’une situation rendant l’exécution impossible.62 De façon analogique, les articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite63 listent parmi les circonstances excluant l’illicéité, la force majeure (article 23), la détresse (article 24), l’état de nécessité (article 25) et le respect d’une norme impérative (article 26). La lecture combinée de ces deux textes permet de constater que la nature conventionnelle de la Charte africaine l’expose aux aléas externes susceptibles de rendre son exécution par les États parties impossible.64
Dans le cas d’espèce, il sera difficile de nier à la survenance de la Covid-19 la qualité d’une force irrésistible ou d’un événement extérieur imprévu qui échappe au contrôle de l’État et fait qu’il est matériellement impossible, étant donné les circonstances, d’exécuter une obligation conventionnelle.65 Autrement dit, la survenance de la Covid-19 est un cas de force majeure qui a contraint les Etats à agir d’une manière qui n’est pas conforme à ce que leur impose diverses obligations internationales en matière des droits de l’homme auxquelles ils ont souscrit.66 Un autre argument proche de celui-ci procède à soutenir que la pandémie de la Covid-19 est un état de nécessité et donc, un cas exceptionnel où le seul moyen qu’avaient les États de sauvegarder la santé, entant qu’intérêt essentiel menacé par ce péril grave et imminent était, momentanément, l’inexécution de leurs obligations internationales en matière de droits de l’homme, dont le poids ou l’urgence semblait moindre.67
Pour ce qui est de la deuxième hypothèse, l’impossibilité d’appliquer la Charte dans une situation exceptionnelle peut amener les Etats à écarter le système régional pour appliquer à sa place un régime issu d’un système flexible. Les systèmes nationaux et international de protection des droits de l’homme sembleraient à cet effet évincer le système africain. En effet, la procédure à suivre en cas d’état d’urgence étant prévue par plusieurs constitutions des États parties à la Charte africaine, le problème de conformité des mesures de prévention à la Charte se poserait sans succès dès lors que ces dernières tirent leur fondement du droit interne des États parties - droit constitutionnel pour la plupart - plutôt que du système régional de protection des droits de l’homme.
Cependant, il faut le souligner, l’approche d’éviction tout comme celle de substitution pose une difficulté à la fois d’ordre théorique et pratique. D’abord, la première approche gère mal le problème des traités des droits de l’homme dont la ratification par un État crée des droits en faveur des tiers (individus) et requiert, à cet effet, une certaine sécurité juridique. Ayant à l’esprit que la Charte crée des droits pour les individus, sa conformité aux prescrits de la Convention de Vienne n’obéirait qu’à une logique méthodologique d’ordre purement formel. Ensuite, la seconde minimiserait l’importance du système régional au regard des systèmes nationaux et internationaux alors que ces derniers prévoient un standard moins élevé de protection.
Dans ce sens, deux problèmes se poseront. D’abord, on se buterait à l’impossibilité de déroger aux droits de la Charte en évoquant le système international, au regard du fait que le standard de protection du système régional, qui objecte toute possibilité de dérogation, établit une norme plus élevée que celle prévue dans le PIDCP. A cet effet, en vertu de l’article 5(2) du PIDCP, les pays africains parties concomitamment à la Charte africaine et au PIDCP sont tenus de se conformer à l’instrument qui établit un standard plus élevé. Ensuite, il sera difficile d’écarter la Charte en se réfugiant derrière le droit interne dans la mesure où une partie à un traité ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité.68
Par ailleurs, les deux approches exposées ci-haut constituent un moyen de résoudre un problème posé par une situation de pluralisme juridique entendu comme «existence simultanée, au sein d’un même ordre juridique, des règles de droit différentes s’appliquant à des situa-tions identiques».69 Laquelle notion «se confine souvent à l’affirmation du caractère pluraliste du droit étatique. Elle s’oppose au postulat dogmatique qui fait présumer l’unicité ou l’uniformité des solutions juridiques prévues et appliquées par l’État pour régir l’activité des justiciables».70 Dans le domaine de protection des droits de l’homme où l’internationalisation a atteint son paroxysme, le pluralisme devient inévitable en ce sens que ce domaine «ne se limitant plus aux relations entre États (droit international), non seulement se combine avec les droits internes (droit transnational), mais encore s’ouvre aux acteurs privés et devient opposable aux États (et en ce sens supranational)».71 Dans le cas d’espèce, le pluralisme normatif fait à ce que la Charte soit concurrencée par d’autres instruments (nationaux ou internationaux). Ici, les questions de conflit des normes se posent, au pire elles exposent au risque du forum shopping, quand leur résolution ne présuppose pas le recours à la marge nationale d’appréciation.
