Télesphore Ondo
 Docteur en droit public (Reims Champagne-Ardenne (France))
 Enseignantchercheur, Maître assistant à l’Université Omar Bongo
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 Edition: AHRY Volume 1
  Pages: 244 - 262
 Citation: T Ondo ‘La jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: entre particularisme et universalité’ (2017) 1 Annuaire Africain des Droits de l’Homme 244-262 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2017/v1n1a12
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RÉSUMÉ

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine) constitue, avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine), le système africain de protection des droits de l’homme. C’est dans ce cadre qu’elle exerce ses fonctions consultative et contentieuse à l’égard des Etats Parties et peut recevoir des requêtes émanant de la Commission africaine, des individus et des organisations non gouvernementales introduites contre les Etats ayant accepté sa compétence. L’exercice par la Cour de son office laisse apparaître une construction ambivalente du droit africain des droits de l’homme. Cette construction se caractérise d’une part, par le développement d’une jurisprudence relativement originale qui met en exergue, non seulement la constitutionnalisation et la socialisation, mais aussi l’humanisation et la moralisation du droit africain. Elle est marquée, d’autre part, compte tenu du caractère embryonnaire du droit africain des droits de l’homme, par la mise en relief de ce droit considéré comme le relais régional de l’universalisme du droit des droits de l’homme, dans ses dimensions procédurale et matérielle.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

The jurisprudence of the African Court of Human and Peoples’ Rights: between particularism and universality

ABSTRACT: The African Court on Human and Peoples’ Rights (African Court), together with the African Commission on Human and Peoples’ Rights (African Commission), make up the African system for the protection of human rights. It is within this framework that the African Court exercises its advisory and contentious jurisdictions in respect of State parties. The Court may receive applications from the African Commission, individuals and non-governmental organisations against States that have accepted its jurisdiction. The Court’s implementation of its missions reveals an ambivalence in the interpretation of African human rights law. This ambivalence is characterised by, on the one hand, the development of a relatively original jurisprudence which highlights not only the constitutionalisation and socialisation, but also the humanisation and moralisation of African law and, on the other hand, in view of the burgeoning nature of African human rights law, by shedding light on that law, which is considered as the regional relay of universalism of human rights law, in its procedural and material dimensions.

MOTS CLÉS: Cour africaine des droits de l’homme, humanisation, universalisme, particularisme

SOMMAIRE:

1 Introduction  

2 Le particularisme de la jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples   de l’homme et des peuples  

2.1 La constitutionnalisation et la socialisation du droit africain  

2.2 L’humanisation et la moralisation du droit africain  

3 L’universalisme africain des droits de l’homme 

3.1 Le relais régional du droit international procédural 

3.2 Le relais africain du droit international matériel  

4 Conclusion 

1 INTRODUCTION

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine) a été instituée par le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Protocole), adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou.1 Institution judiciaire principale des droits de l’homme en Afrique, la Cour africaine a été créée pour renforcer le mandat de protection de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine), dans un système africain de protection des droits de l’homme2 fondé principalement sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine).3

Aux termes des dispositions des articles 3(1) et 7 du Protocole, la Cour est compétente pour connaître de l’interprétation et de l’application non seulement de la Charte africaine, mais également de ‘tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés’. Quant au sens à donner à la notion ‘d’instrument relatif aux droits de l’homme’, la Cour a conclu, dans l’arrêt majeur qu’elle a rendu dans l’affaire APDH c Côte d’Ivoire, qu’entraient dans cette catégorie, la Charte africaine de la démocratie et le Protocole de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la démocratie.4

C’est dans ce cadre que la Cour africaine exerce sa fonction contentieuse à l’égard des Etats Parties reconnaissant sa compétence. Conformément aux dispositions des articles 5(3) et 34(6) du Protocole,5 la Cour peut recevoir également des requêtes émanant de la Commission africaine, des individus et des organisations non gouvernementales, introduites contre lesdits Etats. A n’en point douter, il s’agit là d’une évolution notable du droit africain des droits de l’homme. En effet, en droit international, la reconnaissance de droits fondamentaux aux individus et aux peuples ne s’est pas originellement accompagnée de la capacité juridique à agir en cas de violation. La consécration d’un droit d’accès direct ou indirect des personnes privées (individus et organisations non gouvernementales) au prétoire de la Cour africaine, qui se situe dans le sillage global de la reconnaissance de ces personnes comme sujets du droit international,6 constitue dès lors une véritable révolution juridico-institutionnelle.7

Cette option d’une juridiction internationale à l’accès libéral apparaît non seulement comme ‘la forme de protection des droits de l’homme la plus avancée et la plus perfectionnée’,8 mais aussi comme la plus dynamique.9 Il est vrai que ce modèle libéral est limité par la condition très critiquée du dépôt d’une déclaration spéciale de reconnaissance de compétence. Quoi qu’il en soit, que les individus soient demandeurs dans presque toutes les 155 requêtes reçues et 34 décisions rendues par la Cour africaine au cours de sa première décennie d’existence, est la preuve intangible de cette démocratisation de l’accès à son prétoire.

Conjointement à cette fonction contentieuse, la Cour africaine exerce une fonction consultative en vertu des dispositions des articles 4 du Protocole et 68 de son Règlement intérieur. Les demandes d’avis sont à l’initiative des Etats membres, de l’Union africaine, de tout organe de l’Union africaine ou d’une organisation africaine reconnue par l’Union.10 La Cour a reçu à ce jour 12 demandes et rendu 11 avis consultatifs.

Dans l’exécution de sa mission, la Cour met en perspective les différents acteurs; elle garantit la confrontation directe entre les supposées victimes de violation des droits de l’homme et les Etats défendeurs, dans le respect du principe du contradictoire; elle reconnaît aux victimes les droits de participation au procès et de réparation des dommages qui leur sont causés; et elle garantit l’égalité des armes entre les parties tout au long de la procédure devant la Cour, dans le respect des exigences du procès équitable. Ce faisant, la Cour interprète, irrigue, développe et enrichit le droit africain des droits de l’homme. Dans quelle mesure ce droit en construction apparaît-il comme avant-gardiste, non-conformiste, voire créatif par rapport aux canons du positivisme juridique volontariste et universaliste du droit international public?

L’objet de la présente réflexion est de montrer que, dans l’exercice de ses fonctions contentieuse et consultative, la Cour africaine fait œuvre d’une construction relativement originale de la jurisprudence, reposant sur une conception particulière du droit africain des droits de l’homme. Cependant, ce particularisme ne doit pas être surestimé. En effet, le caractère embryonnaire du droit africain des droits de l’homme, le développement du dialogue avec d’autres juridictions internationales et régionales dans le cadre des rapports de systèmes,11 la similitude et la convergence des intérêts protégés avec ces juridictions manifestement en avance, justifient les influences universalistes particulièrement remarquables de la jurisprudence internationale sur l’activité de la Cour africaine.

