Samir Séro Zime Yerima
 Doctorant en Droit Public, Chercheur rattaché au Laboratoire Droit des Collectivités Publiques, Université Gaston Berger de Saint-Louis du Sénégal
This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.


 Edition: AHRY Volume 1
  Pages: 357 - 385
 Citation: SSZ Yerima ‘La Cour et la Commission africaines des droits de l’homme et des peuples: noces constructives ou cohabitation ombrageuse?’ (2017) 1 Annuaire Africain des Droits de l’Homme 357-385 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2017/v1n1a17
 Download article in PDF


RÉSUMÉ

La création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a marqué l’avènement d’une nouvelle ère des droits de l’homme sur le continent. S’est cependant posée à la naissance de cette juridiction, la question de ses rapports avec son aînée: la Commission, alors déjà vielle de plus de 20 ans. La solution fût trouvée dans le principe de ‘complémentarité’. Ce principe de complémentarité consacré par le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Protocole) est assurément de bon aloi. Mais force est de reconnaître, qu’il souffre de nombreuses difficultés qui entravent sa mise en œuvre. S’il est vrai que les deux institutions poursuivent des objectifs semblables, qu’en outre, leur spécificité ne fait ‘guère de doute’, la question de l’articulation de leurs fonctionnements concurrents et de leur coexistence pratique n’était pas pour autant résolue dans le Protocole consacrant la complémentarité. De nombreuses problématiques ont donc germé, dont celles relatives à la concurrence, la hiérarchie, ou encore l’enchevêtrement des compétences. Il ressort cependant de la présente étude, que bien que ces insuffisances originelles du principe de la complémentarité produisent des effets déplorables sur la relation entre les deux institutions, celles-ci semblent avoir opté pour une approche pragmatique et empirique de la mise en œuvre de leur complémentarité. En se fondant entre autres sur une approche comparée au regard des expériences européenne et américaine, cet article se propose d’analyser la relation entre la Commission et la Cour africaines à lumière du principe de complémentarité.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

The African Court and Commission on Human and Peoples’ Rights: a worthwhile wedding or a curious cohabitation?

ABSTRACT: The establishment of the African Court on Human and Peoples’ Rights (African Court) marked the beginning of a new era for human rights protection on the continent. However, with the advent of the Court, uncertainty arose about its relationship with the African Commission on Human and Peoples’ Rights (African Commission), its predecessor that had been in existence for the previous 20 years. The solution to his uncertainty was found in the principle of ‘complementarity’. The principle of complementarity, which is enshrined in the Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the Establishment of an African Court on Human and Peoples’ Rights (Protocol), is undoubtedly sound. Nevertheless, it must be acknowledged that several issues hinder the smooth implementation of this principle. While it is correct that the two institutions pursue similar objectives, and that each also exists as a distinct entity, the Protocol while introducing complementarity did not address the question of their competing functions and practical coexistence. Many issues have therefore emerged, including those relating to competition, hierarchy, and overlapping jurisdiction between the Commission and Court. However, it this article reveals that while these inadequacies in the principle of complementarity produce debilitating effects on the relationship between the two institutions, the latter seem to have opted for a pragmatic and empirical approach in implementing their complementarity. Based, amongst others, on a comparison with the European and Inter-American experiences, this article analyses the relationship between the African Commission and the African Court in light of the principle of complementarity.

MOTS CLÉS : Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Commission africaines des droits de l’homme et des peuples, complémentarité

 

SOMMAIRE:

1 Introduction  

2 Les péripéties d’une relation fondée sur un principe de complémentarité balbutiant complémentarité balbutiant  

2.1 La faible charge normative du principe de complémentarité  

2.2 L’application problématique de la complémentarité  

3 La construction d’une relation fondée sur un principe de compleméntarité progressif et apprenant   compleméntarité progressif et apprenant  

3.1 Le développement empirique de la complémentarité  

3.2 Vers un système plus efficace fondé sur la complémentarité 

4 Conclusion  

1 INTRODUCTION

Le système africain des droits de l’homme s’est pendant plus de vingt ans articulé autour de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine) qui était, alors, la seule institution africaine chargée de veiller à la protection et à la promotion des droits de l’homme. Mais moins de deux décennies après l’opérationnalisation de la Commission africaine, ce paysage uni-institutionnel sera bouleversé par l’entrée en vigueur le 25 janvier 2004, du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Protocole). Cette parturition de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine) fût le résultat d’une ambition nourrie de longue date mais dont la concrétisation a dû faire face à des objections idéologiques et philosophiques.1 L’idée de la création d’une entité juridictionnelle chargée de veiller de manière contentieuse à la protection des droits de l’homme s’est en effet heurtée à la supposée ‘conception africaine des droits de l’homme’ qui selon ses partisans n’admettait point le contentieux. Le juge Kéba Mbaye faisait ainsi valoir qu’en Afrique, ‘Nous avons recours à la justice pour régler des conflits à l’amiable, mais nous sommes rarement en conflit au sens contentieux du terme’.2 Ce fût le même son de cloche du côté du Professeur Maurice Ahanhanzo Glélé qui justifiait ainsi la création de la Commission africaine: 3

Le dynamisme et le doigté de la Commission africaine feront que cette dernière aide au règlement amiable, sans éclat, des litiges relatifs à la violation des droits de l’homme, ce qui aura peut-être pour conséquence de faire oublier la création d’une Cour Africaine des droits dont la nécessité ne s’imposera plus. L’Afrique ne préfère-t-elle pas la palabre?

L’expérience a pourtant fini par avoir raison de cette conception monocéphale du système africain des droits de l’homme fondée sur une philosophie non contentieuse du règlement des litiges. A l’origine de cette terrible désillusion : le constat palpable de l’inefficacité de la Commission africaine. En dix ans d’existence, la Commission africaine aura en effet fait l’objet des critiques les plus acerbes. ‘Bouledogue sans crocs,4 ‘tigre de papier’,5 ‘éléphant blanc’,6 les qualificatifs les moins élogieux n’ont pas manqué pour désigner l’impuissance de la Commission africaine à assurer sa mission de protection et de promotion des droits de l’homme. C’est dans ce contexte, que la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement lors de sa 34ème session tenue à Ouagadougou au Burkina Faso du 8 au 10 juin 1998 approuva le Protocole portant création de la Cour. Le Protocole entrera finalement en vigueur six ans plus tard avec le dépôt de l’instrument de ratification par les Comores.7

La juridiction ainsi créée n’intervenait pas dans un paysage institutionnel vierge, étant donné qu’elle n’est en réalité que la benjamine de la Commission africaine. Se posait alors la question de ses rapports avec celle-ci. Pour venir à bout des inquiétudes qui pourraient résulter de la coexistence de la Cour et de la Commission africaines, une solution fût trouvée. Elle fût gravée dans les dispositions du Protocole instituant la Cour, et elle a pour nom: ‘la complémentarité’. Principe dont on dit qu’elle aurait des vertus harmonisatrices. Aux termes de l’article 2 régissant les relations entre la Cour et la Commission africaines: ‘La Cour, tenant dûment compte des dispositions du présent Protocole, complète les fonctions de protection que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a conférées à la Commission africaine (Charte africaine)’. En frappant la relation entre la Cour et la Commission africaines du sceau optimiste de la complémentarité, le Protocole entendait se protéger des éclaboussures potentielles d’une relation tendue entre les deux institutions. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui, après plus d’une décennie de coexistence, les craintes appréhendées n’ont pas été entièrement conjurées.

La relation entre la Cour et la Commission africaines souffre en réalité de nombreux maux qui viennent entraver les noces heureuses que les rédacteurs du Protocole ont pensées. Dans les faits, ce principe s’est heurté aux dispositions laconiques du Protocole consacrant son existence. Le Protocole en effet, s’est contenté de consacrer de manière parcimonieuse le principe, laissant le soin aux règlements intérieurs des deux institutions de préciser les conditions de sa mise en œuvre. Cette fragilité normative du principe de complémentarité a abouti aux conséquences qui pouvaient résulter logiquement de l’existence parallèle de deux institutions dotées de mandats semblables. Des questions de hiérarchie, de chevauchements, d’articulation des compétences n’ont ainsi pas manqué de surgir. Un regard moins incisif permet cependant de ressortir que la relation entre la Cour et la Commission africaines est en perpétuel apprentissage. Les deux institutions semblent en effet surmonter les insuffisances du Protocole pour adapter leur relation et construire la complémentarité qui les régit au fil des circonstances. Les progrès et les succès enregistrés dans le cadre de la relation entre les deux institutions autour de la complémentarité indiquent que ce principe constitue ou constituera le socle de l’efficacité du système africain des droits de l’homme.

Si les balbutiements du principe de complémentarité éprouvent la relation entre la Cour et la Commission africaines, les deux entités n’en construisent donc pas moins leur coexistence dans un élan d’apprentissage de ce principe évolutif.

2 LES PÉRIPÉTIES D’UNE RELATION FONDÉE SUR UN PRINCIPE DE COMPLÉMENTARITÉ BALBUTIANT

L’idée de consacrer concomitamment à la création de la Cour africaine, l’exigence qu’elle complète et renforce le rôle de promotion et de protection des droits de l’homme dévolu à la Commission africaine est assurément de bon aloi. Mais force est de reconnaître ainsi que le signale Dan Juma, que ce principe théoriquement posé de ‘complémentarité est en souffrance’.8 Une telle conclusion est liée à plusieurs facteurs. Pour peu qu’on s’attarde à analyser les rapports entre la Cour et la Commission africaines, on se rend bien vite à l’évidence que certaines embûches handicapent ou handicaperont la coexistence constructive souhaitée dans le Protocole. Le péché originel de cette situation ne situe ailleurs que dans le Protocole lui-même. Dressant furtivement l’exigence de complémentarité entre les deux institutions, les rédacteurs du Protocole se sont contentés de mettre à la charge des règlements intérieurs respectifs des deux institutions les précisions pouvant résulter de la mise en œuvre de cette complémentarité; d’où ses déboires normatifs. Les craintes appréhendées à travers cette exigence de complémentarité dans le Protocole n’ont finalement pas été conjurées. Les termes lacunaires du Protocole quant à l’aspect pratique de ce principe de complémentarité n’ont pas permis de résoudre les questions de chevauchement et de rapports institutionnels qui pouvaient à coup sûr découler de l’existence parallèle de ces deux entités.

