Têtêvi Didier Prince-Agbodjan
 PhD (Grenoble), LLM (Lomé), LLM (Lyon), Professeur Full, Programs Director (Human Rights Institute of Lyon), Researcher (Integral Development, Ecology, Ethics), UR Confluence: Sciences and Humanities, Catholic University of Lyon - EA No 1598
  This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.
  https://orcid.org/0000-0003-2451-5714

 Bienvenu Criss-Dess Dongar
 PhD (Lyon), LLM (Lyon et Grenoble), Lecturer and Researcher (EDIEC - CDI - EA No 4185 and UNESCO Chair in Memory, Cultures and Interculturality)
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  https://orcid.org/0000-0001-9581-2666

 Nouwagnon Olivier Afogo
 LLM (Abomey-Calavi), LLM (Lyon and Grenoble), LLD candidate (Lyon and Montreal), Lecturer, Research Associate at Canada Research Chair in Human Rights and International Reparative Justice
  nouwagnon.olivier.afogo @umontreal.ca
  https://orcid.org/0000-0003-1149-9639


 Edition: AHRY Volume 7
 Pages: 375-396
 Citation:  TD Prince-Agbodjan, B Criss-Dess Dongar & NO Afogo ‘Les limitations de l’accès à internet en Afrique à l’aune de la Communication 742/20, African Freedom of Expression Exchange et 15 autres (représenté par FOI Attorneys) c. Algérie et 27 autres’ (2023) 7 Annuaire africain des droits de l’homme 375-396
 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2023/v7a17
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RÉSUMÉ

Les limitations intentionnelles des services de télécommunication et d’accès à internet, pour divers motifs, portent atteinte à une série de droits fondamentaux dont les libertés d’expression et d’information, nécessaires dans une société libre et démocratique à l’ère du numérique. Dans une approche de droit fondamental des personnes et des peuples, les États qui ont recours aux lois restrictives sont tenus d’en préciser rigoureusement la nécessité juridique et de s’assurer ensuite qu’elles ne soient pas discriminatoires. La légistique et l’éthique de proportion sont de mise, même dans le cadre d’un but légitime de protection de l’ordre public ou de la sécurité nationale. Dans ce sens, comment analyser la décision de non-recevabilité de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, suite à la requête des 16 organisations non gouvernementales, représentées par Freedom of Information Attorneys, contre 28 États africains dont les gouvernements avaient interrompu ou limité l’accès numérique pour des raisons supposées injustifiables et incompatibles avec les articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine? La présente contribution discute le bien-fondé du droit au libre accès universel à l’espace numérique que la Commission africaine n’a pas pu examiner, en raison du non-respect des critères de recevabilité. Plus précisément, quels sont les indicateurs circonstanciels probants d’atteinte aux libertés d’expression et d’information par internet, lorsqu’on met en balance les risques allégués d’entraves aux processus électoraux démocratiques avec l’impérieuse nécessité de réguler pour sauvegarder la sécurité nationale ou l’ordre public?

Il est quelque peu regrettable que la Commission africaine n’ait pas été en mesure d’examiner une question aussi importante tout simplement parce qu’elle a apprécié de manière expéditive les critères de recevabilité de la requête, privant ainsi les plaignants de l’opportunité juridique de préciser la substance de leur plainte. De même, considérant que la Commission africaine est un organe de promotion et de protection des droits de l’homme, l’exclusion des ‘‘entités’’ non-parties à la Charte africaine, tout à fait justifiée, ne la prive pas des clarifications juridiques qui s’imposent dès lors qu’il y a des raisons de croire que les violations rapportées peuvent leur être imputables.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH

Limitations of access to internet services in Africa: Communication 742/20, African Freedom of Expression Exchange & 15 Others (represented by FOI Attorneys) v Algeria & 27 Others

Abstract

The intentional limitation of telecommunications services and internet access on various grounds infringes a broad range of fundamental rights, including freedoms of expression and information, which are necessary in a free and democratic society in the digital age. In a fundamental right approach, states, when resorting to restrictive laws, have the positive obligation to specify, rigorously, their legal necessity, using legistics and ethics of proportion, even if it is laws pursuing legitimate goal to protect public order or national security. Then how can we analyse the decision by the African Commission on Human and Peoples’ Rights to declare inadmissible the Communication by 16 non-governmental organizations, against 28 African States that had interrupted or limited digital access, probably without meeting the requirements of articles 9, 10 and 11 of the African Charter? This contribution discusses the merits of the issue of digital rights, which the African Commission had not been able to examine, due to a lack of specific and substantive allegations and evidence. More specifically, what are the compelling circumstantial indicators of infringement of the freedoms of expression and information on the internet, when the alleged risks of impeding democratic electoral processes are weighed against the imperative need to safeguard national security or public order? It is regrettable that the African Commission was not able to deal with such an important issue simply because it hastily assessed the criteria for admissibility of the petition, thus depriving the complainants of the legal opportunity to clarify the substance of their complaint. Considering, moreover, that the African Commission is a human rights promotion and protection body, the exclusion of ‘entities’ not party to the African Charter, which is entirely justified, does not deprive it of the legal clarifications required when there is reason to believe that they may be responsible for the violations reported.

MOTS CLÉS: Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, droit à l’information, liberté d’expression, liberté de réunion, liberté d’association, démocratie, internet, communication numérique

 

SOMMAIRE:

1 Introduction 

2 La prétendue absence de violation prima facie des articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine 

3 Les critères d’appréciation de la violation alléguée des articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine et les éventuelles mesures de réparation 

4 Les conséquences juridiques de l’exclusion des états non parties à la Charte africaine 

5 Conclusions 

1 INTRODUCTION

Si l’accès à internet n’est pas universellement reconnu comme un droit fondamental,1 il ne fait aucun doute qu’il incarne, dans la société démocratique contemporaine, le canal par excellence de manifestation de la liberté d’information et d’expression. Mieux, il en est une composante.2 En effet, les avantages qu’il génère pour la construction et la consolidation d’un état de droit démocratique sont tels que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies fit constater que «les droits dont les personnes jouissent hors ligne doivent également être protégés en ligne»;3 une exigence reconnue et adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine).4 Ainsi, «les droits fondamentaux trouvent une pleine application dans le contexte des réseaux numériques».5 De ce qui précède, on peut retenir qu’il y a des liens évidents entre l’accès à l’internet et l’exercice des droits fondamentaux, particulièrement, les droits civils et politiques fondamentaux et ceux relatifs à la démocratie. Cette connexion est telle qu’une limitation injustifiée au service d’internet peut constituer, au regard du développement actuel du droit international des droits de l’homme, un motif sérieux d’engagement de la responsabilité internationale de l’État. À défaut de prévoir un texte spécifique de droit fondamental au numérique, l’enjeu est de développer des observations générales et des critères prétoriens de droits fondamentaux appliqués à la vie numérique. C’est d’ailleurs ce que recherchaient les requérants de la Communication 724/20 lorsqu’ils ont demandé à la Commission africaine de constater que 28 États parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine) avaient manqué à leurs obligations régionales positives de protection des droits fondamentaux en limitant l’accès aux services d’internet à leurs nationaux.