2 LE PARTICULARISME DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR AFRICAINE

Contrairement à ce que suggère Mubiala par exemple,12 la Cour africaine n’est pas une réplique identique des autres juridictions régionales des droits de l’homme. Elle se caractérise par une certaine démarcation du volontarisme étatique en développant une jurisprudence relativement originale qui met en exergue, non seulement la constitutionnalisation et la socialisation, mais aussi l’humanisation et la moralisation du droit africain.

2.1 La constitutionnalisation et la socialisation du droit africain

La constitutionnalisation et la socialisation du droit africain sont deux traits caractéristiques de la jurisprudence de la Cour africaine qu’il faudrait examiner successivement.

2.1.1 La constitutionnalisation

La constitutionnalisation s’entend ici du processus par lequel la Cour africaine va, conformément à la volonté du législateur africain, ériger les normes relatives aux droits de l’homme en normes suprêmes devant lesquelles le droit interne doit s’incliner.13 Cette suprématie est garantie par la Cour africaine. En effet, le rôle de la Cour africaine ne se limite pas à interpréter la Charte africaine et les autres instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par les Etats africains,14 ni à en contrôler le respect. Son mandat est beaucoup plus large et consiste à instaurer une véritable culture non seulement du respect des droits de l’homme et de la justice, mais aussi de la responsabilité.

Tel que l’article 3(2) du Protocole l’indique sans ambages, ‘en cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide’. Selon le juge africain, cette disposition

couvre toutes les affaires et tous les différends en matière de droits de l’homme concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifiés par les Etats concernés.15

Ainsi, dans l’affaire Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c Grande Jamahiriya arabe Libyenne populaire et socialiste, concernant les violations des droits de l’homme commises lors du printemps arabe, alors que la requérante ne l’envisageait pas, la Cour, en exerçant compétence prima facie, a ordonné,16 de toute urgence et sans autre procédure, des mesures provisoires. Selon la Cour,

dès lors qu’il existe une situation d’extrême gravité et d’urgence, de même qu’un risque de dommages irréparables aux personnes qui sont l’objet de la requête, en particulier pour ce qui est des droits de celles-ci à la vie et à l’intégrité physique, tels que garantis par la Charte,17

elle n’avait pas d’autres choix que d’agir. Depuis, cette jurisprudence sur les mesures provisoires a été confirmée à plusieurs reprises. 18 L’exécution de ces mesures provisoires par les Etats concernés aura forcément un impact non seulement sur l’ordonnancement juridique national, mais aussi sur les décisions des juridictions internes. La Cour africaine, à l’instar d’une véritable cour suprême, pourrait ainsi s’investir dans les systèmes juridiques des Etats membres pour les contraindre à respecter les droits de l’homme.

Dans l’exercice de sa mission, elle le fait de deux manières: d’une part, en assurant le contrôle des systèmes juridictionnels et juridiques des Etats et, d’autre part, en rappelant aux Etats leurs obligations internationales en matière de respect des droits de l’homme.

Dans le cadre de l’appréciation de la mise en œuvre de la règle de l’épuisement des voies de recours internes, la Cour assure un véritable contrôle des systèmes juridiques et juridictionnels des Etats sur le fondement des critères de disponibilité, d’efficacité et de suffisance. Dans l’affaire Konaté c Burkina Faso,19 la Cour, après avoir contrôlé le système juridictionnel burkinabé, a indiqué que si le pourvoi en cassation, dont le délai est de cinq jours, est bien disponible, il ne vise qu’à annuler le jugement et non la loi. Dès lors, selon la Cour,

dans de telles circonstances, il est clair que le requérant dans la présente affaire ne pouvait rien attendre de la Cour de cassation, s’agissant de sa demande en annulation des lois burkinabé en application desquelles il avait été condamné.20

Autrement dit, précise la haute juridiction continentale, ‘il n’était pas nécessaire de recourir au même processus judiciaire dès lors que le résultat était connu d’avance’.21 Ensuite, la Cour a rappelé que, dans le cas d’espèce, c’est le Conseil constitutionnel qui pouvait connaître du litige dès lors qu’il assure le contrôle de constitutionnalité des lois. Or, indique la Cour, celui-ci ne peut nullement être saisi par les individus. Selon la Cour,

il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le système juridique burkinabé n’offrait au requérant dans la présente affaire aucun recours efficace et suffisant lui permettant de faire censurer les lois burkinabé dont il se plaint. Par voie de conséquence, le requérant n’avait pas à épuiser le recours en cassation, ni d’ailleurs un quelconque autre recours, après sa condamnation définitive au fond, par la Cour d’appel de Ouagadougou, le 10 mai 2013.22

Dans la même affaire, la Cour, en véritable juge constitutionnel, a assuré le contrôle de la conformité des lois burkinabé avec les dispositions de la Charte africaine et du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) de 1966, relativement à la liberté d’expression, sur la base de critères précis. Il s’est agi plus concrètement de vérifier que la limitation de la liberté d’expression est prévue par la loi, qu’elle répond à un objectif légitime et qu’elle est nécessaire pour atteindre l’objectif visé et proportionnée dans une société démocratique. Dans le cas d’espèce, le juge africain a estimé que non seulement la législation burkinabé, en prévoyant la diffamation comme une infraction pénale, viole manifestement les articles 9 et 19 respectivement de la Charte et du Pacte de 1966,23 mais aussi que les décisions prises par des tribunaux condamnant le requérant sont disproportionnées par rapport au but poursuivi par le Code pénal et le Code de l’information du Burkina Faso.24

Enfin, toujours dans son contrôle du système juridique de l’Etat, la Cour va jusqu’à censurer les dispositions constitutionnelles. Par exemple, elle a jugé que celles de la Tanzanie-Unie qui interdisent les candidatures indépendantes aux élections politiques violent la Charte africaine, notamment le droit des requérants tanzaniens de participer aux affaires publiques de leur pays.25 De même, le fait que la Constitution exige que les candidats soient membres d’un parti politique viole la liberté d’association garantie par la Charte,26 viole également le droit à la non-discrimination et l’égalité devant la loi.27 Et pour remédier à cette situation, la Cour a ordonné

au Défendeur de prendre toutes les mesures constitutionnelles, législatives et autres dispositions utiles dans un délai raisonnable, afin de mettre fin aux violations constatées et informer la Cour des mesures prises à cet égard.28

