Sègnonna Horace Adjolohoun
 ENA, LLB (Bénin), LLM, LLD (Pretoria).
Professeur extraordinaire et invité de droit international des droits de l’homme et droit constitutionnel comparé (Université de Pretoria; Université d’Europe Centrale, Université Gaston Berger), Juriste Principal en Chef, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Les opinions exprimées dans le présent article sont exclusivement celles des auteurs et n’engagent en rien la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

 Sylvain Oré
 Maîtrise, CAPA (Côte d’Ivoire), Diplôme en droits de l’homme (Genève), DESS en droits de l’homme (CeRAP, Abidjan)
Président de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Avocat au Barreau de Côte d’Ivoire


 Edition: AHRY Volume 3
  Pages: 318 - 343
 Citation: SH Adjolohoun & S Oré ‘Entre imperium illimité et decidendi timoré: la réparation devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2019) 3 Annuaire africain des droits de l’homme 318-343 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2019/v3a16
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RÉSUMÉ:

Dans le contexte d’une Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dont le pouvoir de réparation des violations a fait l’objet de contestation par les Etats, on peut avancer que l’adoption en 1998 du Protocole à la Charte portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples n’a pas eu pour unique ambition la judiciarisation du système africain des droits de l’homme. On note en effet que l’article 27(1) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine confirme l’existence dans la Charte d’un droit à réparation. Sur cette fondation normative, lorsqu’elle rend, le 14 juin 2013, son premier arrêt sur le fond dans l’affaire Reverend Christopher Mtikila c. Tanzanie, la Cour inaugure par la même occasion l’impérium que lui confère l’article 27(1) du Protocole. En revanche, en se prononçant sur les réparations un an plus tard, soit le 13 juin 2014, c’est la portée de son impérium que révèle la juridiction continentale. Sur la trajectoire jurisprudentielle qu’elle dessine à la suite des arrêts Mtikila, la Cour pose donc les bornes indiscutables d’un pouvoir de réparation auquel la lettre de l’article 27(1) ne pose aucune limite. A l’opposé de cette tendance jurisprudentielle, la Cour a cependant, à maintes occasions, fait montre d’une action décisionnelle timorée, mettant du coup un franc bémol à son pouvoir affirmé de réparer des violations pourtant constatées. Nous démontrons dans cet article que l’approche adoptée par la Cour pose problème d’abord, par une pratique qui restreint le droit à réparation là où le législateur ne l’a pas entendu; ensuite, par une auto-censure qui peut entamer la légitimité de la Cour notamment par la concession d’une marge d’appréciation nuisible à l’autorité judiciaire et aux droits des victimes; et, enfin, par une inhibition de la capacité de la juridiction continentale à accomplir sa mission de renforcement de la protection des droits humains dans le système africain.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

Between unlimited imperium and restrained decidendi: reparation in the African Court on Human and Peoples’ Rights

ABSTRACT:

Against the background of the operation of the African Commission on Human and Peoples’ Rights whose power to provide reparation for violations has been challenged by States, it can be posited that the adoption in 1998 of the Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the establishment of an African Court on Human and Peoples’ Rights did not aim solely at judicialising the African human rights system. It must indeed be noted that article 27(1) of the Protocol confirms the existence in the Charter of a right to reparation by expressly providing that ‘if the Court finds that there has been violation of a human or peoples’ rights, it shall make appropriate orders to remedy the violation, including the payment of fair compensation or reparation.’ In light of this normative foundation, the delivery, on 14 June 2013, of the Court’s first judgment on the merits in the matter of Reverend Christopher Mtikila v United Republic of Tanzania inaugurates the imperium, that is the reparation powers, conferred upon the Court by article 27(1) of the Protocol. Conversely, the Court’s ruling on reparations issued a year later, on 13 June 2014, is illustrative of the scope of its reparation powers. On the jurisprudential trajectory that it shapes subsequent to the Mtikila judgments, the Court therefore set the indisputable foundations of a reparation power which is unlimited in the letter of article 27(1). Contrary to that jurisprudential position, the Court has in several instances demonstrated a restrained decision-making, therefore putting a dramatic limitation on its assumed power to grant reparations for well-established violations. In this article, we show that the Court’s approach raises issues firstly, through a practice that restricts the right to reparation where the drafters did not mean to; secondly, through self-censorship that may erode the legitimacy of the Court, including by conceding a margin of appreciation that is detrimental to judicial authority and the rights of victims; and, finally, through a restriction of the Court’s ability to discharge its mandate of reinforcing the protection of human rights in the African system.

MOTS CLÉS: réparation, système africain, judiciarisation, compétence, juridiction, marge d’appréciation, équité procédurale et substantielle, légitimité, autorité, exécution

 

SOMMAIRE:

1 Introduction

2 La réparation par un imperium illimité

2.1 L’impérium de la substance des réparations

2.2 L’impérium de l’adaptabilité des réparations

3 La réparation par un decidenci timoré

3.1 Le decidendi du droit à réparation

3.2 Le decidendi de l’exécution des réparations

4 Conclusion

1 INTRODUCTION

Dans le système africain des droits de l’homme, l’existence d’un droit à réparation a fait polémique au sein de la doctrine par suite du défaut de disposition expresse dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine ou la Charte).1 En conséquence, les Etats ont contesté voire défié le pouvoir de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine ou la Commission) d’accorder réparation aux victimes.2 La Commission a dû, face à la contestation, forger un droit à réparation par construction prétorienne induite, entre autres, des principes de « l’effet utile » et de la coutume.3 Dans ce contexte, on peut avancer que l’adoption en 1998 du Protocole à la Charte portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour africaine ou la Cour) ne s’est pas limitée à la judiciarisation du système. On note en effet que l’article 27(1) dudit Protocole confirme l’existence dans la Charte d’un droit à réparation. Il dispose: « [l]orsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ». Par avenant procédural à cette garantie de réparation, l’article 63 de son Règlement intérieur dispose que « [l]a Cour statue sur la demande de réparation (...) dans l’arrêt par lequel elle constate la violation (...) ou, si les circonstances l’exigent, dans un arrêt séparé ».

Sur cette fondation normative, lorsqu’elle rend, le 14 juin 2013, son premier arrêt sur le fond dans l’affaire Reverend Christopher Mtikila c. Tanzanie,4 la Cour inaugure par la même occasion l’impérium que lui confère l’article 27(1), du Protocole. En revanche, en se prononçant sur les réparations un an plus tard, soit le 14 juin 2014, c’est la portée de son impérium que révèle la juridiction continentale.5

Sur la trajectoire jurisprudentielle qu’elle dessine à la suite des arrêts Mtikila, la Cour pose les bornes indiscutables d’un pouvoir de réparation auquel la lettre de l’article 27(1) ne pose aucune limite. C’est cet impérium illimité qui se manifeste dans l’arrêt Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso sur les réparations par lequel la Cour ordonne la réactivation de procédures judiciaires gelées plus d’une décennie durant et le versement aux ayant-droits de dommages et intérêts équivalant à près d’un million de dollars américains.6 De l’arrêt Evariste Minani c. Tanzanie7 où elle ordonne le versement d’une compensation pour défaut de disponibilité de l’aide juridictionnelle à l’arrêt Lucien Ikili Rashidi c. Tanzanie8 où l’Etat est condamné au paiement d’un montant de 10.000.000 de shilling tanzaniens pour fouille rectale, la Cour fait la preuve plus que suffisante d’un pouvoir de réparation dont l’aura est à la fois large et diverse.

A l’opposé de cette tendance jurisprudentielle, la Cour a cependant, à maintes occasions, fait montre d’une action décisionnelle timorée, mettant du coup un franc bémol à son pouvoir affirmé de réparer des violations pourtant constatées. De manière notable, on relève ainsi que dans l’arrêt sur le fond de l’affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie,9 la Cour rejette la demande de remise en liberté du requérant qu’elle conditionne à la preuve de « circonstances exceptionnelles ou impérieuses » avant d’admettre la même demande comme applicable dans son arrêt en interprétation.10 Par ailleurs, c’est l’identification et le choix des facteurs applicables selon les circonstances des causes examinées qui posent problème. A cet égard, on note que la Cour n’a pas adopté une approche nécessairement constante quant à la technique d’évaluation du quantum de la réparation, à la devise utilisée, à la philosophie de sa finalité ou encore à l’égalité ou la similarité des victimes concernées. Cette seconde tendance de sa jurisprudence montre les signaux empiriques de l’application par la Cour de l’approche auto-censurée d’un pouvoir de réparation que le législateur n’a pas entendu limiter.11

Le caractère coutumier du droit à réparation en droit international public et, de manière plus prégnante, en droit international des droits de l’homme, est établi. Il n’est pas besoin non plus de convaincre quant à l’importance critique de la mise en œuvre d’un droit explicite et justiciable à la réparation dans le système africain des droits de l’homme. Au demeurant, la fonction de judiciarisation du système africain que lui confère le Protocole fait de la Cour africaine le maillon de l’effectivité du droit à réparation, en particulier dans la Charte africaine. Ces considérations justifient que l’on s’intéresse aux développements liés à la pratique de la réparation devant la Cour africaine. Nous proposons d’y consacrer cette réflexion et convoquons, pour se faire, les grands principes du droit à réparation notamment en droit international mais surtout la jurisprudence de la Cour sur les questions discutées. Il est également fait recours à la doctrine, selon le cas et en tant que nécessaire. Notre démarche consiste à démontrer que si la Cour confirme que son pouvoir de réparation procède, sur la fondation normative, par un impérium illimité (2), elle a souvent réfréné cet élan par l’expression d’un decidendi timoré (3).

2 LA REPARATION PAR UN IMPERIUM ILLIMITE

En s’intéressant à l’étendue du pouvoir de réparation conférée à la Cour, on peut l’envisager d’une part, du point de vue de la substance des réparations (2.1) et, d’autre part, relativement à leur adaptabilité tant au préjudice souffert qu’à la victime requérante (2.2).