Les coupures d’internet, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, désignent l’ensemble des «mesures prises par un gouvernement, ou au nom d’un gouvernement, afin de perturber intentionnellement l’accès aux systèmes d’information et de communication en ligne et leur utilisation».6 Il s’agit, entre autres, du blocage complet ou partiel de la connexion ou des services internet, de la limitation de la bande passante pour empêcher la diffusion ou la lecture de certains contenus, ou encore du blocage des Réseaux privés virtuels (VPN) qui permettent, en principe, à l’utilisateur de contourner les coupures.7

Ces manœuvres sont devenues récurrentes en Afrique. On peut évoquer les coupures d’internet au Burundi en avril 2015;8 les limitations d’accès aux médias sociaux lors des élections présidentielles du 31 décembre 2018 en République démocratique du Congo; les coupures d’internet au Zimbabwe le 15 janvier 2019 lors des manifestations contre la hausse des prix du carburant et celles en République du Bénin à l’occasion des élections législatives du 28 avril 2019. Concernant la République du Bénin, la Cour africaine a été saisie d’une demande en prescription de mesures conservatoires; une requête rejetée à l’unanimité par la Cour9 pour l’absence de «probabilité raisonnable de matérialisation»10 de la violation alléguée de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). En l’espèce, les requérants ont manqué, selon la Cour, «[d]’indiquer clairement et d’apporter la preuve de l’urgence ou de l’extrême gravite ainsi que celle du caractère irréparable du préjudice».11 Plus récemment, on peut citer: les coupures d’internet au Tchad dans le cadre des manifestations contre le régime du Président Idriss Déby en janvier 2021 contre sa participation aux élections présidentielles d’avril 2021, ainsi que celles intervenues en février 2021 à la suite des tentatives d’arrestation d’opposants politiques; la limitation d’internet et l’interruption des services de la téléphonie mobile pendant plus de deux ans dans certaines zones de la région du Tigré en Éthiopie; les coupures d’internet Soudan en octobre 2021;12 celles en Ouganda à la veille des élections de janvier 2021; celles au Niger dans le cadre de l’élection de janvier 2021; celles au Burkina Faso après le coup d’État militaire de janvier 2022; celles en République démocratique du Congo en mars 2023;13 celles au Sénégal en juin 2023 pendant les manifestations contre l’arrestation d’un opposant politique, et encore celles au Gabon à l’occasion des élections législatives du 26 août 2023. Ces exemples viennent conforter la tendance flagrante de recours généralisé aux coupures d’internet: «Internet shutdowns appear to be becoming the most preferred control mechanism that African governments are using to curtail the right to freedom of expression and access to information online14

Les plaignants15 avaient saisi la Commission africaine avec, sans nul doute, l’intention que cette dernière pose des garde-fous aux coupures d’internet qui semblent systématiques ou à tout le moins généralisées dans les États africains. Ces coupures, assurément attentatoires aux droits humains,16 sont relevées dans la communi-cation 742/20 contre des États17 ayant intentionnellement interrompu ou limité, une fois au moins, les services d’internet pour des «raisons injustifiables et incompatibles»18 avec les articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine.

S’il est quelque peu regrettable que la Communication ait été déclarée irrecevable pour des questions procédurales, la décision de non-recevabilité de la Commission africaine prive les parties d’éléments prétorien et scientifique, tant les organes africains de protection des droits humains ont conscience que l’accès universel à l’internet, en tout temps et en tout lieu, constitue une condition sine qua non19 d’exercice des libertés d’expression et du droit à l’information visés par les dispositions précitées de la Charte africaine. L’article 9, en effet, consacre le droit de toute personne à l’information, à l’expression et à la diffusion de ses opinions, conformément aux lois et règlements des États parties. Cette disposition est complétée par des dispositions de la Déclaration africaine des Droits et Libertés de l’internet (Déclaration de 2014) et de la Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression et l’Accès à l’Information en Afrique (Déclaration de 2019),20 pour signifier le droit fondamental à «la liberté de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, des informations et des idées de toutes sortes»,21 droit qui doit être «protégé contre toute atteinte ... en ligne ou hors ligne».22 Les articles 10 et 11 de la Charte africaine reconnaissent respectivement à toute personne, le droit de se constituer en associations et de se réunir librement avec d’autres, y compris à travers les plateformes et réseaux sociaux par le biais de l’internet.23 Mieux, les institutions africaines, européennes, américaines et onusiennes s’accordent à reconnaître que l’accès à internet est nécessaire à la réalisation des droits civils et politiques: ‘Access to the internet is ... necessary to promote respect for other rights, such as the rights to education, health care and work, the right to assembly and association, and the right to free elections.’24 Ne serait-ce qu’à la lumière de ces éléments, la question de la régulation des services de l’internet mérite d’être examinée. Spécialement dans le système régional africain, il y a un intérêt à clarifier la question de la conformité ou non des interruptions généralisées des services de l’internet ou des limitations à leur accès, avec les dispositions des articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine.

À cette fin, il apparaît important d’interroger, en amont, les motifs de la décision de non-recevabilité de la Commission africaine (2) avant d’examiner, à l’aune de la plainte non reçue et de la jurisprudence pertinente, les critères d’appréciation de la situation litigieuse au regard des dispositions pertinentes de la Charte africaine (3). Enfin, quoique justifiée, l’exclusion par la Commission africaine du Somaliland et du Royaume du Maroc, entités non parties à la Charte africaine, révèle des questions en suspens en droit international africain et universel (4).

2 LA PRÉTENDUE ABSENCE DE VIOLATION PRIMA FACIE DES ARTICLES 9, 10 ET 11 DE LA CHARTE AFRICAINE

La Commission africaine a jugé à bon droit processuel, mais de manière incomplète, la non-admissibilité de la Communication 724/20 en raison des imprécisions et insuffisances probatoires de la requête, concluant à l’absence de violation prima facie des articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine. Cette conclusion hâtive soutenant la décision de la non-recevabilité requiert quelques commentaires.

Cela ne fait plus aucun doute que les conditions de recevabilité énoncées à l’article 56 de la Charte africaine,25 exception faite des dérogations à l’épuisement des voies de recours internes, sont cumulatives.26 Mais encore faudrait-il que la Commission s’assure que la plainte à elle adressée, remplisse les conditions posées à l’article 93 de son règlement intérieur.27 Aux termes de cette dernière disposition, un rapport sur la situation doit être établi avec notamment une précision du lieu, de la date et de la nature des violations alléguées. Cette phase permet aux commissaires de vérifier l’existence d’une violation prima facie de la Charte africaine avant même qu’il ne soit procédé à un examen approfondi de plainte.

En l’espèce, l’examen préliminaire a révélé que les prétentions des plaignants se rapportant à la violation des articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine sont imprécises.28 La Commission fonde cette conclusion sur l’argument suivant lequel «un examen sommaire des faits entourant la plainte relève que les affirmations qui sont contenues sont très vagues».29 Elle reproche aux plaignants d’avoir énoncé avec légèreté les violations «attribuées aux gouvernements des États défendeurs sans information ou preuve sur les incidents spécifiques des violations alléguées»,30 et que «le caractère vague des observations des plaignants indique clairement que les informations et les faits appropriés entourant la plainte doivent encore être vérifiés».31 Il n’y a donc pas, au regard de ce qui précède, suffisamment «d’éléments de preuves permettant à la Commission de déduire raisonnablement qu’une violation prima facie de la Charte africaine découle des faits invoqués».32 Si la démonstration ayant permis cette conclusion semble cohérente, il n’en demeure pas moins que cette solution interroge dans une certaine mesure. En effet, eu égard au caractère généralisé des violations alléguées et le nombre important d’États en cause dans cette affaire, il aurait été raisonnable d’exiger des plaignants un complément d’information à leurs observations avant même que la Commission ne se prononce définitivement sur l’admissibilité de la communication, conformément l’alinéa 4 de l’article 93 de son Règlement intérieur. Aux termes de cette disposition, «[l]orsqu’un dossier de Communication ne contient pas certains des documents ou informations énumérés à l’alinéa 2, du présent article, le/la Secrétaire demande au plaignant de les fournir».

Quoi qu’il en soit, même en l’absence de toute disposition, la Commission aurait pu s’inspirer de la pratique des autres mécanismes de protection des droits humains, spécialement celle du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ou même de la Cour africaine. En effet, lorsqu’il est porté à l’attention du Conseil des droits de l’homme des allégations de violations massives et dans l’hypothèse où la description des faits révélant l’existence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits humains alléguées est insuffisante ou insuffisamment imprécise, les groupes de travail des communications et des situations «peuvent ... décider de contacter l’auteur d’une communication afin de lui demander des informations supplémentaires ...».33 Lorsqu’il en est ainsi, la communication est mise en attente des réponses.34 Dans la même veine, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, par la règle 51(1) de son Règlement intérieur, s’octroie la possibilité, «au cours de la procédure, et chaque fois qu’elle le juge nécessaire [de] demander aux parties de produire tout document pertinent et de fournir toutes explications pertinentes». Dans le même sens, il résulte de la règle 41(10) qu’elle «peut demander à un requérant de fournir des informations ou des documents sous toute forme ou de toute manière appropriée, dans un délai fixé». S’il est vrai que la procédure visée par la règle 41 est relative au contenu d’une requête en matière contentieuse, cela n’altère en rien l’argument suivant lequel la Commission aurait pu s’en inspirer pour demander aux plaignants de la communication, objet de ce commentaire, d’apporter des précisions en raison du caractère généralisé de la violation alléguée ainsi que du caractère inédit de la requête.