Dans son arrêt du 18 novembre 2016,29 la Cour a, en revanche, procédé à la remise en cause de l’autorité absolue de chose jugée du Conseil constitutionnel ivoirien. En effet, alors que ce dernier avait jugé, par une décision du 16 juin 2014, la loi sur la Commission électorale indépendante conforme à la Constitution, la Cour a indiqué qu’

au regard de sa composition, l’organe électoral ivoirien ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises et qu’il ne peut donc pas être perçu comme tel. 30

Par conséquent, ajoute la Cour,

en adoptant la loi contestée, l’Etat défendeur a violé son obligation de créer un organe électoral indépendant et impartial, prévu par l’article 17 de la Charte africaine sur la démocratie et l’article 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie.31

Par ailleurs, la Cour ne manque pas de rappeler aux Etats leurs obligations internationales, c’est-à-dire l’obligation de respecter et de garantir les droits de l’homme; l’obligation de prendre des mesures de droit interne, l’obligation d’organiser des recours judiciaires suffisants et efficaces contre les violations des droits. Par exemple, dans l’affaire Zongo et autres c Burkina Faso,32 la Cour a censuré l’Etat burkinabé pour violation de son obligation de garantir non seulement le droit de la victime à ce que sa cause soit entendue par les juridictions nationales compétentes, mais aussi les droits des journalistes. De même, dans l’affaire Konaté,33 la Cour a indiqué que le Burkina Faso a manqué à son obligation de respecter les droits de l’homme, en l’occurrence la liberté d’expression. Dans l’affaire APDH c Côte d’Ivoire, la Cour a aussi jugé que ‘lorsqu’un Etat devient partie à un traité relatif aux droits de l’homme, le droit international l’oblige à prendre des mesures positives pour assurer la mise en œuvre de ces droits’.34 La Cour peut rappeler aussi aux Etats membres leur obligation de se conformer aux arrêts qu’elle a rendus.35

2.1.2 La socialisation

La socialisation du droit africain s’entend du processus social par lequel les juges de la Cour africaine interprètent les dispositions de la Charte et autres instruments relatifs aux droits de l’homme et rendent des arrêts en tenant compte des spécificités africaines.

En effet, dans son rôle de protectrice des droits et libertés, la Cour s’efforce d’interpréter les normes relatives aux droits de l’homme dans l’intérêt des individus en procédant à une méthode sociologique. Ainsi, par exemple, dans l’affaire Konaté, la Cour a tenu compte des réalités africaines relatives au faible niveau d’alphabétisation, en retenant sa compétence pour modifier le titre d’une requête truffée d’erreurs, en l’occurrence la République du Burkina Faso a été qualifiée de ‘République Populaire et Démocratique du Burkina’.36 Contrairement à ce que soutenait l’Etat burkinabé, et en tenant compte du niveau intellectuel moyen du requérant, la Cour a jugé qu’il ne s’agit nullement là de termes outrageants ou insultants.

Dans la même affaire, en tenant compte de ce que, dans plusieurs corps de métiers, les Africains exercent dans l’illégalité, sans formalité administrative, la Cour a reconnu la qualité de journaliste de fait au requérant, même si ce dernier ne s’est pas conformé aux formalités administratives.37

En outre, dans le contexte africain marqué par la problématique de la conservation des pièces d’état civil, la Cour, en vertu de l’article 26(2) du Protocole, ‘reçoit tous moyens de preuves (orale et écrite) qu’elle juge appropriées et sur lesquelles elles fondent ses décisions’. Selon la Cour, dans l’affaire Zongo,

cette disposition, qui consacre le principe de la libre admissibilité de la preuve, implique notamment que la Cour n’est pas tenue par les règles restrictives de droit interne en ce qui concerne les moyens de preuve admissibles. Elle peut donc décider qu’un moyen de preuve exigé par le droit interne, n’est pas nécessairement requis devant elle.38

En l’espèce, plusieurs ayants droit ne disposaient pas d’actes de naissance ou de filiation.

Par ailleurs, compte tenu de la faible maîtrise des droits de l’homme et des règles contentieuses par les requérants, la Cour fait preuve de souplesse à l’égard des personnes privées. Ainsi, elle ajuste ou interprète la requête pour bien identifier un droit prétendument violé. Aussi, alors que la requérante n’invoquait que la seule violation du ‘droit à l’égalité devant la loi’, la Cour a conclu à la violation par l’Etat défendeur du droit ‘à une égale protection de la loi’.39 Toujours en tenant compte du contexte, la Cour a retenu sa compétence dès lors que les droits dont la violation est alléguée sont protégés par la Charte ou par tout autre instrument relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’Etat concerné, même lorsque ces droits ne sont pas nécessairement précisés dans la requête.40

Enfin, pour éviter d’être influencée par la tendance de certains Etats africains41 au rejet de la compétence de la Cour pénale internationale, la Cour n’hésite pas à remettre en cause certaines règles de procédure pour se soumettre aux prétentions des Etats. Ainsi, dans l’affaire APDH c Côte d’Ivoire,42 la Cour a, dans l’intérêt de la justice, décidé de recevoir le mémoire de l’Etat défendeur soulevant hors délai les exceptions d’irrecevabilité, alors qu’elle devait rendre un arrêt par défaut. De même, dans l’affaire Umuhoza c Rwanda,43 la Cour, sans que l’Etat défendeur ait eu à comparaître à l’audience et à plaider quoi que ce soit, a pourtant suspendu l’examen de la recevabilité de la requête et du fond de l’affaire, pour sauvegarder le principe du contradictoire. En réalité, selon le juge Ouguergouz, dans l’opinion dissidente44 jointe à cette ordonnance, ‘la Cour apparaît ainsi comme ayant pris fait et cause pour l’Etat défendeur qui a fait le choix délibéré de ne pas comparaître à l’audience. En accordant un traitement préférentiel à l’une des parties au détriment de l’autre, la Cour rompt ainsi le principe d’égalité des parties qui doit présider à l’exercice de sa fonction judiciaire’, alors qu’ ‘à ce stade, la Cour aurait dû prendre acte de cette non-comparution et continuer la procédure’.45

La jurisprudence de la Cour africaine contribue également à l’humanisation et à la moralisation du droit africain.

2.2 L’humanisation et la moralisation du droit africain

Le développement de la jurisprudence de la Cour africaine a largement enrichi le droit africain qui est devenu non seulement un droit à visage humain, mais également un droit prenant en compte les questions morales ou éthiques.

2.2.1 L’humanisation

L’Afrique a souvent été qualifiée de ‘berceau de l’impunité’,46 au regard de l’ampleur des violations des droits de l’homme qui y sont perpétrées. Le rôle de la Cour africaine est de promouvoir les droits de l’homme par une prise en compte des victimes qui méritent respect et justice. Le processus d’humanisation du droit africain enclenché par la Cour vise donc à placer l’individu, en l’occurrence la victime, au cœur du système africain de protection des droits de l’homme. Deux aspects importants permettent d’illustrer ce processus.