2.1 L’impérium de la substance des réparations

Le caractère illimité du pouvoir de la Cour quant à la substance des réparations qu’elle peut ordonner s’entend d’une part au type de réparation (2.1.1) et, d’autre part, au quantum de la réparation (2.1.2).

2.1.1 La substance liée à la typologie de la réparation

Aux termes des dispositions de l’article 27(1) du Protocole, la Cour peut ordonner « toutes les mesures appropriées » à l’effet de remédier aux violations qu’elle constate. En référence à la typologie généralement admise en droit international des droits de l’homme, les mesures de réparation d’une violation incluent la restitution, l’indemnisation (ou compensation), la réhabilitation (ou réadaptation), la satisfaction et les garanties de non-répétition.12

Au sens de cet énoncé fondateur de son pouvoir de réparation aux termes de l’article 27(1) du Protocole, la Cour n’est donc pas limitée quant au type de mesure qu’elle peut ordonner à l’Etat défendeur de prendre à l’effet de réparer la violation constatée. La jurisprudence de la juridiction illustre largement cette acception du pouvoir réparateur que lui confère le législateur continental. Il en est ainsi par exemple concernant les mesures de restitution,13 de compensation,14 de réhabilitation,15 de satisfaction16 et de garanties de non-répétition.17 Pour ce qui est des mesures de réhabilitation et de non-répétition, si la Cour ne s’est pas à ce jour prononcée expressément sur la première, faute d’une demande spécifiée à cet égard, elle a conclu par exemple dans l’affaire Lucien Ikili Rashidi c. Tanzanie que la demande de non-répétition des violations était devenue sans cause étant entendu que le requérant et les membres de sa famille ne résidaient plus sur le territoire de l’Etat défendeur.18

En sus de ces mesures de réparation admises dans la pratique du droit international, la lettre de l’article 27(1) du Protocole ne laisse aucun doute sur ce que la Cour africaine peut ordonner d’autres mesures pour autant qu’elles soient « appropriées » et que les demandes y afférentes satisfassent aux conditions de preuve admises aux termes des principes généraux de droit et de la jurisprudence non contestée par les Etats.

Pour ce qui concerne le caractère non-exclusif de la typologie des mesures, les illustrations en foisonnent dans la jurisprudence de la Cour. La plus en vue des mesures ordonnées à cet égard est sans doute la mise en conformité de la législation nationale au droit international auquel l’Etat concerné est partie. Dans la portion législative stricto sensu, on ne peut s’empêcher de rappeler le trio Action pour la Pro-tection des Droits de l’Homme (APDH) c. Côte d’Ivoire,19 Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie20 et Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes (APDF) et Institut pour les Droits de l’Homme et le Développement en Afrique (IHRDA) c. Mali.21

Dans le premier arrêt, APDH c. Côte d’Ivoire, la Cour, ayant constaté que la composition de la Commission Electorale Indépendante de Côte d’Ivoire ne respectait pas le droit à l’égalité et les principes d’indépendance et d’impartialité, a ordonné à l’Etat défendeur de « mettre la loi portant composition de la Commission en conformité avec » la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (Charte de la démocratie) et le Protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance et les élections. Dans l’affaire Anudo c. Tanzanie, la Cour ordonne à l’Etat défendeur « d’amender sa législation à l’effet d’offrir aux individus des recours juridictionnels en cas de contestation de leur nationalité ».22 Enfin, dans l’affaire APDF et IHRDA c. Mali, ayant conclu que certaines dispositions du Code la famille relatives à l’âge de la majorité et à l’accès à l’héritage violent entre autres le droit à l’égalité dans le Protocole de Maputo et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, la Cour ordonne au défendeur de « modifier la loi contestée en l’harmonisant avec les instruments internationaux ... ».23

Il n’y a pas lieu à débat qu’en décidant ainsi, la Cour ordonne, en application de l’article 27(1) du Protocole, des mesures appropriées au-delà de celles généralement admises dans la typologie du droit international sur les réparations rappelée supra. En notant par ailleurs qu’il s’agit là d’un contrôle de conventionalité tombant sans surprise dans le champ de compétence matérielle de la Cour, il faut constater que la juridiction a pu, dans certaines espèces, ordonner de surcroît. Le cas échéant, il est difficile de nier que la Cour africaine ait pu faire œuvre de contrôle conventionnel de constitutionnalité.

On peut convoquer à cet égard au moins deux décisions majeures. Rendue dans l’affaire Reverend Christopher Mtikila c. Tanzanie, la première décision, qui inaugure en outre sa jurisprudence sur les réparations, est également celle par laquelle la haute juridiction continentale contrôle la conformité à l’article 13 de la Charte africaine, des dispositions de la Constitution tanzanienne exigeant le parrainage par un parti politique de tout candidat à un poste électif, magistrature suprême, parlement ou conseils communaux. La Cour conclut dans son arrêt que les dispositions attaquées violent la liberté d’association et le droit à la participation politique avant d’ordonner à l’Etat défendeur de réviser sa Constitution pour la mettre en conformité avec la législation continentale.24

Quatre ans après cette sentence réparatrice inaugurale, la Cour rend un deuxième arrêt dans l’affaire Sébastien Germain Ajavon c. Bénin. Dans cette cause, le préjudice invoqué par le requérant est évalué par lui à 550.000.000.000 de francs CFA, soit un peu plus d’un milliard de dollars américains, qu’il estime avoir été causé par la procé-dure entreprise à son encontre pour trafic de drogue.25 En réponse, la Cour ordonne à l’Etat défendeur de « prendre toutes les mesures nécessaires pour annuler l’arrêt no. 7/3C.COR rendu le 18 octobre 2018 par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) de manière à en effacer tous les effets ... ».26 Ici, la Cour rompt avec une constance jurisprudentielle établie sur plus d’une dizaine d’arrêts précités et marquée par un rejet systématique des demandes d’annulation des décisions des juridictions internes relatives à l’inculpation et la condamnation du requérant. La juridiction avait alors, pour unique motif, réitéré comme par fidèle redondance qu’elle n’est pas une juridiction d’appel des décisions rendues par les juridictions internes.27 Il eut certainement fallu, comme le souligne le Juge Niyungeko dans son opinion individuelle, qu’en ordonnant sur un point aussi important, la Cour motiva préalablement sa décision.28 Pourrait-on, au contraire, considérer que la mesure ordonnée allant de soi, cette omission n’a pas entamé le decidendi de la Cour?

Sur le caractère approprié des mesures auxquelles il est fait référence à l’article 27(1) il faut rappeler, à titre de préalable, que, de sens général, le caractère approprié d’une mesure de réparation s’entend comme celle susceptible au mieux de remédier à la violation dans la considération du préjudice souffert. S’agissant des conditions de preuve et d’accès à la réparation, la Cour a adopté largement celles retenues au titre des principes généraux de droit et de la jurisprudence internationale: la responsabilité de l’Etat et l’obligation de réparation; l’existence d’un lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice souffert; la définition du dommage; le contenu de la réparation et ses bénéficiaires.29

S’il n’y a pas de doute sur le sens et la portée des termes liminaires de l’article 27(1) sus énoncés, on ne peut en dire de même pour les termes conclusifs de la disposition. Le texte du Protocole fait en effet référence à « toutes les mesures appropriées y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».30 La portion finale peut prêter à confusion puisque, comme rappelé supra, la compensation est considérée en droit international comme l’une des mesures de réparation. Il s’ensuit que cette mesure ne saurait en principe s’appliquer comme une alternative à la réparation en ce sens qu’elle est réparation au même titre par exemple que la restitution. A titre de clarification de la norme et pour lever la confusion que paraît causer le texte, il suffira de noter que la terminologie du Protocole n’est pas simplement celle de « compensation » mais plutôt de « juste compensation ». On pourrait alors postuler, par le légitime bénéfice de cette précision, que le Protocole stipule pour la « juste » compensation en opposition à la compensation totale ou intégrale.

Par argumentaire comparé, la juste compensation est celle adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme à laquelle le législateur européen confère, aux termes de l’article 41 de la Convention européenne des droits de l’homme, des pouvoirs de réparation bien en deçà de ceux dont peut se prévaloir la Cour africaine. La seconde juridiction confirme d’ailleurs cette interprétation lorsqu’elle considère de jurisprudence constante que le but essentiel de la réparation n’est pas d’ériger celle-ci en une sanction pour l’Etat ou un motif d’enrichissement pour le requérant-victime.31 Sur la question débattue, il convient par conséquent d’entendre l’article 27(1) du Protocole comme offrant à la Cour une double option. Elle peut soit procéder à une réparation par juste compensation, voire une réparation au franc symbolique, dont la détermination est laissée à son entière discrétion, soit à une réparation qui devrait alors être intégrale et s’apprécier au cas par cas selon qu’il s’agisse de remédier à un préjudice matériel ou moral.

On peut retenir de ce qui précède que l’impérium de la Cour est illimité quant au type de mesures réparatrices qu’elle peut ordonner. Il en est de même s’agissant du quantum de la mesure ordonnée.

2.1.2 La substance liée au quantum de la réparation

En droit, le quantum s’entend de la quantité de la réparation octroyée à la victime tel qu’il est généralement d’application dans l’évaluation des dommages et intérêts.32 Pris ainsi, il serait peu pratique d’appliquer la notion de quantum à des types de réparation tels que la restitution ou la réhabilitation. L’évaluation quantitative de la répa-ration convien-drait en revanche aux mesures de compensation généralement applicables lorsqu’est irréalisable la restitution qui consiste à replacer la victime dans le statut quo ante, c’est-à-dire, la situation antérieure au préjudice. Par exemple, pour appliquer la compensation suite à une procédure d’expropriation illégale, le juge doit inévitablement exercer le pouvoir d’évaluation du quantum en l’occurrence sur la base de la perte ou du préjudice subi. Il est bien entendu que si le préjudice allégué est matériel, le quantum sera évalué sur la base des preuves documentaires apportées par la victime. Si le préjudice est moral, l’évaluation sera laissée à la discrétion de la Cour même si elle devrait par logique de causalité se prononcer sur la base de différents facteurs allant de la situation du requérant à celles des victimes directes ou indirectes, mais également à la gravité de la violation et aux autres circonstances de la cause.

