Rimdolmsom Jonathan Kabré
 Docteur en droit de l’Université de Lausanne (Suisse), Chercheur postdoctoral et Responsable du programme de Master in International Trade and Investment Law in Africa à l’Université de Pretoria (Afrique du Sud)
 Titulaire d’une maitrise en droit international et comparé de l’Université de Lausanne et d’une maitrise en droit judiciaire privé de l’Université Thomas Sankara du Burkina Faso
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  https://orcid.org/0000-0001-6889-2517


 Edition: AHRY Volume 5
 Pages: 351-374
 Citation:  RJ Kabré ‘La protection juridique des intérêts culturels africains en droit international des investissements’ (2021) 5 Annuaire africain des droits de l’homme 351-374
 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2021/v5a16
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RÉSUMÉ:

Cette contribution s’inscrit dans le cadre des interactions entre droits culturels et droit des investissements et questionne la protection accordée aux considérations culturelles africaines en droit international des investissements. S’il est généralement admis que la culture occupe une place centrale dans la quête de développement du continent et est un élément d’identification des peuples africains, comment le droit international des investissements protège-t-il ces considérations culturelles africaines, sachant que la protection accordée aux investissements peut avoir un impact sur certains aspects culturels des pays dans lesquels ils sont réalisés ? Bien que les considérations culturelles aient progressivement émergé dans le paysage normatif du droit des investissements, l’article soutient que la prise en compte de ces considérations reste, à bien d’égards, insuffisante dans le contentieux des investissements. L’article va plus loin en discutant de certaines réformes pour mieux protéger ces considérations et ainsi permettre au levier culturel de pleinement jouer son rôle dans la construction de l’Afrique que nous voulons.

MOTS CLÉS: cultures africaines, contentieux d’investissements, droits des peuples indigènes, droit d’agir, tierce-participation

 

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

The legal protection of African cultural interests in international investment law

Abstract: This contribution looks at the interactions between cultural rights and investment law and investigates the protection afforded to African cultural considerations in international investment law. If it is generally accepted that culture plays a central role in the continent’s quest for development and is an identifying factor for African peoples, how does international investment law protect African cultural considerations, knowing that the protection granted to investments may have an impact on certain cultural aspects of the countries in which they are being executed? Although cultural considerations have gradually made their way into the normative landscape of investment law, this article argues that taking these considerations into account remains, in many respects, insufficient in investment litigation. The article goes further to discuss certain reforms to better protect cultural considerations and thus allow the cultural lever to fully play its role in achieving the Africa we want.

KEYWORDS: African cultures, investment disputes, indigenous peoples' rights, right of action, third party participation

SOMMAIRE:

1 Introduction 

 2 L’émergence d’une protection normative de la culture africaine en droit international des investissements 

2.1. Une prise en compte progressive 

2.2 ... mais encore insuffisante  

3 L’insuffisance de la protection juridictionnelle de la culture africaine en droit international des investissements  

3.1 La prise en compte de la culture africaine dans la détermination de la compensation  

3.2 La participation des communautés locales africaines dans les procédures arbitrales impliquant leurs droits culturels  

4 Conclusion  

1 INTRODUCTION

La culture est un concept dont les contours ne sont pas toujours faciles à cerner. Ce constat semble être partagé aussi bien par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour africaine ou la Cour) que par la Charte de la renaissance culturelle africaine (la Charte de la renaissance). Pour la Cour,

[l]a culture peut être définie comme un ensemble complexe qui comprend une relation spirituelle et physique avec la terre ancestrale, la connaissance, la croyance, l’art, le droit, la morale, les coutumes et toutes autres capacités et habitudes acquises par l’humanité en tant que membre de la société - l’ensemble des activités matérielles et spirituelles et des produits d’un groupe social donné qui le distinguent des autres groupes semblables. La culture englobe aussi la religion, la langue et les autres caractéristiques d’un groupe.1

De son côté, la Charte perçoit la culture comme un

ensemble de caractéristiques linguistiques, spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotionnelles de la société ou d’un groupe social et qu’elle englobe, outre l’art et la littérature, les modes de vie, les manières de vivre ensemble, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances.2

Cet ensemble, qui est composé d’éléments tangibles et intangibles, a une importance particulière car étant, inter alia, un facteur d’identification, d’affranchissement et de développement des peuples. La culture permet, en effet, d’identifier un peuple et de le distinguer des autres. Dans ce sens, la Charte de la renaissance rappelle que la culture est le socle de toute communauté humaine.3 Ensuite, et dans le cas spécifique des peuples africains, la culture a joué un rôle déterminant dans leur affranchissement car, et en dépit de

la domination culturelle qui, au cours de la traite des esclaves et de la colonisation, a entraîné la négation de la personnalité culturelle d’une partie des peuples africains, falsifié leur histoire, systématiquement dénigré et combattu les valeurs africaines, et tenté de remplacer leurs langues par celle du colonisateur, les peuples africains ont pu trouver dans la culture africaine les forces nécessaires à la résistance et à la libération du continent.4

En conséquence, la culture fait l’objet d’une promotion et d’une protection tant au niveau universel qu’africain. Sur le plan universel, on pourrait citer des instruments juridiques tels la Convention internationale sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé,5 la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels,6 la Convention pour la protection du patrimoine mondial culture et naturel,7 la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle,8 la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel,9 la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,10 la Déclaration universelle des principes de la Coopération culturelle internationale,11 la Déclaration et le programme d’action de Vienne,12 de même que les deux Pactes internationaux des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels. Tous ces instruments contiennent des dispositions traitant des questions culturelles.

Sur le plan régional africain, la promotion et la protection de la culture ont toujours été une préoccupation commune des États. Et cela s’est reflété dans un nombre important de textes et d’instruments juridiques adoptés au niveau continental, de la Charte de l’Organisation de l’Unité africaine13 à l’Acte Constitutif de l’Union africaine14 en passant par d’autres textes tels le Manifeste Culturel Panafricain,15 la Charte culturelle de l’Afrique,16 la Charte africaine des droits de

l’homme et des peuples,17 la Charte de la renaissance et l’Agenda 2063.18 La culture fait aussi l’objet d’une protection juridictionnelle et quasi-juridictionnelle par des organes de l’Union africaine notamment la Cour africaine19 ainsi que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.20 Dans la célèbre affaire Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya (affaire Ogiek), par exemple, la Cour a rappelé que la protection de la culture est particulièrement importante pour les sociétés autochtones compte tenu du fait que celles-ci sont, le plus souvent, victimes des activités économiques et des programmes de développement à grande échelle.21 L’affaire Social and Economic Rights Action Centre (SERAC) and Centre for Economic and Social Rights (CESR) c. Nigeria (affaire Ogoni) est un exemple illustratif de cet état de fait dans la mesure où la minorité autochtone du sud du Nigeria, le peuple Ogoni, a vu son environnement de vie, sa santé et un certain nombre de ses droits (y compris les droits culturels) gravement affectés par les activités d’exploitation pétrolières menées par le gouvernement nigérian en partenariat avec des investisseurs étrangers.22

La présente contribution s’inscrit justement dans le contexte des interactions entre droits culturels et activités économiques23 et s’interroge sur la protection accordée aux considérations culturelles africaines dans le cadre du droit international des investissements. Cultures et droit des investissements peuvent, en effet, interagir de plusieurs manières: D’une part, il peut s’agir d’une incidence du droit des investissements sur la culture notamment lorsque la volonté d’attirer les investissements débouche sur un assouplissement des normes culturelles et de la protection accordée aux populations indigènes de l’État-hôte. D’autre part, des standards très élevés en matière de protection du patrimoine culturel de l’État hôte peuvent entraîner des différends d’investissement car pouvant impacter les intérêts économiques des investisseurs et potentiellement entrer en conflit avec certaines dispositions des accords d’investissements. Pour les États africains, qui sont le plus souvent hôtes d’investissement, le défi est de pouvoir arriver à concilier leurs obligations découlant des traités d’investissements (notamment vis-à-vis des investisseurs) avec leurs obligations vis-à-vis de leurs propres populations (en matière culturelle notamment). Il s’avère ainsi nécessaire de trouver un équilibre entre ces différents intérêts en jeu pour éviter que les États africains ne se retrouvent entre le marteau du droit des investissements et l’enclume des droits culturels. Celui-ci pourrait consister en l’intégration des considérations culturelles dans le droit des investissements afin d’aboutir à une application harmonieuse de ces deux branches du droit. L’objectif de cet article est de discuter des différents aspects de cette intégration. Il propose une analyse qui se structure autour de deux axes principaux, le premier traitant du volet normatif (partie 2) et le second se focalisant sur le volet juridictionnel de cette intégration (partie 3).