En tout état de cause, il est déjà arrivé que la Commission, en sa qualité conciliatrice, entreprend elle-même une mission d’informations complémentaires pour éclairer des points d’ombre dans une communication à elle soumise. C’est notamment le cas dans l’affaire Media Rights Agenda & Others v Nigeria où elle avait expressément retardé sa délibération en attendant que la mission qu’elle avait dépêchée au Nigéria discute avec les autorités sur certains points de droit.35 En effet, elle avait considéré qu’une décision finale ne serait adoptée sur la base des éléments de faits disponibles que dans la seule mesure où l’État en cause ne faciliterait pas la visite.36 En parallèle, elle avait requis des plaignants, des articles scientifiques et des affaires judiciaires pour l’aider à prendre sa décision.37 Dans le même ordre d’idées, pour soumettre ses conclusions sur la recevabilité, la Commission a récemment eu recours à la Règle 105, paragraphe 1, de son Règlement intérieur dans l’affaire Kum Bezeng & 75 Others v The Republic of Cameroon, en demandant au plaignant de fournir des preuves et documents précis: ‘to present evidence and arguments on the admissibility of the communication within two (2) months ... to enable the Commission proceed with a determination on the admissibility of the communication’.38 En effet, on note une flexibilité de la Commission permettant au plaignant d’apporter des compléments d’information à chacune des étapes de la procédure devant elle. De toute façon, même en l’absence de toute communication, la Commission a la possibilité d’instituer une mission d’enquête comme ce fut le cas en Éthiopie dans la région de Tigré - la même dans laquelle les plaignants de la communication 742/20 dénoncent des restrictions injustifiées aux services d’accès à l’internet - pour établir la preuve des violations présumées des droits humains, du fait des conflits armés.39

De toute évidence, en balayant d’un revers de la main les allégations des requérants en ce qu’elles seraient vagues et non spécifiques, sans mobiliser préalablement tous les outils favorables en sa possession, la Commission n’a pas été en mesure d’examiner l’importante question de l’épuisement des voies de recours internes. Cette dernière aurait pu permettre de vérifier si les voies de recours internes existent dans les États en cause, si elles sont légales,40 disponibles, effectives ou non; si elles ne sont pas indûment prolongées, si elles sont susceptibles d’apporter une satisfaction aux plaignants.41 Une éventuelle demande d’informations et pièces complémentaires ou, une éventuelle mission d’enquête, aurait permis d’établir si les violations alléguées existent de manière systématique,42 ou enfin si, la jurisprudence interne des États en cause permet d’espérer ou non un traitement ou une issue favorable;43 etc. Dans tous les cas, en soutien à cette hypothèse, force est de relever que la Commission avait déjà soutenu dans l’affaire Southern Africa Human Rights NGO Network v Tanzania qu’à cette étape de la procédure, elle «se préoccupe uniquement de savoir s’il existe des preuves préliminaires qu’une violation a été commise».44

Fort de ces arguments qui fragilisent la conclusion de la Commission africaine, on peut raisonnablement soutenir que les plaignants de la Communication 742/20 ont été privés d’une opportunité d’apporter des précisions à leurs observations, notamment en consolidant les allégations spécifiques et substantielles de violation. En réalité, la Commission n’a pas manifesté l’intérêt suffisant à la hauteur des enjeux liés aux restrictions, flagramment généralisées, des accès aux services d’internet, ceci en rapport avec les articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine; car pour être justifiées, ces restrictions doivent respecter un certain nombre de critères qu’il convient tout de même d’examiner.

3 LES CRITÈRES D’APPRÉCIATION DE LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 9, 10 ET 11 DE LA CHARTE AFRICAINE ET LES ÉVENTUELLES MESURES DE RÉPARATION

Aux termes du principe n° 9(1) de la Déclaration de 2019, les États ne peuvent restreindre l’exercice des droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information que lorsque la restriction obéit à une triple condition. Elle doit être prévue par la loi, répondre à un objectif légitime et constituer un moyen nécessaire et proportionné pour réaliser le but visé dans une société démocratique.45 Ces critères, fondamentalement cumulatifs, forment un système d’unité de régulation et de validation des restrictions étatiques aux services d’internet. Comment ces critères sont-ils appréciés dans la pratique des juridictions?

Premièrement, la légalité de la restriction à l’internet s’apprécie à la lumière de la clarté, de la précision, de l’accessibilité ainsi que de la prévisibilité de l’acte juridique qui le prévoit,46 «de façon à permettre aux individus de savoir si une action précise est illégale».47 Toutefois, il est à relever que dans plusieurs États africains, l’accès aux services d’internet est peu ou non régulé. Lorsqu’une régulation est prévue, son cadre juridique est généralement flou. C’est de ce double point de vue que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, lors de sa visite d’État en Éthiopie en 2020, rappelait (le principe de prévisibilité légale):

shutdowns ordered covertly, without an obvious legal basis, and/or pursuant to vaguely formulated laws and regulations, violate the requirement under article 19 (3) of the International Covenant on Civil and Political Rights that restrictions be ‘provided by law.48

À ce propos, on notera que dans l’affaire Amnesty International Togo and Others v The Togolese Republic, les plaignants49 reprochaient à la République du Togo, l’illégalité des coupures de l’internet du 5 au 10 et du 19 au 21 septembre 2017, pour de prétendus motifs de sécurité nationale, en violation de la disposition précitée des Nations Unies ainsi que des articles 9 de la Charte ADHP et 66 du Traité révisé de la CEDEAO.50 Selon les plaignants aucune loi disponible ne permettait au gouvernement togolais de recourir aux coupures: ‘There are neither a law in force that gave the mandate to shut down internet access nor can the respondent rely on subsequent legislations to justify the shutdown of internet access.’51 En fin de compte, la Cour de Justice de la CEDEAO a retenu la violation du droit des plaignants à la liberté d’expression au motif que l’État défendeur n’a pas été en mesure d’apporter, ni par référence, ni autrement, la preuve l’existence d’une loi en vertu de laquelle les coupures d’internet auraient été ordonnées.52 Par ailleurs, quand bien même elles doivent avoir une base légale pour être justifiées, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies considère que «les restrictions qu’un État partie impose à l’exercice de la liberté d’expression ne peuvent pas compromettre le droit lui-même»53 autant que l’a si bien fait remarquer la Commission africaine elle-même, dans l’affaire Media Rights Agenda and Others v Nigeria: ‘A limitation may never have as a consequence that the right itself becomes illusory’54 car la légalité de la restriction d’un droit ‘does not mean that national law can set aside the right ... this would make the protection of the right ... ineffective’.55

Nous sommes par ailleurs d’avis que la légalité des restrictions aux services d’internet puisse s’apprécier également à l’aune de l’indépendance et de l’impartialité de l’institution qui en assure la supervision, y compris l’existence de voies de recours devant un juge lorsque les restrictions sont injustifiées selon les utilisateurs.56 À titre illustratif, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans l’affaire Ahmet Yıldırım c. Turquie, que «le contrôle juridictionnel du blocage de l’accès aux sites internet ne réunit pas les conditions suffisantes pour éviter les abus»57 en raison du fait que «le droit interne [de l’État en cause] ne prévoit aucune garantie pour éviter qu’une mesure de blocage visant un site précis ne soit utilisée comme moyen de blocage général».58 D’après la Cour européenne, «une restriction d’accès à une source d’information [n’est] compatible avec la Convention qu’à la condition de s’inscrire dans un cadre légal strict délimitant l’interdiction et offrant la garantie d’un contrôle juridictionnel contre d’éventuel abus».59