Ainsi, à l’épineuse question de conflit des normes ou des systèmes, l’argument de la norme posterior et specialis s’impose. De ce fait, on peut aisément soutenir qu’à l’égard de la Convention de Vienne sur le droit des traités et du système international de protection des droits de l’homme, la Charte est à la fois postérieure et spéciale. Son application dérogerait donc celle des systèmes concurrentiels susmentionnés.72
Logiquement, le besoin de déroger aux droits dans une situation d’urgence sanitaire doublée de pluralisme juridique exposerait les États aux tentations du forum shopping où chaque État disposerait de la liberté d’opter pour le système le plus susceptible de s’accommoder avec ses agendas internes.73
Pour le moins, ce pluralisme laisserait à l’État une marge d’appréciation qui, selon la Commission africaine
guide la Charte africaine en ce sens qu’elle considère l’État [...] comme mieux disposé à adopter des politiques, lignes directrices et règles nationales relatives à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des peuples, vu que l’État connait très bien sa société, ses besoins, ses ressources, sa situation économique et politique, ses pratiques juridiques et le juste équilibre nécessaire entre les forces concurrentes et parfois en conflits qui forment sa société.74
En outre, il y a lieu de considérer que les droits fondamentaux consacrés au niveau interne par les constitutions respectives des États et les droits prévus dans les instruments international et régional - tant il est vrai qu’ils visent à protéger l’individu - forment un tout cohérent. Une approche fonctionnelle niant une hiérarchie normative entre les textes de divers échelons serait, probablement, la mieux indiquée. Cependant, cette complémentarité fonctionnelle espérée s’éloigne de la réalité vécue en ce temps d’urgence sanitaire.
En somme, il ressort de ce qui précède que, d’une part, le caractère non dérogeable des droits de la Charte africaine peut constituer les germes de sa propre violation. La gestion de cette impasse déboucherait, d’autre part, sur la relativisation des vigueurs de cet instrument. Tout compte fait, la question de savoir si les organes du système africain chargés de la mise en œuvre de la Charte peuvent être saisis pour statuer sur la conformité des mesures à la Charte se pose avec acuité.
3.2 Les organes de mise en œuvre de la Charte africaine face aux mesures sanitaires: entre audace et rendez-vous manqué?
Un constat est sûr, la gestion de la pandémie a débouché à plusieurs cas de violation des droits de l’homme. Ces violations ressortent autant de l’action ou de l’inaction des États. Actuellement, partout dans le monde, plusieurs plaintes sont déposées par les citoyens devant les tribunaux contre les autorités gouvernementales accusées soit de laxisme ou de rigorisme excessif.75
La principale préoccupation qui nous importe est de savoir si la Commission ou la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples peuvent être saisies par les victimes des mesures susmentionnées? Cette question nécessite que soit clarifiée préalablement l’optique dans laquelle la Commission ou la Cour aurait dû être saisie en amont pour statuer sur la conformité de ces mesures à la Charte africaine, avant d’aborder les possibilités de saisine de ces organes en aval pour les violations de la Charte perpétrées durant la période d’urgence sanitaire.
S’il déloule de la Charte que la Commission a le rôle de protection, de promotion et du développement progressif des droits de l’homme,76 savoir dans quelle optique cet organe peut être saisi pour statuer sur les mesures sanitaires relève d’un certain empirisme. Ce qui n’est pas discutable pour le moment est qu’au regard de sa compétence et du caractère non-contraignant de ses décisions, la Commission paraît moins apte à faire respecter les droits de la Charte en situation d’urgence alors qu’elle a toute la latitude pour ce faire.