2 L’ÉMERGENCE D’UNE PROTECTION NORMATIVE DE LA CULTURE AFRICAINE EN DROIT INTERNATIONAL DES INVESTISSEMENTS

L’examen des dispositions contenues dans les accords d’investissements conclus par les États africains (accords bilatéraux d’investissement et accords de libre-échange comportant des chapitres relatifs à l’investissement) permettra de déterminer l’étendue de la protection accordée aux considérations culturelles et artistiques. En rappel, les États africains ont joué un rôle prépondérant aussi bien dans la création que dans le développement du droit international des investissements.24 Actuellement, ils ont conclu un tiers de l’ensemble des accords d’investissements25 et leur implication dans les affaires d’investissement varie entre 15% et 27% du nombre total d’affaires.26

Sur le plan normatif, ces États étaient qualifiés, durant de nombreuses années, de rule-takers compte tenu de leur faible influence sur le processus d’élaboration des normes d’investissement.27 Progressivement, le continent s’est émancipé de cette tutelle (essentiellement européenne) pour prendre en main l’élaboration des normes d’investissement au point où certains auteurs considèrent que les États africains sont désormais des rule-makers.28 A cet effet, il convient de souligner qu’un certain nombre d’accords récemment conclus par les États africains comptent parmi les accords les plus innovants en la matière: on pourrait citer le Traité bilatéral d’investissement Maroc-Nigeria,29 l’Acte additionnel de la CEDEAO sur l’investissement30 ou le récent Code panafricain des investisse-ments qui a été conçu pour refléter les spécificités et les réalités africaines.31

C’est dans ce contexte que cette section évalue la manière dont la question culturelle a été prise en considération lors de l’élaboration des normes d’investissements impliquant les États africains. Une revue des accords d’investissements, conclus depuis les indépendances jusqu’à nos jours, révèle une prise en compte progressive de ces considérations (2.1) même si elle demeure, à bien d’égards, insuffisante (2.2).

2.1 Une prise en compte progressive ...

Cette prise en compte est perceptible au travers de l’inclusion expresse des considérations culturelles dans certains récents accords conclus par les pays africains (2.1.1) ainsi qu’au travers de la protection accordée aux communautés indigènes (2.1.2).

2.1.1 L’inclusion expresse des considérations culturelles dans certains récents accords d’investissements

Le premier accord d’investissement signé par un État africain est le traité bilatéral d’investissement entre la République fédérale d’Allemagne et la République togolaise32 et le dernier accord (jusqu’au 30 juin 2021) est l’accord intérimaire de partenariat économique entre le Royaume-Uni et le Cameroun.33 Alors que la culture n’est pas mentionnée dans le premier accord suscité, le second affirme, dans son préambule, que les deux États n’assoupliront ni ne rendront moins strictes leurs législations et réglementations nationales, notamment conçues pour protéger et promouvoir la diversité culturelle au nom de la promotion des investissements directs étrangers.

De façon générale, l’inclusion de ces considérations culturelles revêt plusieurs formes. Il peut s’agir ainsi d’une mention dans le préambule de l’accord, de l’affirmation du droit de réglementation en faveur de la culture, des dispositions imposant des obligations aux investisseurs en matière de protection culturelle, des dispositions visant à promouvoir la culture et les programmes culturels.

S’agissant du préambule, l’Accord intérimaire de Partenariat économique entre le Royaume-Uni et le Cameroun mentionne la culture dans son préambule.34 Quoique non-contraignante, une telle mention peut s’avérer utile pour interpréter les dispositions substantielles des traités d’investissement.35 Dans le même sens, certains accords affirment que leur application doit se faire conformément à l’objectif de développement durable et doit aussi tenir pleinement compte des meilleurs intérêts humains, culturels, économiques, sociaux, sanitaires et environnementaux des populations respectives des parties contractantes et des générations futures.36

Ensuite, d’autres accords étendent le pouvoir de règlementation étatique aux considérations culturelles.37 Toujours en ce qui concerne le pouvoir de réglementation étatique, il existe des accords qui permettent aux États de poser un certain nombre d’actes et d’actions qui, lorsqu’ils sont pris de bonne foi et aux fins du bien-être public, exonèrent lesdits États de toute responsabilité au titre du traité d’investissements: les clauses d’exception générale. Dans ce sens, le traité Singapore-Rwanda mentionne, dans ces exceptions générales, les mesures nécessaires à la protection des trésors nationaux de valeur artistique, historique ou archéologique.38 Mieux, certains traités permettent à l’État-hôte de soustraire certains secteurs de son économie, du champ d’application des accords d’investissement, et des obligations qui en découlent: il s’agit des mesures de non-conformité. Par exemple, l’article 7 de l’Accord Japon-Côte d’Ivoire permet à une partie contractante de prendre ou maintenir des mesures nouvelles ou plus restrictives, dans des secteurs ou activités spécifiques, et qui ne sont pas conformes aux obligations imposées par le traité. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire se réserve le droit

d’adopter ou de maintenir toute mesure relative aux restrictions à l’exportation des biens culturels produits en République de Côte d’Ivoire dans le domaine culturel des œuvres d’art et de l’artisanat ancien, des productions littéraires et artistiques, œuvres du folklore, objets rituels et vestiges préhistoriques et historiques d’intérêt culturel.39

Ce qui constitue une exception à l’interdiction des prescriptions de résultats (mentionné à l’article 6). Un dernier aspect du pouvoir de règlementation étatique en faveur de la culture réside au niveau de la prise en considération du patrimoine commun de l’humanité dans l’analyse des ‘circonstances analogues’ nécessaire pour déterminer si le traitement de la nation la plus favorisée a été accordée à un investisseur.40

Plus important encore, certains récents traités ‘obligent’ les investisseurs à respecter les objectifs et valeurs socio-culturels41 et à se conformer aux normes minimales en matière d’évaluation et d’examen

de l’impact environnemental et socioculturel.42 Une innovation de ces instruments juridiques réside, par ailleurs, dans les dispositions promouvant la diversité culturelle43 et de même que la coopération culturelle.44

Enfin, les biens faisant partie du patrimoine culturel, de même que ceux faisant partie d’une exposition d’objets d’intérêt scientifique, culturel ou historique, ne peuvent faire l’objet d’aucune mesure de contrainte (telle que saisie, arrestation ou exécution) dans le cadre de l’exécution d’une sentence arbitrale.45

Au vu de ce qui précède, on pourrait affirmer que les considérations culturelles ont progressivement frayé leur chemin dans le contexte du droit des investissements. Une telle émergence peut permettre d'éviter un conflit normatif entre normes d’investissements et normes culturelles,46 et aboutir à une meilleure prise en considération du facteur culturel lorsqu’il s’agit d’interpréter ou d’appliquer les règles d’investissements ou encore de trancher des différends d’investisse-ments ayant des implications culturelles.

La protection normative de la culture africaine en droit des investissements se perçoit aussi au travers de la protection qui est accordée aux communautés indigènes.

2.1.2 La protection des intérêts culturels par le biais de la protection accordée aux communautés locales

Les communautés locales (notamment les peuples autochtones et indigènes) sont particulièrement affectées par les activités d’investissements.47 Ces communautés entretiennent, en effet un

rapport spécial avec la terre.48 Or les territoires qu’elles occupent, regorgent, le plus souvent, de ressources naturelles qui sont convoitées et utilisées dans le cadre des activités économiques et des projets de développement.49 De plus, la propriété desdites communautés sur ces territoires n’est pas toujours établie car un nombre important de ceux-ci ont, pendant longtemps, été considérés comme terra nullius.50 Ce qui entraîne souvent le déplacement de ces communautés (et donc la perte d’un pan de leur culture) pour laisser la place aux activités d’exploitation économique de ces terres.51 Le gouvernement Sud-africain résume cet état de fait lorsqu’il affirme que

les droits de la personne sont perçus comme un coût de production élevé et les populations qui vivent dans les territoires visés par des projets de développement comme un risque juridique dont il faut tenir compte. Les communautés locales doivent quitter leurs territoires traditionnels au profit de projets d’investissement, sans toutefois avoir accès à de nouveaux emplois ou à de nouvelles opportunités, et en ne prêtant que peu ou aucune attention à leurs attaches culturelles, sociales et politiques qui les lient à ces territoires. 52