En outre, la loi qui impose la restriction doit être conforme au droit international applicable. Une telle exigence s’explique par le fait qu’il incombe aux États, en vertu des obligations positives, de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faciliter l’exercice et la jouissance des droits attachés à l’accès effectif à internet.60 C’est à ce titre que la Commission a demandé au Nigéria, dans l’affaire Media Rights Agenda and Others v Nigeria, de prendre les mesures appropriées pour rendre sa législation conforme à la Charte africaine.61 Dans le même sens, la Cour de Justice de la CEDEAO a ordonné à l’État togolais, défendeur, dans l’affaire Amnesty International Togo and Others v The Togolese Republic, d’adopter les lois, les règlements et les garanties propres à assurer l’effectivité du droit à la liberté d’expression, conformément aux instruments internationaux des droits humains.62 La même Cour a relevé dans l’affaire Federation of African Journalists and Others v The Gambia, que les lois doivent être conçues dans l’esprit de sauvegarde de la substance des droits et libertés à l’expression et à l’ information: ‘In analysing the criminal laws of The Gambia, one can certainly infer that these laws do not guarantee a free press within the spirit of the African Charter on Human and Peoples’ Rights and the International Covenant on Civil and Political Rights (ICCPR).’63 Par conséquent, elle a ordonné à l’État défendeur de modifier sa législation interne: ‘to immediately repeal and/or amend its laws ... in line with its obligations under international law, especially article 1 of the African Charter on Human and Peoples’ Rights, the ICCPR and the ECOWAS Revised Treaty’.64 C’est également dans le même ordre d’idées que la Cour de justice de l’Afrique de l’Est, dans l’affaire Burundi Journalists Union v The Attorney General of the Republic of Burundi, a ordonné à l’État défendeur soit, d’abroger sans délai la Loi burundaise n° 1/11 du 4 juin 2013 modifiant la Loi n° 1/025 du 27 novembre 2003 relative à la liberté de la presse, soit de l’amender de sorte à rendre un certain nombre de dispositions conformes au Traité instituant la Communauté de l’Afrique de l’Est.65 Il en a été de même dans l’affaire Lohé Issa Konaté c. République du Burkina Faso devant la Cour africaine qui a ordonné à l’État défendeur de «modifier sa législation sur la diffamation afin de la rendre compatible avec l’article 9 de la Charte, l’article 19 du Pacte et l’article 66(2)(c) du Traité révisé de la CEDEAO».66 En définitive, que ce soit en ligne ou hors ligne, les lois et règlements qui encadrent l’effectivité des droits à la liberté d’association, d’information, d’expression et de diffusion d’opinion dans les États parties à la Charte africaine, doivent être conformes aux standards internationaux des droits humains.

Deuxièmement, comme il ressort de l’Observation générale n°34 du Conseil des droits de l’homme,

Quand un État partie invoque un motif légitime pour justifier une restriction à la liberté d’expression, il doit démontrer de manière spécifique et individualisée la nature précise de la menace et la nécessité de la mesure particulière prise, en particulier en établissant un lien direct et immédiat entre l’expression et la menace.67

La condition du but légitime permet, selon l’article 27, paragraphe 2 de la Charte africaine, de protéger le droit d’autrui, la sécurité collective, la moralité et l’intérêt commun.68 S’inspirant de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et du PIDCP, la Déclaration de principe sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique de 2019 complète cette liste par la protection de «la sécurité nationale, l’ordre public ou la santé publique».69

La protection de la réputation d’autrui s’apprécie différemment selon que la personne dont les droits sont à protéger est un simple citoyen ou une personnalité publique. Dans ce dernier cas, le seuil de tolérance à la critique est plus élevé que pour un citoyen ordinaire, comme il ressort de l’affaire Media Rights Agenda and Others v Nigeria, ‘people who assume highly visible public roles must necessarily face a higher degree of criticism than private citizens; otherwise public debate may be stifled altogether’.70 C’est justement sur cette base que dans l’affaire Lohé Issa Konaté c. République du Burkina Faso, la Cour africaine a déclaré contraire au droit à la liberté d’expression, les poursuites, la condamnation et la suppression de la publication du requérant au principal motif que «la liberté d’expression dans une société́démocratique doit faire l’objet d’un degré moindre d’interférence lorsqu’elle s’exerce dans le cadre de débats publics concernant des personnalités du domaine public».71 Notons, par ailleurs, que la sécurité nationale constitue l’une des raisons, sinon la plus invoquée, pour restreindre l’accès à l’internet, relativement à l’exercice des droits consacrés aux articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine. Elle est avancée pour empêcher ou contenir des manifestations redoutées en périodes électorales, pour limiter les risques ou empêcher les renversements de l’ordre constitutionnel établi, ou encore pour éviter que de fausses informations soient diffusées en situation de tensions politiques, etc. Toutefois, pour être légitimes, ces motifs doivent impérativement avoir pour but, selon les Principes de Johannesburg, de «protéger l’existence d’un pays ou son intégrité territoriale contre l’usage ou la menace d’usage de la force que cela vienne de l’extérieur, par exemple une menace militaire, ou de l’intérieur, telle l’incitation au renversement d’un gouvernement».72 Cette légitime finalité est caractérisée par une présomption simple, la charge de la preuve de l’effectivité des menaces et risques ainsi que celle de la validité de toute restriction incombant à l’État.73 Par conséquent,

Une restriction qu’un gouvernement tenterait de justifier par des raisons de sécurité nationale n’est pas légitime si son véritable but et son effet démontrable sont de protéger des intérêts ne concernant pas la sécurité nationale, par exemple de protéger un gouvernement de l’embarras ou de la découverte de ses fautes, ou pour dissimuler des informations sur le fonctionnement des institutions publiques, ou pour imposer une certaine idéologie, ou pour réprimer des troubles sociaux.74

C’est dans ce sens que les États doivent s’abstenir de prendre des mesures qui visent à empêcher ou à perturber délibérément l’accès à l’information ou la diffusion d’informations en ligne, en violation du droit international des droits de l’homme.75 Dès lors, chaque fois que les autorités d’un État Partie à la Charte africaine seront confrontées à une décision de limitation ou de restriction aux services d’internet, y compris pour des motifs de sécurité nationale admis, ils doivent s’assurer que leur décision soit en adéquation avec les engagements de l’État découlant de la Charte.

Troisièmement, si l’exigence de légalité des mesures restreignant l’accès à internet est un argument fondamental de garantie contre l’interférence des pouvoirs publics, la nécessité et la proportionnalité sont des critères majeurs d’évaluation du bien-fondé de la décision de restriction. Ainsi, pour être jugé nécessaire et proportionnée, toute restriction aux services d’internet doit, selon la Déclaration de 2019,

(a) être motivée par une nécessité urgente et impérieuse, qui soit réelle et suffisante; (b) avoir un lien direct et immédiat avec la demande et la divulgation d’informations et être le moyen le moins restrictif de réaliser le but visé; et (c) être de nature telle que les avantages de la protection de l’intérêt déclaré l’emportent sur les problèmes induits par la demande et la divulgation d’informations, notamment en ce qui concerne les sanctions autorisées.76

De ce qui précède, on retiendra que l’ingérence des pouvoirs publics dans l’exercice des droits relatifs à l’accès à l’internet n’est justifiée que si l’immixtion de l’administration répond à ces trois critères. À ce propos, la Commission africaine a soutenu dans l’affaire Zimbabwe Lawyers for Human Rights & Associated Newspapers of Zimbabwe/Republic of Zimbabwe que le principe de proportionnalité est un élément de justice: ‘The principle of proportionality or proportional justice is used to describe the idea that the punishment of a certain crime should be in proportion to the severity of the crime itself.’77 Ainsi, pour déterminer si une décision de limitation ou restriction aux services d’internet est proportionnelle, elle devra répondre aux questions suivantes:

Was there sufficient reasons supporting the action? Was there a less restrictive alternative? Was the decision-making process procedurally fair? Were there any safeguards against abuse? Does the action destroy the very essence of the Charter rights in issue?78