2.1 La faible charge normative du principe de complémentarité

Au plan de sa fondation normative, le principe de complémentarité a souffert du caractère évanescent du Protocole sur les aspects pratiques de sa mise en œuvre. Les Règlements intérieurs des deux institutions qui sont censés apporter une solution à ce vide n’ont pas entièrement répondu aux attentes.

2.1.1 L’esquive manifeste du Protocole fondateur

Comme nous le signalions plus haut, le Protocole porte en lui-même les germes des vicissitudes du principe de complémentarité entre la Cour et la Commission africaines. Eu égard aux enjeux que représente ce principe de complémentarité, on s’attendait à ce que le Protocole énonce clairement le lien entre la Commission africaine et la Cour. Le Protocole n’a, hélas, traité la relation entre la Cour et la Commission africaines que de façon très vague de sorte que la lumière n’a pas été faite sur la nature de leur rapport et les modalités de leur coexistence.9 Pourtant, un très long chemin a conduit à la consécration de ce principe.10 Les premières batailles pour la création d’une cour à côté de la Commission africaine furent non pas l’œuvre de l’OUA, mais plutôt celle des ONG et des diverses organisations de juristes régionales et internationales. Ces efforts ont par la suite conduit au premier projet de Protocole additionnel à la Charte africaine.11 Déjà en 1994, ce premier Projet de Protocole additionnel préparé par les experts réunis par le Secrétariat général de l’OUA mettait au cœur de ses objectifs, le principe de complémentarité entre la Commission africaine et la future Cour. 12 Aux termes de l’article 2 du projet de Protocole de 1994, la Cour africaine devrait compléter le mandat de protection de la Commission africaine. Son préambule considérait déjà que: 13

 The objectives of the African Charter on Human and Peoples’ Rights to ensure protection and promotion of human and peoples’ rights can best be realised by the establishment of an African Court of Human and Peoples’ Rights to supplement the efforts of the African Commission on Human and Peoples’ Rights.

Il en est de même du deuxième projet, celui de Cape Town dont l’article 2 reprenait que ‘la Cour devrait compléter le mandat de protection de la Commission africaine qui lui est conféré par la Charte africaine’. Le troisième projet, celui de Nouakchott dont l’article 2 est la reproduction substantielle des deux premiers, ne déroge pas à cette reconnaissance de l’intérêt de la complémentarité dans la perspective d’une plus grande efficacité du système africain de protection des droits de l’homme.14

Si ces projets de Protocoles ont successivement consacré le principe de la complémentarité entre les deux institutions, ouvrant ainsi la voie au Protocole définitif, il faut par contre remarquer que pour précurseurs qu’ils aient été, leurs dispositions ont néanmoins été assez lacunaires sur la mise en œuvre de ce principe de complémentarité. Le mérite, non pas celui de la précision, mais plutôt celui de l’aveu d’imprécision revient au Protocole définitif. La notion de complémentarité intervient à trois reprises dans le Protocole définitif.15 D’abord dans le préambule comme dans les projets précédents puis dans deux autres articles, à savoir l’article 2 traitant de la relation entre les deux institutions puis l’article 8 relatif à l’examen des requêtes. En renvoyant à chaque fois que de besoin la mise en œuvre de la complémentarité à la charge des règlements intérieurs respectifs des deux entités, le Protocole définitif a reconnu le caractère évanescent de ses dispositions quant à ce principe pourtant mis en avant. Il apparaît clairement que durant tout le processus, la question de la clarification de la complémentarité a été éludée.16 Ainsi que le soutient Rudman Annika, ‘The final Protocol establishing the Court cements the importance of complementarity but defers the problem of defining it’. Ce procédé marque une rupture avec l’option qui prévaut dans le système européen des droits de l’Homme où dès le départ, le principe de la complémentarité fût fondé sur des postulats de cohérence institutionnelle.17

L’intérêt comparatif du système européen nous permet de comprendre que consacrer théoriquement le principe de complémentarité ne suffit pas à résoudre les rapports entre les institutions. En Europe, le terme ‘complémentarité’ n’est pas expressément mentionné, il suffit cependant de peu d’imagination pour déceler que cet esprit de complémentarité inonde tous les textes relatifs aux institutions européennes aussi bien judiciaires que non ou quasi-judiciaires de protection ou de promotion des droits de l’homme. La Convention Européenne des droits de l’homme n’hésite pas ainsi à intégrer dans ses dispositions les conditions propices à l’existence d’un profond lien de complémentarité entre la Cour Européenne des droits de l’Homme et le Comité des Ministres.18 Il en est ainsi également des rapports entre la Cour Européenne des droits de l’Homme et d’autres institutions et organes de surveillance des droits de l’homme.

Dans le système africain, le Protocole ne s’est pas aventuré à en dire plus sur la nature concrète de la relation entre la Cour et la Commission africaines. Il y a certes une idée qui sous-tend qu’un Protocole est plus habilité à poser des règles générales et donc n’a pas vocation à s’étendre en précision au point de priver les règlements intérieurs ou d’autres normes d’application de leur portée pratique. Il y a cependant, un seuil de précision ou de clarification textuelle qu’on est en droit d’attendre d’un Protocole surtout dans ce contexte spécifique où les risques d’enlisement ne sont pas moindres. Cette insuffisance textuelle a pour conséquence, l’instabilité normative de ce principe de complémen-tarité. Car le fait de s’en référer aux règlements intérieurs ne milite pas en faveur de l’efficacité du système africain des droits de l’homme. Il s’agit ici d’une esquive à peine voilée du Protocole. Ceci fait parfaitement écho aux propos du juge Fatsah Ouguergouz qui soutient que: 19

Les rédacteurs du Protocole auraient en conséquence été mieux avisés d’arbitrer eux-mêmes cette répartition des compétences en insérant des dispositions à cet effet dans le Protocole lui-même, amendant ainsi au besoin la Charte africaine, plutôt que d’en laisser le soin à deux organes juridiquement souverains.

On peut alors comprendre que certains auteurs tels Nsongurua Udombana s’en offusquent en déplorant les termes ‘obscurs’ des dispositions du Protocole relatives à la relation entre la Cour et la Commission africaines.20 Le Protocole d’une manière générale a été très laconique sur de nombreuses questions liées à la répartition des tâches entre les deux entités.

Malgré que ce Protocole définitif a brillé par son imprécision quant à la nature de l’exigence de complémentarité qui est censée régir les relations entre les deux institutions, il faut tout de même admettre que contrairement aux différents projets de Protocole, il a eu le mérite d’avoir au moins compris que la complémentarité méritait d’être précisée et davantage développée. Mais en laissant le soin de cette précision aux règlements intérieurs des deux institutions, les rédacteurs du Protocole semblent n’avoir pas fait le meilleur choix.

2.1.2 La rescousse relative des Règlements intérieurs

Les rédacteurs du Protocole ont essayé de contrebalancer les insuffisances textuelles du principe de complémentarité à travers le renvoi aux règlements intérieurs respectifs de la Commission africaine et de la Cour africaine. Aux termes de l’article 8 du Protocole, ‘La Cour fixe dans son Règlement intérieur les conditions d’examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de la complémentarité entre elle et la Commission africaine’. De même, l’article 33 du même Protocole dispose que: ‘ La Cour établit son Règlement intérieur et détermine sa propre procédure. La Cour consulte la Commission africaine chaque fois que de besoin’. Il découle de ces deux dispositions, une volonté sans équivoque des rédacteurs du Protocole de faire des règlements intérieurs la solution aux problèmes de mise en œuvre pratique de la complémentarité entre les deux institutions. L’option de laisser une certaine marge de manœuvre aux institutions elles-mêmes quant à leur relation, n’est pas en soi dépourvue de portée. Seulement, dans le contexte du système africain des droits de l’homme, cette exigence fût dès le départ faussée par le Protocole. Celui-ci devrait baliser le terrain ou au moins créer un contexte favorable à l’appropriation du principe de complémentarité qu’il a lui-même posé. La légitimité du Protocole à suivre cette voie est d’autant plus accrue qu’au-delà de la force normative dont elle entourerait la complémentarité entre les deux institutions, elle assurerait aussi sa praticabilité en réduisant profondément la zone d’incertitude des règlements intérieurs. Ainsi que le soutient Andreas O’Shea: 21

Where a matter is structural in nature and goes to the very heart of the rationale for the machinery, one would expect the matter to be clearly thought out and set out in the founding document.

C’est dans ce contexte que les deux institutions ont été appelées à harmoniser leurs règlements intérieurs. Le travail d’harmonisation desdits règlements intérieurs fût très tôt entrepris. Mais comme on pouvait s’y attendre, la composition des deux institutions pour l’arrangement et la mise à niveau de leurs règlements intérieurs respectifs n’a pas largement tenu la promesse des fleurs. Comme l’a très tôt signalé le juge Fatsah Ouguergouz: 22

La coopération espérée entre la Cour et la Commission risque d’être difficile en pratique. En effet, la Commission tient également son mandat d’un traité international - la Charte africaine - et il n’est pas exclu que ses membres n’acceptent pas facilement de consentir à des restrictions de leurs attributions en matière contentieuse.

L’espoir fût néanmoins maintenu sur les règlements intérieurs, augurant qu’ils iraient au-delà de la brièveté23 du Protocole pour établir de manière concrète les conditions de mise en œuvre du principe de complémentarité.24

Textuellement, le principe fût effectivement consacré dans les règlements intérieurs des deux institutions25 mais à des degrés différents. Ainsi, il sied de remarquer qu’au niveau du parallélisme des formes, règne un déséquilibre palpable du niveau de développement sur la question. Le Règlement intérieur de la Commission africaine semble être davantage porté sur la notion de ‘complémentarité’.26 Dès le début de sa partie consacrée aux ‘Relations avec la Cour’, il précise en se référant aux dispositions du Protocole et de la Charte africaine, que les relations entre les deux institutions sont fondées sur le principe de complémentarité. Il ne va pas cependant plus loin quant à sa définition. Le Règlement intérieur de la Cour africaine est quant à lui encore plus évasif sur ce principe de complémentarité laissant, semble-t-il, le soin au lecteur avisé de deviner que son article 29 n’est rien d’autre que le déploiement dudit principe. Il en découle, que des deux côtés, l’élucidation conceptuelle de la notion n’a pas été entreprise. On pourrait à leur décharge admettre que cette tâche revenait au Protocole qui a institué ce principe de complémentarité et qu’en conséquence ils leur revenaient d’en assurer la mise en œuvre. Seulement, ils sont héritiers de ce transfert de responsabilité que le Protocole par son caractère lacunaire a opéré. C’est ce que déplore à juste titre Solomon Ebobrah:27

While it would be expected that the rules of procedures of the various institutions would be used to give more concrete meaning to the concept, this has not been the case. As this article will argue, the rules have not gone too far beyond the instruments in explaining how the concept is to be applied in practice.