Consacrer une attention spéciale à ces populations autochtones et indigènes dans les accords d’investissements se comprend donc aisément. Dans ce sens, l’article 9(1i) du Code des investissements de la CEDEAO permet aux États de prendre des mesures visant à préserver et à protéger la biodiversité et les droits des communautés locales. De même, les États peuvent prendre des mesures visant à remédier aux disparités économiques historiques subies par des groupes ethniques ou culturels identifiables en raison de mesures discriminatoires ou oppressives à l’encontre de ces groupes, dans le passé.53 Par ailleurs, les Etats membres et les investisseurs doivent «protéger les systèmes de connaissance traditionnelle et les expressions culturelles ainsi que les ressources génétiques recherchés, utilisés, ou exploités par les investisseurs, ou qui sont pertinents pour leurs contrats, pratiques et autres opérations dans les Etats membres».54 Les systèmes de connaissance traditionnelle sont définis comme étant les

pratiques, représentations, expressions, connaissances, compétences - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels associés - que les communautés et les groupes dans les États membres, reconnaissent comme patrimoine transmis de génération en génération. Cet héritage est constamment recréé par les communautés et les groupes dans leur environnement, dans leur interaction avec la nature et leur histoire, ce qui leur donne un sentiment d’identité et de continuité.55

Ces différentes provisions témoignent d’une ouverture, quoiqu’embryonnaire, du droit des investissements à des considéra-tions non-économiques notamment en ce qui concerne les droits des peuples autochtones. Cette ouverture peut permettre d’aboutir à un régime des investissements plus inclusif et plus équilibré. Cet objectif d’inclusion et de durabilité est aussi partagé par l’Agenda 2063 qui promeut le développement inclusif et durable du continent Africain.56

2.2 ... mais encore insuffisante

Cette insuffisance découle de la portée réduite de certains des accords d’investissements examinés plus haut (2.2.1). Aussi, une comparaison avec des accords récents, signés par des États non africains, permettra d’apprécier le caractère suffisant ou non des accords signés par les États africains (2.2.2).

2.2.1 La portée réduite de certains traités d’investissement

Comme examiné précédemment, un certain nombre de récents accords d’investissement, impliquant les États africains, prennent en compte des considérations culturelles. Toutefois, la majorité desdits accords

sont des accords non-contraignants, soit parce qu’ils ont été adoptés sous la forme «d’instrument d’orientation»,57 ou parce qu’ils ont été signés mais pas encore ratifiés.58 En conséquence, ceux-ci ne peuvent être directement invoqués comme source d’obligations directes à la charge des États et investisseurs en matière de protection culturelle.

De même, les accords signés par les États africains avec leurs principaux partenaires commerciaux (qui sont aussi les pays d’origine des investissements et d’investisseurs) sont des accords dits de l’ancienne génération qui, pour la plupart, si ce n’est la totalité, ne prennent pas en considération les considérations culturelles.59

En outre, certains accords semblent induire un certain déséquilibre (ou une différence de traitement) en matière de protection culturelle. C’est notamment le cas de l’Accord de Libre-échange Chine-Maurice.60 Son chapitre 12, consacré à la coopération économique, contient un article relatif aux arts, à la culture et aux sports (article 12-14). Le premier alinéa dudit article reconnaît l’importance de promouvoir les échanges culturels entre les deux pays, compte tenu de leurs liens uniques qui sont fondés sur leur patrimoine culturel et leurs traditions communs.

Ainsi, ces deux États conviennent d’un certain nombre d’actions, notamment d’encourager les échanges d’expertise et de bonnes pratiques concernant la protection des sites du patrimoine culturel et des monuments historiques, y compris l’environnement et les paysages culturels (a); de promouvoir les échanges d’artistes dans la restauration des documents des archives nationales, de la bibliothèque nationale et la restauration des peintures (c).

Toutefois, l’une de ces actions est de collaborer à la promotion de la culture ‘chinoise’ dans le cadre de l’organisation d’événements culturels et de la présentation de différentes formes de culture chinoise telles que les opéras traditionnels, la musique, les arts martiaux et la cuisine. Un tel alinéa interroge: est-ce à dire que la culture mauricienne est suffisamment développée en matière de musique, d’opéra traditionnels pour ne pas avoir besoin de promotion? Ou cela est-il révélateur d’une certaine asymétrie des pouvoirs en matière de négociation d’accords internationaux?

2.2.2 L’Accord économique et commercial global (AECG)

On pourrait s’interroger sur l’opportunité d’une analyse comparée avec l’Accord économique et commercial global (AECG) et quelle peut être l’incidence d’un tel accord sur la protection du fait culturel africain en droit des investissements? Sans doute, faut-il rappeler que le Canada et les pays de l’Union européenne sont ceux qui ont conclu le plus d’accords d’investissements avec les États africains.61 Ensuite, tout comme en Afrique, la question culturelle s’est posée dans plusieurs affaires ayant impliqué le Canada, ses investisseurs62 et ses communautés indigènes.63 Compte tenu de cette similarité de situations, il serait intéressant de voir quelle protection est accordée à la culture dans cet accord et comparer cette protection avec celle découlant des accords d’investissement africains.

L’AECG est un accord commercial entre l’UE et le Canada qui vise à stimuler les échanges commerciaux et à soutenir la croissance et l’emploi.64 Il a même été qualifié «d’accord d’avenir»,65 compte tenu de ses multiples innovations qui s’étendent notamment aux questions culturelles.

Dans le préambule, l’AECG mentionne expressément la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO de 2005.66 A notre connaissance, il est le seul accord à inclure une telle référence qui pourrait aussi guider les tribunaux arbitraux sur l’équilibre qui devrait exister entre la promotion des questions culturelles et la protection des droits garanties aux investisseurs. Ledit préambule reconnaît, par ailleurs, aux États le droit

de maintenir, d’établir et de mettre en œuvre leurs politiques culturelles, de soutenir leurs industries culturelles dans le but de renforcer la diversité des expressions culturelles, et de préserver leur identité culturelle, y compris par le recours à des mesures de réglementation et à un soutien financier.67

L’instrument interprétatif commun concernant l’accord économique et commercial global (AECG) souligne l’importance de telles mentions dans le Préambule, en affirmant qu’elles permettront aux parties signataires de conserver «la capacité de réaliser les objectifs légitimes de politique publique définis par leurs institutions démocratiques dans des domaines tels que (...) la promotion et la protection de la diversité culturelle».68

Relativement au droit de règlementer, ledit accord réaffirme le droit, pour les parties signataires, de

réglementer sur leurs territoires en vue de réaliser des objectifs légitimes en matière de politique, tels que la protection de la santé publique, de la sécurité, de l’environnement ou de la moralité publique, la protection sociale ou des consommateurs, ou la promotion et la protection de la diversité culturelle. Il est entendu que le simple fait qu’une Partie exerce son droit de réglementer, notamment par la modification de sa législation, d’une manière qui a des effets défavorables sur un investissement ou qui interfère avec les attentes d’un investisseur, y compris ses attentes de profit, ne constitue pas une violation d’une obligation prévue dans la présente section.69

Toutefois, l’absence d’une exception culturelle a été critiquée car celle-ci aurait permis d’exempter les mesures visant à protéger les aspects culturels, d’un certain nombre d’obligations (l’obligation du traitement national par exemple).70 Le récent modèle d’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) du Canada de 202171 va un peu plus loin dans la protection de la culture et des droits des peuples autochtones notamment au travers de l’ajout d’une exception générale permettant au Canada «d’adopter ou de maintenir une mesure nécessaire pour mettre en œuvre les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones tels qu’ils sont reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982».72 De plus, les investisseurs sont encouragés à

instaurer et à entretenir des relations et un dialogue constructifs avec les peuples autochtones et les communautés locales, conformément aux normes, lignes directrices et principes internationaux en matière de conduite responsable des entreprises auxquels la Partie a donné son adhésion ou son appui.73

Le constat qui peut être dressé à la fin de cette partie est que l’on assiste à l’émergence d’une protection de la culture africaine au travers notamment des dispositions et clauses des accords d’investissements. Quoique pouvant être améliorée, cette protection normative témoigne d’une progressive ‘africanisation’ des normes d’investissements. Cette protection s’étend-elle au règlement des différends d’investissements?

3 L’INSUFFISANCE DE LA PROTECTION JURIDICTIONNELLE DE LA CULTURE AFRICAINE EN DROIT INTERNATIONAL DES INVESTISSEMENTS

Dans cette partie, l’analyse se concentre sur le contentieux d’investissement à l’occasion duquel ces intérêts culturels ont été invoqués. L’examen de celui-ci permettra de discuter du traitement réservé aux considérations culturelles africaines et des implications possibles de cette jurisprudence arbitrale sur le futur du droit des investissements en Afrique.