D’abord, les rapports entre États et Commission n’ont pas toujours été excellents. D’une part, les premiers s’acquittent difficilement de leurs Obligations, comme la soumission des rapports périodiques et exercent malaisément l’entièreté de leurs prérogatives, comme la possibilité qui leur est offerte de saisir la Commission en cas des violations des droits de l’homme par un autre État en vertu de l’article 49 de la Charte africaine. D’autre part, la seconde n’a aucun pouvoir contraignant pour amener les Etats aussi bien à respecter leurs engagements qu’à exécuter ses décisions.
Ensuite, pour ce qui est de la saisine, il est vrai que le tandem individus-Organisation non-gouvernementale met la Commission à la portée des individus. Certains prescrits de la Charte relatifs aux communications rendent compte d’une flexibilité procédurale dotant à la Commission, en dépit de l’existence des conditions d’épuisement des voies de recours internes, un pouvoir élargi d’appréciation de la «compétence de sa compétence».77 A ceci s’ajoute la possibilité de prendre, en vertu de la Règle 100 de son règlement,78 des mesures conservatoires après réception d’une communication et avant d’en déterminer le bien-fondé. Dans le cas d’espèce, il est donc possible de soutenir que la Commission dispose de la plénitude des pouvoirs de statuer sur la conformité des mesures sanitaires à la Charte et ordonner, le cas échéant, des mesures provisoires. Ce qu’elle n’a pas encore fait pour le moment. Est-ce parce qu’aucune communication n’a été introduite dans ce sens? Qu’importe, il n’est guère précoce de parler d’un rendez-vous manqué en ce temps de dé-confinement progressif.
Enfin, statuer en amont sur la conformité des mesures nécessite une certaine audace de la part de cet organe. Sauf que dès le départ - au regard de la position de la Commission en marge de la lutte contre la Covid-19 - elle a souscrit à une logique de complémentarité entre protection des droits de l’homme et application des mesures d’urgence en matière de santé publique, dissipant ainsi toute inquiétude d’incompatibilité. Il est clair que pour le moment, la Commission a préféré jouer à l’équilibre. Tout en insistant sur l’importance d’une réponse efficace fondée sur les droits de l’homme, sa position conforte l’action des Etats en faveur du droit à la vie, de la sécurité et la santé aux détriment des autres droits susceptibles d’être menacés par les mesures de prévention.79
A son tour, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples donne l’impression d’une juridiction de la situation. Non seulement, la lecture combinée des articles 5(3) et 34(6) de son Protocole, permet de conclure que cette juridiction peut être saisie directement par les individus et les organisations non gouvernementales, mais surtout elle est habilitée, en vertu de l’article 27(2), à ordonner toutes les mesures provisoires nécessaires pour éviter que soient causés des dommages irréparables à une victime potentielle dans le cas d’extrême gravité ou d’urgence. On peut aussi évoquer l’élargissement du droit applicable devant la Cour qui, non seulement est constitué des dispositions de la Charte, mais aussi de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’État concerné.80 A ceci s’ajoute égale- ment une possibilité de solliciter un avis consultatif tant à la Cour81 qu’à la Commission82 sur la question de conformité des mesures sanitaires à la Charte. Ce mécanisme reste cependant assujetti à plusieurs restrictions qui le rendent peu opérationnel et font redouter son obsolescence programmée.83
Tout porte à croire que cette juridiction avait toute la latitude de statuer sur les mesures sanitaires, et le cas échéant, si contrariété à la Charte ou à tout autre instrument relatif aux droits de l’homme il y avait, ordonner toutes les mesures provisoires nécessaires. Dans le cas d’espèce, il revenait à ceux qui ont qualité de la saisir, parmi lesquels les individus, de porter à sa connaissance toute allégation de risque potentiel des violations des droits de l’homme consécutive aux mesures sanitaires.
Cependant, cette opinion peut être tempérée par la pratique actuelle. En effet, le nombre exigu des rares États africains qui ont fait la déclaration facultative de la compétence obligatoire de la Cour pour les requêtes individuelles s’amenuise davantage. En plus, un argument comparé basé sur la jurisprudence de la Cour interaméricaine, suggère que la tendance ne penche pas vers l’allégement des mesures mais vers leur durcissement.