Si les propos de l’auteur ne manquent pas de justesse, il faut quand même reconnaître que les règlements intérieurs ont beaucoup plus détaillé la nature et les aspects des relations entre les deux institutions. Cependant, compte tenu de la marge de manœuvre qui leur a été laissée par le Protocole, les règlements intérieurs ont adopté certaines dispositions dont l’utilité pour le principe de complémentarité peut être mise en doute. Il en est ainsi des règles applicables en matière de saisine de la Cour africaine par la Commission africaine. Une frange de la doctrine considère que des dispositions du Règlement intérieur de la Commission africaine traitant de cette saisine peuvent être à certains égards contre-productives pour l’éclosion prospère de ce principe.28 A titre illustratif, la possibilité offerte à la Commission africaine par les dispositions de l’article 118 de son Règlement intérieur de saisir à n’importe quelle étape de la procédure la Cour africaine ne militerait pas en faveur d’un déploiement constructif des rapports de complémentarité qui sont censés relier les deux institutions.29 Selon Annika Rudman, une telle démarche du Règlement intérieur n’exclurait pas la possibilité pour la Commission africaine de saisir la Cour africaine avant même l’examen de la recevabilité de la requête. Un tel cas de figure serait incompatible avec le principe de complémentarité qui suppose une gestion optimale du temps et des ressources matérielles qui font à l’évidence défaut au système africain de protection des droits de l’homme.30

Tous ces déboires normatifs du principe de complémentarité ont logiquement abouti à des difficultés dans sa mise en œuvre.

2.2 L’application problématique de la complémentarité

La consécration théorique du principe de complémentarité ne suffit pas à son application effective. Les insuffisances du Protocole et des règlements intérieurs ont influé négativement sur son application. Les difficultés d’application de la complémentarité sont aussi bien d’ordre fonctionnel qu’institutionnel.

2.2.1 Les vicissitudes de la complémentarité au plan fonctionnel

La principale raison d’être de la Cour africaine est de ‘compléter’ et ‘renforcer’ la mission de protection de la Commission. Cette idée d’associer à la Commission africaine une cour qui la renforce et la complète n’est pas en soi problématique, elle procède de l’efficacité d’ensemble du système africain des droits de l’homme. Le système américain tout comme autrefois le système européen pratique ce bicéphalisme organique. Seulement, cette option requiert une certaine ‘ ingénierie institutionnelle ’ quant à la répartition des tâches entre les différents organes.

Lors de sa création en 1986, la Commission africaine été chargée d’un double mandat, celui de promouvoir les droits de l’homme et d’assurer leur protection sur le continent. Si au plan de la promotion, la Commission africaine peut se targuer d’avoir eu du mérite, on ne peut pas en dire autant de son office contentieux. Nombreux sont les facteurs qui expliquent cette faiblesse de la Commission africaine à mener à bien cette mission.31 Parmi les plus significatifs, figure au premier plan l’absence de force contraignante de ses recommandations.32

La mise sur pied de la Cour africaine n’a pourtant rien changé à l’architecture initiale du couple de missions assignées à la Commission africaine. Contrairement aux vœux de certains commentateurs, le mandat de protection de la Commission africaine n’a point disparu. Au contraire, il est réaffirmé aux termes de l’article 2 du Protocole. On peut légitimement s’interroger sur les vertus de maintenir une compétence contentieuse en vertu de son mandat de protection au profit de la Commission africaine alors même qu’un organe judicaire fût institué. Le principe de complémentarité suppose que l’harmonisation des activités d’un ensemble d’institutions poursuivant des objectifs communs passe par l’octroi d’un mandat donné à l’institution la plus compétente et la plus habilitée. Il s’agit ici, d’une exigence de répartition optimale des tâches. Pour ce qui est du système africain des droits de l’homme, compte tenu de l’expérience peu reluisante de la Commission africaine, il semble acquis, que le mandat de protection ne devrait pas être sa mission de prédilection. Ainsi que le soutient Andreas O’Shea la Commission africaine est un outil utile pour la promotion des droits de l’homme, mais un mécanisme largement inefficace pour leur protection.33  Il aurait été ainsi souhaitable que le mandat de protection soit exclusivement dévolu à la Cour, tandis que celui de promotion laissé à part entière à la discrétion de la Commission africaine. Cette rationalité organisationnelle aurait constitué à coup sûr un facteur de performance des activités des deux institutions.

Le Protocole prévoit également la possibilité pour la Cour africaine ‘de régler à l’amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux dispositions de la Charte africaine’.34 Cette option du système africain qui s’éloigne de la pratique américaine et européenne d’avant-fusion mettait la Cour africaine dans une situation pour le moins délicate. En effet, au-delà du fait d’accorder à une entité judicaire des compétences en matière de règlement à l’amiable, démarche qui foncièrement n’est pas dépourvue de rationalité, l’idée que les mêmes juges intervenant dans le processus du règlement amiable soient également compétents en matière contentieuse, soulève des questions.35

D’une manière générale, la complémentarité restera une entreprise vaine si les rôles, les mandats et les tâches ne sont pas clairement définis.36 L’architecture actuelle de la répartition des mandats constitue un terrain propice à l’éclosion des chevauchements qui handicaperont le système de manière globale. C’est sans doute fort de ce constat que Chidi Anselm Odinkalu soutient que:37

Despite the requirement that the Court complement the Commission, there are still significant and potentially problematic overlaps in the scope of the subject matter jurisdiction of both the Commission and the Court.

Les risques de chevauchement entre la Cour et la Commission africaines dans la mise en œuvre de leurs missions respectives ne sont en effet pas moindres. Le domaine le plus susceptible de donner lieu à ces enchevêtrements fonctionnels est sans doute celui relatif à la compétence consultative reconnue aux deux institutions. Aux termes de l’article 45(3) de la Charte africaine, la Commission africaine a pour mission ‘d’Interpréter toute disposition de la présente Charte à la demande d’un Etat partie, d’une Institution de l’OUA ou d’une Organisation africaine reconnue par l’OUA’. Or, la Cour africaine à l’image de ses homologues américaine et européenne, fût elle aussi pourvue de véritables pouvoirs en matière consultative. Le mode d’expression principal de cette compétence consultative prend la forme d’avis consultatifs tel qu’il est d’usage. Quant à la Commission africaine, la Charte africaine ne donne pas de précisions sur la forme que doit revêtir sa compétence en matière consultative. S’il est vrai qu’il ne saurait à l’instar de la Cour africaine s’agir d’avis consultatifs,38 il n’en demeure pas moins que la Commission africaine fût dotée de réels pouvoirs en matière consultative.39 Il découle cependant des dispositions du Protocole que le champ consultatif de la Cour africaine est plus large que celui de la Commission africaine. Cela ne réduit en rien les risques de chevauchements entre la Cour et la Commission africaines. Ainsi que le soutiennent Andreas Zimmermann et Jelena Bäumler, malgré la différence d’approches méthodiques entre la Cour et la Commission africaines, il existe de nombreux chevauchements dans leurs champs d’activité matériels.40 Ainsi, en dépit des moyens différents par lesquels elles s’y prennent, toutes deux peuvent interpréter la Charte africaine. Cette coïncidence de compétences au

sujet de la Charte africaine serait de nature à nuire à l’efficacité du mécanisme de la Charte africaine41 car, le scénario de la divergence de solutions entre la Commission africaine et la Cour africaine pourrait à tout moment se réaliser.42

A côté de ces vicissitudes fonctionnelles du principe de complémentarité, règnent également des embûches au plan institutionnel ou relationnel.

2.2.2 Les embûches de la complémentarité au plan relationnel

Le principe de la complémentarité au-delà de ses objectifs d’efficacité fonctionnelle, se voulait dès le départ un bouclier aux diverses hypothèses de cohabitation litigieuse entre les deux institutions. Cette exigence de complémentarité ainsi définie était la manifestation d’une volonté des rédacteurs du Protocole de dissiper les inquiétudes qui pouvaient résulter de la ‘bicéphalisation’ du système africain de protection des droits de l’homme. Des interrogations ont très tôt émergé sur la tension dont la future coexistence des deux entités pouvait être l’objet.

Au premier rang des interrogations récurrentes figurait celle de la hiérarchie. Compte tenu de sa mission de ‘compléter’ et de ‘renforcer’ le mandat de la Commission africaine, la Cour africaine ne serait-elle pas de facto assignée au rang d’institution secondaire et la Commission à celui de principale? L’idée ici était de soutenir que l’institution qui vient compléter n’existe que par celle qui l’a précédée. En conséquence de quoi, elle ne saurait hiérarchiquement que lui être subsidiaire. Cette théorie n’a pas prospéré au sein de la doctrine. Et si la majorité des observateurs ont retenu une horizontalité des rapports entre la Cour et la Commission africaines, certains ont néanmoins vu dans la nouvelle architecture, une part de verticalité dans les rapports entre les deux institutions.