Les tribunaux d’investissements devraient-ils traiter des questions culturelles? Cette question a déjà été débattue.74 Il est vrai, en effet, que la mission première desdits tribunaux n’est pas de connaître du contentieux culturel mais plutôt de juger des questions économiques et d’investissement en particulier. Toutefois, il n’existe pas de tribunal international culturel. De plus, et compte tenu des interactions entre la culture et le droit des investissements, certaines affaires soumises aux tribunaux d’investissement comportent des aspects culturels. Lesdits tribunaux ont donc été amenés à connaître incidemment des questions cultuelles et l’analyse de cette partie se limitera au contentieux impliquant les acteurs africains.

La question culturelle s’est posée de façon incidente devant les tribunaux d’investissement, soit parce que l’État défendeur l’invoque pour justifier ses actions (3.1) ou parce que les populations locales s’y réfèrent pour réclamer un droit de participation dans la procédure arbitrale (3.2).

3.1 La prise en compte de la culture africaine dans la détermination de la compensation

L’invocation des questions culturelles pour justifier des mesures étatiques est un aspect de la défense d’intérêt général ou d’intérêt public.75 Ce moyen de défense a été, par exemple, invoqué par l’Égypte dans l’affaire Southern Pacific Properties (Middle East) Limited v Arab Republic of Egypt,76 relative au développement d’équipements touristiques et de villégiature en Égypte. Celle-ci a débuté avec la signature du protocole d’accord entre l’État égyptien et la société Southern Pacific Properties (SPP), le 23 septembre 1974. Cette signature fut suivie par un certain nombre d’actions visant à la bonne exécution du projet telles que la signature d’un contrat pour le développement de deux projets touristiques dans la zone des Pyramides et sur le site de Ras El Hekma, la constitution d’une joint-venture à cet effet. Toutefois, et après la découverte d’antiquités dans la partie ouest de la région des pyramides d’Al-Gizeh, l’exécution dudit projet se heurta à un certain nombre d’oppositions et fut finalement interrompue après le retrait de l’approbation gouvernementale, l’annulation du décret présidentiel et la prise d’un décret, par le Premier ministre, déclarant ces terres d’utilité publique, le 11 juillet 1978.

Quelques mois plus tard, les sociétés Southern Pacific Properties et Southern Pacific Properties (Middle East) introduisirent une requête, le 7 décembre 1978, devant la Chambre de commerce internationale qui, par une décision du 16 février 1983, condamna l’État Égyptien à verser 12 500 000 de dollars américains aux requérants. Cette décision fut annulée par la Cour d’Appel en France, le 12 juillet 1984, et le subséquent pourvoi en cassation fut rejeté par la Cour de cassation française, le 6 janvier 1987.

Parallèlement, les investisseurs saisirent aussi le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Centre CIRDI) d’une requête arbitrale en date du 24 août 1984 au motif que l’annulation du projet touristique équivalait à une expropriation de leurs investissements pour laquelle ceux-ci avaient droit à une compensation. En réponse, l’État Égyptien justifiait les mesures prises par, entre autres, les obligations découlant de la Convention UNESCO de 1972 et que ladite annulation n’équivalait pas

à une confiscation ou une nationalisation. Sans remettre en cause la pertinence de ladite convention,77 les investisseurs affirmaient que les actes d’expropriation de l’État Égyptien n’étaient pas fondés sur la Convention de l’UNESCO qui avait été ratifiée, par ledit État, un an avant l’autorisation du projet «Pyramids Oasis».78 Ils rajoutent que la Convention n’a été invoquée que comme justification a posteriori d’un acte d’expropriation, n’ayant rien à voir avec la Convention.

De l’avis du Tribunal, la Convention de l’UNESCO à elle seule ne saurait justifier l’annulation du projet, ni priver les investisseurs de leur droit à une indemnisation. Toutefois, et à partir de la date d’inscription d’un bien sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, une «hypothétique poursuite des activités d’investissement interférant avec les antiquités dans la région pourrait être considérée comme illégale du point de vue international».79 En conséquence, les investisseurs peuvent être indemnisés jusqu’à cette date d’inscription et non après. En d’autres termes, les considérations culturelles (plus précisément, l’inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO) sont prises en considération dans la détermination de la compensation.80 Toutefois, d’autres tribunaux arbitraux n’ont pas été sensibles aux considérations culturelles comme, par exemple, dans l’affaire Compañía del Desarrollo de Santa Elena, SA c. la République du Costa Rica où le tribunal a affirmé que:81

Les mesures environnementales d’expropriation, aussi louables et bénéfiques pour la société dans son ensemble, sont, à cet égard, similaires à toutes les autres mesures d’expropriation qu’un État peut prendre pour mettre en œuvre ses politiques: en cas d’expropriation, même à des fins environnementales, qu’elles soient nationales ou internationales, l’obligation de l’État de verser une indemnisation demeure (traduction de l’auteur).

De plus, certains États n’ont pas mentionné leurs obligations vis-à-vis des communautés indigènes dans leurs moyens de défense comme ce fut le cas dans les affaires Border Timbers and others v Republic of Zimbabwe82 et Bernhard von Pezold and Others v Republic of Zimbabwe83 impliquant les droits des populations indigènes (voir section suivante). Dans l’affaire Border Timbers and others v Republic of Zimbabwe, par exemple, le tribunal arbitral constata que l’État zimbabwéen n’a pas invoqué ses obligations envers les communautés autochtones, comme moyen de défense.84 Une telle omission fut l’une des raisons invoquées, par le tribunal, pour refuser la participation desdites communautés dans la procédure arbitrale.

3.2 La participation des communautés locales africaines dans les procédures arbitrales impliquant leurs droits culturels

Comme souligné plus haut, les activités d’investissements ont une incidence particulière sur les communautés autochtones et les peuples indigènes. On pourrait donc se demander si ceux-ci participent au règlement juridictionnel des litiges impliquant leurs droits culturels? Dans l’affirmative, quelle forme revêt cette participation et quelles leçons pouvons-nous en tirer?

3.2.1 Une tierce-participation aux résultats mitigés

La discussion des affaires Border Timbers and others v Republic of Zimbabwe et Bernhard von Pezold and others v Republic of Zimbabwe nous permettra de répondre à ces interrogations.85 La question foncière était au coeur de ces deux affaires. A son arrivée au pouvoir, le Président Mugabe a initié un programme agraire pour corriger un certain nombre d’inégalités historiques. Ce programme, qui a connu plusieurs phases, s’est accompagné de l’adoption de plusieurs lois et a, finalement, débouché sur l’acquisition sans compensation des propriétés des investisseurs. Ceux-ci saisirent donc les tribunaux CIRDI pour cause d’expropriation illégale de leurs terres.

Des communautés indigènes, les peuples Chikukwa, Ngorima, Chinyai et Nyaruwa, assistées d’une organisation non gouvernementale (ONG), introduisirent une requête aux fins de participation dans ladite procédure compte tenu notamment de l’implication de leurs droits culturels dans la procédure.86 Plus spécifiquement, elles demandaient l’autorisation de présenter une soumission écrite (en tant qu’amici curiae) et de participer aux plaidoiries orales de même que l’accès aux principaux documents de la procédure.87 Compte tenu de «l’inter-dépendance du droit international des investissements et du droit international des droits de l’homme», lesdites communautés exhortaient les Tribunaux arbitraux à prendre dûment en considération les devoirs des États et les responsabilités des entreprises en ce qui concerne les droits des communautés autochtones.88

Tout en reconnaissant que certaines des terres querellées avaient une «importance culturelle particulière» pour lesdites communautés,89 les investisseurs s’opposèrent à la participation de celles-ci dans la procédure.90 De son côté, l’État défendeur ne voyait aucune objection à cette tierce-intervention même s’il s’était, auparavant, accordé avec les demandeurs, sur l’inapplicabilité de la Règle 37(2) à cette procédure.91 Finalement, le tribunal arbitral a estimé que lesdites communautés n’avaient pas d’«intérêt significatif dans la procédure»92 et a aussi émis des doutes sur leur indépendance et neutralité. En conséquence, il refusa cette tierce-participation en affirmant que celle-ci causerait un préjudice injuste aux demandeurs.93 En d’autres termes, et même si leurs droits culturels étaient au cœur de ces deux affaires, les peuples indigènes ne purent participer dans lesdites procédures arbitrales. Et l’État défendeur n’a pas non plus mentionné ses obligations vis-à-vis des communautés indigènes comme possible justifications des actions posées.