Aussi, s’il arrivait à cette instance de statuer sur les mesures, rien ne garantit qu’elle procédera à leur allégement. Un précédent récent à ce sujet reste l’ordonnance de la Présidente de la Cour interaméricaine du 26 mai 2020 faisant suite à la demande en indication de mesures provisoires urgentes dans l’Affaire Vélez Loor c. Panama. Dans cette ordonnance la Cour a imposé au Panama presque quinze mesures urgentes afin de protéger contre l’épidémie de Covid -19, les droits des migrants en détention, notamment des migrantes enceintes et des enfants et les personnes détenues malgré la surpopulation carcérale.84
Cette tendance notoirement protectionniste de la Cour interaméricaine fait des échos favorables au niveau interne. A titre illustratif sera mentionné ici l’arrêt du juge fédéral brésilien Renato Borelli, rendu le 22 juin 2020, obligeant le Président Jair Bolsonaro à porter le masque de protection dans tous les lieux publics. Faisant partie des victimes de la pandémie, ce dernier est aussi ciblé par plusieurs plaintes pour mauvaise gestion de la Covid-19, parmi lesquelles, une plainte pour crime contre l’humanité introduite devant la CPI.85 La doctrine parle déjà d’un «élément prospectif intéressant qui permettra le dévelop-pement du droit au regard de l’actualité».86 La tendance n’est donc pas à l’allégement de mesures sanitaires ou à leur démentellement mais à leur durcissement.
La question relative à la suite réservée aux violations des droits de l’homme perpétrées durant l’urgence sanitaire reste en perspective. Pour le moment plusieurs affaires dans ce sens sont pendantes devant les juridictions nationales avec plus d’engouement dans les pays anglophones (Afrique du Sud, Kenya, Malawi, Ghana) que francophones. Sans spéculer sur l’avenir de ces procédures, il sera possible que la situation d’urgence sanitaire influe sur la qualification d’une situation de violation des droits de l’homme devant les juridictions nationales. Une interprétation laxiste des obligations de l’Etat en la matière peut conduire à l’insatisfaction des victimes. Il faudrait attendre éventuellement l’épuisement des voies de recours accessibles à l’interne pour espérer voir les affaires de cette nature parvenir aux instances régionales.
4 CONCLUSION
Les violations des droits de l’homme survenues à la suite de l’avènement de la Covid-19, se sont perpétrées à trois dimensions. D’abord, les mesures ont semblé consacrer une dérogation aux droits de l’homme à contresens des prescrits de la Charte africaine. Ensuite, la mise en œuvre effective de ces mesures a nécessité les recours à la coercition par les autorités publiques. La fin justifiant les moyens, quelques bavures policières observées peuvent rendre compte de l’excès de brutalité avec lequel lesdites mesures furent mises en œuvre. Enfin, la riposte contre la Covid-19 a affecté lourdement la prise en charge des autres maladies. Toute l’attention étant focalisée sur la lutte contre cette pandémie, toutes les ressources disponibles (humaine, médicale et financière) convergées vers la Covid-19 comme si d’autres maladies mortelles n’existent pas. En procédant de la sorte, les États ont relégué les autres maladies endémiques comme le sida, la malaria, le choléra, la tuberculose - qui pourtant font plusieurs victimes que le coronavirus - aux faits divers. Il en découle que la singulière lutte contre cette pandémie a amoindri la prise en charge des autres maladies, violant au passage le droit à la santé des milliers des malades.
Même si de par ses caractéristiques, la Charte africaine fait abstraction de la cause de dérogation, elle reste la mieux élaborée à faire face aux situations nécessitant la limitation de certains droits. En effet, cet instrument consacre le plus élevé de standards de protection des droits de l’homme dont l’irréalisme découle de son incompatibilité avec les mesures sanitaires.
Il est vrai que la crise sanitaire due à la Covid-19 est sans précédent. Ce qui fait de sa survenance une occasion pour les organes de mise en œuvre du cadre normatif du système africain de contribuer au développement progressif des droits de l’homme. Certaines ambiguïtés persistent sur l’étendue de l’indérogeabilité des droits en Afrique, surtout lorsque la situation exceptionnelle n’est pas due à un conflit armé, encore moins à une catastrophe naturelle mais à une urgence sanitaire de portée internationale. Ce qui laisse un champ large à une interprétation prospective des obligations des États. En somme, il reviendra aux instances régionales de faire preuve d’audace, en dépit des relations complexes qu’elles entretiennent de nos jours avec les Etats africains.