Cette approche de congruence est fondée sur l’argument suivant lequel les États devraient aborder les préoccupations de sécurité sur internet conformément à leurs obligations internationales relatives aux droits de l’homme afin de garantir la protection de la liberté d’expression, de la liberté d’association, du droit à la vie privée et d’autres droits de l’homme en ligne, au moyen notamment d’institutions nationales démocratiques et transparentes, fondées sur les principes du droit, d’une manière qui garantisse la liberté et la sécurité sur internet afin que celui-ci puisse rester une force dynamique génératrice de développement économique, social et culturel.79

Toutefois, il faut reconnaître avec le Haut-commissariat aux droits de l’homme que «les coupures de l’accès à internet ne respectent généralement pas ces conditions».80 Dans son rapport Coupures de l’accès à internet: tendances, causes, implications juridiques et conséquences sur une série de droits de l’homme du 13 mai 2022, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme souligne que «[c]ompte tenu de leurs effets indifférenciés et de grande portée, elles satisfont très rarement au critère de proportionnalité».81 Ainsi, poursuit le rapport,

[s]i les coupures générales de l’accès à internet ont des conséquences graves et ne sont jamais justifiables, d’autres formes de perturbations des réseaux et des communications sont également susceptibles d’avoir des effets négatifs indifférenciés, ce qui les rend disproportionnées. La coupure ciblée d’un service de communication fourni par internet ne peut être considérée comme proportionnée et justifiable que dans les circonstances les plus exceptionnelles, et doit constituer une mesure de dernier recours.82

Partant, il ne subsiste plus aucun doute que la proportionnalité requiert que les actes ou décisions des autorités publiques ​​ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis.83 Dans ce sens, nous sommes d’avis avec Guy Braibant que la proportionnalité répond ici à «l’exigence d’un rapport, d’une adéquation entre les moyens employés par l’administration et le but qu’elle vise».84 Concrètement, cela implique qu’une décision de limitation ou de restriction de l’accès aux services numériques n’est légitime que si elle est adaptée et proportionnelle à l’objectif poursuivi par l’autorité publique. À défaut, elle doit être jugée «incompatible avec la Charte [africaine] et les instruments pertinents des droits de l’homme».85 En droit interne et pour le Conseil constitutionnel français, la décision de restriction à la liberté publique d’accès à internet ne peut être prononcée que par le juge.86 Dans ce sens, le test de proportionnalité apparaît comme un procédé qui permet au juge, national ou supranational, d’évaluer les arguments relatifs à la restriction du droit d’accès à internet, de manière à éviter que l’ingérence de l’administration ne puisse constituer une présomption de culpabilité. Suivant cette technique, le juge vérifie s’il y a un déséquilibre manifeste entre la gravité des événements ou du risque d’atteinte à l’ordre public et la sévérité de la mesure restrictive, en l’occurrence, la décision de limitation ou de restriction de l’accès aux services d’internet. Quoi qu’il en soit, le Comité des droits de l’homme a soutenu dans son Observation générale n° 27 que «[l]e principe de la proportionnalité doit être respecté non seulement dans la loi qui institue les restrictions, mais également par les autorités administratives et judiciaires chargées de l’application de la loi».87

Pour ce qui concerne les réparations éventuelles, il faut d’abord noter que la Commission africaine, dans les limites de ses fonctions quasi juridictionnelles et conciliatrices, n’aurait pu officier qu’à titre pédagogique, en recommandant aux États parties en cause d’accorder une réparation adéquate et rapide, sous diverses formes. En nous inspirant des pratiques universelles, nous pouvons suggérer trois types de mesures de réparation, mesures proportionnelles aux circonstances de chaque cas et à mettre en œuvre par les États parties concernées: des modifications législatives et procédurales, des sanctions judiciaires et administratives et des indemnisations pour préjudices subis par les victimes. Les modifications législatives et administratives permet-traient d’assurer les garanties de non-répétition en intégrant les critères fondamentaux et processuels (conditions de prévisibilité et sécurité juridiques, conditions de justification et de proportionnalité, procédures démocratiques d’adoption des mesures, y compris sous regard avisé d’une autorité consultative indépendante et pertinente, etc). Les sanctions judiciaires et administratives internes seraient également des mesures renforçant la responsabilité juridique des acteurs pertinents, la lutte contre l’impunité et les garanties de non-répétition. Enfin, les préjudices subis par les victimes doivent être compensés par des indemnisations et autres assistances proportion-nées, en fonction des dommages psychologiques, moraux, physiques, matériels ou socio-économiques (pertes d’emploi, d’opportunités ou d’affaires, etc).

Quid des critères d’appréciation des violations alléguées des articles 9, 10 et 11 de la Charte africaine et des éventuelles mesures de réparation pour les États ou entités gouvernementales non parties à la Charte africaine?

4 LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE L’EXCLUSION DES ÉTATS NON PARTIES À LA CHARTE AFRICAINE

La Commission africaine, tout comme la Cour africaine, ne peut connaître d’une plainte que dans la mesure où l’État en cause est partie à la Charte africaine.88 À cet égard, si la position de la Commission en ce qui concerne les violations alléguées contre le Royaume du Maroc est fondée en droit, celle sur le Somaliland peut susciter quelques remarques.

Pour rappel, la Commission a purement et simplement exclu le Somaliland du groupe d’État visé par la Communication 742/20 au motif qu’il n’est ni partie à la Charte africaine, ni membre de l’Union africaine; ce qui, du point de vue juridique, est incontestable. Toutefois, ne s’agit-il pas, là encore, d’un examen incomplet de la compétence ratione personae de la Commission ? En effet, considérant d’une part, que les commissaires officient sur la base du régime de la responsabilité internationale des États, et d’autre part, que la compétence de la Commission n’est pas établie à l’égard du Somaliland, la situation ci-dessus décrite voudrait qu’elle recherche l’entité à laquelle les violations alléguées peuvent être attribuables et par conséquent, sa compétence à l’égard de celle-ci. Le principal critère d’attribution des faits aux États est celui du contrôle effectif. Justement à ce propos, pour attribuer à l’Arménie les faits en cause dans l’affaire Chiragov et autres v Arménie, la Cour européenne avait considéré que cette dernière exerce un contrôle effectif sur la République du Haut-Karabagh, «une influence importante et déterminante dès le début du conflit dans le Haut-Karabagh»,89 notamment grâce à «l’appui militaire, politique, financier et autre».90

De ce point de vue, les coupures d’internet rapportées par les plaignants de la Communication 742/20 ne peuvent raisonnablement pas être attribuées à la Somalie pour la simple raison qu’elle n’exerce pas tel contrôle sur le territoire du Somaliland, autoproclamé indépendant le 31 mai 2001 à l’issue d’un référendum constitutionnel dans un contexte historique assez particulier.91 Seulement, quand bien même la République du Somaliland remplit tous les critères constitutifs d’un État en vertu l’article 1er de la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États,92 la Somalie reste et demeure l’entité étatique régulièrement établie au regard du droit international et reconnue par l’Union africaine. À ce titre, à moins de considérer que le territoire du Somaliland constitue une zone de non-droit, la Somalie pourrait endosser la responsabilité internationale de toutes les violations alléguées, y compris celles qui se seraient déroulées sur le territoire du Somaliland, en l’occurrence les restrictions d’accès à l’internet. En effet, dans l’Affaire Ilascu et autres c. Moldova et Russie, la Cour européenne avait constaté que «le gouvernement moldave, seul gouvernement légitime de la République de Moldova au regard du droit international, n’exerce pas d’autorité sur une partie de son territoire»93 avant de juger cependant avec force de droit que

Même en l’absence de contrôle effectif sur la région transnistrienne, la Moldova demeure tenue, en vertu de l’article 1 de la Convention, par l’obligation positive de prendre les mesures qui sont en son pouvoir et en conformité avec le droit international - qu’elles soient d’ordre diplomatique, économique, judiciaire ou autre - afin d’assurer dans le chef des requérants le respect des droits garantis par la Convention.94

Partant, au delà de l’exclusion du Somaliland de sa compétence ratione personae, la Commission africaine aurait pu se livrer à un examen plus approfondi, notamment aux fins d’établir si les faits visant la République du Somaliland peuvent être attribuables à la Somalie, État partie à la Charte africaine et à l’Union africaine.