Historiquement, la tierce-participation n’était pas prévue dans l’arbitrage d’investissement et, dans le cas de l’arbitrage CIRDI, il a fallu attendre une réforme de 2006 pour que cette possibilité soit mentionnée à l’article 37(2) du Règlement d’Arbitrage selon la Convention CIRDI94 qui affirme qu’

[a]près consultation des parties, le Tribunal peut permettre à une personne ou entité qui n’est pas partie au différend (appelée dans le présent article la «partie non contestante») de déposer une soumission écrite auprès du Tribunal relative à une question qui s’inscrit dans le cadre du différend. Afin de déterminer s’il autorise une telle soumission, le Tribunal considère, entre autres, dans quelle mesure:

    1. la soumission de la partie non contestante assisterait le Tribunal à trancher une question de fait ou de droit relative à l’instance en y apportant un point de vue, une connaissance ou un éclairage particulier distincts de ceux présentés par les parties au différend;
    2. la soumission de la partie non contestante porte sur une question qui s’inscrit dans le cadre du différend;
    3. la partie non contestante porte à l’instance un intérêt significatif. 

 Le Tribunal s’assure que la soumission de la partie non contestante ne perturbe pas l’instance ou qu’elle n’impose pas une charge excessive à l’une des parties ou lui cause injustement un préjudice, et que les deux parties ont la faculté de présenter leurs observations sur la soumission de la partie non contestante.

A l’analyse, on s’aperçoit que cette tierce intervention reste soumise à la libre appréciation du tribunal arbitral et que les parties litigantes ont un droit de consultation à cet effet. Aussi, cette participation consiste en une soumission écrite sans participation aux plaidoiries. Ce qui peut consister un frein à l’efficacité dudit mécanisme. Le Règlement de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur la transparence dans l’arbitrage mentionne aussi de la tierce intervention en son article 4, dans des proportions assez similaires.95

La règle selon laquelle la soumission de la partie non contestante ne doit pas causer un préjudice injuste à l’une des parties n’est pas très explicite. Qu’est-ce qu’un préjudice injuste? Dans le cas des communautés indigènes, il faut rappeler que celles-ci ont des intérêts concurrents à ceux des investisseurs qui exploitent les terres occupées par celles-ci. L’existence d’intérêts concurrents suffit-elle pour parler de préjudice injuste à l’encontre d’une partie? C’est la position que semble soutenir le tribunal arbitral dans l’affaire susmentionnée.96 Ce qui pourrait aboutir à un refus systématique de la participation desdites communautés dans l’arbitrage d’investissement compte tenu de leur rapport à la terre. Le paragraphe suivant est suffisamment explicite à cet effet:97

En ce qui concerne les communautés autochtones, les demandeurs eux-mêmes reconnaissent qu’elles ont un certain intérêt dans les terres sur lesquelles les demandeurs revendiquent un titre juridique complet et leur ont donc historiquement accordé l’accès à des parties du domaine frontalier (...). Il se peut donc bien que les décisions des Tribunaux arbitraux dans ces procédures aient un impact sur les intérêts des communautés autochtones. Cependant, comme indiqué ci-dessus, les Tribunaux arbitraux ont des réserves quant à l’indépendance et/ou la neutralité des Requérants, y compris les chefs des communautés autochtones. Il existe une tension latente dans les critères de l’article 37(2) qui exigent qu’une partie non-contestante soit indépendante tout en possédant également un intérêt important dans la procédure. Indépendamment du fait que l’un de ces critères ou les deux soient remplis, cependant, le paragraphe 37(2) prévoit également qu’une présentation de la partie non-contestante ne doit pas nuire injustement à l’une ou l’autre des parties. En l’espèce, les Tribunaux arbitraux sont d’avis que les circonstances entourant ces Requérants sont telles que les Demanderesses peuvent être injustement lésées par leur participation et la Requête doit donc être rejetée (traduction de l’auteur).

Certaines autres communautés locales africaines ont utilisé le mécanisme de la tierce-participation dans d’autres affaires d’investissement: dans l’affaire Piero Foresti v South Africa, par exemple, quatre ONGs avec une expérience considérable en matière de défense des personnes vulnérables et marginalisées ont introduit une requête aux fins de participation dans la procédure.98 Le tribunal a autorisé ces ONGs à soumettre des observations écrites et à avoir accès aux documents soumis par les parties au procès et qui sont nécessaires pour permettre à ces ONGs de soumettre des observations de qualité, sans pour autant assister ou présenter des observations orales à l’audience.99 Toutefois, et avec le désistement de l’instance intervenu entre-temps, lesdites organisations ne purent soumettre leurs observations. Par contre, dans l’affaire Biwater Gauff v Tanzania, lesdites ONGs purent soumettre leurs observations écrites100 qui furent, d’ailleurs, appréciées par le tribunal. Celui-ci a estimé qu’elles ont été utiles dans la procédure.101 Toutefois, elles ont finalement eu peu d’impact sur la décision finale. On peut, dès lors, s’interroger sur «la pertinence d’accepter des interventions tierces dont l’utilité, en définitive, n’est pas franchement évidente».102 D’où la nécessité d’apporter des réformes au système.

3.2.2 Quelles réformes pour une meilleure prise en considération de la culture dans le contentieux d’investissement ?

Dans le contexte actuel des discussions autour des reformes à apporter au système de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), la question de la tierce-participation et de la participation des communautés locales s’est posée. Pour le gouvernement Sud-africain, par exemple, la pratique des mémoires d’amicus curiae est «désordonnée et incohérente» et il faudrait des règles écrites claires pour permettre une participation effective du public.103 Le Groupe de Travail III de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) a aussi rappelé la nécessité d’assurer la participation de tiers, y compris celle du public et des communautés locales touchées par l’investissement ou le différend en question, dans la procédure de règlement des différends investisseurs-États:104

Il a été dit qu’actuellement, les tiers intéressés n’avaient guère la possibilité de prendre part aux procédures. Il a été souligné que la participation de tiers au RDIE pourrait permettre de présenter au tribunal, pour qu’il les examine, les intérêts concernés, par exemple sur des questions relatives à l’environnement, à la protection des droits de l’homme ou aux obligations des investisseurs. Il a en outre été dit que pour assurer la légitimité du système, il serait important que les communautés et individus touchés ainsi que les organisations d’intérêt public concernées puissent prendre part aux procédures de RDIE, et que cette participation ne se limite pas à la présentation d’observations en tant que tiers.

Une telle participation est importante pour promotion et la protection des questions culturelles des populations locales comme rappelé dans l’affaire Glamis Gold, Ltd v The United States of America.105 En l’espèce, la nation indienne Quechan a demandé à intervenir dans la procédure arbitrale pour que la nature ‘sensible et sérieuse des zones sacrées autochtones’ soit prise en compte et cela, en insistant sur les questions relatives à la valeur des ressources culturelles et environnementales de la région.106 De l’avis de la nation indienne Quechan, aucune des parties au procès, aussi bien les investisseurs que

l’État défendeur, n’a la légitimité encore moins l’expertise pour apporter une telle perspective indigène dans la procédure arbitrale:107 «The tribe is thus uniquely positioned to comment on the impacts of the proposed mine to cultural resources, cultural landscape or context».

Cette participation pourrait-elle prendre la forme d’un droit d’initier des procédures arbitrales? C’est l’avis du gouvernement Sud-africain pour qui toute personne concernée par la procédure devrait avoir qualité pour agir:

En permettant aux investisseurs d’intenter des actions contre les États et aussi à d’autres personnes ou communautés concernées de poursuivre les investisseurs, on permet aux personnes physiques ou morales ayant un intérêt direct et actuel d’intervenir dans la procédure, ce qui est nécessaire pour rendre le processus plus équitable et protéger les droits de tous - pas seulement ceux des multinationales.108

Il est vrai que les communautés locales africaines ont récemment obtenu gain de cause devant certains tribunaux des États d’origine des investisseurs.109 Cette possibilité est d’ailleurs prévue dans certains accords d’investissements, récemment conclu, comme l’article 20 du traité bilatéral d’investissement Maroc-Nigeria. Ce droit d’initier la procédure peut-il s’étendre au contentieux d’investissement?