Ainsi, des observateurs ont pu estimer tels Sitsofé Kowouvih qu’un lien ‘d’accessoire’ pouvait lier la Cour à la Commission africaines. En admettant que ‘compléter et renforcer ne veut pas toujours dire devenir ‘l’accessoire’, il infère le caractère accessoire de la Cour africaine de la ‘prépondérance de la compétence non juridictionnelle’43 dans le système africain de protection des droits de l’homme. Le fait que le contentieux ‘judiciaire’ occupe une place dérisoire dans le système africain des droits de l’homme, traduirait une plus grande considération accordée à la principale entité dotée de compétences non juridictionnelles en l’occurrence, la Commission africaine; et ce indépendamment de la part de fonction non contentieuse de la Cour africaine.44

Parallèlement, sur le plan normatif, la Cour africaine pourrait se prévaloir d’une certaine supériorité sur la Commission africaine au regard de la portée de ses décisions. C’est sans doute la raison pour laquelle Solomon Ebobrah rappelait que parmi les juristes, la tendance naturelle est de considérer que la Cour africaine est supérieure à toute autre institution.45 Car, en définitive, seules les décisions de la Cour africaine sont revêtues d’une force contraignante.46 Le statut d’entité quasi judiciaire de la Commission africaine sur ce chapitre semble la disqualifier en termes d’autorité. D’ailleurs, certains ont même pu voir dans la Cour africaine, une sorte de juridiction de degré supérieur par rapport à la Commission africaine.47 Ce serait pourtant, une démarche hâtive que de considérer que les décisions de la Commission africaine sont dépourvues d’office de l’autorité de la chose jugée. Si pour certains, ‘les décisions de la Commission africaine ne sont pas obligatoires en ce qu’elles n’ont pas l’autorité de la chose jugée’,48 il n’en demeure pas moins que le sujet reste à débat. Une partie de la doctrine se fondant sur un faisceau d’indices considère en effet qu’en droit international, les décisions d’une entité telle que la Commission africaine ne peuvent qu’être dotées d’une force obligatoire.49 Qu’elles prennent le qualificatif ‘d’autorité de la chose constatée’,50 ‘d’autorité de la chose interprétée’,51 ou même ‘d’autorité extraordinaire’,52 les décisions de la Commission africaine revêtent indiscutablement une charge juridique dont l’origine organique ne saurait anéantir la portée contraignante.53 Néanmoins, même si l’autorité de la chose jugée en droit international reste elle-même, ‘un principe en quête d’identité’,54 il sied de reconnaître que la force contraignante qui pourrait résulter du res judicata des décisions de la Commission africaine reste déductive et moins acquise que celle d’une juridiction traditionnelle.55

Au-delà de ces supputations textuelles sur les liens de hiérarchie entre les deux institutions, la coexistence concrète de la Cour et de la Commission africaines a révélé parfois l’existence d’une certaine dose de tension.

Déjà à la création de la Cour africaine, d’aucuns ont pu déceler une crainte de la Commission africaine quant à une potentielle hégémonie de sa cadette jeune et forte. Cette crainte s’est manifestée par la volonté de la Commission africaine de clarifier sa position de supériorité vis-à-vis de la Cour. La lecture du Règlement intérieur intérimaire de 2009 de la Commission africaine témoigne de cette tendance. Dans le cadre de la garantie de l’exécution de ses décisions,56 la Commission africaine prévoyait aux termes de l’article 119 de ce règlement intérimaire que:

Lorsque la Commission a rendu une décision contre un État partie ayant ratifié le Protocole sur la Cour dans une communication soumise à la Commission conformément à l’article 48, 49 ou 55 de la Charte, et que la Commission estime que l’État n’a pas suivi ou n’est pas disposé à suivre ses recommandations, pendant la période visée à l’article 115, elle réfère l’affaire à la Cour et informe les parties en conséquence.

De même, ‘lorsque la Commission décide de référer une décision à la Cour conformément à l’article 119(1), la Cour doit adopter les mesures nécessaires pour la mise en œuvre de la décision’.57 Les termes de cet article semblaient offrir à la Commission africaine un pouvoir d’injonction58 sur la Cour africaine et donc une position logique de supériorité. La réaction de la Cour africaine ne s’est pas fait attendre et lors de la réunion conjointe des deux organes de 2009 à Arusha, elle a veillé à signaler le caractère autoritaire de cette disposition qui tendait à faire d’elle une ‘subordonnée’ de la Commission africaine car se trouvant soumise à des obligations.

La Cour africaine par le biais de son Règlement intérieur laisse également penser qu’elle se considère aussi comme ‘la partie principale’59 dans la relation entre les deux institutions. Le droit que la Cour africaine s’arroge aux termes de l’article 29(1) d’entendre les Commissaires instillerait l’existence d’une hiérarchie en sa faveur. Il en est de même de la liberté dont elle dispose de fixer de manière unilatérale, les délais dans lesquels elle désire recevoir l’avis de la Commission africaine en matière de recevabilité des requêtes.60

En définitive, si la question de la hiérarchie a pu germer au début de la relation entre la Cour et la Commission africaines, il faut admettre qu’aujourd’hui, elle n’est plus une question prégnante et tel que le fait

valoir Solomon Ebobrah, il n’y a pas de justification valable pour imposer une hiérarchie dans cette relation de complémentarité.61 En réalité, il ne saurait y avoir de hiérarchie entre la Cour et la Commission africaines en l’état actuel de l’arsenal juridique qui les régit. Ni le droit positif de l’Union africaine, ni les principes du droit international général ne militent en faveur de la verticalité de leur rapport.62 La hiérarchie suppose en effet l’existence d’un lien de subordination qui se traduit par l’utilisation ‘d’instruments de direction et de correction’63 d’une entité sur une autre. En l’absence de tels moyens, aucune d’elles ne pourrait se prévaloir d’une quelconque supériorité. Elles restent des entités distinctes et autonomes instituées par des textes différents et dont la saine collaboration devrait être la marque la plus expressive de leurs indépendances respectives.

Au-delà des tensions qui peuvent découler de la coexistence des deux entités, des inquiétudes demeurent quant à la mise en œuvre de leur relation. On peut noter ici la faculté que la Commission africaine tient de l’article 118(4) de son Règlement intérieur de saisir la Cour africaine à toute étape de l’examen d’une communication64 quand elle le juge nécessaire. Une telle liberté pourrait avoir pour conséquence de frapper la procédure devant la Cour africaine d’une certaine imprévisibilité.65

Les obstacles auxquels est confrontée la relation entre la Cour et la Commission africaines ne sont en réalité que la manifestation d’un apprentissage pratique du principe de la complémentarité.

3 LA CONSTRUCTION D’UNE RELATION FONDÉE SUR UN PRINCIPE DE COMPLÉMENTARITÉ PROGRESSIF ET APPRENANT

Pour nombreuses et importantes que puissent être les difficultés liées à la coexistence des deux institutions, la relation entre la Cour et la Commission africaines ne doit pas être confinée dans ce décor exclusif de tumultes et de tensions. Une analyse approfondie de leur relation indique que la complémentarité entre la Cour et la Commission africaines est en réalité évolutive ou en ‘ mouvement ’ pour reprendre les termes de Andrew Clapham.66 Le principe de la complémentarité se développe en même temps qu’il s’apprend. C’est dans cette logique que la collaboration entre la Cour et la Commission africaines s’épanouit et s’améliore en fonction du temps et de l’expérience. Aujourd’hui, la complémentarité relationnelle entre les deux entités est indéniablement positive et productive. Ces progrès ont abouti à des résultats significatifs et encourageants pour le système africain des droits de l’homme. Cette complémentarité entre la Cour et la Commission africaines est aujourd’hui un socle de l’efficacité du système dans son ensemble. Il lui reste cependant encore de nombreux défis à relever.67 L’avenir de leur relation dépend de la prise en considération de plusieurs paramètres. La réussite de la complémentarité est d’abord principalement liée à l’efficacité propre de chacune des deux institutions. De même, une mise en perspective globale de la complémentarité s’impose, car elle est en définitive tributaire d’un système global dont elle n’est qu’un simple maillon. Le succès de la complémentarité entre la Cour et la Commission africaines dépendra donc aussi en partie de la santé globale du système africain de protection des droits de l’homme.68

Nous aborderons successivement, le développement empirique de la complémentarité et son avenir dans le système africain des droits de l’homme.

3.1 Le développement empirique de la complémentarité

Ce développement s’est traduit dans la collaboration productive entre la Cour et la Commission africaines mais aussi dans les nombreux succès communément acquis par les deux entités en termes de protection des droits de l’homme.

3.1.1 L’essor d’une collaboration productive

Conscientes de ce que la distance peut constituer dans bien des cas, un danger pour les couples, elles décidèrent d’abolir l’éloignement. Cette démarche prit la forme de réunions conjointes et de séances de consultation.69 C’est ainsi qu’on peut lire aux termes de l’article 115(1) du Règlement intérieur de la Commission africaine que celle-ci: ‘se réunit avec la Cour au moins une fois par an et, en cas de besoin, s’assure des bonnes relations de travail qui existent entre les deux institutions’. De l’avis de la Commissaire Sylvie Kayitesi Zainabo, ces consultations inter-organes ont pour objectif de:70

Créer une plateforme destinée à améliorer la coordination et les consultations sur des affaires communes ayant trait aux mandats de ces institutions, de renforcer la visibilité des organes et d’articuler leurs intérêts et préoccupations aux fins de leur permettre de remplir leur mission respective.

Par exemple, à la fin 2015, cette institutionnalisation du principe de la complémentarité avait déjà donné lieu à six réunions des bureaux de la Cour et de la Commission africaines fin 2015. De même, entre 2012 et 2015, les membres de la Commission africaine et les juges de la Cour africaine ont organisé quatre rencontres.71 Ces différentes rencontres constituent un cadre pratique de discussion sur les questions d’intérêts communs des deux institutions. A titre illustratif, la huitième réunion conjointe des bureaux des deux entités eut pour objet de discuter ‘ du Projet 2016 et du Fonds d’aide juridique pour les Organes de l’Union africaine dotés d’un mandat des droits de l’homme ’.72 En s’asseyant autour d’une table pour penser leur relation, la Cour et la Commission africaines ont opté pour une approche réaliste des exigences qu’impliquait le principe de complémentarité.

Les premières consultations datent de 2009, et avaient principalement pour objectif, l’harmonisation des règlements intérieurs des deux entités. Les rencontres qui ont eu lieu du 27 au 29 avril 2010 à Arusha en Tanzanie, ont abouti aux premières conclusions sur les éléments susceptibles d’être l’objet d’arrangement.