C’est dans cette proportion qu’il faut apprécier la discussion sur le caractère illimité de l’impérium de la Cour quant à l’évaluation du quantum des réparations dont l’article 27(1) du Protocole lui donne onction normative. En stipulant que la Cour peut ordonner « toutes les mesures appropriées y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation »,33 la norme prévoit indiscutablement que la compensation doit être appropriée. Ce que la norme n’induit pas moins, c’est qu’une compensation, pour être appropriée, doit inévitablement être quantifiée. La Cour corrobore une telle acception de son pouvoir d’évaluation du quantum des réparations octroyées aux victimes.

Dès ses premiers arrêts sur la réparation, à l’image de celui rendu dans l’affaire Norbert Zongo c. Burkina Faso, le juge africain des droits de l’homme n’a ainsi aucune hésitation à accorder aux ayant-droits des victimes directes, des dommages et intérêts totalisant la somme de 500.000.000 francs CFA - soit environ 1.000.000 de dollars américains - représentant quasiment les trois-quarts de la demande formulée par les requérants.34 Le quantum pris individuellement, la Cour accorde jusqu’à 25.000.000 francs CFA aux épouses ou encore 15.000.000 francs CFA aux enfants.35 Dans ses arrêts subséquents, elle accorde des réparations compensatoires de 300.000 shillings tanzaniens pour violation du droit au procès équitable notamment le défaut d’assistance judiciaire,36 4.000 dollars américains pour quatre ans de délai anormalement long dans la conduite d’une procédure judiciaire,37 ou encore 5.000 dollars américains pour violation du droit à la dignité par suite d’une fouille rectale.38

Légalement fondée sur l’expresse volonté du législateur, une telle générosité d’impérium quasiment sans borne, ne semble pas se limiter au quantum des réparations.

La même observation pourrait s’appliquer à l’administration de la preuve du préjudice souffert dans l’évaluation du quantum des réparations. D’une part, la Cour fait œuvre de jurisprudence constante en s’alignant sur la pratique du droit international général rappelée plus haut. Elle exige ainsi, dans quasiment toutes les espèces, que le requérant fasse la preuve matérielle du préjudice à défaut de quoi les demandes sont systématiquement rejetées,39 il est vrai à l’issue d’un examen minutieux de la foule de réclamations souvent égrenées par les victimes.40 Lorsque la preuve est faite, la Cour n’hésite cependant pas, comme on peut le noter dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, à accorder la totalité du montant de 230.000 francs rwandais demandé par la requérante au titre de remboursement des frais de traitement administratif du dossier judiciaire.41 Elle ordonne également le remboursement des honoraires d’avocat à la hauteur approximativement mesurée de la perte subie sur la base du principe d’équité, en forfait mais en déduisant logiquement certains frais déjà couverts par des compensations antérieures et en relevant que la requérante n’a eu gain de cause que partiellement.42 Pourtant, d’autre part, la Cour sait faire preuve de flexibilité notamment face à des victimes dont la perte matérielle ou morale a été indubitablement et préalablement établie. Les puristes de la preuve pourraient d’ailleurs qualifier de trop souple cette tendance de la Cour à admettre, comme elle l’a fait par exemple dans l’affaire Wilfred Onyango Nganyi et autres c. Tanzanie, la preuve incomplète, imparfaite ou partielle d’un préjudice matériel.43

S’il est pertinent de s’y intéresser plus amplement, le raisonnement de la Cour quant aux facteurs présidant à l’évaluation du quantum dans certaines espèces et circonstances n’est pas l’objet de la présente discussion. On pourrait tout de même relever, en passant, que les marges significatives entre les réparations accordées pour préjudice moral dans des cas similaires voire identiques soulèvent la question de l’équité mais également du bon exercice par la Cour de son impérium à cet égard.44

Outre la substance des réparations, c’est dans leur adaptabilité que se manifeste l’impérium illimité de la Cour.

2.2 L’impérium de l’adaptabilité des réparations

On note dans le droit autant qu’on l’observe par la pratique que le pouvoir de réparation de la Cour s’étend à la détermination de l’adaptabilité des mesures accordées aussi bien au préjudice souffert (2.2.1) qu’au requérant dont le statut de victime a été établi (2.2.2).

2.2.1 L’adaptabilité au préjudice

Au plan normatif, il suffira de renvoyer à nouveau à la terminologie de « mesures appropriées » à laquelle fait référence l’article 27(1) du Protocole. L’impérium de la Cour afférent à l’adaptabilité de la réparation est affirmé puisque la disposition stipule que lesdites mesures sont ordonnées pour « remédier à la situation », c’est-à-dire au préjudice établi ou prouvé. La Cour a fait application d’une telle acception de la norme à maintes reprises, du reste de manière quasi constante, soit par interprétation positive soit par interprétation négative.

Par interprétation positive, la Cour a conclu, par exemple dans l’affaire Alex Thomas c. Tanzanie que la mesure de constatation de violation requise par le requérant est adapteé au préjudice qu’il a souffert en ce que la violation du droit à l’aide juridictionnelle a eu pour conséquence grave sa condamnation à une peine d’emprisonnement de trente ans.45 De même, dans l’affaire Lucien Ikili Rashidi, la Cour a conclu que les fouilles rectales effectuées sur la personne du requérant constituaient une violation grave de son droit à la dignité qui nécessitait une réparation par constatation de violation mais également par versement de dommages et intérêts pour préjudice moral.46 Une telle interprétation est qualifiée de positive en ce que la Cour l’a avancée pour conclure que la mesure demandée par le requérant ou qu’elle ordonne proprio motu est effectivement adaptée ou la plus adaptée au préjudice souffert en l’espèce.

Pour ce qui est de l’interprétation négative, elle est entendue comme celle fondant la conclusion par la Cour que la demande faite par le requérant est exagérée ou n’est pas celle qui convient au préjudice constaté ou aux circonstances de la cause. Cette approche interprétative est illustrée par la position de la Cour dans l’affaire Mohamed Abubakari c. Tanzanie lorsqu’après avoir constaté une série de violations du droit au procès équitable, le juge n’a tout de même pas accédé à la demande du requérant d’ordonner la réouverture du procès au motif qu’une telle mesure serait injuste pour lui.47 La Cour a estimé qu’eu égard à ce que le requérant avait déjà purgé plus de la moitié de la peine, soit 19 années sur 30, et que la nouvelle procédure pourrait être longue,48 il était plus approprié d’ordonner à l’Etat défendeur « de prendre toutes les mesures appropriées, dans un délai raison-nable, en vue de remédier aux violations ».49

La nature du préjudice fonde également la base de calcul du quantum comme l’illustre l’arrêt Armand Guehi c. Tanzanie. Dans cette espèce, la Cour considère que la violation a duré dix jours et sur la base de l’équité, accorde un montant de 500 dollars américains au titre de réparation pour une privation de nourriture subie par le requérant.50 De même, dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza citée supra, la Cour accorde à la requérante des dommages et intérêts de 100.000 dollars américains en relevant que « lorsqu’il s’agit de personnes détenues dans les conditions telles que décrites par la requérante, le préjudice moral qu’elles évoquent se présume de sorte qu’il n’est plus nécessaire de l’établir autrement ».51 Cet édit n’est pas inédit puisqu’il prend sa source jurisprudentielle dans l’arrêt Norbert Zongo (réparations) qui forme désormais la trame d’un decidendi constant de la Cour sur la question.

Il est vrai que la discussion serait partiale si l’on n’évoquait pas la nature plutôt controversée de cette position de la Cour qui a ultérieurement admis, dans son arrêt en interprétation rendu dans la même affaire Abubakari, que la reprise du procès pourrait être une mesure envisageable par l’Etat défendeur.52 Il s’agit là cependant d’une question à laquelle il est plus judicieux de retourner dans une manche ultérieure de la présente réflexion.

Pour l’heure, et après s’être intéressé à l’impérium de la Cour relatif à l’adaptabilité des réparations au préjudice, on peut presque logiquement se pencher sur la même question relativement au requérant, soit à la victime de la violation constatée.

2.2.2 L’adaptabilité au requérant-victime

Sur ce point, on peut aisément avancer que si la Cour a pouvoir pour décider de l’adaptabilité de la réparation en rapport avec le préjudice subi, il en va de même par implication en ce qui concerne le requérant. L’on est bien fondé à ainsi conclure puisque le préjudice à réparer est évidemment subi par un requérant qui peut aussi être la victime.