Toujours en ce qui concerne les réformes, le récent Modèle APIE du Canada prévoit la possibilité pour un tribunal d’investissement de nommer ses propres experts pour faire rapport sur les questions relatives aux droits des peuples autochtones.110 Il est vrai que la possibilité de nommer des experts existe déjà pour les tribunaux arbitraux. L’innovation réside ici dans le mandat de ceux-ci qui va concerner les peuples autochtones.

4 CONCLUSION

Au terme de cette analyse, il appert que les rapports entre droits culturels africains et le droit des investissements s’organisent autour de deux logiques: une logique d’harmonisation, assez récente, qui s’observe essentiellement en matière d’élaboration des normes d’investissements. Dans ce sens, plusieurs récents accords d’investissements, conclus par les États africains, accordent une certaine place à la culture. Cette logique d’harmonisation et d’intégration des normes culturelles dans le droit des investissements peut, toutefois, être améliorée comme l’a démontrée une analyse comparée avec notamment l’AECG. La seconde logique s’observe en matière juridictionnelle et peut être qualifiée de tumultueuse111 ou de conflictuelle dans le sens où les droits culturels sont vus en opposition à ceux des investisseurs et de leurs investissements. Ce qui témoigne d’une certaine insuffisance de la protection juridictionnelle de la culture africaine en matière de RDIE. Certaines options de réformes, actuellement en cours de discussion, ont un lien direct avec les droits culturels et il est à espérer que celles-ci se concrétisent afin que les intérêts culturels soient mieux protégés.

 


1. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya (fond) (2017) 2 RJCA 9, para 170.

2. Selon le préambule de la Charte de la renaissance culturelle africaine, du 24 janvier 2006, considérant 2.

3. Charte de la renaissance (n 2), préambule, considérant 2.

4. Charte de la renaissance (n 2), préambule, considérant 5.

5. Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, avec règlement d’exécution, 14 mai 1954.

6. Adoptée à Paris, le 14 novembre 1970.

7. Adoptée par la 17e session de la Conférence générale de l’UNESCO, Paris, 16 novembre 1972.

8. Adoptée par la 31e session de la Conférence générale de l’UNESCO, Paris, 2 novembre 2001.

9. Adoptée par la 32e session de la Conférence générale de l’UNESCO, Paris, 3 novembre 2003.

10. Adoptée par la 33e session de la Conférence générale de l’UNESCO, Paris, 20 octobre 2005.

11. Adoptée par la 14e session de la Conférence générale de l’UNESCO, Paris, 4 novembre 1966.

12. Adoptés par la Conférence mondiale sur les droits de l’homme le 25 juin 1993.

13. Voir art 2(2)(c) de la Charte de l’Organisation de l’Unité africaine, 25 mai 1963.

14. L’un des objectifs de l’Union est la promotion du développement durable aux plans économique, social et culturel, ainsi que l’intégration des économies africaines, voir art 3(j) de l’Acte Constitutif de l’Union africaine, 11 juillet 2000.

15. Adopté par le Symposium du premier Festival culturel panafricain, organisé en 1969 à Alger sous l’égide de l’Organisation de l’Unité africaine.

16. Du 5 juillet 1976.

17. Adoptée le 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986. La culture est mentionnée en plusieurs endroits dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples notamment dans le préambule, à l’article 17(2) & (3), à l’article 20(3) et à l’article 22(1).

18. Selon l’Aspiration 5 de l’Agenda 2063, l’Afrique aspire à se doter ‘d’une forte identité culturelle, d’un patrimoine commun, et de valeurs et d’éthique partagées’.

19. Commission africaine (n 1).

20. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication 276/03 Centre for Minority Rights Development (Kenya) et Minority Rights Group (pour le compte d’Endorois Welfare Council) c. Kenya, 25 Novembre 2009.

21. Commission africaine (n 1), para 180.

22. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication 155/96 Social and Economic Rights Action Centre (SERAC) and Centre for Economic and Social Rights (CESR) c. Nigeria (2001).

23. Un aspect intéressant des interactions entre activités économiques et droits culturels, mais non couvert dans cet article, est relatif aux projets financés par les institutions financières telles la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD). Dans ce sens, voir le rapport du Mécanisme indépendant d’inspection (MII) du Groupe de la Banque africaine de développement ‘Projets d’énergie de Bujagali (Ouganda): les questions spirituelles et de patrimoine culturel’ mai 2020, disponible https://www.afdb.org/fr/documents/projets-denergie-de-bujagali-ouganda-les-questions-spirituelles-et-de-patrimoine-cultu rel (consulté le 4 septembre 2021).

25. Au date du 30 juin 2021, les États africains ont signé 1021 sur l’ensemble des 3264 accords d’investissements (traités bilatéraux d’investissements et traités avec des chapitres d’investissement) conclus à ce jour, voir UNCTAD International Investment Agreements Navigator, disponible à https://investment policy. unctad.org/international-investment-agreements/advanced-search (consulté le 4 septembre 2021).

26. CIRDI, Affaires Du CIRDI -- Statistiques, Numéro 2021-1, p. 12, disponible à https://icsid.worldbank.org/sites/default/files/publications/The%20ICSID%20 Caseload%20Statistics%20%282021-1%20Edition%29%20FR.pdf (consulté le 4 septembre 2021).

27. Voir, par exemple, W Alschner & D Skougarevskiy ‘Rule-takers or rule-makers? A new look at African Bilateral Investment Treaty practice’ (2016) 4 Transnational Dispute Management 4.

28. MM Mbengue & S Schacherer ‘The “Africanisation” of international investment law: the Pan-African Investment Code and the reform of the international investment regime’ (2017) Journal of World Investment & Trade 414-448; MM Mbengue ‘Africa’s voice in the formation, shaping and redesign of international investment law’ (2019) ICSID Review - Foreign Investment Law Journal 455-481.

29. Signé le 3 décembre 2016. Pour une discussion de cet accord, voir T Gazzini ‘The 2016 Morocco-Nigeria BIT: An important contribution to the reform of investment treaties’ (2017) Investment Treaty News 26 September 2017, disponible sous https://www.iisd.org/itn/en/2017/09/26/the-2016-morocco-nigeria-bit-an-important-contribution-to-the-reform-of-investment-treaties-tarc isio-gazzini/ (consulté le 4 septembre 2021). Voir aussi O Ejims ‘The 2016 Morocco-Nigeria Bilateral Investment Treaty: More practical reality in providing a balanced investment Treaty?’ (2019) ICSID Review - Foreign Investment Law Journal 62-68.

30. Acte additionnel A/SA.3/12/08 adoptant les règles communautaires sur l’inves-tissement et les modalités de leur mise en œuvre au sein de la CEDEAO, signé le 19 décembre 2008, entré en vigueur le 19 janvier 2009.

31. Projet de Code panafricain des investissements, décembre 2016, disponible à https://au.int/sites/default/files/documents/32844-doc-projet_code_panafri cain_dinvestissements_decembre_2016.pdf (consulté le 2 décembre 2021); voir aussi MM Mbengue ‘Un Code panafricain d’investissement pour promouvoir le développement durable’ (29 June 2016) 17(5) Passerelles https://ictsd.iisd.org/bridges-news/passerelles/news/un-code-panafricain-dinvestisse ment-pour-promouvoir-le-développement (consulté le 4 septembre 2021).

32. Traité entre l’Allemagne et le Togo relatif à l’encouragement des investissements de capitaux, signé le 16 mai 1961.

33. Interim Agreement establishing an Economic Partnership Agreement between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, of the one part and the Republic of Cameroon, of the other part, 9 mars 2021.

34. Voir aussi le préambule de l’Accord Royaume-Uni-Tunisie mentionnant, dans le considérant 3, Protocol Establishing a Forum for Political, Economic and Cultural Dialogue between the Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Tunisia and the Foreign and Commonwealth Office of the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, fait à Tunis le 25 février 2009.

35. E Sardinha ‘Protecting cultural heritage in international investment law: tracing the evolution and treatment of cultural considerations in recent FTAs and investor-state jurisprudence’ in J Chaisse, L Choukroune & S Jusoh (eds) Handbook of International Investment Law and Policy (2021) 1882.

36. Article 7 of Economic Partnership Agreement between the Southern African Customs Union Member States and Mozambique, of the one part, and the United Kingdom.

37. Dans ce sens, l’article 3(1) du Traité bilatéral d’investissement Hongrie-Cap-Vert affirme que ‘The provisions of this Agreement shall not affect the right of the Parties to regulate within their territories through measures necessary to achieve legitimate policy objectives, such as the protection of public health, safety, environment or public morals, social or consumer protection or promotion and protection of cultural diversity’.