Au besoin, la prévention juridique des situations comme la Covid-19 nécessitera à l’avenir l’adoption d’une convention régionale - ou d’un Protocole à la Charte africaine - applicable aux situations d’urgence pour un maximum de sécurité juridique face aux décisions étatiques susceptibles de rendre les droits de l’homme dérisoires. Ce cadre légal permettra de renforcer les obligations des Etats relatives
aux droits de l’homme. Et aura, nous l’espérons bien, le mérite de rendre compatibles l’action des pouvoirs publics envers la santé des populations et la protection des droits individuels en cas d’urgence sanitaire.
1. Pour une chronologie relative à la pandémie de Covid-19, voir H de Pooter ‘La flambée du nouveau coronavirus (2019) constitue une urgence publique de portée internationale (Rappel des faits jusqu’à la déclaration du Directeur général de l’OMS du 30 janvier 2020’ (2020) 124(2) Révue générale de droit international public 356-364; Chronologie de l’action de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) face à la COVID-19 disponible sur https://www.who.int/fr/news-room/detail/29-06-2020-covidtimeline (consulté le 8 août 2020).
2. L’OMS a déclaré l’épidémie une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) le 30 janvier 2020.
3. Voir WHO Director-General’s opening remarks at the media briefing on COVID-19 - 11 March 2020, disponible sur https://www.who.int/dg/speeches/detail/who-director-general-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19---11-march-2020 (consulté le 15 avril 2020).
4. De 1347 à 1352 la peste noire a profondément ravagé l’Europe en éliminant 25 à 30% de ses habitants. Voir S Barry & N Gualde ‘La peste noire dans l’Occident chrétien et musulman, 1347-1353’ (2008) 25(2) Canadian Bulletin of Medical History/Bulletin canadien d’histoire médicale 461-498.
5. Cette épidémie a frappé le monde en sept pandémies: La première (1817-1824); la deuxième (1829-1837), la troisième (1840-1860), la quatrième 1863-1875), la cinquième (1881-1896), la sixième (1899-1923) et la septième (1961-1991). Lire L Geffray ‘Le choléra’ (1996) 15(2) La Revue du praticien 197-203.
6. Voir P Zylberman ‘Comme en 1918! La grippe “espagnole” et nous’ (2006) 22 (8-9) Médecine Sciences 767-770.
8. La Cour africaine avait interrompu le 20 mars sa 56ème session ordinaire en raison de l’épidémie de Covid-19. Voir https://fr.african-court.org/index.php/news/press-releases/item/160-la-cour-africaine-suspend-sa-56e-session-ordinai re-a-cause-de-la-pandemie-de-coronavirus; la Cour interaméricaine des droits de l’homme, compte tenu de l’épidémie de Covid-19 a décidé le 11 mars 2020 de
9. suspendre les audiences programmées lors de la 134ème ordinaire prévue du 16 au 20 mars. Voir Press Release Inter-American Court of Human Rights I/A Court H.R._PR-15/2020 sur http://www.corteidh.or.cr/docs/comunicados/cp_15_ 2020_eng.pdf
9 R Maurel ‘L’(in)activité du Conseil de sécurité face au Covid-19: où est confinée la communauté internationale?’ (2020) 18 Revue des droits et libertés fondamentaux 1-12 disponible sur http://www.revuedlf.com/droit-international/linactivite-du-conseil-de-securite-face-au-covid-19-ou-est-confinee-la-communa ute-internationale/#_ftnref11 (consulté le 8 août 2020).
10. En République démocratique du Congo, pour faire face à la pandémie du Covid-19, le Président de la République a pris l’Ordonnance No 20/014 du 24 mars 2020 proclamant l’état d’urgence sanitaire. Cette Ordonnance interdit tous les voyages de la capitale vers les provinces et vice versa; tous les rassemblements, réunions et célébrations de plus de 20 personnes; tous les mouvements migratoires internes et externes par transport en commun [...] la population étant priée de rester à domicile et de n’effectuer que les déplacements strictement indispensables. En plus, était ordonnée la fermeture des écoles, des universités et instituts supérieurs officiels et privés et de tous établissements recevant le public ainsi que les lieux de réunions [...]; sont interdits l’ouverture des discothèques, bar, cafés, terrasses et restaurants ainsi que l’organisation des deuils dans les salles, les domiciles ou sur la voie publiques [...]; sont suspendus tous les cultes religieux [...] ainsi que toutes les activités sportives dans les stades et autres lieux de regroupement sportif. Cette ordonnance a été modifiée et complétée par l’ordonnance No 20/026 du 19 avril 2020. Elle fut déclarée conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle à travers l’arrêt R. Const 1200. L’état d’urgence sanitaire a été prorogé par le Parlement congolais à six reprises à la demande du Président de la République malgré la désapprobation de certains congolais. Il fut levé le 21 juillet 2020.