5 CONCLUSIONS

Il résulte des démonstrations menées ci-dessus que la question des restrictions aux services d’internet présente un intérêt certain dans une Afrique en transition démocratique difficile et où, les pouvoirs publics y ont un recours généralisé et plus ou moins discrétionnaire pour de multiples raisons. Les fondements et la légitimité de coupures et restrictions, se généralisant, sont peu transparents et discutés. L’incidence que de telles décisions produisent sur la jouissance et l’exercice des droits civils et politiques par le biais du numérique invite à une réflexion profonde sur l’aménagement des mécanismes de protection et de garantie. Et dans le cas d’espèce, on ne peut que regretter la décision de non-recevabilité de la Communication par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, décision, de notre point de vue, discutable. En adoptant une démarche formellement rigoriste, défavorable aux intérêts des requérants dans cette affaire, la Commission a malencontreusement sous-évalué la portée heuristique et pédagogique ou prospective d’un examen prétorien proactif des violations alléguées, surtout qu’elles sont formulées à l’encontre de près de la moitié des États parties à la Charte africaine.

Nous n’avons choisi ici de commenter que les conséquences négatives des décisions de limitation ou de restriction d’accès aux services internet sur les libertés d’expression et droit à l’information. Il faut noter toutefois que de nombreuses autres situations négatives d’expression et d’information nécessitent légitimement des restrictions d’accès aux espaces numériques. En effet, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a établi une grille d’indicateurs de licéité des restrictions. À ce titre, les restrictions protectrices visent les cas de diffusion en ligne de contenus pornographiques mettant en scène des enfants, les cas d’utilisation de l’internet pour l’incitation directe et publique à commettre des actes de génocide, à faire l’apologie de la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, ou encore l’utilisation de l’internet pour incitation au terrorisme.95

Dans toute situation, les tests de légalité ou prévisibilité légale, de légitimité du but poursuivi, de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination déterminent la validité des restrictions temporaires d’accès aux technologies de l’information et des communications. Pour cela, la Commission africaine gagnerait, dans sa fonction de promotion et de protection, à offrir un espace prétorien de débats face aux actualités critiques de la connectivité internationale des réseaux de communication et face aux pouvoirs juridiques garantis aux États par la Constitution de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Dans l’arbitrage quasi contentieux, propre au statut de la Commission africaine, les commissaires peuvent s’inspirer de la jurisprudence des cours et des tribunaux internationaux, y compris celles des juridictions internationales extra-africaines, relativement en avance en ce qui concerne les enjeux numériques. La Commission africaine pourrait ainsi circonscrire, caractériser en contexte, spécifier et optimiser les besoins, critères et niveaux de garantie des droits d’accès universels à internet en vue du développement durable. Dans un contexte de quasi-retour à l’autoritarisme où sont constamment bridées les aspirations légitimes des peuples africains aux débats et à la démocratie, nonobstant nombre de dérives, de désinformations, de manipulations et d’exploitations en ligne, les décisions de restriction d’accès aux services d’internet, sont l’occasion d’ouvrir, par paliers, le chantier dynamique et complexe de la régulation des réseaux de communication et des intelligences dites artificielles. La même perspective de débats méta-prétoriens et vivants, en contextualité, permettrait d’affronter par ailleurs la question des entités contestées, relativement partie et non-partie à la Charte africaine ou à l’organisation panafricaine. La Commission africaine, à l’aune de sa conception culturelle comme cénacle de débat et conciliation panafricaine, devrait s’assumer ainsi et accueillir des épreuves et expériences d’innovations, contre toute tendance à amoindrir ses compétences socioculturelles de promotion des droits de l’homme et des peuples africains.

 
 

1. À ce jour, il n’existe aucun traité international de portée universelle qui consacre ou reconnaît l’accès à internet comme un droit de l’homme. Dans le système universel, même la catégorisation de l’accès à internet comme droit fondamental est sujette à débat. A/66/290, Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, 10 août 2011, para 61; S Tully ‘A human rights to access the internet? Problems and prospects’ (2014) 14(2) Human Rights Law Review 175-195, 175. Dans le système européen par exemple, les enseignements tirés de la jurisprudence ont permis de relever que ‘ni la Cour européenne des droits de l’homme ni la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’ont explicitement créé de droit dérivé à la connectivité sur la base duquel les individus peuvent contraindre les États à fournir un accès à l’internet au moyen d’une action en justice’. En revanche, les juridictions mentionnées ont «tendance à protéger la jouissance (autonome) de l’accès à l’internet et du contenu en ligne contre les interférences en invoquant la liberté d’expression et d’information conformément à l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’homme (CEDH) et à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (CDF)». Voir H Mildebrath L’accès à internet en tant que droit fondamental: explorer différents aspects de la connectivité, Étude du Service de recherche du Parlement européen (2021) 7. Sur le continent africain, la Cour de justice de la CEDEAO a considéré dans l’affaire Amnesty International Togo and Others v The Togolese Republic que l’accès à l’internet est un droit humain à part entière dans le contexte du droit à la liberté d’expression; voir Amnesty International Togo and Others v The Togolese Republic (ECW/CCJ/APP/ 61 of 2018) [2020] ECOWASCJ 9 (6 July 2020) para 39.

2. F Dubuisson ‘Chronique 2012’ (2013) 3 Journal européen des droits de l’homme 463-464.

3. A/HRC/20/L.13, Conseil des droits de l’homme, La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur l’Internet, 29 juin 2012, para 1; A/HRC/RES/26/13, Conseil des droits de l’homme, La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur l’Internet, 14 juillet 2014, para 1.

4. CADHP/RES. 522 (LXXII) 2022, Résolution sur la protection des femmes contre la violence numérique en Afrique, 2022, Préambule.

5. Dubuisson (n 2) 461-462.

6. A/HRC/50/55, Coupures de l’accès à Internet: tendances, causes, implications juridiques et conséquences sur une série de droits de l’homme, Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, para 4.

7. A/HRC/50/55, Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (n 6) para 5.

8. CIPESA, Dictateurs et restrictions: Cinq Dimensions des Coupures d’Internet en Afrique, 2019 3; MISA Zimbabwe, Information and Internet Rights in Zimbabwe, 2019, 3; CIPESA State of internet freedom in Africa 2016: case studies from select countries on strategies African governments use to stifle citizens’ digital rights (2016) 13-14; CIPESA State of internet freedom in Democratic Republic of the Congo 2016: Charting patterns in the strategies African governments use to stifle citizens’ digital rights (2016) 8-9.

9. Landry Angelo Adelakoun et Autres c. Bénin, Requête No 012/2021 (mesures conservatoires) (2022) paras 21, 25.

10. Landry Angelo Adelakoun et Autres c. Bénin (n 9) para 21.

11. Landry Angelo Adelakoun et Autres c. Bénin (n 9) para 22.

12. Global Partners Digital, Evading accountability through internet shutdowns: Trends in Africa and the Middle East (2023) 9. Sur les coupures d’internet en Éthiopie, voir A/HRC/44/49/Add.1, Country visit to Ethiopia - Report of the Special Rapporteur on the promotion and protection of the right to freedom of opinion and expression, 29 April 2020, paras 50, 51, 52; #KeepItOn, Le retour de l’autoritarisme numérique: les coupures d’internet en 2021, 2022, p 20; Commission ADHP/Res. 510 (LXIX)2021, Résolution sur la dégradation de la situation générale des Droits de l’Homme au Soudan suite au coup d’État du 25 octobre 2021, 2021, Préambule, para 3, 5.

13. #KeepItOn, Le retour de l’autoritarisme numérique: les coupures d’internet en 2021, 2022 18.

14. CIPESA State of internet freedom in Africa 2016: case studies from select countries on strategies African governments use to stifle citizens’ digital rights (2016) 26.