D’une part, l’humanisation transparaît dans la prise de mesures provisoires au profit des victimes des violations graves des droits de l’homme, même lorsque les requérants ne l’ont pas demandées. Ainsi, dans l’affaire Commission africaine des droits de l’homme et des peuples contre Grande Jamahiriya arabe Libyenne populaire et socialiste,47 la Cour, pour éviter des conséquences irréparables pour les victimes, a ordonné les deux mesures provisoires suivantes: l’abstention pour la Libye de tout acte qui pourrait entraîner des pertes en vies humaines ou toute atteinte à l’intégrité physique des personnes et qui pourrait constituer une violation des instruments africains et internationaux relatifs aux droits de l’homme et ratifiés par la Libye et la remise par la Libye d’un rapport à la Cour, dans un délai de 15 jours, indiquant les mesures prises pour mettre en œuvre l’ordonnance de la Cour.

Dans l’affaire Armand Guéhi c Tanzanie, la Cour a également jugé que ‘compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, qui révèlent un risque d’application de la peine de mort, ce qui risque de porter atteinte aux droits du requérant protégés par l’article 7 de la Charte et l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Cour décide d’exercer la compétence que lui confère l’article 27(2) du Protocole’.48 En conséquence, ‘la Cour conclut que ces circonstances exigent une ordonnance portant mesures provisoires, en application de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51 de son Règlement intérieur, pour préserver le statu quo ante, en attendant la décision sur la requête principale’.49

D’autre part, l’humanisation du droit africain repose sur le droit à un recours effectif garanti par la Cour aux victimes. Ainsi, dans l’affaire Zongo c Burkina Faso, la Cour a relevé plusieurs carences du système judiciaire burkinabé due à la longueur des procédures de recours, à la non diligence des autorités compétentes pour investiguer sur l’assassinat des journalistes et l’audition tardive des parties civiles et a conclu à la violation par cet Etat du droit à un recours effectif.50

La jurisprudence de la Cour africaine contribue également à la moralisation du droit africain.

2.2.2 La moralisation

La moralisation du droit africain repose entièrement sur la question de la responsabilité internationale de l’Etat et son corollaire la réparation des dommages causés aux victimes en cas de violation des droits de l’homme. Cette réparation peut être ordonnée aux Etats par la Cour africaine. Ce mécanisme est consacré à l’article 27(1) du Protocole: ‘Lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation’. C’est en application de cette disposition que la Cour a rendu quelques arrêts relatifs à la réparation.51

Ce terme est générique et couvre plusieurs modes appliqués à différentes situations et divers types de dommages. Pour simplifier, et en reprenant les formes usitées par le juge africain, la réparation vise deux formes de préjudice: pécuniaire ou matériel et non pécuniaire ou moral.

Dans les deux cas, le juge peut ordonner le paiement d’une compensation financière, des frais et dépens, à la condition d’apporter la preuve, par tout moyen et à l’appréciation du juge, du préjudice subi.52

La réparation ordonnée par le juge peut également prendre la forme soit des garanties de non-répétition, par exemple l’adoption de mesures de droit interne,53 soit des mesures de satisfaction, à l’exemple de la publication et de la diffusion de l’arrêt de la Cour sanctionnant les violations des droits de l’homme.54

De façon générale, dans sa jurisprudence, la Cour se montre pédagogue, voire paternaliste, en donnant en quelque sorte une leçon de morale à l’Etat violateur, en vue de l’éduquer à la culture des droits de l’homme.

Au total, la Cour, par le biais de sa jurisprudence, met en exergue quelques aspects saillants du particularisme du droit africain des droits de l’homme. Pour autant, ce particularisme ne doit pas être surestimé, comme l’illustre d’ailleurs le manque d’audace de la Cour africaine lorsque l’occasion se présente à lui d’innover ou faire évoluer le système de protection qu’elle incarne. En réalité, au regard des textes pertinents et de la jurisprudence africaine, le système africain de protection des droits de l’homme baigne manifestement dans le moule de l’universalisme.

3 L’UNIVERSALISME AFRICAIN DES DROITS DE L’HOMME

L’universalisme africain met en exergue les rapports que la Cour et le droit africain entretiennent avec les autres systèmes de protection des droits de l’homme et même plus généralement avec le droit international. De l’analyse des instruments juridiques pertinents et de la jurisprudence, il ressort clairement que le droit africain, en raison de son caractère embryonnaire, constitue le relais régional de l’universalisme du droit des droits de l’homme, dans ses dimensions procédurale et matérielle.

3.1 Le relais régional du droit international procédural

Tous les aspects du droit international procédural ne seront pas abordés ici. Au regard de la jurisprudence de la Cour, l’influence du droit international procédural sur le droit africain concerne surtout la question des exceptions préliminaires, le retrait de la déclaration de compétence et la méthode d’interprétation du juge.

3.1.1 Les exceptions préliminaires

La Cour africaine est très fréquemment saisie d’exceptions préliminaires sur lesquelles elle doit statuer in limine litis, avant d’examiner le fond de l’affaire. Ces exceptions s’appuient sur divers arguments.

D’abord, l’incompétence ratione personae, ratione materiae et ratione temporis de la Cour. Sur cette question, l’influence du droit international est déterminante.

Le point de départ de la compétence du juge africain est fixé par l’article 3(2) du Protocole qui dispose que: ‘En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide’. En réalité, cette disposition qui dérive des textes régissant plusieurs juridictions internationales (le Statut de la CPJI et l’article 36(6) du Statut de la CIJ par exemple), ne fait que codifier une jurisprudence arbitrale constante.55

Dans l’affaire Zongo c Burkina Faso, l’Etat défendeur a soulevé l’exception d’incompétence ratione temporis de la Cour au motif que lorsque les assassinats des journalistes avaient été perpétrés en 1998, le Protocole créant la Cour n’était pas encore entré en vigueur. Pour démontrer sa compétence, la Cour s’est appuyée sur les normes internationales, notamment, d’une part, sur les dispositions de l’article 28 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui consacrent le principe de la non-rétroactivité des traités non contestés par les Parties, et, d’autre part, sur le Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité internationale de l’Etat. Sur ce dernier point, la Cour a rappelé la distinction établie par le Projet d’articles entre les ‘violations instantanées ou achevées’ (article 14(1)) et les ‘violations continues’ (article 14(2)). La Cour a alors indiqué que l’assassinat des journalistes est une ‘violation achevée’56 alors que la violation du droit à ce que la cause des victimes soit entendue devant les juridictions nationales compétentes est ‘continue’.57 Dans le premier cas, elle conclut à son incompétence, alors que dans le second, elle retient sa compétence ratione temporis.