S’il est vrai que les Règlements intérieurs n’ont pas réglé toutes les questions liées à la complémentarité, il faut tout de même admettre qu’aujourd’hui, les apports de l’harmonisation de ces règlements intérieurs sont significatifs. Ils ont en effet prouvé qu’ils peuvent constituer un cadre intéressant de réglementation des rapports entre les deux institutions.73

Des garde-fous ont été ainsi mis en place pour prévenir les chevauchements qui menacent la coexistence de la Cour et de la Commission africaines. C’est dans cette perspective qu’en matière d’avis consultatif, pour prévenir des enchevêtrements qui pourraient nuire à l’efficacité du système, l’article 116 du Règlement intérieur de la Commission africaine lui impose l’obligation d’information immédiate de la Cour africaine en cas de demande d’interprétation de la Charte africaine. Elle s’engage également à transmettre à la Cour africaine des interprétations qu’elle serait amenée à faire de la Charte africaine. De la même manière, elle peut demander à être entendue par la Cour africaine après requête d’un avis consultatif de cette dernière.74

Au-delà de la question des avis consultatifs, les règlements intérieurs se sont évertués à combler le vide du Protocole sur certains aspects des relations entre les deux institutions.75 Il en est ainsi des conditions de saisine de la Cour africaine par la Commission africaine. Face à l’imprécision du Protocole, le Règlement intérieur de la Commission africaine est intervenue pour préciser les modalités de cette saisine. L’article 118 instruit ainsi le lecteur que la saisine de la Cour africaine par la Commission africaine ne peut intervenir que dans un certain nombre de situations précises. Il s’agit brièvement des cas où un Etat ne se conforme pas ou est peu disposé à se conformer aux recommandations de la Commission africaine, en cas de non application par un Etat partie, des mesures conservatoires demandées par la Commission africaine et enfin dans des situations de violations graves ou massives des droits de l’homme.

De la même manière les règlements intérieurs ont fait montre d’un certain réalisme là où le Protocole a pu parfois manquer de conséquence. Il en est ainsi de la compétence accordée à la Cour africaine en matière de règlement à l’amiable des litiges. Face à cette situation, la Cour prenant elle-même acte du fait que le règlement à l’amiable s’éloigne de son panthéon familier, a dans son Règlement intérieur laissé entrevoir sa volonté de confirmer la prééminence de la fonction contentieuse dans le cercle de ses attributs, évitant ainsi tout amalgame. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 57(4) dudit texte, ‘ La Cour peut, eu égard aux responsabilités qui lui incombent aux termes du Protocole, décider de poursuivre l’examen de l’affaire nonobstant la notification du règlement amiable ’.

Cette collaboration de la Cour et de la Commission africaines dans l’harmonisation de leurs Règlements intérieurs est assurément à l’origine des succès considérables et encourageants notés dans la protection des droits de l’homme.

3.1.2 Des succès significatifs

Le pari de la consécration du principe de complémentarité était d’en finir avec l’atonie du système et de renouer résolument avec l’efficacité et l’efficience pour une plus grande crédibilité. Ainsi que le soutient Dan Juma: ‘l’objectif principal de la complémentarité est fonctionnel, son but consiste à améliorer l’efficacité et l’efficience du système’.76 Aujourd’hui, on ne saurait dire que l’objectif ait été définitivement atteint. En revanche, de remarquables progrès ont été faits et témoignent du caractère productif de la relation entre la Cour et la Commission africaines. Ces progrès sont palpables surtout au niveau de leur mandat de protection.

Le mandat de protection des droits de l’homme a assurément enregistré l’une des meilleures avancées et fût l’un des plus grands bénéficiaires de la coopération. La complémentarité entre la Cour et la Commission africaines a déjà abouti en matière de protection des droits de l’homme, à des cas concrets. Il en est ainsi de la compétence de saisine de la Cour africaine par la Commission africaine que cette dernière tire de l’article 5 du Protocole. La Commission africaine fût ainsi partie devant la Cour africaine dans déjà deux affaires finalisées. La première est l’affaire Commission africaine c. Grande Jamarihiya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste.77 Dans ce litige, la Commission africaine par une requête datée du 3 mars 2011 a conformément à l’article 118(3) de son Règlement intérieur intenté une action contre la Grande Jamarihiya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste alléguant des ‘ violations graves et massives des droits de l’homme ’. Indépendamment de l’issue ‘ infructueuse ’ de cette procédure, la Commission africaine à travers cette requête concrétisait ainsi véritablement cet aspect des relations complémentaires entre elle et la Cour africaine.

La seconde affaire à laquelle la Commission africaine fût partie est encore plus symptomatique de l’application positive de la complémentarité. Il s’agit de l’affaire Commission africaine c. Libye. A l’occasion de ce contentieux, la Commission africaine par une requête en date du 28 février 2013 a introduit un recours contre l’Etat libyen au nom de Monsieur Saïf Al-lslam Kadhafi alléguant ‘la violation des droits’ de ce denier par la Libye. Cette affaire qui a abouti à la condamnation de l’Etat Libyen glorifie le principe de complémentarité à deux titres. Il s’agit d’abord, du simple constat de l’effectivité de la relation constructive entre les deux institutions à travers l’utilisation par la Commission africaine de son droit de saisine. La complémentarité est par ailleurs révélée en raison de l’origine individuelle de la saisine effectuée par la Commission africaine. Cette requête est dès lors, le signe non seulement de la vitalité du principe de complémentarité, mais aussi la preuve de la rationalité et de l’applicabilité de la parade à la limitation du droit d’accès direct des individus à la Cour africaine.78 La même portée découle de la décision de la Cour africaine en date du 26 Mai 2017, Commission africaine c République du Kenya.79

De la même manière, la Cour africaine, en vertu de l’article 6(3) du Protocole et de l’article 29(3) de son Règlement intérieur, a déjà à plusieurs occasions renvoyé des affaires devant la Commission africaine. Il en est ainsi de l’affaire Soufiane ABABOU c République Algérienne Démocratique et Populaire.80 Dans cette affaire, la Cour africaine après le constat de son incompétence pour les motifs prévus à l’article 34(6) du Protocole relatif à l’exigence de la déclaration préalable des Etats pour les candidatures individuelles considère néanmoins: ‘qu’au vu des allégations contenues dans la requête, il serait approprié de renvoyer l’affaire à la Commission africaine’. La Cour africaine a abouti aux mêmes conclusions dans plusieurs autres affaires.81 Par une telle démarche de renvoi spontané de certaines affaires à l’égard desquelles elle se juge incompétente, la Cour africaine paraît craindre un verrouillage des voies de recours au préjudice des requérants.82 Malgré les critiques dont elle peut faire l’objet,83 il demeure qu’elle est une preuve de la confiance de la Cour africaine envers la Commission africaine en tant que mécanisme de soutien et de renfort.

En matière d’avis consultatifs, tout semble indiquer le succès de l’harmonisation des règlements intérieurs des deux institutions. En effet, la crainte d’enchevêtrement ou de divergences liée à la compétence concourante de la Cour et de la Commission africaines en matière consultative est restée à l’état hypothétique. La Cour africaine s’est accommodée de sa compétence consultative en veillant au respect du principe de la complémentarité. Notamment à travers le respect des articles 68(3) de son Règlement intérieur et 4(1) du Protocole qui lui défendent d’intervenir sur des questions dont l’objet se rapporte à une affaire pendante devant la Commission africaine. Elle a, à ce jour, fait preuve d’une application stricte de ce précepte. C’est le cas entre autres dans la Requête 1/2012 Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP) où la Cour précise que:

Par lettre datée du 10 juin 2013, le Greffier a demandé à la Commission si l’objet de la requête se rapportait à une affaire pendante devant elle. Par lettre datée du 25 juin 2013, la Secrétaire exécutive de la Commission a confirmé que l’objet de la requête ne se rapporte à aucune affaire pendante devant la Commission.

Le recours par la Cour africaine à la jurisprudence de la Commission africaine constitue également une des marques les plus significatives de la confiance entre les deux entités. La Haute juridiction n’hésite pas à se fonder sur la jurisprudence de la Commission africaine pour appuyer ses analyses et apporter ses solutions. C’est ainsi qu’en matière de limitation des droits pour intérêt légitime, la Cour africaine convoque spontanément les Communications84 de la Commission africaine dans l’affaire 9-11/2011 Mtikila c République-Unie de Tanzanie. La Cour africaine se fonde sur la technique de mesure de la proportionnalité utilisée par la Commission africaine pour ‘évaluer l’impact, la nature et la portée de la limitation par rapport à l’intérêt légitime de l’État à certaines fins’.85 Cette démarche constitue assurément un facteur de développement et de densification du droit africain des droits de l’homme.

Sur la question de la hiérarchie quoi de mieux qu’une solution pourvue de l’autorité de la chose jugée pour clore définitivement les débats et les inquiétudes? C’est l’idée que semble avoir eu la Cour africaine quand, au hasard d’une requête, elle a saisi l’occasion de donner un développement pédagogique du principe de la complémentarité. La Cour africaine conclut ainsi au terme de l’affaire Falana c Commission Africaine:86

La relation entre la Cour et le Défendeur [La Commission africaine] est fondée sur la complémentarité. En conséquence, la Cour et le Défendeur sont des institutions partenaires autonomes mais qui œuvrent de concert pour le renforcement de leur partenariat en vue de protéger les droits de l’homme sur tout le continent. Aucune de ces deux institutions n’a le pouvoir d’obliger l’autre à prendre une mesure quelconque.

Tout semble être dit à l’issue de cette conclusion. Dans cette affaire pour le moins surréaliste, la Cour africaine paraît avoir mis de côté un pur juridisme pour trancher judiciairement une fois pour de bon, la question de sa relation avec la Commission africaine. Le requérant sollicitait en réalité que la Cour africaine enjoigne la Commission africaine de la saisir d’une communication. Cette requête dont l’issue naturelle devrait être un rejet administratif pur et simple,87 compte tenu de l’incompétence manifeste de la Cour africaine a pourtant fait l’objet d’un traitement judiciaire. Au-delà des remarques de pur juridisme,88 cette décision paraît importante au regard de ses conclusions. On s’instruit à sa lecture, que la Cour africaine non seulement réaffirme la complémentarité comme principe directeur de ses relations avec la Commission africaine, mais énumère également les conséquences qui y sont attachées. La complémentarité exclurait ainsi tout rapport de hiérarchie étant donné qu’elle implique ‘l’autonomie’ des deux institutions, ‘l’absence de pouvoir d’injonction’ réciproque et la nécessité d’un ‘ partenariat renforcé’. 

La collaboration des deux institutions a également donné naissance à des projets communs. Il en est ainsi du projet relatif à l’établissement d’un institut panafricain des droits de l’homme, de même que celui relatif aux publications conjointes.

Le destin de la complémentarité entre la Cour et la Commission africaines est intimement lié au système africain des droits de l’homme dans son ensemble.89 Le succès de la complémentarité est assurément gage de l’efficacité du système qui lui-même conditionne le succès de la complémentarité.

3.2 Vers un système plus efficace fondé sur la complémentarité

L’efficacité commune ou binaire de la relation entre la Cour et la Commission africaines à travers le principe de la complémentarité suppose préalablement, l’efficacité propre ou singulière de chacune des deux institutions, mais aussi celle du système dans sa globalité.