Cet aspect de l’impérium de la Cour se manifeste en ce que la juridiction n’a pas hésité à interpréter son pouvoir de réparation comme susceptible de prévoir pour toutes les catégories de requérants ou de victimes. On peut d’abord noter, même si ce n’est que sous un angle procédural, que, de manière quasi systématique, la Cour considère la situation du requérant comme un élément déterminant lorsqu’elle évalue le caractère raisonnable du délai dans lequel elle a été saisie après l’épuisement des recours internes.53 Il s’agit là d’une approche notable puisque dans les espèces concernées, la Cour conclut presque toujours au respect de cette condition de recevabilité prescrite à l’article 56(6) de la Charte54 et, plus généralement, à la recevabilité de la requête.55 La même approche prévaut quant à la motivation sur la base de laquelle la Cour conclut à la violation ou non d’un droit substantiel. Ainsi, pour conclure que le droit à l’aide juridictionnelle a été violé, la Cour retient comme facteur prépondérant l’indigence du requérant.56

La situation du requérant, victime ou non, tient également une voix prépondérante au chapitre lorsqu’il s’agit d’établir le statut de victime pour les besoins d’examen des demandes de réparation. Les prémices de cette approche sont ébauchées par la Cour dans son arrêt Norbert Zongo (réparations) lorsque la juridiction estime que la notion de victime dépasse celle des héritiers en première ligne pour inclure « d’autres personnes proches » du de cujus « dont on peut raisonnablement penser qu’elles ont pu subir un préjudice moral caractérisé du fait de la violation des droits de l’homme concernée ».57 La Cour a ainsi pu accorder réparation non seulement aux conjoints mais également aux enfants, pères et mères des défunts.58 C’est d’ailleurs cette position qui s’est raffermie dans l’arrêt Ingabire Victoire Umuhoza puisque les époux et trois enfants de la requérante se sont vu allouer, conjointement avec elle, un montant de 55.000.000 francs rwandais pour préjudice moral présumé. En l’espèce, la Cour s’est fondée au principal sur ce que « les accusations portées contre la requérante, son emprisonnement et les restrictions portées à ses communications avec son époux et ses enfants sont autant d’actes de nature à entamer fortement le moral de ceux-ci ».59

Cette première jurisprudentielle va s’appliquer dans une diversification ingénieuse qui confirme l’acception libérale de l’article 27(1) dont la Cour se fait la fidèle interprète. A titre d’exemple, pour conclure au droit à la réparation et à son adéquation en l’espèce, la Cour va, dans l’arrêt Anaclet Paulo c. Tanzanie, fonder son argumentaire dès le fond sur ce que l’assistance judiciaire gratuite « était d’autant plus nécessaire que le requérant affirme être un profane en droit et qu’il était aussi dans l’incapacité de se payer les frais d’une représentation ».60 A hauteur d’évaluation du quantum, la Cour complète cette motivation en décidant d’accorder le montant de 300.000 shilling tanzaniens sur le fondement que la violation constatée « a causé un préjudice non-pécuniaire au requérant qui a demandé une compensation adéquate conformément à l’article 27(1) du Protocole ». 61 En bonne discipline jurisprudentielle, c’est sans surprise un argumentaire, une conclusion et un quantum identiques qu’adopte la Cour dans l’affaire Minani Evarist c. Tanzanie. 62

En ordonnant également à l’Etat défendeur, dans l’arrêt Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie, de prendre les mesures nécessaires au retour du requérant sur son territoire dans un différend portant sur la nationalité de ce dernier, la Cour a pris en compte une reconnaissance antérieure de nationalité et le risque avéré d’apatridie.63 A contrario, la Cour a plutôt considéré, comme elle l’a fait dans l’arrêt Armand Guehi c. Tanzanie, que la mesure de remise en liberté demandée par le requérant n’était pas justifiée. Pour conclure ainsi, elle s’est fondée sur ce que les violations procédurales constatées n’ont pas affecté la condamnation prononcée par les juridictions internes à tel point qu’en leur absence, la situation du requérant aurait été différente.64 Dans la même affaire, le requérant obtient des dommages et intérêts d’un montant de 2.000 dollars américains pour une procédure anormalement longue sur la base d’un excès de délai d’un an et 10 mois mais surtout en prenant en compte le fait que le requérant était accusé de meurtre et qu’il encourait la peine capitale.65

L’adaptabilité des réparations au requérant s’est élargie aux « autres formes de réparations » notamment la non-répétition, la restitution ou encore la publication de l’arrêt sur le fond ou les réparations.66

Les décisions ainsi examinées, qu’elles illustrent une tendance constante ou primaire, ne laissent aucun doute sur la claire conscience judiciaire qu’à la Cour d’un impérium que le législateur n’a pas entendu limiter dans le chef des réparations. En revanche, une parcelle significative de la jurisprudence de la juridiction sur la même question révèle une approche hésitante, manifestement volontaire et regrettablement durable. Fort heureusement, un espoir de libéralisme justifié se dégage au bout de la construction prétorienne même si on peut avoir l’impression que la jurisprudence reste à stabiliser. Ces tendances gouvernent l’ère de la réparation par un decidendi timoré.

3 LA REPARATION PAR UN DECIDENCI TIMORE

La tendance hésitante ou timorée est observée dans l’acception qu’a la Cour tant du droit à réparation (3.1) que de ses pouvoirs de supervision de l’exécution des réparations ordonnées (3.2).

3.1 Le decidendi du droit à réparation

On peut se satisfaire, par le bénéfice de l’analyse précédente, du libéralisme qu’embrasse la Cour lorsqu’elle détermine les conditionnalités du droit à réparation garanti par l’article 27(1) du Protocole. Il apparaît cependant qu’une large frange de sa juris-prudence restreint énergiquement ce libéralisme aussi bien par des exigences d’accès au droit (3.1.1) que par des principes d’évaluation du quantum (3.1.2).

3.1.1 Les conditionnalités du droit à réparation

Sur cette question, on peut estimer que deux grands moments ont marqué la formation du droit à réparation au prétoire de la Cour. Il s’agit d’une première ère absolutiste et d’une seconde ère évolutive, les deux s’étant succédées sans pour autant que s’en dégage une constante jurisprudentielle définitivement affirmée.

Sous l’ère absolutiste, la jurisprudence paraît de toute évidence formatée par une certaine auto-censure assumée. C’est en tout cas l’indiscutable fondation que pétrit la Cour dans l’arrêt Alex Thomas c. Tanzanie lorsqu’elle pose le principe « qu’elle ne peut ordonner la remise en liberté du requérant que dans des cas très spécifiques et/ou des circonstances impérieuses ».67 Ce n’est pas tant ou seulement de poser un tel principe en conditionnalité qui peut intriguer que de fermer au requérant les portes de la réparation en rejetant sa demande au motif « qu’en l’espèce, le requérant n’a pas indiqué des circonstances spécifiques et impérieuses qui justifieraient que la Cour ordonne » la remise en liberté.68

Primo, poser les « circonstances impérieuses » en conditionnalité tend à restreindre ou exiger là où le Protocole ne le fait pas, la Cour elle-même ayant réglé, comme rappelé supra, la question des conditionnalités de la preuve dans son arrêt de principe rendu dans l’affaire Norbert Zongo (réparations). En formant dans ledit arrêt le bloc de l’administration de la preuve en matière de réparation, la Cour n’y a élu que l’unique principe général de droit actori incumbit probatio. Secundo, dans le même arrêt Alex Thomas posant le principe des « circonstances impérieuses », la Cour écarte la reprise du procès comme une mesure de réparation applicable en se fondant sur de nombreux facteurs qu’elle a dégagés par elle-même des faits de la cause sans le secours de moyens invoqués par le requérant.69 Enfin, cet arrêt prémice rendu en 2015, la Cour se maintient dans cette première limitative sur une dizaine d’arrêts,70 courant par quatre années, jusqu’à ce que soit libérée la réparation au plein sens du Protocole avec le célèbre arrêt Mgosi Mwita Makungu c. Tanzanie.71 Nous avions opiné dans d’autres circonstances qu’une telle approche jurisprudentielle pêche au moins doublement. D’une part, elle paralyse la fonction historique de la Cour dans le système africain des droits de l’homme. D’autre part, elle entame sa légitimité par l’observance d’une marge d’appréciation exorbitante au profit des Etats.72

Si Mgosi Mwita Makungu parachève l’avènement de l’ère libérale, la Cour n’y est pas parvenue sans labeur jurisprudentiel. De l’intérieur, la juridiction s’est imposée une ère intermédiaire, un certain exode de l’absolutisme vers le libéralisme. Le mouvement est inauguré par les arrêts Alex Thomas (interprétation) et Mohamed Abubakari (interprétation) où la Cour se voit offrir l’opportunité de réguler la conjonction entre « circonstances exceptionnelles » et « mesures nécessaires ». On observe que c’est avec force argument qu’elle corrige ou du moins revire en décidant que « toutes les mesures nécessaires » incluent bien entendu la remise en liberté et « toutes autres mesures susceptibles d’annihiler les conséquences des violations établies, restaurer la situation préexistante et rétablir les requérants dans leurs droits ».73 En s’autorisant une utile distraction analytique, il peut être d’un certain intérêt de relever que six des huit juges de la formation Alex Thomas (fond) de l’ère dite absolutiste ont formé la portion majoritaire des 10 juges qui ont inauguré l’évolutionnisme dans Alex Thomas (réparations). De manière bien plus notable, le juge Ben Achour qui va demeurer, avec la juge Thompson jusqu’à son départ, l’œil de Caïn de la jurisprudence des réparations, exerce les fonctions de ‘libéraliste’ sur les sentiers vers Mgosi Mwita Makungu.74

Au cours de la même session où sont rendus les arrêts jumeaux Thomas et Abubakari en interprétation, la Cour en applique l’évolutionnisme en vidant le fond dans les affaires Kennedy Owino Onyachi c. Tanzanie75 et Christopher Jonas c. Tanzanie.76 En différence notable dans l’arrêt Kennedy Owino Onyachi, sans motivation préalable et sans référence aux arrêts en interprétation, elle indique au dispositif « ordonner à l’Etat défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires susceptibles d’annihiler les conséquences des violations établies, restaurer la situation préexistante et rétablir les requérants dans leurs droits. De telles mesures pourraient inclure la remise en liberté des requérants. ... ». Dans Christopher Jonas, la Cour rejette la demande de remise en liberté par une application stricte des arrêts Alex Thomas et Mohamed Abubakari, avec le bémol que le rejet est « sans préjudice de la décision de l’Etat de considérer la prise d’une telle mesure ». 77