Ensuite, l’exception d’irrecevabilité des requêtes formulées par les individus et les ONG sur le fondement des articles 5(3) et 34(6) du Protocole relatifs respectivement à l’exigence de la qualité d’observateur auprès de la Commission africaine et à la déclaration de reconnaissance de compétence de la Cour lorsqu’elle est saisie par les personnes privées. En réalité, il s’agit d’une tendance générale du droit international des droits de l’homme à favoriser l’accès direct ou indirect des personnes privées à la justice internationale, dans le respect de la volonté des Etats.58

Enfin, l’exception d’irrecevabilité peut être liée à la règle du non-épuisement des voies de recours internes. En raison du caractère embryonnaire du droit africain des droits de l’homme, la Cour, dans ses arrêts,59 s’appuie systématiquement sur la jurisprudence d’autres juridictions internationales pour qualifier la nature judiciaire des recours internes et déterminer les critères de disponibilité, d’efficacité et de satisfaction.60

La Cour africaine s’inspire également du droit international procédural en matière de retrait de la déclaration de reconnaissance compétence et de méthode d’interprétation.

3.1.2 Le retrait de la déclaration de reconnaissance compétence et la méthode d’interprétation du juge

Sur le retrait de la déclaration de compétence dans l’affaire Umuhoza c Rwanda, la Cour était appelée à répondre à trois questions relatives à la validité du retrait, à ses conditions et à ses effets.

Sur le premier point, la Cour, en accord avec les parties, a reconnu que le Protocole ne contenait aucune disposition relative à son éventuelle dénonciation. Dès lors, après avoir indiqué que la déclaration est un acte unilatéral qui ne relève pas du droit des traités, elle a ajouté qu’elle ‘sera guidée par les règles pertinentes qui régissent les déclarations de reconnaissance de compétence’, à l’instar de celles concernant la Cour internationale de justice,61 la Cour européenne des droits de l’homme62 et la Cour interaméricaine des droits de l’homme,63 ‘ainsi que par le principe de la souveraineté des Etats en droit international’.64 Selon la Cour, ce dernier principe ‘prescrit que les Etats sont libres de s’engager et qu’ils conservent le pouvoir discrétionnaire de retirer leurs engagements’.65

S’agissant des conditions du retrait, la Cour, après avoir relevé que le pouvoir discrétionnaire de retrait n’est nullement absolu, souligne, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour interaméricaine66 et l’article 56(2) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qu’il est néanmoins soumis à ‘une exigence de préavis d’au moins un an pour assurer la sécurité juridique et empêcher une suspension soudaine des droits ayant inévitablement des conséquences sur les tiers que sont, en l’espèce, les individus et les ONG qui sont titulaires de ces droits’.67

Enfin, en application des règles internationales en la matière et du principe de non rétroactivité, la Cour a jugé que l’acte de retrait ne prendra effet qu’après la période de préavis et que la notification du retrait de la déclaration n’a aucun effet sur les affaires pendantes devant la Cour.68

La Cour est également compétente pour interpréter les dispositions du Protocole qui la crée. En tant qu’une juridiction internationale et vu le caractère lacunaire des textes pertinents et de la jurisprudence, la Cour va les interpréter conformément aux normes de droit international et notamment aux dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Celle-ci prévoit, en son article 31(1), qu’ ‘un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et son but’.

Dans l’affaire Yogogombaye c Sénégal, la Cour a été amenée à interpréter l’article 34(6) du Protocole qui prévoit qu’elle ‘ne reçoit aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration’. Selon la Cour, le terme ‘reçoit’ ne doit cependant être entendu ni dans son sens littéral, comme renvoyant au concept de ‘réception’ ni dans son sens technique comme renvoyant au concept de ‘recevabilité’. Il doit plutôt être interprété à la lumière tant de la lettre que de l’esprit de l’article 34(6) pris dans son ensemble et en particulier l’expression ‘déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes’ et figurant dans une première phase de cette disposition.

En matière d’application du droit à un procès équitable, la Cour a indiqué qu’elle ‘s’inspire de la jurisprudence du Comité des droits de l’homme sur l’interprétation et l’application de l’article 14(3)(d) du PIDCP’.69

Toutefois, le droit africain, grâce à la jurisprudence de la Cour africaine, devient de plus en plus le relais africain du droit international matériel.

3.2 Le relais africain du droit international matériel

L’influence du droit international sur le droit africain se manifeste dans quatre matières importantes: d’une part, la notion d’organisation internationale et la responsabilité internationale de l’Etat, et d’autre part, l’institution d’un organe électoral indépendant et impartial et les limitations à la jouissance des droits.

3.2.1 La notion d’organisation internationale et la responsabilité internationale de l’Etat

A un requérant ayant attrait l’Union africaine devant elle, la Cour africaine, dans l’affaire Falana c Union africaine, tout en le déboutant, a pris le soin de distinguer l’Etat et l’organisation internationale. Selon la Cour, même si formellement, l’adoption des traités est faite par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union africaine, leur signature et leur ratification relèvent toujours de la prérogative exclusive de ses Etats membres. Dès lors, l’adoption du Protocole créant la Cour par la Conférence ne suffit pas pour établir que l’Union africaine est partie au Protocole et de ce fait, peut être attraite devant la justice sur cette base ou au nom de ses membres. Sur ce dernier point, la Cour, en s’appuyant sur un avis consultatif célèbre de la Cour internationale de justice70 a indiqué qu’‘en tant qu’organisation internationale, l’Union a une personnalité juridique distincte de celle de ses Etats membres’. Dès lors, ajoute la CIJ,

les obligations internationales découlant d’un traité ne peuvent être imposées à une organisation internationale, à moins que celle-ci ne soit partie à ce traité, ou soumise à ces obligations par tout autre moyen reconnu par le droit international.

En conséquence, la Cour africaine, en convoquant la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales, a conclu que

l’Union africaine ne peut donc pas être soumise à des obligations découlant du Protocole, à moins qu’elle n’ait été autorisée à devenir partie au Protocole et qu’elle soit disposée à le faire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.71

Autrement dit, elle ne peut être attraite devant la Cour au nom de ses membres.