3.2.1 L’efficacité singulière: clef de l’efficacité binaire

La complémentarité entre la Cour et la Commission africaines n’abolit nullement leurs singularités respectives. Loin de là, la gestion efficace de leurs autonomies propres constitue le préalable à l’éclosion d’une véritable culture de la complémentarité. A cet effet, les deux institutions doivent pouvoir juguler les maux qui gangrènent leurs fonctionnements spécifiques.

La Commission africaine depuis sa création est confrontée à un certain nombre de handicaps qui de l’avis des commentateurs constituent un frein dirimant à son efficience.90 Au nombre de ceux-ci, on ne saurait faire l’impasse sur la question de la dépendance de la Commission africaine vis-à-vis de certaines institutions. Il en est ainsi, du joug exercé par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine. Cette influence se situe à tous les niveaux de son fonctionnement.91 Que dire aussi de son pouvoir discrétionnaire quant au sort réservé aux rapports de la Commission africaine?92 Cette procédure qui permet aux Etats93 d’être en définitive juges et parties nuit considérablement aux chances d’exécution des recomman-dations94 de la Commission africaine.95 C’est à juste titre que Max du Plessis et Lee Stone soutiennent:96

Human rights in Africa are at the behest of states. [...] Within the African regional human rights system, political good-will and diplomacy between states have often placed a dampener on the protection of human rights.

La question des moyens techniques, humains et financiers n’est pas à négliger. L’insuffisance de ressources financières est la plainte récurrente des institutions africaines dans leur généralité. La Cour et la Commission africaines n’échappent pas à ce destin tragique. Pour peu qu’on considère les moyens qui leur sont alloués au regard des missions qui sont les leurs, on est très tôt frappé du fossé profond existant. S’agissant de la Commission africaine, le besoin est d’autant plus évident quand on considère sa double mission. Aussi bien celle de promotion que de protection nécessitent des ressources quantitatives. Les études, le travail de documentation, les colloques, les séminaires97 sont autant d’activités qui appellent la mobilisation de ressources conséquentes. C’est tout le sens de la complainte de la Commission africaine dans son dernier rapport:98

Le financement insuffisant de la Commission par le budget des États membres entrave également la capacité de la Commission à assurer le suivi de la mise en œuvre, vu que cela empêche la Commission d’assurer un suivi efficace de ses conclusions lors des visites de pays et des recommandations découlant de ses conclusions, d’où la réduction globale de l’efficacité de la Commission.

La Cour africaine quant à elle, a vu son budget passer de 7 121 414 dollars99 en 2008 à 10 386 101 dollars100 en 2016. Cette augmentation d’environ 50% de son budget est le signe évident de l’accroissement considérable de ses charges. Pourtant, la contribution des Etats membres à ce budget n’est toujours pas satisfaisante. A titre illustratif, pour le compte du budget de l’exercice 2016, la Cour africaine n’a reçu des Etats membres que 7 823 931 dollars sur les 7 934 615 dollars prévus initialement. Dans ces conditions, la contribution des partenaires est souvent indispensable pour les deux institutions. La situation est davantage déplorable s’agissant de la Commission africaine. La maigreur quasi systématique de son budget d’année en année la laisse presque dépendante des ressources extérieures. En 2013 par exemple, aucun financement n’a été affecté aux activités des programmes de la Commission africaine au titre de cette année d’exercice.101 En dépit de l’urgence de la situation, les Etats affichent une certaine désinvolture. Pourtant, la question du financement entretient un lien direct avec la complémentarité. Un financement adéquat des deux institutions aboutirait en réalité à une gestion plus saine et efficace des affaires. La navette des affaires entre la Cour et la Commission africaine nécessite en réalité des ressources conséquentes. L’issue parfois insatisfaisante de certaines affaires est en réalité liée au défaut de moyens financiers. C’est notamment le cas dans l’affaire Requête N° 004-2011 Commission africaine c Libye où la Commission africaine aurait dû diligenter de manière plus approfondie des enquêtes, mobiliser des éléments supplémentaires avant de soumettre l’affaire à la Cour africaine. Dans ces conditions, l’idée d’un fonds budgétaire destiné spécifiquement à la complémentarité est une piste sérieusement envisageable.

On ne saurait également faire l’impasse sur la question du personnel. Non pas qu’il s’agisse d’un problème de compétences, bien au contraire, l’Afrique a de quoi s’enorgueillir en matière d’expertise juridique. Seulement, une fois de plus, le rapport entre la ressource humaine disponible et les besoins réels est symptomatique d’une profonde carence en personnel.102 Si depuis quelques années des efforts semblent être faits, il faut admettre qu’il y a encore du chemin à parcourir.

L’absence de portée dissuasive de la Commission africaine en raison du caractère non contraignant de ses décisions a constitué en partie, l’une des raisons qui ont porté la Cour africaine sur les fonts baptismaux. La force contraignante des décisions de la Cour africaine est donc censée se présenter comme un palliatif à cette faiblesse de la Commission africaine. Pourtant, cette solution peut s’avérer vaine au regard de sa finalité. Eu égard à la latitude laissée au Conseil des Ministres pour le suivi des décisions de la Cour africaine,103 le pouvoir dissuasif de la Cour africaine ne restera en définitive, qu’un vulgaire mirage. La bonne foi des Etats ne peut en aucun cas être considérée comme une garantie de l’exécution des décisions de la Cour africaine.104

A cet effet, un mécanisme dissuasif de sanction aurait été de nature à en assurer une meilleure garantie. Le constat de l’inexécution d’une décision de la Cour africaine résultant conformément au droit international, du manquement à sa triple obligation de cessation de l’illicite, de réparation (restitutio in integrum) et de non répétition du fait illicite doit donc être assujetti à une sanction conséquente. Si la question de l’inexécution des décisions de justice est récurrente en Afrique, il faut admettre que cette problématique ne lui est pas exclusive. Les systèmes européen et américain y sont aussi confrontés.105 C’est la raison pour laquelle de nombreuses pistes de réflexions ont foisonné au sein de la doctrine afin de lui apporter une réponse pragmatique. La menace de suspension ou d’expulsion étant une solution extrême dont l’application demeure chimérique, l’une des pistes les plus réalistes concernant le système africain des droits de l’homme pourrait être106 la pénalité pécuniaire. Ainsi, qu’on pourrait légitimement l’objecter, une simple sanction pécuniaire n’a pas une portée aussi dissuasive qu’on pourrait l’espérer. C’est la raison pour laquelle, elle devrait prendre plus concrètement la forme d’une astreinte.107 L’astreinte a en effet des effets psychologiques insoupçonnés. Un Etat qui violerait les dispositions de l’article 30 du Protocole devrait tomber sous le coup de cette contrainte pécuniaire qui devra au demeurant être sévère.

La restriction de l’accès direct des individus à la Cour africaine demeure un aspect fondamental de ses faiblesses.108 Tel que le soutient Mamadou Falilou DIOP: 109

Les restrictions relatives à l’accès direct des individus au prétoire de la Cour ne se justifient pas. De plus, elles ne sauraient avoir comme explication que la volonté manifeste des États de ne pas répondre des violations graves des droits de l’Homme dont ils sont souvent accusés.

Au total, il sied de retenir qu’associer deux entités dysfonctionnelles, c’est conjuguer dans un cadre commun, leurs défauts respectifs et donc rajouter aux maux du système. La complémentarité entre la Cour et la Commission africaines ne sera jamais effective qu’à la condition de l’autonomie et de l’efficacité propre de chaque entité. De même, cette complémentarité s’inscrit dans un ensemble dont il faudra tenir compte.

3.2.2 L’efficacité binaire: maillon de l’efficacité globale

La Cour et la Commission africaines des droits de l’homme n’évoluent pas dans un univers isolé. Le système africain des droits de l’homme s’est complexifié avec la multiplication des structures et des acteurs appelés à intervenir dans la promotion et la protection des droits de l’homme sur le continent.110 Face à cette situation, la relation entre les deux institutions ne doit pas être considérée indépendamment des réalités les transcendant. Les différents maux qui peuvent entraver le système dans sa globalité se répercutent irrémédiablement sur l’existence et la coexistence des deux entités. Aujourd’hui, nombreux sont les paramètres généraux à prendre en compte.

D’abord, le principe de complémentarité ne doit pas être l’apanage du seul couple Commission africaine-Cour africaine. Loin de là, la Cour et la Commission africaines doivent élargir ce principe constructif à toutes les institutions intervenant dans le champ des droits de l’homme en Afrique et même au-delà. D’ailleurs, s’agissant de la Commission africaine, l’article 45 de la Charte africaine lui impose de ‘coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s’intéressent à la promotion et à la protection des droits de l’homme et des peuples’. Cette complémentarité doit prendre effet avec les institutions les plus immédiates dont le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant.111 Comme l’a noté Solomon Ebobrah, une relation poussée de complémentarité ne semble pas exister entre cette structure et les deux autres.112 Ce que déplore d’ailleurs la Cour elle-même en rappelant la nécessité d’une relation plus étroite avec le Comité dans son avis consultatif N° 002-2013 où elle reconnaît:

Qu’il est souhaitable, dans l’intérêt de la protection des droits de l’homme sur le continent, que le mandat du Comité soit renforcé au même titre que celui de la Commission est renforcé dans sa relation de complémentarité avec la Cour.

Cette exhortation de la Cour est le résultat de l’inaptitude du Comité à la saisir conformément aux dispositions de l’article 5(1) du Protocole dont la démarche énumérative l’écartait des entités habilitées à la saisir d’une requête. Cette situation fût cependant corrigée dans le protocole de 2008 portant fusion entre la Cour africaine des droits de l’homme et Cour africaine de justice qui reconnaît la faculté au Comité d’ester devant la nouvelle juridiction (article 30). D’ailleurs, l’article 27(2) du protocole précité précise expressément que ‘Dans l’élaboration de son règlement, la Cour doit garder à l’esprit les relations de complémentarité qu’elle entretient avec la Commission africaine et le Comité africain d’experts’.