En dépit de ce départ vers des horizons plus libéraux, la Cour n’avait toujours ni varié la charge de la preuve des circonstances ni ébauché des circonstances susceptibles de mériter la prise des mesures dans les arrêts Kennedy Owino Onyachi et Mohamed Abubakari. Elle n’avait pas non plus ordonné expressément la remise en liberté par motivation indépendante. Deux sessions plus tard, elle fait œuvre de constance en répliquant le précédent Christopher Jonas dans les arrêts Kijiji Isiaga c. Tanzanie,78 Thobias Mango et un autre c. Tanzanie79 et Amiri Ramadhani c. Tanzanie. 80 Il est intéressant de noter que dans l’entregent, la Cour, dans son arrêt Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie relatif à la nationalité, ordonne à l’Etat défendeur de « prendre toutes les mesures nécessaires pour réintégrer le requérant dans ses droits » avec la précision manifestement inédite à la date de l’arrêt de faire ainsi « en l’autorisant à retourner sur le territoire national et d’assurer sa protection ». 81

Il faudra attendre un an plus tard, dans les arrêts Diocles William c. Tanzanie et Minani Evarist c. Tanzanie, rendus au cours de la même session, pour noter un affinement de la théorie des « circonstances exceptionnelles » ou plutôt l’esquisse d’un facteur les déterminant. La Cour y estime alors que les mesures de réparation telles que la remise en liberté ne peuvent être accordées que si « le requérant démontre suffisamment ou la Cour établit par elle-même que son arrestation ou son inculpation est exclusivement fondée sur des considérations arbitraires et que sa détention continue occasionnerait un déni de justice ».82 En renvoyant dans l’arrêt Diocles William à la jurisprudence de ses consœurs européenne et interaméricaine référencée par citation directe paraphrasée et dans le corps de la moti-vation,83 la Cour s’appuie sur les facteurs additionnels de la nature et de l’étendue des violations ainsi que de la nature de l’infraction pour rejeter la demande de remise en liberté comme non justifiée.84 A différence cruciale, dans l’arrêt Minani Evarist, la Cour ne cite pas les Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme. En revanche, au contraire de l’argumentaire dans l’arrêt Diocles William, elle « observe » dans Minani Evarist que son refus d’ordonner la remise en liberté est sans préjudice de la décision de l’Etat défendeur de prendre une telle mesure.85 On note enfin avec une pointe de surprise que le dispositif de l’arrêt Minani Evarist ne fait aucune référence au rejet de la demande de remise en liberté. Elle s’y contente d’ordonner le versement d’une réparation de 300.000 shillings tanzaniens pour défaut de disponibilité de l’aide juridictionnelle.

A titre de constatation transversale, on peut suggérer que la conscience de la transition sur la question des « circonstances exceptionnelles » et des « mesures nécessaires » y associées est illustrée par ce que les grands arrêts qui la consacrent sont rendus au cours de la même session. Il va sans dire qu’il serait inimaginable une telle jurisprudence hormis la coordination et l’harmonisation judiciaires.

Lorsqu’aux sorties d’une transition laborieuse, elle entame l’ère libérale avec l’arrêt Mgosi Mwita Mukungu, on note que la Cour y va de plain-pied. Elle ordonne ainsi à l’Etat défendeur de « remettre le requérant en liberté dans les 30 jours du présent arrêt ».86 Se fondant sur l’historique retracée plus haut, il n’est pas exagéré de considérer qu’une telle rupture jurisprudentielle était auto-libératrice, marquée tant par la force de la formule déclaratoire que la brièveté du délai d’exécution imparti. Sur la substance de ce départ, la Cour reprend les grands principes évolutionnistes des « considérations arbitraires occasionnant un déni de justice » et la portée non-restrictive de son impérium aux termes de l’article 27(1) à « toutes les mesures appropriées » « y compris la remise en liberté du requérant ».87 En se fondant sur les éléments factuels pris au dossier, elle démontre par elle-même en quoi les violations constatées étaient de nature à affecter l’inculpation et la condamnation et que la période de vingt années sur trente purgées par le requérant rendrait injuste toute mesure de réparation autre que la remise en liberté.88

Une fois la réparation libérée, l’arrêt Armand Guéhi c. Tanzanie rendu au cours de la même session que Mgosi Mwita Makungu apparaît comme un condensé exhaustif de la théorie de la Cour sur les conditionnalités des réparations. On note qu’y sont cités tous les grands arrêts sur la question avec l’émergence des éléments nouveaux de l’application in casu, du principe de proportionnalité entre la mesure demandée et l’étendue de la violation ainsi que de la nécessité d’éviter le double préjudice.89 Cependant, les développements post-Mgosi Mwita Makungu laissent apparaître que l’ère libérale n’a pas nécessairement consacré un point de non-retour. Le constat en est fait dans l’arrêt Kenedy Ivan c. Tanzanie rendu trois mois plus tard lorsque la Cour, alors même qu’elle y reprend les précédents pertinents, rejette la demande au motif que « le requérant n’a pas démontré les circonstances exceptionnelles ».90 En revanche, l’arrêt Wilfred Onyango Nganyi c. Tanzanie vient comme un motif de satisfaction lorsque la Cour évalue le mérite de la demande de remise en liberté en fondant expressément et principalement son argumentaire sur le précédent Mgosi Mwita Makungu.91

Par argumentaire comparé, le législateur européen confère à la Cour européenne des droits de l’homme, aux termes de l’article 41 de la Convention européenne des droits de l’homme, des pouvoirs de réparation bien en deçà de ceux dont peut se prévaloir la Cour africaine. Pourtant, le juge européen a ordonné la remise en liberté du requérant comme l’illustre l’arrêt Del Rio Prada c. Espagne où la Cour se fonde principalement sur la nature de la violation et l’urgence d’y mettre un terme.92 La même tendance jurisprudentielle est observée devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui, en dépit de la terminologie limitative de l’article 63(1), du Pacte de San José, n’a pas hésité, dans son arrêt Loayza-Tamayo c. Pérou, à ordonner la remise en liberté du requérant pour éviter une double incrimination.93

Outre les conditionnalités du droit à réparation, c’est sur l’évaluation de son quantum qu’a pu être observée la réticence décisionnelle du juge africain des droits de l’homme.

3.1.2 Le quantum de la réparation

En sus des critères pris de la jurisprudence et de la typologie générale des réparations admise en droit international, la Cour a adopté des principes directeurs de la réparation tels que l’équité, la proportionnalité ou encore l’adaptabilité dont illustration a été faite plus haut. On se serait attendu dès lors qu’un principe aussi important que l’équité préside à l’administration de la justice des réparations au prétoire africain des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne l’évaluation du quantum. C’est d’ailleurs cette attente que confirme la Cour dans l’arrêt Norbert Zongo (réparations) lorsqu’elle décide, fondée en outre par « le raisonnable exercice de sa discrétion judiciaire et sur la base du principe d’équité », d’allouer aux victimes l’intégralité des dommages et intérêts demandés qui « n’ont pas été for-mellement contestés par l’Etat défendeur ».94 Les montants accordés avaient alors varié de 50.000 dollars américains par conjoint à 30.000 par enfant et 20.000 par père ou mère. Au titre du même préjudice moral faisant suite en l’espèce à son emprisonnement pour une durée d’un an et à l’interdiction de son organe de presse, le requérant, journaliste de profession, se voit pourtant accorder dans l’affaire Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (réparations), une compensation de 20.000 dollars.95

On relève qu’alors qu’elle constate la gravité de la violation et l’importance du préjudice, la Cour proclame l’équité sans nécessairement en épouser une constante application. Par exemple, dans l’arrêt Armand Guéhi, le requérant obtient une réparation pour préjudice moral d’un montant de 2.000 dollars américains par suite d’une procédure qui s’est anormalement rallongée d’un an et 10 mois. La Cour avait alors noté les circonstances spéciales de la cause, l’accusation de meurtre et le risque de la peine capitale, et établit qu’elles avaient causé de l’angoisse au requérant.96 En comparaison, dans l’affaire Wilfred Onyango Nganyi, les requérants ont obtenu 3.000 dollars pour inculpation arbitraire et 4.000 pour quatre ans de procédure anormalement longue.97 On peut également recourir comme jauge d’équité à l’arrêt Ingabiré Victoire Umuhoza (réparations) où la Cour reconnait le préjudice moral lié à la réputation et l’avenir politique de la requérante,98 la campagne de dénigrement orchestrée à son encontre,99 sa souffrance physique et psychologique100 ainsi que le stress et l’angoisse subis par son époux et ses enfants et corroborés par des rapports médicaux.101 En déterminant le quantum, la Cour note que la grâce présidentielle ayant conduit à sa remise en liberté représente une forme de réparation du préjudice moral. Sans relever les raisons de la grâce ni noter son effet sur les violations constatées, la Cour évalue le préjudice à environ 60.000 dollars conjointement pour la requérante et les membres de sa famille. Il pourrait être utile de faire observer que, dans l’arrêt sur le fond, la Cour avait constaté la violation de la liberté d’opinion et le caractère trop sévère de la peine prononcée dans cette cause portant au principal sur le déni du génocide.102 Enfin, dans l’affaire Lucien Ikili Rashidi c. Tanzanie, la Cour accorde au requérant un montant de 5.000 dollars pour fouille anale et 500 dollars par enfant ayant été témoin de la fouille et subi l’arrestation arbitraire.