En matière de violation des droits de l’homme, la question de la responsabilité internationale de l’Etat et son corollaire la réparation est fondamentale. Sur ce point, le droit africain est particulièrement pauvre.72 En effet, lorsqu’elle est saisie sur ces questions, la Cour africaine n’a d’autres choix que de recourir au droit international et à la jurisprudence internationale. Elle l’a fait dans deux arrêts datant du 13 juin 2014 et du 5 juin 2015 relatifs à la réparation dans les affaires respectivement Mtikila et Zongo. La Cour a d’abord posé le fondement de la responsabilité internationale de l’Etat (para 27 et paras 20-22). Selon celle-ci,

l’un des principes fondamentaux du droit international contemporain sur la responsabilité de l’Etat et qui constitue, par ailleurs, l’une des normes coutumières du droit international, veut que toute violation de l’obligation internationale ayant causé un préjudice doit être réparée.

Ce principe a été dégagé par la jurisprudence de la Cour permanente de justice internationale, dans l’arrêt du 26 juillet 1927, affaire de l’usine de Chorzow (Allemagne c Pologne): ‘Toute violation d’un engagement compte l’obligation de le réparer’. C’est ce principe, rappelle la CPJI, qui a été consacré non seulement par l’article 31(1) du Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite de la CDI de 2001, mais également, en Afrique, par l’article 27(1) du Protocole créant la Cour.

Sur la question proprement dite de la réparation, la Cour africaine va recourir systématiquement au droit international et surtout à la jurisprudence internationale particulièrement élaborée. Elle le fera pour distinguer le préjudice matériel et le préjudice moral,73 laquelle distinction est consacrée par l’article 31(2) du Projet d’articles de la CDI sur la responsabilité internationale de l’Etat. Le même texte (article 34) prévoit également plusieurs formes de réparation qui, dans l’ensemble est intégrale. En s’appuyant sur une jurisprudence internationale abondante,74 elle peut prendre la forme d’une compensation financière,75 de frais et dépens, de garanties de non-répétition et de mesures de satisfaction.

Enfin, la Cour s’est évertuée, en se fondant sur le droit international des droits de l’homme, à clarifier la notion de victime qui, contrairement au droit national, ne doit pas être nécessairement limitée à celle d’héritier en première ligne d’une personne décédée. Elle doit donc être prise au sens général, et concerner toute personne proche de la personne décédée dont on peut raisonnablement penser qu’elle a pu subir un préjudice moral caractérisé du fait de la violation des droits de l’homme concernée.76

La jurisprudence de la Cour africaine s’inspire également du droit international matériel, notamment pour déterminer le caractère indépendant et impartial d’un organe électoral indépendant et impartial et pour fixer les limitations à la jouissance des droits.

3.2.2 L’institution d’un organe électoral indépendant et impartial et les limitations à la jouissance des droits

Le phénomène d’internationalisation du droit électoral à la faveur de la mondialisation de la démocratie et de l’Etat de droit a largement contribué à l’émergence d’un droit international des élections.77 Certains éléments matériels de ce droit en gestation, notamment l’obligation pour les Etats de créer un organe électoral indépendant, ont été portés devant la Cour africaine, dans l’affaire APDH c Côte d’Ivoire.

En se basant non seulement sur la position d’une institution internationale spécialisée en matière électorale et sur le rapport de la Mission de l’observation des élections de l’Union africaine du 27 octobre 2015, mais aussi sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme,78 la Cour a indiqué que si l’organe électoral ivoirien dispose d’une indépendance institutionnelle dès lors qu’elle bénéficie, de par la loi, d’une autonomie administrative et financière, il ne présente pas néanmoins les garanties d’indépendance et d’impartialité requises, au regard de sa composition déséquilibrée (huit membres pour la majorité contre quatre pour l’opposition) et de son mode de prise de décision (majorité simple).79 Par conséquent, conclut la Cour, la loi contestée viole l’article 17 de la Charte africaine sur la démocratie qui prévoit l’obligation pour les parties de créer un organe électoral indépendant et impartial.

Sur la question de la limitation à la jouissance des droits, en raison du caractère embryonnaire du droit africain, la Cour s’inspire également du droit international. La Cour africaine pose le principe dans Jonction d’instance d’affaires 

La jurisprudence internationale80 sur les limitations à la jouissance des droits a établi le principe que les restrictions doivent être non seulement nécessaires dans une société démocratique, mais aussi raisonnablement proportionnelles à l’objectif légitime recherché.81

Confrontée à la restriction du droit d’éligibilité, du droit d’égalité et du droit à la non-discrimination en matière électorale en République unie de Tanzanie, la Cour, dans l’affaire précitée, se réfère de façon particulière à l’observation générale 25 du Comité des droits de l’homme de l’ONU sur le droit de participer à la direction des affaires publiques, le droit de vote et le droit d’accéder, dans les conditions d’égalité, à des fonctions publiques. La Cour africaine indique qu’elle

fait sienne cette observation générale car il s’agit d’une déclaration faisant autorité sur l’interprétation de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui reflète l’esprit de l’article 13 de la Charte africaine et qui, en vertu de l’article 60 de la Charte, est un instrument adopté par les Nations Unies relatif aux droits de l’homme dont la Cour peut s’inspirer pour sa propre interprétation.82

4 CONCLUSION

Au total, la Cour africaine a élaboré une jurisprudence originale qui repose sur une conception particulière des droits de l’homme. Cette construction prétorienne qui irradie et pourrait à terme transformer l’ensemble du système vise, selon une interprétation sociologique, à constitutionnaliser, socialiser, humaniser et moraliser le droit africain des droits de l’homme. Toutefois, cette approche paraît encore limitée. En effet, la jeunesse du droit africain des droits de l’homme, le développement du dialogue avec d’autres juridictions internationales largement en avance et la forte dépendance de la Cour à l’égard des canons du positivisme juridique, volontariste et universaliste du droit international public freinent manifestement l’audace du juge africain. Dès lors, l’affranchissement de cette conception et la construction d’une approche plurielle ou pluraliste, à l’exemple de la posture prise par la Cour interaméricaine des droits de l’homme,83 apparaissent, à notre sens, comme les conditions sine qua non d’un véritable décollage de la Cour africaine et de l’émergence d’un droit africain des droits de l’homme véritablement centré sur l’humanité.


1. Article 1, Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, adopté le 10 juin 1998 et entré en vigueur le 25 janvier 2004, après avoir été ratifié par plus de 15 pays. Ce Protocole est toujours en vigueur. Un autre Protocole, fusionnant le Protocole portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et du Statut de la Cour de justice de l’Union africaine, a néanmoins été adopté le 1er juillet 2008 pour créer la Cour africaine de justice et des droits de l’homme. Lors de la 23e Session ordinaire du Sommet de l’Union africaine tenu à Malabo en Guinée Equatoriale, ce Protocole a fait l’objet d’un amendement, le 27 juin 2014, instituant une Chambre criminelle au sein d’une Cour plus large dont les deux premières cours constitueront l’une, la Chambre des affaires générales et, l’autre, celle des droits de l’homme. A ce jour, ce Protocole dit de Malabo n’est pas encore entré en vigueur puisqu’il n’a été signé que par 9 Etats dont aucun ne l’a ratifié.