Dans la même perspective, l’approfondissement de la coopération de la Cour et de la Commission africaines avec les juridictions régionales africaines serait d’un insoupçonnable atout pour le système africain des droits de l’homme. Les juridictions constitutionnelles et suprêmes nationales ne sont pas en reste.113 La Cour et la Commission africaines gagneraient à asseoir un véritable dialogue avec elles afin de s’assurer une meilleure prise en compte de leur logique jurisprudentielle.114 Un grand pas a déjà été franchi en ce sens avec l’institutionnalisation du Dialogue judiciaire continental dont l’objectif est d’harmoniser les pratiques judiciaires en Afrique à travers ‘le renforcement des liens entre la Cour africaine d’une part, et les Cours régionales et nationales, d’autre part’.115 Depuis l’éclosion de cette idée en 2010, deux Dialogues judiciaires ont eu lieu, tous à Arusha.116 Le troisième organisé conjointement par la Cour et l’Union africaine aura pour thème ‘ Améliorer l’efficacité du judiciaire en Afrique ’ et se tiendra à Abidjan. De telles initiatives méritent d’être encouragées et renforcées quant à leur fréquence afin de propulser une véritable culture d’appropriation du droit international des droits de l’homme par les juridictions nationales. 117

La rationalisation générale de l’environnement institutionnel des droits de l’homme constitue un facteur clef de l’efficacité du système africain des droits de l’homme et partant de l’épanouissement du principe de complémentarité. Les relations entre les deux structures principales que sont: la Cour et la Commission africaines sont le reflet du fonctionnement d’un mécanisme plus large. Les autres structures principales de l’Union africaine que sont: la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, le Conseil des Ministres, le Secrétariat de l’Union Africaine sont des maillons avec lesquels il faudra substantiellement compter.

Dans ce contexte, le principe de complémentarité entre la Cour et la Commission africaines doit s’ajuster à des paramètres globaux. La prise en considération de ces paramètres globaux commande une attention particulière à l’égard des destinataires finaux du système à savoir, les populations.118 Cette posture téléologique des droits de l’homme en Afrique commande de véritables mesures de promotion et d’éducation des populations.119 Le premier pas vers l’accessibilité de la justice est la prise de conscience par les populations elles-mêmes, de l’existence de droits à revendiquer ainsi que des voies de recours qui s’offrent à elles.120 L’aveu fait par le juge Gérard Niyungeko à cet égard s’agissant de la Cour africaine est éloquent:121

En dehors des spécialistes, peu de gens savent que la Cour existe, et parmi ceux qui sont au courant de son existence, peu savent comment elle est conçue, comment l’on peut y accéder, quel est précisément son rôle, ce que l’on peut attendre d’elle.

Ce n’est qu’à la condition d’une démarche inclusive que le système africain des droits de l’homme prendra véritablement son envol.

 4 CONCLUSION

La relation entre la Cour et la Commission africaines semble avoir eu raison des pronostics pessimistes des uns et des autres quant au tumulte qui pourrait précipiter le sort tragique de leur coexistence. Leur relation n’a certes pas été à l’image d’un long fleuve tranquille, mais elle a largement de quoi nourrir les perspectives les plus optimistes quant à la trajectoire qu’elle semble prendre irréversiblement. Les deux institutions ont en effet, très tôt eu beau jeu de comprendre que la destinée de leur relation dépendait du degré de coordination et de coopération dont elles devraient faire preuve. A cet effet, elles se sont armées de pragmatisme dans les rapports qui devraient les unir. De manière empirique et au gré des situations, elles s’attachent à apporter des solutions aux différents maux qui peuvent entraver la complémentarité qui les unit. Toute cette expérience constitue un acquis fondamental dans un contexte de mutations permanentes et surtout de l’opérationnalisation future de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme. De nombreux défis restent cependant encore à relever pour faire de la ‘complémentarité’, la clé absolue de l’efficacité du système africain des droits de l’homme.

 


1. Dès l’aube des indépendances des pays africains, l’idée de la création d’une juridiction continentale chargée de veiller au respect des droits de l’homme a germé. C’est à Lagos en 1961 que la Commission internationale des juristes (CIJ), émit pour la première fois la nécessité de la création d’un tel organe à l’issue du congrès dont la déclaration finale appelée ‘Loi de Lagos’ proposait l’adoption d’une ‘Convention africaine des droits de l’homme’ prévoyant la mise sur pied d’une juridiction régionale.

2. K M’Baye ‘Rapport introductif sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples’ in Commission Internationale de Juristes Droits de l’homme et des peuples en Afrique et la Charte africaine (1986) 28.

3. M Ahanhanzo Glélé ‘La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples: ses virtualités et ses limites’ (1985) 1 Revue de droit africain 37.

4. NJ Udombana ‘Towards the African Court on Human and Peoples’ Rights: better later than never’ (2000) 3 Yale Human Rights and Development Law Journal 64.

5. AE Anthony ‘Beyond the paper tiger: the challenge of a Human Rights Court in Africa’ (1997) 32 Texas International Law Journal 511.

6. R Eno ‘The place of the African Commission in the new African dispensation’ (2002) 11 African Security Review 70.

7. A ce jour, 24 pays ont signé et ratifié le protocole, 25 ont signé sans le ratifier et 5 n’ont fait ni l’un ni l’autre. Voir Le tableau de ratification du Protocole à l’adresse suivante: http://www.achpr.org/fr/instruments/court-establishment/ratification/ (consulté le 8 octobre 2017).

8. D Juma ‘Lost (or found) in transition? the anatomy of the African Court of Justice and Human Rights’ (2009) 13 Max Planck Yearbook of United Nations Law Online 283.

9. A O’Shea ‘A critical reflection on the proposed African Court on Human and People’s Rights’ (2001) 1 African Human Rights Law Journal 293.

10. NB Pityana ‘Reflections on the African Court on Human and Peoples’ Rights’ ( 2004) 4 African Human Rights Law Journal 121.

11. J Matringe Tradition et modernité dans la Charte africaine des droits et devoirs de l’Homme et des peuples. Étude du contenu normatif de la Charte et de son apport à la théorie du droit international des droits de l’homme (1996) 24.

12. A Rudman ‘The Commission as a party before the Court - reflections on the complementarity arrangement’ (2016) 19 Potchefstroom Electronic Law Journal 7.

13. Projet de Protocole additionnel à la Charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples (version anglaise). Projet préparé par les experts de l’OUA en collaboration avec la Commission Africaine et la Commission Internationale de Juristes (CIJ), 26-28 Janvier 1994.

14. Projet de Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur l’établissement d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (version anglaise). Projet préparé par la seconde rencontre des experts gouvernementaux sur l’établissement d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. 11-14 Avril 1997, Nouakchott, Mauritanie OAU/LEG/EXP/AFCHPR/PRO(2).

15. ST Ebobrah ‘Towards a positive application of complementarity in the African human rights system’ (2011) 22 European Journal of International Law 671.

16. Rudman (n 12 ci-dessus) 11.

17. A Clapham ‘On complementarity: human rights in the European legal orders’ (2000) 21 Human Rights Law Journal 33.

18. P-H Imbert ‘Complementarity of mechanisms within the Council of Europe/Perspectives of the Directorate of Human Rights’ (2000) 21 Human Rights Law Journal 292.

19. F Ouguergouz ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples - gros plan sur le premier organe judiciare africain à vocation continental’ (2006) 52 Annuaire francais de droit international 213 224.

20. Udombana (n 4 ci-dessus) 97.

21. O’Shea (n 9 ci-dessus) 296.

22. Ouguergouz (n 19 ci-dessus) 224.

23. IA Elsheikh ‘The future of relationship between the African Court and the African Commission’ (2002) 2 African Human Rights Law Journal 254.

24. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 673.

25. Article 29 du Règlement Intérieur de la Cour, article 114 et suivants du Règlement intérieur de la Commission africaine

26. CA Odinkalu ‘From architecture to geometry: the relationship between the African Commission on Human and Peoples’ Rights and organs of the African Union’ (2013) 35 Human Rights Quarterly 10.

27. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 665.

28. Rudman (n 12 ci-dessus) 6.

29. Article 118(4) du Règlement intérieur de la Commission africaine.

30. Rudman (n 12 ci-dessus) 5.

31. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 671.

32. F Viljoen ‘A Human Rights Courts for Africa, and Africans’ (2004) 30 Brooklyn Journal of International Law 11.

33. O’Shea (n 9 ci-dessus) 285.

34. Article 9 du Protocole.

35. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 676.

36. Rudman (n 12 ci-dessus) 24.

37. Odinkalu (n 26 ci-dessus) 857.

38. Si comme le signalent Patrick Daillier et Alain Pellet, en matière d’actes des organisations internationales, ‘l’incertitude terminologique et l’ambiguïté textuelle sont la règle’, il est tout de même acquis en droit international, que les avis consultatifs ne peuvent émaner formellement que d’un organe juridictionnel. C’est ainsi que Jean Salmon en donne la définition suivante: ‘opinion émise par une juridiction internationale à la demande d’un organe qualifié à cet effet pour éclairer cet organe sur une question juridique’. La Commission africaine n’étant pas une juridiction au sens propre, on ne saurait attribuer le qualificatif d’avis aux actes résultant de sa compétence consultative. Ce qui est valable aussi bien dans le système américain, européen qu’onusien. Voir en ce sens, J Salmon Dictionnaire de droit international public (2001) 116; N Quoc Dinh & autres, Droit international public (2002) 367. Voir aussi, A Ondoua D Szymczak La fonction consultative des juridictions internationales (2009); MC Runavot JM Sorel La compétence consultative des juridictions internationales: reflet des vicissitudes de la fonction judiciaire internationale (2010).

39. F Quilleré-Majzoub ‘L’option juridictionnelle de la protection des droits de l’homme en Afrique’ (2008) 73 Revue trimestrielle des droits de l’homme 752.

40. A Zimmermann & J Bäumler ‘Current challenges facing the African Court on Human and Peoples’ Rights’ (2010) 7 KAS International Reports 50.

41. Odinkalu (n 26 ci-dessus) 858.

42. Zimmermann & Bäumler (n 40 ci-dessus) 50.

43. S Kowouvih ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: une rectification institutionnelle du concept de “spécificité africaine” en matière des droits de l’homme’ (2004) 59 Revue trimestrielle des droits de l’homme 767.

44. Kowouvih (n 43 ci-dessus) 770.

45. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 680.

46. SN Tall Droit des organisations internationales africaines (2015) 383.

47. Zimmermann & Bäumler (n 40 ci-dessus) 50.

48. M Mubiala Le système africaine de protection des droits de l’homme (2005) 87.

49. Voir C Santulli Droit du contentieux international (2015); MG Schmidt ‘Portée et suivi des constatations du Comité des droits de l’homme de l’ONU’ in F Sudre La protection des droits de l’homme par le Comité des droits de l’homme des nations unies (1995) 157; R Illa Maikassoua La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (2013).