38. Art 27(d) Singapore-Rwanda BIT; voir aussi article 9(1)(h) Code des investissements de la CEDEAO de juillet 2018; art 68(e) of the Stepping Stone Economic Partnership Agreement, between the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, of the one part, and Côte d’Ivoire, of the other part London, 15 October 2020.

39. Voir Annexe II Mesures non conformes visées au paragraphe 2 de l’article 7 du TBI Japon-Côte d’Ivoire, calendrier de la République de Côte d’Ivoire, secteur 4: biens culturels.

40. Article 7(3)(b) Code panafricain (n 31).

41. Selon l’article 20(1)(b) du Code panafricain (n 31) ‘Les investisseurs doivent respecter des obligations socio-politiques, y compris, notamment (...) le respect des valeurs socio-culturelles’. L’article 32(1)(b) Code des investissements CEDEAO (n 38) contient la même disposition.

42. Selon l’article 12(1) de l’Acte additionnel CEDEAO (n 30) ‘the investor shall comply with the minimum standards on environmental and socio-cultural impact assessment and screening that the member states shall adopt at the first meeting of the parties, to the extent that these are applicable to the investment in question’.

43. L’article 38 de Code panafricain (n 31) encourage les Etats africains à ‘adopter des politiques sur la diversité culturelle et linguistique en vue de promouvoir les investissements’.

44. Selon l’article 74(1) de l’Accord Euro-Méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, ‘Afin d’améliorer leurs connaissance et compréhension réciproques et en tenant compte des actions déjà développées, les parties s’engagent, dans le respect mutuel des cultures, à mieux asseoir les conditions d’un dialogue culturel durable et à promouvoir une coopération culturelle soutenue entre elles, sans exclure a priori aucun domaine d’activité’; voir aussi le point d (ii) de l’ANNEX l du CIFA Brésil-Éthiopie.

45. Article 16(15)(d) et (e) de l’Accord Maroc-Japon.

46. Voir, par exemple, V Vadi, ‘Culture clash? World heritage and investors’ rights in international investment law and arbitration’ (2013) 28 ICSID Review 123-143.

47 Voir, dans ce sens, les rapports thématiques annuels du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones notamment celui de la Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones sur les incidences des investissements internationaux et du libre-échange sur les droits de l’homme des peuples autochtones, AGNU, A/70/301, 7 août 2015 de même que le Rapport de la

47. Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Conseil des droits de l’homme, A/HRC/33/42, 11 août 2016.

48. Le rapport entretenu avec la terre est un élément d’identification des populations autochtones. La Cour affirme que ‘pour l’identification des populations autochtones et la compréhension de cette notion, les facteurs pertinents à considérer sont la priorité dans le temps en ce qui concerne l’occupation et l’exploitation d’un territoire spécifique, une perpétuation volontaire du caractère distinctif culturel, qui peut inclure des aspects de la langue, l’organisation sociale, la religion et les valeurs spirituelles, les modes de production, les lois et les institutions, l’auto-identification ainsi que la reconnaissance par d’autres groupes ou par les autorités de l’État en tant que collectivité distincte et une expérience d’assujettissement, de marginalisation, de dépossession, d’exclusion ou de discrimination, que ces conditions persistent ou non’ Commission africaine (n 1), para 107.

49. ‘Les communautés ... autochtones d’Afrique occupaient des régions bien dotées en ressources naturelles. Ces territoires étaient suffisants en termes de dimension et de paramètres écologiques qui constituaient des sources de subsistance et l’héritage de ces communautés’; Rapport du groupe de travail d’experts de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur les populations/communautés autochtones, adopté par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples lors de sa 28ème session ordinaire, p. 26, disponible à https://www.iwgia.org/images/publications/African_Commission_book_Fre nch.pdf (consulté le 10 septembre 2021).

50. Rapport du groupe de travail d’experts de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples sur les populations/communautés autochtones (n 49), pp. 25-40. Voir aussi S Nasirumbi ‘Revisiting the Endorois and Ogiek cases: is the African human rights mechanism a toothless bulldog?’ (2020) African Human Rights Yearbook 503-505.

51. Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones sur les incidences des investissements internationaux et du libre-échange sur les droits de l’homme des peuples autochtones (n 47) pp. 14-15, paras 35-36.

52. Commission des Nations unies pour le droit commercial international Groupe de travail III (Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États) 38e session, Vienne, 14-18 octobre 2019, Éventuelle réforme du règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), Communication du Gouvernement sud-africain, A/CN.9/WG.III/WP.176, p 3, para 7.

53. ‘Member States may introduce measures to promote domestic investments and local content. Measures covered by this Paragraph include, inter alia: ... (d) measures to address historically based economic disparities suffered by identifiable ethnic or cultural groups due to discriminatory or oppressive measures against such groups prior to the adoption of this Protocol’ art 17(1d) Code des investissements CEDEAO (n 38); voir aussi art 17(2d) Code panafricain (n 31).

54. Art 25 Code panafricain (n 31); voir aussi l’article 49 Code des investissements CEDEAO (n 38).

55. Art 49(2a) Code des investissements CEDEAO (n 38).

56. Voir l’Aspiration 1 de l’Agenda 2063.

57. Voir art 2(1) Code panafricain (n 31).

58. Par exemple, en dépit de toutes ses dispositions innovantes, le traité bilatéral d’investissement Maroc-Nigeria n’est toujours pas entré en vigueur.

59. Selon le 2021 World Investment Report, la majorité des affaires d’investissement initiées en 2020 se base sur des accords d’investissement, signés dans les années 1990 ou plus tôt, voir UNCTAD (2021) World Investment Report 2021, Investing in Sustainable Recovery 129-130, disponible à https://unctad.org/system/files/official-document/wir2021_en.pdf (consulté le 10 septembre 2021).

60. Signé le 17 octobre 2019.

61. Le Canada a, par exemple, signé 12 accords d’investissement avec des États africains (Guinée, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Nigeria, Cameroun, Tanzanie, Bénin, Afrique du Sud, Égypte) soit environ 1/5 des pays du continent africain, voir https://investmentpolicy.unctad.org/international-investment-agreements/advanced-search (consulté le 10 septembre 2021).

62. Bear Creek Mining Corporation v Peru, ICSID Case ARB/14/2.

63. William Ralph Clayton, William Richard Clayton, Douglas Clayton, Daniel Clayton and Bilcon of Delaware Inc. v Canada, UNCITRAL, PCA Case 2009-04.

64. Cet accord a été signé le 30 octobre 2016 et est entré en vigueur, à titre provisoire, le 21 septembre 2017.

66. ‘Affirmant leurs engagements en tant que parties à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’UNESCO, faite à Paris le 20 octobre 2005’, Préambule de l’AECG, considérant 7.

67. Voir supra, considérant 6.

68. Instrument interprétatif commun concernant l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part, p. 3, disponible à https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-13541-2016-INIT/fr/pdf (consulté le 4 septembre 2021). Par ailleurs, ‘e) Le présent instrument interprétatif expose clairement et sans ambiguïté, au sens de l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités, ce sur quoi le Canada ainsi que l’Union européenne et ses États membres se sont entendus dans un certain nombre de dispositions de l’AECG qui ont fait l’objet de débats et de préoccupations au sein de l’opinion publique, et dont il donne une interprétation qui a été établie d’un commun accord. Cela concerne, notamment, l’incidence de l’AECG sur la capacité des gouvernements à réglementer dans l’intérêt public, ainsi que les dispositions sur la protection des investissements et le règlement des différends, et sur le développement durable, les droits des travailleurs et la protection de l’environnement’.

69. Art 8(9)(1) et (2) de l’AECG. Selon l’instrument interprétatif commun ‘L’AECG préserve la capacité de l’Union européenne et de ses États membres ainsi que du Canada à adopter et à appliquer leurs propres dispositions législatives et réglementaires destinéesà réglementer les activités économiques dans l’intérêt public, à réaliser des objectifs légitimes de politique publique tels que (...) la promotion et la protection de la diversité culturelle’, p. 3.

70. G Gagne The trade and culture debate: evidence from US trade agreements (2016) xxi-xxii (préface de Christian Deblock).

71. Celui-ci s’est notamment inspiré de l’AECG. Le texte entier du Modèle d’APIE est disponible à https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements -accords-commerciaux/agr-acc/fipa-apie/2021_model_fipa-2021_modele_apie. aspx?lang=fra#article-22 (consulté le 4 septembre 2021).