2. Article 2 du Protocole portant création de la Cour africaine.

3. Adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, la Charte africaine est entrée en vigueur le 21 octobre 1986, après sa ratification par 25 Etats.

4. La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance a été adoptée le 30 janvier 2007 et est entrée en vigueur le 15 février 2012. Le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif Mécanisme de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité a été adopté le 21 décembre 2001 et est entré en vigueur en 2008. Voir Actions pour la protection des droits de l’homme (APDH) c Côte d’Ivoire (Arrêt du 18 novembre 2016, Fond) paras 49-65.

5. Sur 30 Etats parties, seuls 8 ont fait une telle déclaration. Il s’agit du Bénin (8 février 2016), du Burkina Faso (28 juillet 1998), de la Côte d’Ivoire (28 juillet 2013), du Ghana (10 mars 2011), du Malawi (09 octobre 2008), du Mali (19 février 2010), de la Tanzanie (29 mars 2010) et de la Tunisie (1er mai 2017). Le Rwanda, après avoir déposé sa déclaration le 6 février 2013, l’a retirée en 2016. Sur ce retrait, cf. Cour africaine, Umuhoza c Rwanda (arrêt du 3 juin 2016).

6. AA Cançado Trindade Evolution du droit international au droit des gens. L’accès des individus à la Justice Internationale, le regard d’un juge (2008).

7. Fl Ntsatsiesse L’accès des personnes privées à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (2016) Mémoire de Master Recherche Droit public fondamental, Faculté de Droit et des Sciences Economiques, Université Omar Bongo, p. 5. Il convient de noter néanmoins que les personnes privées ont également un accès direct au Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies, aux organes des traités de l’ONU, à la Commission interaméricaine des droits de l’homme et à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

8. Rapport annuel sur le travail de la Cour interaméricaine des droits de l’homme à l’Assemblée générale de l’Organisation des Etats Américains, 2000.

9. Voir O Delas ‘La création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: mécanisme efficace de protection des droits de l’homme?’ (1999) 12 Revue Québécoise de droit international 99.

10. Sur le sens de la notion ‘d’organe de l’Union africaine’, voir Avis consultatif, Comité d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant au sujet du statut du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (5 décembre 2014) paras 55-57 ; quant à la notion ‘d’organisation africaine reconnue par l’Union africaine’, voir Avis consultatif, Socio-Economic Rights and Accountability Project (SERAP) (26 mai 2017) paras 43-65. Voir également en général, Avis consultatif, Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO) (28 septembre 2017) paras 27-38; Avis consultatif, Centre for Human Rights, Federation of Women Lawyers Kenya, Women’s Legal Centre, Women Advocates Research and Documentation Centre, Zimbabwe Women Lawyers Association (28 septembre 2017) paras 38-49.

11. H Kelsen ‘Les rapports de système. Entre le droit et le droit international public’ (1925) 10 Recueil des Cours de l’Académie de droit international 231.

12. M Mubiala ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: mimétisme institutionnel ou avancée judiciaire?’ (1998) 102 Revue générale de droit international public 765.

13. Voir CM Fombard ‘Internationalization of constitutional law and constitutionallism in Africa’ (2012) 60 American Journal of Comparative Law 439.

14. Article 3(1) du Protocole.

15. Mkandawire c République du Malawi (arrêt, 21 juin 2013) para 34.

16. Ordonnance en indication de mesures provisoires (25 mars 2011) Requête 4/2011.

17. Ordonnance (n 15 ci-dessus) para 22.

18. La Cour a rendu à ce jour 21 ordonnances relatives aux mesures provisoires dont 17 portent sur des cas de peine de mort en Tanzanie. Cf. fr.african-court.org/index.php/54-list-of-cases-with-provisional-measures/448-liste-des-affaires-ayant-fait-l-objet-d-ordonnances-de-mesures-provisoires.

19. Konaté c Burkina Faso, Requête 4/2013 (5 décembre 2014) para 107.

20. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) para 111.

21. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) para 112.

22. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) para 113.

23. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) para 164.

24. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) para 170.

25. Tanganyika Law Society and The Legal and Human Rights Centre c Tanzanie, Requête 9/2011 et Mtikila c Tanzanie, Requête 11/2011 (14 juin 2013) (ci-après Jonction d’instance d’affaires) para 111.

26. Jonction d’instance d’affaires (n 25 ci-dessus) para 114.

27. Jonction d’instance d’affaires (n 25 ci-dessus) para 119.

28. Jonction d’instance d’affaires (n 25 ci-dessus) point 3.

29. APDH c Côte d’Ivoire Requête 1/2014 (18 novembre 2016). Dans une autre affaire, Nyamwasa et six autres c Rwanda (ordonnance sur la demande aux fins de mesures provisoires 24 mars 2017) alors que les requérants demandaient la prise de mesures provisoires visant à interdire au défendeur de poursuivre l’organisation d’un référendum destiné à amender l’article 101 de la Constitution, à la lumière de l’interdiction à cet égard inscrite à l’article 23(5) de la Charte africaine sur la démocratie, la gouvernance et les élections (‘est-à-dire de contrôler la conformité de la Constitution du Rwanda à cette

30. APDH c Côte d’Ivoire, Requête 1/2014 (18 novembre 2016) para 133.

31. APDH c Côte d’Ivoire (n 29 ci-dessus) para 135.

32. Arrêt du 28 mars 2014 para 150 et paras 186-187.

33. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) para 170.

34. APDH c Côte d’Ivoire (n 29 ci-dessus) para 61.

35. Abubakari c Tanzanie, Requête 7/2013 (3 juin 2016); Onyachi et autres c Tanzanie, Requête 3/2015 (28 septembre 2017).

36. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) paras 46-48.

37. Konaté c Burkina Faso (n 19 ci-dessus) paras 54-59.

38. Zongo c Burkina Faso (n 32 ci-dessus) para 52. Notons toutefois que la Cour a censuré la République unie de Tanzanie dont les dispositions constitutionnelles interdisaient les candidatures indépendantes aux élections politiques, interdiction dictée par les nécessités sociales du pays et fondée sur les réalités historiques du pays. Selon la Cour cette interdiction est une violation de la Charte. Affaire Mtikila c Tanzanie (arrêt du 13 juin 2014 portant sur la réparation) requête 11/2011 paras 42-43; Jonction d’instance d’affaires (n 25 ci-dessus) para 115.