50. F Sudre Droit européen et international des droits de l’homme (2012) 654.

51. Illa Maikassoua (n 49 ci-dessus) 67.

52. LN Brant L’autorité de la chose jugée en droit international public (2003) 341.

53. Se fondant, par exemple sur la règle du pacta sund servanda, Illa Maikassoua soutient que les Etats sont liés par les décisions de la Commission africaine du fait de la ratification par eux de la Charte reconnaissant la compétence de la Commission africaine. Voir Illa Maikassoua précité.

54. Brant (n 52 ci-dessus) 11.

55. H Gros-Espiell ‘La Cour et la Commission interaméricaines des droits de l’homme. Situation actuelle et perspectives d’avenir’ in Mélanges en hommage à Louis Edmond Pettiti (1998) 437.

56. G Baricaco ‘La mise en œuvre des décisions de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples par les autorités nationales’ in J-F Flauss & E Lambert-Abdelgawad (eds) L’application nationale de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (2004) 22.

57. Article 119(2) du Règlement intérieur intérimaire.

58. R Illa Maikassoua La commission africaine des droits de l’homme et des peuples; un organe de contrôle au service de la Charte africaine (2013) 168.

59. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 680.

60. Article 29(2) du Règlement intérieur de la Cour

61. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 681.

62. RJ Dupuys ‘Le droit des relations entre Organisations internationales’ (1960) in Recueil des Cours de droit international de la Haye (1960) 529.

63. C Chauvet Le pouvoir hiérarchique (2013) 14.

64. N Eba Nguema ‘Recevabilité des communications par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2014) 5 La revue des droits de l’homme disponible à l’adresse http://revdh.revues.org/803 (consulté le 10 juin 2017)

65. Odinkalu (n 26 ci-dessus) 859.

66. Clapham (n 17 ci-dessus) 313.

67. G Niyungeko ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: défis et perspectives’ (2009) 29 Revue trimestrielle des droits de l’homme 735.

68. M Chemillier-Gendreau ‘L’Afrique et les conditions générales de réalisation des droits de l’homme’ (1999) 11 Revue africaine de droit international et comparé 1-13.

69. Article 28(5) du Règlement intérieur de la Commission africaine aux termes duquel, ‘La Commission peut tenir des sessions conjointes en consultation avec la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’.

70. S Kayitesi Zainabo, Rapport d’activités d’intersession, Avril 2013, p.3. Disponible à l’adresse https://www.google.sn/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad= rja&uact=8&ved=0ahUKEwjOi7Xz9_LUAhWsDMAKHTCYBgEQFgglMAA&url=http%3A%2F%2Fwww.achpr.org%2Ffr%2Fsessions%2F53rd%2Fintersession-activity-reports %2Fzainabo-sylvie-kayitesi%2F&usg=AFQjCNE_udHdvlgEXsUJfki_Z8UmGx5_Vg Consulté le 10 octobre 2017. Ainsi, qu’il découle, dudit rapport, à l’issue de cette réunion, les deux institutions ont pu prendre conscience des avancées et des progrès dans leurs relations et leurs missions communes.

71. R Alapini Gansou ‘Aperçu des mécanismes régionaux et sous régionaux; accès et relations entre les cours et les commissions; coopération existante avec d’autres mécanismes’ Communication présentée dans le cadre de l’Atelier des cours/Commissions régionale et sous régionales des droits de l’homme, Strasbourg Octobre 2015, disponible à l’adresse https://www.google.sn/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source =web&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwj5i6uB-fLUAhUBDMAKHbFzAI8QFgg lMAA&url=http%3A%2F%2Fwww.ohchr.org%2FDocuments%2FCountries%2FNHRI%2FStrasbourgPresentations%2FMs._Reine_Alapini-Gansou_session1.docx&usg=AF QjCNEW5qWvt8WDaGeHU6BNjwQq78WYvA (consulté le 10 octobre 2017).

72. 40ème Rapport d’activité de la Commission Africaine disponible à l’adresse: http://www.achpr.org/files/activity-reports/40/actrep40_2016_fre.pdf (consulté le 10 octobre 2017).

73. Amnesty international African Court on Human and Peoples’ Rights: an opportunity to strengthen human rights protection in Africa (2002) 18.

74. Article 117 du Règlement intérieur de la Commission africaine

75. Juma (n 8 ci-dessus) 350.

76. D Juma ‘Complémentarité entre la Commission et la Cour africaines’ in Guide de complémentarité dans le système africain des droits de l’homme (2014) 15.

77. Requête 004-2011 Commission africaine c Grande Jamarihiya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste (Affaire relative aux violations massives des droits de l’homme commises durant la révolution libyenne).

78. MF Diop’ Plaidoyer pour l’accès direct des individus à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et à la future Cour africaine de justice, des droits de l’homme et des peuples’ (2016) 2 Revue du droit public 653.

79. Commission africaine c Libye, Requête 004-2011.

80. Soufiane Abadou c Algérie, Requête 2/2011.

81. Alexandre c Cameroun et la République fédérale du Nigeria, Requête 8/2011; Association des Juristes d’Afrique pour la Bonne Gouvernance c République de la Côte d’ivoire, Requête 6/2011 et Daniel Amare et Mulugeta Amare c République du Mozambique et Mozambican Airlines, Requête 5/2011.

82. Odinkalu (n 26 ci-dessus) 859.

83. Voir l’Opinion dissidente du Juge Fatsah Ouguergouz sur la Requête 008-2011 Alexandre c République du Cameroun et la Nigéria.

84. Media Rights Agenda et autres c Nigeria, Communications 105/1993, 128/1994, 130/1994 et 152/1996 en jonction; Prince c Afrique du Sud, Communication 255/2002.

85. Mtikila c Tanzanie, Affaire 9/2011-2011.

86. Falana c Commission africaine, Requête 19/2015.

87. Voir Opinion individuelle du Juge Ouguergouz sur l’affaire Falana c Commission africaine, Requête 19/2015.

88. Plutôt qu’une analyse strictement positiviste de cette décision, un regard métajuridique ou téléologique mérite d’y être jeté. L’option prise par la Cour africaine de statuer judiciairement sur ce litige doit être considérée moins comme une prise de liberté avec les règles élémentaires de procédure que comme la manifestation d’une volonté de saisir l’occasion de trancher sur une question intimement liée à la vie des deux institutions.

89. S Kaba L’avenir des droits de l’homme en Afrique à l’aube du XXIe siècle (1996) 36.

90. N Kabeya Ilunga, De L’OUA à l’Union Africaine: évolution, limites et défis de la protection des droits de l’homme en Afrique’ (non publié).

91. N Luaba Lumu ‘Le système africain de protection et de promotion des droits de l’homme’ in Droits de l’homme et droit international humanitaire (1999) 124.

92. Article 33 de la Charte.

93. Chemillier-Gendreau (n 68 ci-dessus) 8.

94. Article 59 de la Charte africaine.

95. Anthony (n 5 ci-dessus) 517.

96. M du Plessis & L Stone ‘A court not found?’ (2007) 7 African Human Rights Law Journal 529.

97. Article 45 de la Charte Africaine.

98. 42ème Rapport d’activités de la Commission. Disponible à l’adresse http://www.achpr.org/fr/activity-reports/42/ (consulté le 3 octobre 2017).

100. Rapport d’activités de la Cour africaine pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2016. Disponible à l’adresse http://fr.african-court.org/images/Activity% 20Reports/AfCHPR_Activity_Report_2016_F.pdf (consulté le 3 octobre 2017).

101. 34ème Rapport d’activités de la Commission africaine. Disponible à l’adresse http://www.achpr.org/files/activity-reports/34/achpr53eos13_actrep34_2013_fr.pdf (consulté le 3 octobre 2017).

102. M Hansungule ‘African courts and the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ in A Bösl & J Diescho (eds) Human rights in Africa. Legal perspectives on their protection and promotion 254.

103. Article 30 du Protocole.

104. Article 30 du Protocole.

105. E Lambert-Abdelgawad ‘L’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme’ (2002) 19 Dossiers sur les droits de l’homme 10.

106. F Tulkens et autres ‘Brèves réflexions sur une nouvelle proposition en matière d’exécution des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme’ in G Cohen-Jonathan et C Petit (eds) La réforme de la Cour Européenne des droits de l’Homme (2003) 176.

107. Tulkens (n 106 ci-dessus) 182.

108. M Mubiala ‘L’accès de l’individu à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ in MG Kohen (ed) La promotion de la justice, des droits de l’homme et du règlement des conflits par le droit international (2006) 369.

109. Diop (n 78 ci-dessus) 653.

110. J Dubois de Gaudusson ‘La Justice en Afrique: nouveaux défis, nouveaux acteurs’ (2014) 2 Afrique Contemporaine 13.

111. JD Boukongou ‘Le système africain de protection des droits de l’enfant. Exigences universelles et prétentions africaines’ (2006) 5 Les cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux 97.

112. Ebobrah (n 15 ci-dessus) 682.

113. Voir en ce sens H Adjolohoun Droit de l’homme et justice constitutionnelle en Afrique: le modèle béninois (2011).

114. G Niyungeko ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: défis et perspectives’ (2009) 79 Revue trimestrielle des droits de l’homme 737.

115. Discours de bienvenue du Président de la Cour africaine en prélude du second dialogue judiciaire continental, Arusha le 19 Octobre 2016. http://fr.african-court.org/index.php/news/press-releases/item/52-arusha-to-host-the-second-african-judicial-dialogue-4-6-november. Consulté le 8 octobre 2017.

116. S Hanffou Nana La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples: étude à la lumière de l’expérience européenne (20026) 429.

117. M Killander & H Adjolohoun ‘International law and domestic human rights litigation in Africa: an introduction’ in M Killander (ed) International law and domestic human rights litigation in Africa (2010) 4.

118. Eno (n 6 ci-dessus) 71.

119. M Seck ‘Plaidoyer pour l’éducation en matière des droits de l’Homme en Afrique’ (1989) 1 Revue universelle des droits de l’homme 36.

120. AB Fall ‘L’accessibilité à la justice en Afrique’ in OIF Justice et droit de l’Homme, XXIIIe Congrès de l’Institut international de droit d’expressions et d’inspirations françaises (2003) 333.

121. Niyungeko (n 114 ci-dessus) 735.