15. Freedom of Expression Exchange (AFEX), African Freedom of Information Centre (AFIC), Association for Media Development in South Sudan (AMDISS), L’Association pour le Développement Intégré et la Solidarité Interactive (ADISI-Cameroun), Centre for Media Studies and Peace Building (CEMESP), Collaboration on International ICT Policy in Eastern and Southern Africa (CIPESA), Freedom of Expression Institute (FXI), Gambia Press Union (GPU), Human Rights Network for Journalists in Uganda (HRNJ-U), Institute for Media and Society (IMS), International Press Centre (IPC), Journaliste en Danger (JED), Media Foundation for West Africa (MFWA), Media Institute for Southern Africa (MISA) Media Rights Africa (MRA), West African Journalists Association (WAJA).

16. A/HRC/RES/47/16, Conseil des droits de l’homme, La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur Internet, 26 juillet 2021, Préambule, para 11.

17. La plainte est dirigée contre l’Algérie, le Bénin, le Burundi, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, le Congo-Brazzaville, la République démocratique du Congo, l’Égypte, la Guinée Équatoriale, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Gabon, la Libye, le Libéria, le Malawi, le Mali, la Mauritanie, le Maroc, le Niger, le Nigéria, la Sierra Leone, le Somaliland, le Soudan, la Gambie, le Togo, l’Ouganda et le Zimbabwé.

18. Communication 742/20, African Freedom of Expression Exchange et 15 autres (représenté par FOI Attorneys) c. Algérie et 27 autres, para 3.

19. ACHPR/Res. 362(LIX) 2016, African Commission on Human and Peoples’ Rights Resolution on the Right to Freedom of Information and Expression on the Internet in Africa, 4 November 2016; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Déclaration africaine des Droits et Libertés de l’Internet, 2014, Principe 3.

20. Nous tenons à préciser que les textes juridiques ci-dessus mentionnés sont des instruments de soft law.

21. Principe 3, Déclaration de 2014.

22. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Déclaration de Principes sur la Liberté d’Expression et l’Accès à l’Information en Afrique, 2019, Principe 5.

23. Principe 5, Déclaration de 2014.

24. Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression, Représentant de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias, Rapporteur spécial de l’Organisation des États américains (OEA) sur la liberté d’expression, Rapporteur spécial de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) sur la liberté d’expression et l’accès à l’information, Déclaration conjointe sur la liberté d’expression et l’internet, 1 June 2011, point 6(a); voir également CCPR/C/GC/34, Comité des droits de l’Homme, Observation générale n° 34, Article 19: Liberté d’opinion et liberté d’expression, 12 septembre 2011, para 4; CRC/C/GC/25, Comité des droits de l’enfant, Observation générale no 25 (2021) sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique, 2 mars 2021, para 50.

25 Aux termes de cette disposition ‘Les communications visées à l’article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de l’homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ci-après: 1. Indiquer l’identité de leur auteur, même si celui-ci demande à la Commission de garder l’anonymat; 2. Être compatibles avec la Charte de l’Organisation de l’unité africaine ou avec la présente Charte; 3. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants à l’égard de l’État mis en cause, de ses institutions ou de l’OUA; 4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de communication de masse; 5. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Commission que la

25. procédure de ces recours se prolonge d’une façon anormale; 6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des voies de recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine; 7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations unies, soit de la Charte de l’OUA et, soit des dispositions de la présente Charte’. Pour aller plus loin voir, S Gumezde ‘Bringing communications before the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ (2003) 3 African Human Rights Law Journal 118-148; R Murray ‘Decisions by the African Commission on individual communications under the African Charter on Human and Peoples’ Rights’ (1997) 46(2) International and Comparative Law Quarterly 412-434.

26. Zimbabwe Lawyers for Human Rights & Associated Newspapers of Zimbabwe v Zimbabwe (2009) AHRLR 235 (ACHPR 2009) para 81; Centre for Free Speech v Nigeria (2000) AHRLR 250 (ACHPR 1999) para 8. Pour aller plus loin, voir YE Ayalew ‘Assessing the limitations to freedom of expression on the internet in Ethiopia against the African Charter on Human and Peoples’ Rights’ (2020) 20 African Human Rights Law Journal 315-345.

27. Adopté lors de la 2e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tenue à Dakar (Sénégal) en février 1988, le Règlement intérieur a été révisé par trois fois, depuis lors. La première révision avait eu lieu lors de la 18e session ordinaire de la Commission tenue à Praia (Cap-Vert) du 2 au 11 octobre 1995; la deuxième lors de sa 47e session ordinaire tenue à Banjul (Gambie) du 12 au 26 mai 2010 et la troisième lors de la 27e session extraordinaire de la Commission africaine tenue à Banjul (Gambie) du 19 février au 04 mars 2020. Dans le cadre de cette étude, on entend par ‘Règlement intérieur’, la version du Règlement intérieur, telle que révisée par la Commission lors de sa 47e session ordinaire tenue à Banjul en mai 2010. Conformément aux dispositions de son article 132, le Règlement intérieur susmentionné est entré en vigueur le 18 août 2010, soit trois mois après ‘son adoption par une majorité simple des membres de la Commission présents et votant lors d’une session où est prévue l’adoption du Règlement intérieur’.

28. African Freedom of Expression Exchange (n 18) para 43.

29. As above.

30. As above.

31. As above.

32. As above.

35. Media Rights Agenda & Others v Nigeria (2000) AHRLR 200 (ACHPR 1998) paras 23, 32.

36. Media Rights Agenda (n 35) paras 24, 25, 27, 31, 38.

37. Media Rights Agenda (n 35) para 41.

38. African Commission on Human and Peoples’ Rights Communication 650/17 Kum Bezeng & 75 Others v The Republic of Cameroon (2017) para 4.

39. CADHP/Res. 482 (EXT.OS/XXXII) 2021, Résolution sur la mission d’enquête dans la région du Tigré de la République fédérale démocratique d’Éthiopie, mai 2021, para 7; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communiqué de presse sur le lancement officiel des travaux de la Commission d’enquête dans la région du Tigré en République fédérale démocratique d’Éthiopie, juin 2021.

40 Rencontre africaine pour la Défense des Droits de l’Homme v Zambia (2000) AHRLR 321 (ACHPR 1996) para 11; Article 19 v Eritrea (2007) AHRLR 73 (ACHPR 2007) para 72; Amnesty International & Others v Sudan (2000)

40. AHRLR 297 (ACHPR 1999) para 35; Rencontre africaine pour la Défense des Droits de l’Homme v Zambia (2000) AHRLR 321 (ACHPR 1996) para 11; Constitutional Rights Project & Others v Nigeria (2000) AHRLR 227 (ACHPR 1999); Union Interafricaine des Droits de l’Homme & Others v Angola (2000) AHRLR 18 (ACHPR 1997) (1997) para 12; Media Rights Agenda & Others v Nigeria (2000) AHRLR 200 (ACHPR 1998) para 31; Centre For Free Speech v Nigeria (2000) AHRLR 250 (ACHPR 1999) 10; African Commission on Human and Peoples’ Rights Communication 328/06 Front for the Liberation of the State of Cabinda v Republic of Angola (2013) para 51; African Commission on Human and Peoples’ Rights Communication 004/2013 Konate v Burkina Faso (2014) para 110 et suivants; Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) v Côte d’Ivoire (2008) AHRLR 75 (ACHPR 2008) (2008) para 49.

41 Malawi African Association & Others v Mauritania (2000) AHRLR 194 (ACHPR 2000) para 81; African Commission on Human and Peoples’ Rights Communication 301/05: Haregewoin Gabre-Salassie and IHRDA (on behalf of Dergue Officials) v Ethiopia (2013) para 111; Zimbabwe Human Rights NGO Forum v Zimbabwe (2006) AHRLR 128 (ACHPR 20061) para 67; Modise v Botswana (2000) AHRLR 25 (ACHPR 1994) para 69; In the Matter of

41. Beneficiaries of Late Norbert Zongo & Others v Burkina Faso App. 013/2011 (2014) paras 72-106.

42. Organisation mondiale contre la torture & Others v Rwanda (2000) AHRLR 282 (ACHPR 1996) paras 17, 18.

43. Inter-American Commission on Human Rights Isamu Carlos Shibayama & Others v United States, Case 434-03, Report 26/06, Inter-Am CHR, OEA/Ser.L/V/II.127 Doc. 4 rev. 1 (2007) para 48.