11. Pour rappel l’Afrique compte 14 CERs. Mais seuls huit ont été officiellement reconnus par l’Union africaine: la Communauté economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO); la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC); la Communauté economique de l’Afrique centrale (CEEAC); l’Union du Maghreb Arabe (UMA); la Communauté de l’Afrique de l’est (CAE); le Marché commun de l’Afrique du Sud-est (COMESA); la Communauté economique des Etats sahélo-sahariens (CENSAD) et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD).
12. JC Atangana ‘Les conséquences des atteintes aux droits de la personne et libertés fondamentales dans la lutte contre la Covid-19’ (2020) 3(2) VigieAfriques 25.
13. H Gueldich ‘L’impact de la Covid-19 sur la démocratie et l’état de droit en Tunisie’ (2020) 3(2) VigieAfriques 17-21.
14. P Guillaumont ‘Comment le Nord a transféré au Sud son risque de surmortalité due au coronavirus: ébauche d’un modèle de transfert international de mortalité’ (2020) 205 Fondation pour les Etudes et Recherches sur le Développement International 1-8.
15. T Groundler ‘Santé publique entre logique du libre-échange et préservation des prérogatives étatique’ in D Lochak (dir) Mutation de l’Etat et protection des droits de l’homme (2007) 207.
18. Pour des raisons pratiques, la Charte africaine (1981/1986) sera notre instrument-type parce que les autres instruments africains des droits de l’homme n’abordent que des droits posés en amont par la Charte de manière catégorielle ou détaillée.
23. A titre d’exemple le Madagascar dispose de la loi No 91-011 du 18 juillet 1991 relative aux situations d’exception; c’est depuis le 29 avril 1969 que le Sénégal s’est doté de la loi No 69-29 relative à l’état d’urgence et à l’état de siège.
26. Approuvé par la Soixante-Cinquième Assemblée mondiale de la Santé le 26 mai 2012 dans la résolution WHA65.16.
29. J Salmon ‘Rapport introductif’ in R Mehdi & S Maljean-Dubois (dirs) La société internationale et les grandes pandémies (2007) 32-47.
30. M Poulain ‘Urgence sanitaire et droit international’ (2002) Actualité et droit international 3-11.
32. Voir PIDCP (1966/1976) article 4(1) dispose que ‘[d]ans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entrainent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale’. Le point 2 de cette disposition encadre la dérogation en citant les dispositions non-dérogeables en ces termes: ‘La disposition précédente n’autorise aucune dérogation aux articles 6, 7, 8 (par 1 et 2), 11, 15, 16 et 18’. Le point 3 quant à lui fait aux Etats parties au Pacte recourant au droit de dérogation, l’obligation de signaler aussitôt - par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies - aux autres Etats parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation.
36. Les initiales SMIC désignent le salaire minimum interprofessionnel de croissance. Voir Cornu (n 6) 961. Adapté aux droits indérogeables, le SMIC projette l’idée d’une garantie minimum et donc des droits inaliénables et indispensables à l’essence humaine qui ne sauraient être susceptibles de dérogation quelle que soit la situation exceptionnelle.
38. SV Drooghenbroeck La proportionnalité dans les droits de la convention européenne des droits de l’homme: prendre l’idée simple au sérieux (2001) 65-66.
39. F Ouguergouz La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples: une approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité (1993) 252-253. Version électronique disponible sur http://books.openedition.org/iheid/2184 (consulté le 5 mai 2019).
40. R Ergec Les droits de l’homme à l’épreuve des circonstances exceptionnelles - Etude sur l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme (1987) 24.