39. APDH c Côte d’Ivoire (n 29 ci-dessus) paras 146-151.

40. Omary et autres c Tanzanie (Affaire 1/2012); Chacha c Tanzanie (Affaire 3/2012); Thomas c Tanzanie (Affaire 5/2013, Arrêt du 20 novembre 2015).

41. T Ondo ‘La non-coopération avec les juridictions pénales internationales’ (2015) 1 Revue de droit international et de droit comparé 79.

42. APDH c Côte d’Ivoire (n 29 ci-dessus) paras 24-31.

43. Umuhoza c Rwanda (n 5 ci-dessus).

44. Opinion dissidente du juge Fatsah Ouguergouz jointe à cette ordonnance para 33. Sur ce mécanisme, voir T Ondo ‘Les opinions séparées des juges à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2015) 104 Revue trimestrielle des droits de l’homme 941.

45. Opinion dissidente du juge Ben Achour jointe à cette ordonnance.

46. Amnesty International, Ending impunity: developing and implementing a global action Plan using universal jurisduction (2009) 9; T Ondo ‘La compétence universelle en Afrique: essai d’analyse’ (2011) 1 Revue de droit international et de droit comparé 120.

47. Ordonnance en indication de mesures provisoires (requête 4/2011 25 mars 2011).

48. Guéhi c Tanzanie Requête 1/2015 (3 octobre 2015) para 19.

49. Guéhi c Tanzanie Requête 1/2015 (3 octobre 2015) para 21.

50. Paras 156-157.

51. Mtikila c Tanzanie (n 38 ci-dessus) et Zongo c Burkina Faso (n 32 ci-dessus).

52. Mtikila c Tanzanie (n 38 ci-dessus) para 39.

53. Mtikila c Tanzanie (n 38 ci-dessus) paras 42-43.

54. Mtikila c Tanzanie (n 38 ci-dessus) para 44.

55. Décision 2-A2-FT, Etats-Unis/Iran (21 décembre 1981) Iran-US CTR, 1/101; décision avant dire droit rendue par la Commission d’arbitrage pour l’ex-Yougoslavie le 4 juillet 1992 (1992) Revue générale de droit international public 584.

56. Zongo (n 32 ci-dessus) para 68.

57. Zongo para 76-77.

58. Voir, entre autres, Atemnkeng c Union africaine (décision du 7 décembre 2012); Mahmoudi c Tunisie (décision du 26 juin 2012); Timan c Soudan (décision du 30 mars 2012); Uko et autres c Afrique du Sud (décision du 30 juin 2012); Moundi c Cameroun et Nigéria (décision du 23 septembre 2011); Efoua Mbozo’O c Le Parlement panafricain (décision du 30 septembre 2011).

59. Jonction d’instance des affaires para 82; Mkandawire (n 15 ci-dessus) para 38.

60. Cf., entre autres, Communications de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples 147/95 et 147/96, Jawara c Gambie, 13e rapport d’activité (1999-2000) para 1; Cour interaméricaine des droits de l’homme, Velaquez-Rodriguez c Honduras (arrêt du 29 juillet 1988) (Série C) n°4; Cour européenne des droits de l’homme, Akdiva et autres c Turquie (requête 21893/93 jugement du 16 septembre 1996) para 66; Commission interaméricaine des droits de l’homme, Mariblanca Staff et OE Ceville c Panama 22 octobre 2003 requête 12/303 paras 34-35.

61. Article 36(2) du Statut de la CIJ.

62. Article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme et le Protocole 11 à cette Convention.

63. Article 62(1) de la Convention américaine des droits de l’homme.

64. Umuhoza c Rwanda (n 5 ci-dessus) para 55.

65. Umuhoza c Rwanda (n 5 ci-dessus) para 58.

66. Ivcher Bronstein (Ivcher Bronstein) c Pérou CIADH Series C No 74 para24(b).

67. Umuhoza c Rwanda (n 5 ci-dessus) paras 62, 65.

68. Umuhoza c Rwanda (n 5 ci-dessus) paras 67, 68.

69. Thomas c Tanzanie, Requête 5/2013 para 120.

70. Avis consultatif relatif à la réparation des dommages subis au service des Nations Unies Recueil CIJ (1949) 79 paras 68-69.

71. Falana c Union africaine, Requête 1/2011 (arrêt du 26 juin 2012) para 71.

72. Néanmoins, la Commission africaine a eu à connaître quelques cas significatifs par exemple République démocratique du Congo c Burundi, Rwanda et Ouganda, Communication 227/99. Cf. Recueil des documents clés de l’Union africaine relatifs aux droits de l’homme (2013) PUL 354.

73. Usine de Chorzow CPIJ ( 13 septembre 1928 ) Serie A 17; Goiburú et al c Paraguay CIADH (22 septembre 2006) Série C 153 paras 29-35, 26-29.

74. Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH), Affaire dite des ‘enfants de la rue’ Villagrain Morales et autres c Guatemala (26 mai 2011) 84; Neira Alegria et autres c Pérou (19 septembre 1986) para 59; Cour européenne des droits de l’homme, Perks et autres c Royaume Uni (12 octobre 1999) Requêtes CEDH 25277/94, 25279/94.

75. La Cour africaine a préféré s’appuyer sur les exemples internationaux alors qu’elle aurait dû, sur ce point, s’inspirer de la jurisprudence abondante de la Commission africaine depuis 2013. Cf. H Adjolohoun Droit de l’homme et justice constitutionnelle en Afrique: le modèle béninois. A la lumière de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (2011).

76. Zongo et autres c Burkina Faso (réparation) para 46.

77. T Ondo ‘L’internationalisation du droit relatif aux élections nationales: à propos d’un droit international des élections en gestation’ (2012) 5 Revue de Droit Public 1405.

78. Findlay c Royaume-Uni (arrêt du 25 février 1995) para 76.

79. APDH c Côte d’Ivoire, para 133.

80. Handysyde c Royaume-Uni requête 5493/72 para 49; Gullow c Royaume-Uni requête 9063/80 para 55; Baena Ricardo et autres c Panama arrêt du 2 février 2001.

81. Jonctions d’affaire d’instances (n 25 ci-dessus) para 106.1.

82. Jonctions d’affaire d’instances (n 25 ci-dessus) para 107.3.

83. L Hennebel et H Tigroudja (eds) Le particularisme interaméricain des droits de l’homme? 40e anniversaire de la Convention américaine des droits de l’homme (2009); M Lopez et S Bellina ‘La démarche interculturelle d’élaboration de la jurisprudence: outil privilégié pour une approche plurielle des droits de l’homme. Le cas du système interaméricain de protection des droits de l’homme’ (2011) Etude Institut de recherche et débat sur la gouvernance 45.