72. Article 22(1) du Modèle d’APIE.

73. Article 16(3) du Modèle d’APIE. Pour un aperçu des principales innovations, voir https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/fipa-apie/2021_model_fipa_summary-2021_modele_ apie_resume.aspx?lang=fra (consulté le 4 septembre 2021).

74. Vadi (n 46) 123-143; V Vadi ‘Crossed destinies: international economic courts and the protection of cultural heritage’ (2015) 18 Journal of International Economic Law 51-77.

75. R Loschi & F Valika, Public Interest, JusMundi, https://jusmundi.com/en/document/wiki/en-public-interest (consulté le 4 septembre 2021); G Abdulkadir ‘The necessity, public interest, and proportionality in international investment law: a comparative analysis’ (2019) 6 University of Baltimore Journal of International Law 215-265.

76. Southern Pacific Properties (Middle East) Limited v Egypt, ICSID Case ARB/84/3, sentence, 20 mai 1992.

77. Devant la Cour d’Appel française, les investisseurs déclaraient que ‘les Etats étaient susceptibles d’engager leur responsabilité intemationale envers Ies autres Etats signataires en persistant dans des actes ou contrats devenus contraires aux regles de la Convention (de l’UNESCO)’, Southern Pacific Properties v Egypt (n 86) 351, para 78.

78. Southern Pacific Properties v Egypt (n 76) 371, para 153.

79. Southern Pacific Properties v Egypt (n 76) 371-372, para 154.

80. ‘Thus, even if the Tribunal were disposed to accept the validity of the Claimants’ DCF calculations, it could only award lucrum cessans until 1979, when the obligations resulting from the UNESCO Convention with respect to the Pyramids Plateau became binding on the Respondent. From that date forward, the Claimants’ activities on the Pyramids Plateau would have been in conflict with the Convention and therefore in violation of international law, and any profits that might have resulted from such activities are consequently non-compensable’, Southern Pacific Properties v Egypt (n 76) 382, para 191.

81. ‘Expropriatory environmental measures - no matter how laudable and beneficial to society as a whole - are, in this respect, similar to any other expropriatory measures that a state may take in order to implement its policies: where property is expropriated, even for environmental purposes, whether domestic or international, the state’s obligation to pay compensation remains’, Compañía del Desarrollo de Santa Elena, SA and Costa Rica, ICSID Case ARB/96/1, Final Award, 17 February 2000, 192, para 72.

82. Border Timbers Limited, Timber Products International (Private) Limited, and Hangani Development Co (Private) Limited v Zimbabwe (ICSID Case ARB/10/25).

83. Bernhard von Pezold and Others v Zimbabwe (ICSID Case ARB/10/15).

84. ‘However, the Respondent has neither raised as a defence in these proceedings that it has obligations towards the indigenous communities under international law nor has it indicated that a submission from the Petitioners based on their Application may be relevant to factual or legal issues in these proceedings’, Border Timbers Limited, Timber Products International (Private) Limited, and Hangani Development Co (Private) Limited v Zimbabwe (ICSID Case ARB/10/25), Procedural Order 2, 19, para 59.

85. Voir aussi R Radilofe ‘Perspectives africaines des droits de l’homme en droit international des investissements’ (2020) 4 Annuaire africain des droits de l’homme 267-270.

86. ‘The indigenous communities explain that they each have a distinct cultural identity and social history which is inextricably linked to their ancestral lands. They submit that the outcome of the present arbitral proceedings will determine not only the future rights and obligations of the disputing parties with regard to these lands, but may also potentially impact on the indigenous communities’ collective and individual rights’ Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 6, para 21.

87. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 4-5, para 14.

88. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 8, para 26.

89. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 10, para 32.

90. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 9-14, paras 29-46.

91. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 2-3, para 5.

92. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 20, para 61.

93. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 21, para 62.

94. Règlement d’Arbitrage selon la Convention CIRDI, tel que modifié et entré en vigueur le 10 avril 2006, disponible sous https://icsid.worldbank.org/fr/ressources/reglements/convention/reglement-d-arbitrage-selon-la-convention (consulté le 4 septembre 2021).

95. Règlement de la CNUDCI sur la transparence dans l’arbitrage entre investisseurs et États fondé sur des traités (date d’entrée en vigueur: 1 avril 2014), disponible à https://uncitral.un.org/fr/texts/arbitration/contractualtexts/transparency (consulté le 4 septembre 2021).

96. ‘As the indigenous communities appear to lay claim over or in relation to some of the lands in respect of which the Claimants assert a right to full, unencumbered legal title and exclusive control, they appear to be in conflict with the Claimants’ primary position in these proceedings’ Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 16-17, para 51.

97. Border Timbers Limited v Zimbabwe , Procedural Order 2, 20-21, para 62.

98. Piero Foresti, Laura de Carli & Others v The Republic of South Africa, ICSID Case ARB(AF)/07/01, Petition for Limited Participation as Non-Disputing Parties in Terms of Articles 41(3), 27, 39, and 35 of the Additional Facility Rules, 17 juillet 2009.

99. Piero Foresti, Laura de Carli & Others v South Africa, ICSID Case ARB(AF)/07/01, Letter Regarding Non-Disputing Parties, 5 octobre 2009.

100. Biwater Gauff (Tanzania) Ltd v Tanzania, ICSID Case ARB/05/22, Petition for Amicus Curiae Status, 27 novembre 2006.

101. ‘The Arbitral Tribunal has found the Amici’s observations useful. Their submissions have informed the analysis of claims set out below, and where relevant, specific points arising from the Amici’s submissions are returned to in that context’, Biwater Gauff (Tanzania) Ltd. v Tanzania, ICSID Case ARB/05/22, Award, 24 July 2008, 112, para 392.

102. P Jacob, F Latty & A De Nanteuil ‘Arbitrage d’investissement et droit international général (2017) 63 Annuaire français de droit international 697. Pour une analyse sur l’impact limité de la tierce-participation, voir N Butler ‘Non-disputing party participation in ICSID disputes: faux amici?’ (2019) 66 Netherlands International Law Review 143-178.

103. Communication du Gouvernement sud-africain (n 52) 10, para 53.

104. Commission des Nations Unies pour le droit commercial international Groupe de travail III (Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États) 37e session, New York, 1-5 april 2019, Rapport du Groupe de travail, A/CN.9/970, 7, para 31; Voir aussi Communication du Gouvernement sud-africain (n 52) 7, para 32 de même que le document soumis par Columbia Center on Sustainable Investment, International Institute for Environment and Development, International Institute on Sustainable Development, Third-Party Rights in Investor-State Dispute Settlement: Options for Reform, 15 July 2019, disponible à https://ccsi.columbia.edu/sites/default/files/content/docs/our%20focus/ex tractive%20industries/uncitral-submission-third-party-participation-en.pdf (consulté le 4 septembre 2021).

105. Glamis Gold, Ltd v The United States of America, UNCITRAL.

106. Glamis Gold, Ltd v The United States of America, Quechan Indian Nation application for leave to file a Non-party submission, 19 August 2005, 2-3.

107. Glamis Gold, Ltd v The United States of America, Quechan Indian Nation application for leave to file a Non-party submission, 4. Toutefois, il faut noter que la participation de la nation indienne a finalement eu peu d’impact sur la décision finale car le tribunal arbitral a décidé de ne pas trancher sur plusieurs questions les plus controversées qui ont été soulevées, Glamis Gold, Ltd v The United States of America, Award, 8 juin 2009, 3.

108. Commission des Nations Unies pour le droit commercial international Groupe de travail III (Réforme du règlement des différends entre investisseurs et États) Trente-huitième session, Vienne, 14-18 octobre 2019, Éventuelle réforme du règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), Communication du Gouvernement sud-africain, A/CN.9/WG.III/WP.176, 10, para 52.

109. Voir par exemple, les tribunaux hollandais ont condamné l’entreprise hollandaise Royal Dutch Shell pour des actions de sa filiale au Nigeria et qui ont entraîné des dommages dans les vies de certaines communautés nigérianes, voir https://www.business-humanrights.org/fr/dernières-actualités/pollution-pétrolière-au-nigeria-shell-condamnée-à-verser-des-indemnités-à-des-fermiers/ (consulté le 4 septembre 2021).

110. Art 38 Modele APIE.

111. Selon l’expression de Valentina Vadi qui parle de relation houleuse (stormy relationship en anglais), voir vs vadi ‘cultural heritage and international investment law: a stormy relationship’ (2008) 15 International Journal of Cultural Property 1-24.