En général, on note que la tendance ne s’estompe pas au fil des arrêts, d’une évaluation du quantum des réparations qui manque d’être systématisée, harmonisée et conséquemment motivée. Ce constat semble s’appliquer aux questions liées au défaut d’assistance judiciaire par exemple. On peut observer à cet égard que dans l’arrêt Anaclet Paulo, la Cour accorde le montant de 150 dollars pour défaut d’assistance judiciaire n’ayant pas affecté l’issue du procès, le requérant ayant été privé du droit de se faire représenter par un avocat dans les procédures devant les juridictions de jugement et d’appel. La procédure a duré plus de quinze années, la Cour ayant appliqué les théories les plus libérales du « faisceau des droits » et du caractère extraordinaire du recours constitutionnel.103 Le même montant est accordé dans l’affaire Kenedy Ivan sans justification différenciée d’avec Anaclet Paulo. En revanche, dans l’arrêt Alex Thomas (réparations), le requérant se voit accorder un montant de 1.000 dollars pour jugement in absentia et défaut d’aide juridictionnelle.104

En somme, le commentateur manque de directives sur l’application de l’équité, la question étant de savoir, par exemple, si le montant accordé devrait l’être indifféremment de ce que la violation a entaché tout ou seulement partie des procédures concernées ou encore quels barèmes sont généralement applicables en droit interne. Les mêmes questions sont valides lorsque la compensation est identique d’une victime indirecte, parent proche du requérant, qui subvient aux besoins de plusieurs membres de la famille comme c’est le cas dans l’affaire Alex Thomas (réparations) à une autre victime se trouvant dans une situation différente. On est forcé de conclure à une tendance au nivellement sans motivation quant aux similitudes ou critères transversaux sur le constat révélé par exemple dans l’affaire Wilfred Onyango Nganyi que les mêmes critères n’ont pas présidé que dans l’affaire Alex Thomas alors que les mêmes montants sont accordés.105

Le decidendi de la Cour pose des interrogations similaires quant à l’exécution des réparations.

3.2 Le decidendi de l’exécution des réparations

On peut examiner la pratique de la Cour par le double truchement du délai (3.2.1) et du suivi de l’exécution des réparations ordonnées (3.2.2).

3.2.1 Les délais de l’exécution

Aux termes des dispositions de l’article 30 du Protocole, la compétence de la Cour pour fixer les délais d’exécution des réparations qu’elle ordonne nefait pas objet de contestation. Par implication, une telle compétence vaut pour les critères de détermination desdits délais, en particulier selon la nature de la mesure ordonnée. Sur ce point, on devrait interroger l’exercice que fait la juridiction d’un tel impérium.

Pour ce qui concerne les mesures pécuniaires, on note que dans l’affaire Norbert Zongo, l’Etat défendeur doit verser aux victimes un montant d’environ 1.000.000 de dollars dans un délai de six mois. Les délais d’exécution sont de six mois pour un montant de 70.000 dollars dans l’affaire Lohé Issa Konaté, 2.500 dans Armand Guehi, d’environ 70.000 dollars dans Ingabire Victoire Umuhoza, de 150 dollars dans Anaclet Paulo, sans délai d’exécution mais avec un délai de rapport de six mois.106 Un léger bémol est observé dans l’affaire Lucien Ikili Rashidi où l’Etat doit verser le montant de 6.000 dollars payable dans les six mois du prononcé de l’arrêt avec rapport dans les mêmes délais sur les mesures prises à l’effet de l’exécution. Le montant est de 3.500 dollars payable en six mois avec rapport dans les mêmes délais et rapport tous les six mois jusqu’à exécution dans les affaires Alex Thomas (réparations), Mohamed Abubakari (réparations) et Wilfred Onyango Nganyi (réparations), la compensation s’élèvant à 70.000 dollars dans la dernière espèce.

Au chapitre des mesures législatives et assimilées, on ne note pas du mieux quant à la coordination des délais et leur motivation. Par exemple, dans l’arrêt Reverend Christopher Mtikila (réparations) rendu en 2015, la Cour ordonne à l’Etat de « prendre toutes les mesures constitutionnelles, ... utiles dans un délai raisonnable ».107 Sur le constat du défaut d’exécution des réparations ordonnées dans l’arrêt rendu sur le fond en 2013, la Cour ordonne en outre à l’Etat de déposer un rapport d’exécution dans les six mois; de publier l’arrêt et son résumé comme ordonné au fond; et de rapporter quant à l’exécution de l’arrêt de 2015 dans un délai de neuf mois relativement à la publication des deux décisions. En revanche, dans l’affaire Anudo Ochieng Anudo, l’Etat doit « amender la législation nationale de manière à rendre disponibles des recours juridictionnels en cas de contestation de la nationalité » sans qu’aucun délai ne soit indiqué à cet effet. Quant à l’Etat défendeur dans l’arrêt APDF et IHRDA, il lui est ordonné de « modifier la loi contestée et mettre fin aux violations constatées; et se conformer à ses engagements concernant l’information, l’enseigne-ment, l’éducation et la sensibilisation des populations ». Aucun délai n’est imparti pour se faire mais l’Etat doit déposer rapport dans un « délai raisonnable ne devant tout de même pas excéder deux ans pour compter de la date de notification de l’arrêt ». Dans l’affaire Lucien Ikili Rashidi, l’Etat est appelé à « prendre toutes les mesures pour s’assurer que les fouilles soit effectuées, lorsqu’elles sont nécessaires, dans le strict respect des conventions » internationales des droits de l’homme.  Si aucun délai n’est imparti, l’Etat doit en revanche rapporter dans les six mois quant aux mesures prises en vue d’exécuter l’arrêt.

Les mesures judiciaires offrent également une base d’analyse de l’exercice par la Cour de son impérium quant aux délais. Relativement à la remise en liberté, on constate dans l’affaire Mohamed Abubakari que la Cour ordonne l’exécution dans « un délai raisonnable » avec rapport dans les six mois. La remise en liberté est ensuite ordonnée de manière tacite dans l’arrêt Kennedy Owino Onyachi sans le moindre délai d’exécution mais avec une obligation de rapporter dans les six mois. Dans l’affaire Nguza Viking où l’Etat doit faire appeler les témoins, donner copie des déclarations des témoins, entreprendre le test de virilité et réintégrer les requérants dans leurs droits, aucun délai n’est imparti alors que la demande de remise en liberté est déclarée sans objet. Le délai pour rapporter est fixé à six mois. Il est demandé au défendeur, dans l’affaire Kijiji Isiaga, de remédier au défaut d’assistance judiciaire sans qu’aucun délai ne soit imparti, le rapport devant être fait dans les six mois. Dans l’arrêt Alex Thomas, la Cour ordonne la réouverture du procès et la présentation des moyens de la défense dans « un délai raisonnable » avec rapport dans les six mois.108 Il est ordonné à l’Etat, dans l’affaire Anudo Ochieng Anudo, de prendre toutes les mesures pour autoriser le retour du requérant sur le territoire national et garantir sa sécurité mais sans qu’un délai ne soit mentionné alors que le rapport est à produire dans les quarante-cinq jours. Dans l’arrêt Diocles William, il s’agit de « rouvrir la procédure dans les six mois et de la conclure dans un délai raisonnable n’excédant pas deux ans après le prononcé du présent arrêt ». L’obligation de rapporter est elle-aussi enfermée dans les deux ans. Comme relevé plus haut, l’absence d’indication de délai d’exécution est notable en ce qui concerne certaines mesures comme l’illustre, dans l’arrêt Lohé Issa Konaté, l’ordre de radier, du casier judiciaire du requérant, toutes les condamnations pénales prononcées à son encontre et revoir à la baisse les montants des amendes, dommages-intérêts et dépens.109 Enfin, sous ce chapitre, on note que la Cour ordonne que Mgosi Mwita Makungu soit remis en liberté dans les trente jours de l’arrêt et qu’un rapport soit produit dans les soixante jours.

La question de la publication des décisions de la Cour est aussi au menu des débats sous ce chapitre. La directive que semble introduire la Cour dans l’affaire Norbert Zongo est celle de la publication unique du résumé de l’arrêt, fourni par le greffe, au journal officiel et dans un quotidien national de large diffusion puis sur le site internet officiel de l’Etat défendeur pour une durée d’un an. C’est ce standard qui est répliqué dans l’affaire Lohé Issa Konaté. Il est important d’y noter que le délai d’exécution coïncide bien souvent avec celui de la production du rapport, les deux étant de six mois comme dans les affaires Norbert Zongo et Lohé Issa Konaté. En revanche, la publication doit être faite dans les trois mois du prononcé de l’arrêt et sur les sites internet du pouvoir judiciaire et du ministère des affaires constitutionnelles et juridiques où il devra rester disponible pour une période d’un an, rapport devant être fait dans les six mois. La formule est identique par ailleurs à l’exception de la variance que le rapport est requis tous les six mois jusqu’à exécution.110

On peut interroger les motivations de mesures aussi similaires dans des situations qui ne sont pas nécessairement proches. Entre autres, il y a lieu d’interroger l’adaptabilité des délais impartis à la nature des mesures ordonnées; aux systèmes internes budgétaire, judiciaire, administratif et réglementaire de l’Etat concerné ainsi qu’à l’équité entre Etats eu égard à l’identité des différentes mesures mais à la disparité de la fréquence et du quantum des mesures monétaires.

Une frange non moins importante de l’impérium de la Cour relatif à l’exécution des mesures ordonnées est celle relevant de leur suivi.