44. Sangonet v Tanzania (2010) AHRLR 113 (ACHPR 2010) para 51.

45. Principe 9(1), Déclaration de 2019; Observation générale n°34 (n 24) para 43.

46. Principe 9(2), Déclaration de 2019.

47. UN Doc. E/CN.4/1996/39, Les Principes de Johannesburg, Sécurité Nationale, Liberté d’Expression et Accès à l’Information, 22 March 1996, Principe 1.1(a).

48. Report of the Special Rapporteur on the promotion and protection of the right to freedom of opinion and expression (n 12) paras 51, 52.

49. Amnesty International Togo, L’Institut Des Médias pour La Démocratie et les Droit de L’Homme, La Lantere, Action des Chrétiens pour L’Abolition de la Torture, Association des Victimes de Tortue au Togo, Ligue des Consommateurs de Togo, L’Association Togolaise pour L’Éducation aux Droits de L’Homme et la Démocratie et Houefa Akpeda Kouassi.

50. Amnesty International Togo (n 1) para 11(a).

51. Amnesty International Togo (n 1) para 43.

52. Amnesty International Togo (n 1) para 45.

53. Observation générale 34, para 21.

54. Media Rights Agenda & Others v Nigeria (n 35) para 70.

55. Media Rights Agenda (n 35) para 66; Constitutional Rights Project (n 40) para 57.

56. Media Rights Agenda (n 35) para 66; Principe 1.1(b), Principes de Johannesburg.

57. CEDH, Ahmet Yildirim c. Turquie, Requête N0 3111/10 (2012) para 68.

58. Ahmet Yildirim (n 57) para 68.

59. Ahmet Yildirim (n 57) para 64.

60. A/HRC/50/55, Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (n 6) para 8.

61. Media Rights Agenda (n 35) para 91.

62. Amnesty International Togo (n 1) para 47 (vi).

64. As above.

65. East African Court of Justice Burundi Journalists Union v The Attorney General of the Republic of Burundi, Case 7 OF 2013, (2015) para 120(a) & (b).

66. Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (fond) (2014) 1 RJCA para 176(8).

67. Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression (n1) para 16; Observation générale 34, para 35.

68. Aux termes de cette disposition, ‘les droits et devoirs de chaque personne s’exercent dans le respect du droit d’autrui, de la sécurité collective, de la morale et de l’intérêt commun’. Voir aussi, Media Rights Agenda (n 35) para 67.

69. Principe 9(3), Déclaration de 2019.

70. Media Rights Agenda (n 35) para 74.

71. Lohé Issa Konaté c Burkina Faso (n 65) paras 155, 176(5)(6)(7).

72. Principe 2, Principes de Johannesburg.

73. Principe 1(d), Principes de Johannesburg.

74. Principe 2(b), Principes de Johannesburg.

75. A/HRC/32/L.20, Conseil des droits de l’homme, La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur Internet, para 10.

76. Principe 9(4), Déclaration de 2019.

77. Zimbabwe Lawyers for Human Rights (n 26) para 176.

78. As above.

79. A/HRC/32/L.20, Conseil des droits de l’homme, La promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur Internet, para 8.

80. Rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (n 6) para 13.

81. As above.

82. As above.

83. CJUE, Ordonnance du 17 décembre 2015, affaire n° C-580/14, para 24.

84. G Braibant ‘Le principe de proportionnalité’ Le Juge et le droit public. Mélanges offerts à M. WALINE, Paris, LGDJ, 1974, T.2, 298, cité par JM Sauvé ‘Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés?’ (2018) 5 Les cahiers portalis 9-21 10.

85. Requête 004/2013 - Lohé Issa Konaté c. République du Burkina Faso, para 166.

86. Conseil constitutionnel français, décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, para 16.

87. CCPR/C/21/Rev.1/Add.9 - Comité des droits de l’homme, Observation générale no 27, para 14.

88. NE Nguema ‘Recevabilité des communications par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2014) 5 La Revue des droits de l’homme 7.

89. Affaire Chiragov et autres c. Arménie, Requête no. 13216/05 (2015) para 186.

90. As above.

91. DAS Tehindrazanarivelo & MM Mbengue ‘L’Union africaine et la reconnaissance du statut d’État à des entités contestées’ in T Garcia (dir) La reconnaissance du statut d’État à des entités contestées: Approches de droits international, régional, interne (2018) 205.

92. D’abord, le territoire de la République du Somaliland est connu et matérialisé par des actes juridiques. Elle est bordée par le golfe d’Aden au nord et partage ses frontières avec Djibouti à l’ouest, l’Éthiopie au sud et la Somalie à l’est. Sa capitale et ville principale est Hargeisa. Selon les informations que nous avons recueillies sur le site officiel du Somaliland, celui-ci a un territoire estimé à 176.200 km2. Il est délimité par des frontières internationales établies par des protocoles et des traités, notamment le traité franco-anglais de 1888, le protocole anglo-italien de 1894 et le traité anglo-éthiopien de 1897 (Crisis Group Africa, Somaliland: Time for African Union Leadership, Report N°110, 23 May 2006, 11). Ensuite, sa population permanente est estimée à 4 millions de personnes. Par ailleurs, le gouvernement est constitué de structures administratives régionales et de district doté de leur propre constitution, d’un corps législatif élu, d’un cabinet dirigé par un Premier ministre, d’une nationalité, d’une armée, etc. Le Somaliland dispose d’un gouvernement établi, de ses propres forces de sécurité, d’un drapeau, d’un hymne, d’insignes, d’une monnaie, d’une banque centrale et d’un passeport, des autorités démocratiquement élues, d’un parlement bicaméral et d’un système judiciaire indépendant. La première élection présidentielle a eu lieu en avril 2003. Le 13 novembre 2017, la troisième élection présidentielle a eu lieu. Enfin, selon les déclarations des autorités du Somaliland, le pays a établi des bureaux et des représentants dans plus d’une douzaine de pays à travers le monde, dont les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Suède, la France, la Norvège, la Belgique, l’Éthiopie, Djibouti, le Kenya, les Émirats arabes unis, le Yémen et la Chine. Il est rapporté que le Somaliland a conclu des accords de coopération formels et informels avec un large éventail d’États et d’organisations intergouvernementales, dont Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Danemark, le Royaume-Uni, les États-Unis et les Nations unies. La coopération a porté sur toute une série de questions, notamment la sécurité, le commerce, l’immigration et l’aide au développement. Voir Crisis Group Africa, Somaliland: Time for African Union Leadership, Rapport N°110, 23 mai 2006, 11. Récemment, le 24 septembre 2019, le Président de la République du Somaliland, S.E. Muse Bihi Abdi, a rencontré à Djibouti, S.E. Ismail Omer Guelleh, Président de la République de Djibouti. Les deux présidents auraient discuté des moyens de renforcer la coopération bilatérale entre les deux nations dans les domaines du développement économique, du commerce et de la sécurité régionale. Le Somaliland aurait également conclu des accords de coopération avec Djibouti sur la promotion de la femme et le développement de l’enfant. Le 10 mars 2020, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Somaliland, Yasin Hagi Mohamud, a rencontré son homologue ougandais, Sam Kutesa, et la présidente du Parlement ougandais, Rebecca Kadaga. En outre, plusieurs pays, dont l’Éthiopie, Djibouti et la Turquie ont établi des représentants et des consulats au Somaliland. D’un autre point de vue, vingt-deux agences des Nations unies représentent l’ONU au Somaliland. Par exemple, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a supervisé le retour au Somaliland de plus de 200 000 réfugiés d’Éthiopie et de Djibouti. Le 5 août 2019, le président de la République du Somaliland a reçu l’envoyé des Nations Unies au Somaliland et en Somalie, l’ambassadeur James Swan.

93. Affaire Ilascu et autres c. Moldova et Russie, Requête no 48787/99 (2004) para 330.

94. Ilascu (n 93) para 331.

95. Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression (n1) para 20.