41. N Eba Nguema ‘La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et sa mission de protection des droits de l’homme’ (2017) 11 Revue des droits de l’homme 5-6.
44. UO Umozurike ‘The African Charter on Human and Peoples Rights’ (1983) 77 American Journal of International Law 909-910.
45. M El Kouhene Les garanties fondamentales de la personne en droit humanitaire et droits de l’homme (1986) 84.
47. Voir Amnesty International, Comité Loosli Bachelard, Lawyers Committee for Human Rights, Association des membres de la Conférence épiscopale de l’Afrique de l’Est c. Soudan (Communications 48/90, Communications 50/91, Communications 52/91 et Communications 89/93), Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria (Communications 140/94), Sir Dawda K. Jawara c. Gambie (Communications 147/95 et Communication 149/96), Legal Resources Foundation c. Zambie (Communication 211/98).
48. Communication 74/92 Commission nationale de droits de l’homme et des libertés c. Tchad (CADHP 1995, RADH 343 (2000), para 21.
55. PIDESC (1966/1976), article 4 dispose: ‘Les États parties au présent Pacte reconnaissent que, dans la jouissance des droits assurés par l’État conformément au présent Pacte, l’État ne peut soumettre ces droits qu’aux limitations établies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-être général dans une société démocratique’.
56. Selon cet article: ‘Les droits de chaque personne sont limités par les droits d’autrui, par la sécurité de tous et par les justes exigences du bien commun, dans une société démocratique’.
60. Sera évoquée ici la survenance d’une situation rendant l’exécution d’un traité impossible dont allusion est faite à l’article 61 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969/1980).
62. Selon cette disposition: ‘1. Une partie peut invoquer l’impossibilité d’exécuter un traité comme motif pour y mettre fin ou pour s’en retirer si cette impossibilité résulte de la disparition ou destruction définitives d’un objet indispensable à l’exécution de ce traité. Si l’impossibilité est temporaire, elle peut être invoquée seulement comme motif pour suspendre l’application du traité [...]’.
65. Article 23(1) des articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite.
66. J Crawford Les articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat. Introduction, texte et commentaires (2003) 204.
71. M Delmas-Marty & M-L Izorche ‘Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit: réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste’ (2000) 52 4 Revue internationale de droit comparé 755.
73. Sur cette question voir Y Kerbrat (dir) Forum shopping et concurrence des procédures contentieuses internationales (2011) 1-310.
75. RTS ‘Les plaintes pour mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 se multiplient dans le monde’ (publié le 28 juillet 2020) disponible sur https://www.rts.ch/info/monde/11499040-les-plaintes-pour-mauvaise-gestion-de-la-pandemie-se-multiplient.html?fbclid=IwAR0w8mC-NnK8rTtY5WOcq-5SLVFg FwZapodO61I-IiVe-A7vIu0pNiLmZ5U (consulté le 2 août 2020).
78. Adopté par la 27ème session extraordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples réunie à Banjul du 19 février au 4 mars 2020.
79. Déclaration à la presse sur une réponse efficace fondée sur les droits de l’homme au nouveau virus COVID-19 en Afrique du 24 mars 2020, disponible sur https://www.achpr.org/fr_pressrelease/detail?id=483
83. T Makunya & S Zigashane ‘La compétence consultative de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: entre restrictions organiques et limitations matérielles’ in EB Bope & S Makaya (dirs) Droit international des droits de l’homme, justice transitionnelle et droit international pénal (2020) 9-49.
84. Vélez Loor c. Panama, demande en indication de mesures provisoires - adoption de mesures urgentes, ordonnance de la Présidente de la Cour, 26 mai 2020 para 17.
85. ‘Des membres du personnel brésilien de la santé ont demandé lundi à la Cour pénale internationale (CPI) d’ouvrir une enquête sur Jair Bolsonaro. Ils estiment que la réponse du président à la pandémie constitue un crime contre l’humanité’. Voir RTS ‘Une plainte contre Jair Bolsonaro pour crime contre l’humanité à la CPI’ (publié le 28 juillet 2020). Disponible sur https://www.rts.ch/info/monde/11494177-une-plainte-contre-jair-bolsonaro-pour-crime-contre-lhumanite-a-la-cpi.html (consulté le 2 août 2020).