3.2.2 Le suivi de l’exécution

A titre de préalable, il est utile de rappeler qu’aux termes de l’article 31 du Protocole, « La Cour soumet à chaque session ordinaire de la Conférence un rapport annuel sur ses activités. Ce rapport fait état en particulier des cas où un Etat n’aura pas exécuté les décisions de la Cour ». On note par ailleurs, qu’en application de l’article 3(2) du Protocole, « En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétence, la Cour décide ». On devrait aisément en déduire que, sur la question de savoir si elle est compétente pour décider de l’exécution ou non de ses arrêts, la Cour a la compétence de sa compétence. Pour rappel comparé, c’est bien cette compétence qui a fondé la pratique devenue opinio juris communis de la Cour interaméricaine des droits de l’homme de procéder au suivi judiciaire de l’exécution de ses arrêts et de tenir toute audience qu’elle juge utile à cet égard.111

Dans sa pratique actuelle, la Cour africaine se contente de déposer son rapport dont présentation est faite devant le Conseil exécutif de l’Union africaine lors des sommets ordinaires de l’organisation. Le rapport contient la mention des Etats qui se sont conformés ou non aux arrêts de la Cour. En général, le Conseil exécutif adopte ensuite une décision félicitant les Etats qui se sont conformés et encourageant les autres à coopérer avec la Cour. Au demeurant, la sanction du défaut d’exécution se résout en une répétition presque dénonciatrice au fil des sommets, des Etats qui ne coopèrent pas. Lesdits Etats peuvent d’ailleurs faire des observations, exiger des amendements voire dénoncer le rapport de la Cour concernant leur défaut d’exécution d’arrêts censés être revêtus de l’autorité de chose jugée et devenus exécutoires. Dans la même logique, la Cour s’est finalement vue intimer l’ordre de s’abstenir de mentionner dans son rapport les Etats qui ne se sont pas conformés à ses décisions. Pour faire suite à une telle démarche, le Conseil exécutif ne fait plus la moindre mention des Etats défaillants depuis le sommet de juillet 2018.112

Face à ces développements, la Cour n’a pas changé d’approche quant au suivi de l’exécution de ses arrêts. Lorsque par exemple dans l’affaire Commission africaine (Ogiek) c. Kenya,113 les requé- rants l’ont saisie à maintes reprises d’éléments prouvant la violation répétées des mesures provisoires ordonnées préalablement à l’arrêt sur le fond, la Cour n’a fait aucune réaction judiciaire aux demandes d’intervention y afférentes. A la lumière de ces rappels, on peut avancer que l’hypothèse d’une exclusion de l’intervention judiciaire de la Cour après le prononcé de ses arrêts est à la fois textuellement inexacte et juridiquement illogique. En effet, le législateur n’aurait pas attribué à la Cour un rôle actif dans la production du rapport sur l’exécution s’il n’avait pas entendu lui conférer une compétence à cet égard. Eu égard à la fonction et à la compétence de la Cour, un tel rôle est nécessairement judiciaire et ne saurait se limiter à la compilation administrative d’un rapport susceptible de contestation par les Etats défaillants.

Au plan de la logique juridique, le rôle de suivi est inévitablement aussi judiciaire qu’administratif puisque le rapport présume un rapport factuel ou produit sur conclusions des parties ou investigations factuelles menées par la Cour. C’est d’ailleurs le fidèle reflet de sa pratique en la matière. A preuve, les informations formant le rapport sont obtenues par exécution de mesures ordonnées par la Cour dans le dispositif de ses décisions. Dans le même ordre d’idées, le rapport visant à déterminer le défaut d’exécution implique nécessairement une analyse factuelle et juridique pour y parvenir. Autrement, les Etats seraient bien fondés à attaquer la légalité d’un rapport produit par exemple sur la seule base des informations fournies par le requérant, en cas de silence du défendeur, ou obtenues dans une procédure ex parte. En tout état de cause, la restriction de la production du rapport à une stricte procédure administrative entame sérieusement l’impérium de la Cour quant au suivi et à l’exécution de ses arrêts. Il en est ainsi puisque les Etats auraient alors entière liberté, et c’est déjà d’ailleurs le cas, pour contester un rapport non-judiciaire au contraire de celui qui aurait été établi sur la base d’une décision judiciaire constatant le défaut d’exécution et ordonnant des mesures comminatoires. En effet, une telle contestation ne pourrait être que judiciaire et échapperait elle-aussi à l’assentiment des organes politiques de l’Union africaine.

Sur la base de cette compétence judiciaire quant au suivi, l’impérium de la Cour s’étendrait bien entendu au recours à toutes les méthodes usuelles de suivi judiciaire telles que les audiences, les décisions constatant défaut d’exécution ou encore des ordonnances en tant qu’applicables selon les circonstances. La contestation massive des ordonnances de mesures provisoires ordonnées par la Cour dans des affaires impliquant la République Unie de Tanzanie montre à suffisance que la problématique du suivi judiciaire de l’exécution des mesures ordonnées ne doit pas faire l’objet d’une préoccupation diffuse ou isolée. Tel que nous l’avons souligné dans d’autres circonstances, il y va de l’autorité de la Cour mais également de l’efficacité du système africain des droits de l’homme.114

Enfin, l’argument tendant à estimer qu’il serait futile de contrôler par des actes judiciaires subséquents des décisions judiciaires ignorées par les Etats peut n’être justifié ni en droit ni dans la pratique. Sur le point du droit, la démonstration préalable suffira. Au plan de la pratique, la Cour a déjà pratiqué le contrôle judiciaire. Une illustration fort à point en est faite lorsque dans son arrêt Reverend Christopher Mtikila sur les réparations, la Cour ordonne de nouvelles mesures en suivi de mesures ordonnées au fond et qui étaient restées lettres mortes.115 Il apparaît d’ailleurs que cette pratique n’est pas inédite puisque la Cour l’adopte à maintes reprises comme on peut le relever dans les arrêts Norbert Zongo (réparations) et Wilfred Onyango Nganyi (réparations). La procédure d’adoption par les organes politiques de l’Union africaine d’un Cadre de suivi de l’exécution des décisions de la Cour - et par extension, de celles des autres organes africains des droits de l’homme - est par conséquent, très certainement, un pas dans la direction de la jurisprudence.

Il est utile pour faire exhaustif, de relever la pertinence de certains axes principaux du Cadre de suivi qui, à cette étape, est examiné, avant adoption au Conseil exécutif, par le Comité technique spécialisé de l’Union africaine sur la justice et les affaires juridiques. Le document mi-technique mi-juridique qui prévoit pour une procédure étape par étape de suivi de la mise en œuvre et de l’exécution des décisions de la Cour, adopte la double approche judiciaire et politique, les deux options étant envisagées exclusivement ou successivement. De manière notable, il est prévu explicitement des audiences de constatations de défaut d’exécution ou non, ainsi que toute mesure utile à la production d’un rapport qui sera frappé du sceau judiciaire et sanctionné par un arrêt si nécessaire.

4 CONCLUSION

L’impératif de la présente réflexion est largement porté par la célèbre maxime ubi jus ibi remedium ; à tout droit positif est inhérent le principe tant d’un recours que d’une réparation en cas de violation. Pour répondre à cette exigence, la Cour africaine se doit d’aller au-delà de la simple fonction de judiciarisation des déficiences de la Commission africaine pour garantir aux victimes une protection efficace des droits proclamés par la Charte. Pour y parvenir, la Cour doit administrer la réparation dans le plein effet de l’impérium entendu à l’article 27(1) du Protocole. Une certaine école de pensée pourrait consister à arguer que la seule possibilité pour un justiciable africain de disposer du prétoire de la Cour africaine et d’obtenir la condamnation d’un Etat africain en l’état actuel des Etats de droit dans la région est déjà, en elle-même, une avancée notable. Notre postulat est que l’histoire du système africain des droits de l’homme lue conjointement avec la lettre et l’esprit du Protocole impose à la Cour d’aller plus loin pour fertiliser les états encore balbutiants des droits de l’homme sur le continent. Le maintien de la fonction juridictionnelle de la Commission de Banjul consolide ce postulat. En tout état de cause, la Cour doit éviter de restreindre ce que le législateur a libéralisé au risque de manquer à sa mission historique de complémentarité et, partant, de consolidation.

 


1. SH Adjolohoun Droits de l’homme et justice constitutionnelle en Afrique: la modèle béninois à la lumière de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (2011) 47-55; GM Musila ‘The right to an effective remedy under the African Charter on Human and Peoples’ Rights’ (2006) 6 African Human Rights Law Journal 441 at 442.

2. Voir G Naldi ‘Reparations in the practice of the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ (2001) 14 Leiden Journal of International Law 10; SH Adjolohoun Giving effect to the human rights jurisprudence of the ECOWAS Court of Justice: compliance and influence, Thèse de doctorat, Université de Pretoria (2013) 96-99; JD Boukongou ‘The appeal of the African human rights system’ (2006) 6 African Human Rights Law Journal 288-292.

3. Voir Adjolohoun (n 1) 60-74; Kenneth Good c. Botswana, Communication 313/05 (2010) AHRLR 43 (ACHPR 2010); Antoine Bissangou c. République du Congo, Communication 253/2002 (2006)  AHRLR 80 (ACHPR 2006); Marcel Wetsh’ Okonda Koso et autres c. République Démocratique du Congo, Communication 281/2003 ( 2008 AHRLR 93  (ACHPR  2008 ).

4. Reverend Christopher Mtikila c. Tanzanie CAfDHP (fond, 14 juin 2013) 1 RJCA 34.

5. Reverend Christopher Mtikila c. Tanzanie CAfDHP (réparations, 13 juin 2014) 1 RJCA 74.

6. Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso CAfDHP (réparations, 5 juin 2015) 1 RJCA 265.

7. Minani Evarist c. Tanzanie, CAfDHP (fond et réparations, 21 septembre 2018).

8. Lucien Ikili Rashidi c. Tanzanie CAfDHP (fond et réparations, 28 mars 2019).

9. Mohamed Abubakari c. Tanzanie CAfDHP (fond, 3 juin 2016) RJCA 624.

10. Mohamed Abubakari c. Tanzanie CAfDHP (interprétation, 28 septembre 2017).

11. Voir sur la question, SH Adjolohoun ‘Les grands silences jurisprudentiels de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2018) 2 Annuaire africain des droits de l’homme 24-46.

12. Voir Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Lignes directrices sur les réparations (2019) 12-15.

13. Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso, CAfDHP (réparations, 3 juin 2016) 1 RJCA 358 para 60.

14. Kenedy Ivan c. Tanzanie, CAfDHP (fonds et réparations, 28 mars 2018), para 90.

15. Ngosi Mwita Makungu c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 7 décembre 2018), para 86.

16. Norbert Zongo (réparations), para 100.

17. Reverend Christopher Mtikila (réparations), para 43.

18. Lucien Ikili Rashidi, para 147.

19. Actions pour la Protection des Droits de l’Homme (APDH) c. Côte d’Ivoire, CAfDHP (fond, 18 novembre 2016) 1 RJCA 697.

20. Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 22 mars 2018).

21. Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes (APDF) et Institut pour les Droits de l’Homme et le Développement en Afrique (IHRDA) c. Mali, CAfDHP (fond et réparations, 11 mars 2018).

22. Anudo Ochieng Anudo (fond), para 132.

23. APDF et IHRDA (fond et réparations), para 135(x).

24. Reverend Christopher Mtikila (fond), paras 111, 115 et 126.

25. Sébastien Germain Ajavon c. Bénin, CAfDHP (fond, 29 mars 2019) para 283.

26. Ibid, para 292(xxii).

27. Voir l’arrêt fondateur à cet égard, Ernest Francis Mtingwi c. Malawi, CAfDHP (compétence, 15 mars 2013) 1 RJCA 197 paras 14-16.

28. Voir Sébastien Germain Ajavon c. Bénin (fond), Opinion individuelle du Juge Gérard Niyungeko, paras 27-29.

29. Voir F Ouguergouz ‘Les articles 60 et 61 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples’ in L Burgorgue-Larsen (dir) Les défis de l’interprétation et de l’application des droits de l’homme: de l’ouverture au dialogue (2017) 151-156. Voir également Norbert Zongo (réparations), para 55.

30. Nous avons souligné.

31. Voir Norbert Zongo (réparations).

32. Black Law Dictionary, 9ème edition (2009) 1361-1362.

33. Nous avons souligné.

34. Norbert Zongo (réparations), para 36.

35. Ibid, para 111(ii).

36. Minani Evarist (fond et réparations), para 81; Diocles William c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP (fond et réparations, 21 septembre 2018), para 101.

37. Wilfred Onyango Nganyi et autres c. Tanzanie, CAfDHP (réparations, 4 juillet 2019), paras 97(iv)(a)(b).

38. Lucien Ikili Rashidi, para 160(x).

39. Norbert Zongo (réparations), Lohé Issa Konaté (réparations), Wilfred Onyango Nganyi (réparations) et Lucien Ikili Rashidi.

40. Par exemple, dans l’arrêt Wilfred Onyango Nganyi (réparations), les requérants présentent une liste de sept (7) demandes se rapportant aux préjudices soufferts par une cinquantaine de victimes directes et indirectes.

41. Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, CAfDHP (réparations, 7 décembre 2018) 38-40.

42. Ibid, 42-46.

43. Wilfred Onyango Nganyi (réparations), paras 36-38.

44. Par exemple, la Cour accorde 150 dollars pour défaut d’aide juridictionnelle dans Minani Evarist; 4.000 dollars pour quatre ans de délai anormalement long dans Wilfred Onyango Nganyi; 5.000 dollars pour violation du droit à la dignité par suite de fouille annale dans Lucien Ikili Rashidi; et 15.000 dollars pour préjudice morale suite à un an d’emprisonnement dans Lohé Issa Konaté.

45. Alex Thomas c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 2015) 1 RJCA, para 123.

46. Lucien Ikili Rashidi, para 84.

47. Mohamed Abubakari (fond), para 235.

48. Ibid.

49. Mohamed Abubakari (réparations), para 236.

50. Armand Guehi c. Tanzanie, CAfDHP (fond et réparations, 7 décembre 2018), para 180.

51. Ingabire Victoire Umuhoza (réparations), para 59.

52. Mohamed Abubakari (interprétation). Voir sur la question, Adjolohoun (n 11).

53. Mohamed Abubakari (fond), para 92.

54. Frank David Omary et autres c. Tanzanie, CAfDHP (28 mars 2014, recevabilité) 1 RJCA 371, para 85.

55. Ibid, para 144.

56. Wilfred Onyango Nganyi (fond, 18 mars 2016), 1 RJCA, para 108; Christopher Jonas c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 28 septembre 2017), paras 77-78; Mohamed Abubakari (fond), para 139; et Diocles William (fond et réparations), paras 85-87.

57. Norbert Zongo (réparations), para 46.

58. Ibid, para 50.

59. Ingabire Victoire Umuhoza (réparations), paras 66-69, 72.

60. Anaclet Paulo c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 21 septembre 2018), para 93.

61. Ibid, paras 106-107.

62. Minani Evarist, para 85.

63. Anudo Ochieng Anudo (fond), paras 103-106 et 132(ix).

64. Armand Guehi, paras 164-166.

65. Ibid, 181.

66. Voir par exemple, Armand Guehi, Lucien Ikili Rashidi et Wilfred Onyango Nganyi (réparations) en leurs sections examinant les réparations concernées.

67. Voir Alex Thomas (fond), para 157.

68. Ibid, para 157.

69. Ibid, paras 158-159.

70. Par exemple, dans l’arrêt Nguza Viking (Babu Seya) et Johnson Nguza (Papi Kocha) c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 23 mars 2018), la demande de remise en liberté est rejetée pour être devenue sans objet par suite de la grâce présidentielle, para 141; et la Cour ordonne que soient prises ‘toutes les mesures nécessaires pour rétablir les requérants dans leurs droits’, para 147(x).

71. Mgosi Mwita Makungu c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 7 décembre 2018).

72. SH Adjolohoun, ‘The African Court: need for a system-based approach to jurisprudential affirmation’, AfricLaw https://africlaw.com/2017/11/16/the-afri can-court-need-for-a-system-based-approach-to-jurisprudential-affirmation/#m ore-1318 (16 novembre 2017) (consulté le 5 novembre 2019); et en general, SH Adjolohoun (n 11).

73. Alex Thomas (interprétation), para 39, 44(iii, iv); Mohamed Abubakari (interpré-tation), para 42(iii, iv).

74. Voir par exemple, l’opinion dissidente conjointe des Juges Thompson et Ben Achour dans l’affaire Alex Thomas (fond) 1 Recueil de jurisprudence de la Cour africaine 516-517; les opinions partiellement dissidente et dissidente des deux mêmes Juges dans l’affaire Mohamed Abubakari (fond) 1 Recueil de jurisprudence de la Cour africaine 666-674.

75. Kennedy Owino Onyachi c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 28 septembre 2017).

76. Ibid et Christopher Jonas (fond).

77. Christopher Jonas (fond), paras 95, 100(vii); 169(vii).

78. Kijiji Isiaga c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 21 mars 2018), para 96.

79. Thobias Mango et un autre c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 11 mai 2018), paras 155-156.

80. Amiri Ramadhani c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 11 mai 2018), paras 85-86.

81. Anudo Ochieng Anudo (fond), para 132(ix).

82. Diocles William, para 101 et Minani Evarist, para 82.

83. Diocles William (fond et réparations), para 102.

84. Minani Evarist (fond et réparations), para 104.

85. Ibid, para 83.

86. Mgosi Mwita Mukungu (fond), para 90 (vii).

87. Ibid, para 84.

88. Ibid, para 85.

89. Ibid, para 164-165.

90. Kenedy Ivan, para 93.

91. Wilfred Onyango Nganyi (réparations), paras 77-78.

92. Arrêt du 10 juillet 2012, CEDH 3ème Section; Broniowski c. Pologne  [GC], n o   31443/96 , para 194, 22 juin 2004; Alexanian c. Russie , n o 46468/06 , paras 239-240, 22 décembre 2008; et Fatullayev c. Azerbaïdjan , n o   40984/07 , paras 176-177, 22 avril 2010.

93. Loayza-Tamayo c. Pérou , 27 novembre 1998, paras 83-84.

94. Norbert Zongo (réparations), paras 61-62.

95. Lohé Issa Konaté (réparations), paras 56-59.

96. Armand Guéhi, para 181.

97. Wilfred Onyango Nganyi (réparations), para 97.

98. Ingabiré Victoire Umuhoza (réparations), para 62.

99. n 98, para 60.

100. n 98, para 66.

101. n 98, para 68.

102. n 98, para 71. La Cour avait estimé que ‘la déclaration de culpabilité et la peine prononcées contre la requérante pour avoir fait ces déclarations au Mémorial du génocide de Kigali et en d’autres occasions n’étaient pas nécessaires dans une société démocratique’. Ingabiré Victoire Umuhoza (fond, 24 novembre 2017), para 162.

103. Sur la jurisprudence de la Cour relative à ces théories, voir Adjolohoun (n 11).

104. Alex Thomas (réparations), paras 37-42.

105. n 104, paras 55-60; Wilfred Onyango Nganyi (réparations), para 97.

106. Idem pour Minani Evarist et Kenedy Ivan.

107. Nous avons souligné.

108. Idem pour Mohamed Abubakari (réparations).

109. Lohé Issa Konaté (réparations).

110. Alex Thomas (réparations), Mohamed Abubakari (réparations), Wilfred Onyago Nganyi (réparations).

111. Voir Baena-Ricardo et autres c. Panama, Cour interaméricaine des droits de l’homme (compétence), 28 novembre 2003, paras 61-67.

112. Voir Décision relative au rapport de 2017 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples prises par le Conseil exécutif lors de sa 32ème Session ordinaire (25-26 janvier 2018) Doc. EX.CL/1057(XXXII).

113. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Ogiek) c. Kenya, CAfDHP (fond, 26 mai 2017).

114. Voir en général, Adjolohoun (n 11).

115. Reverend Christopher Mtikila (réparations), para 45.