Sègnonna Horace Adjolohoun
 BA, ENA (Abomey-Calavi), LLM, LLD (Pretoria)
 Extraordinary Lecturer (Centre for Human Rights, University of Pretoria), Faculty Member (Constitution Building in Africa Course, Central European University) and Principal Legal Officer (African Court on Human and Peoples’ Rights)
  This email address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it.


 Edition: AHRY Volume 2
  Pages: 24 - 46
 Citation: SH Adjolohoun ‘Les grands silences jurisprudentiels de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2018) 2 Annuaire africain des droits de l’homme 24-46 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2018/v2n1a2
 Download article in PDF


 The opinions expressed in this paper are exclusively those of the author and do not in any manner reflect the opinion of the Court.


RÉSUMÉ

La présente contribution part de l’hypothèse qu’eu égard à l’histoire de sa création, à sa mission et aux pouvoirs que lui confère le législateur, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a l’obligation de dire le droit par une double approche historique et systémique. Il s’agit pour la Cour de forger une jurisprudence suffisamment lisible non seulement pour indiquer la voix à suivre par l’ensemble du système africain des droits de l’homme mais encore pour se garantir l’autorité et la légitimité indispensables à toute institution de sa stature. En entreprenant de vérifier que ces fondamentaux se sont dégagés de la première décennie de jurisprudence de la Cour, la réflexion procède par discussion des arrêts de principe sur des questions importantes en montrant en quoi le juge africain n’a pas complètement ou pas du tout répondu à cette mission de fédérateur du droit africain des droits de l’homme. La discussion révèle des silences dits « par imprécision » ou « par indécision ». La conclusion évoque les conséquences réelles ou potentielles des silences relevés avant d’y suggérer des solutions.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

The main silences of the African Court on Human and Peoples’ Rights

ABSTRACT: This article proceeds from the postulate that, in light of the history of its establishment, its missions and the powers entrusted to it by law, the African Court on Human and Peoples’ Rights bears the duty to adopt an approach to judicial law making that is both historical and systemic. This duty requires the Court to build a body of jurisprudence that is clear enough not only to provide guidance to the African human rights system as a whole, but also to build the authority and legitimacy that any institution of its stature requires. In undertaking to investigate whether these prerequisites have emerged in a first decade of jurisprudence, the article undertakes to discuss landmark judgments delivered by the Court on key issues by showcasing how the ‘African judge’ has not fully or partly achieved that purpose of coordinating human rights law in Africa. The discussion reveals silences due to imprecision or indecisiveness. In concluding, the article alludes to the actual or potential implications of these silences and makes propositions to address them.

MOTS CLÉS: jurisprudence, imperium, système africain, marge d’appréciation, recours extraordinaires, circonstances exceptionnelles, mesures appropriées

 

SOMMAIRE:

1 Introduction 

2 Un double impératif historique et systémique 

2.1 La nécessité de dire le droit dans une approche historique  

2.2 L’impératif historique appelle une logique systémique 

3 Les silences d’une décennie de jurisprudence  

3.1 Des silences par imprécision 

3.2 Des silences par indécision  

4 Conclusion  

 1 INTRODUCTION

L’évolution récente de la fonction de juger défie largement les formules traditionnelles par lesquelles le juge ne serait que la simple « bouche du droit »1 ou « un interprète légitime de la volonté du souverain ».2 A la lumière tant des normes que de la pratique, il est difficile de nier que le juge est, aujourd’hui plus qu’hier, éminemment législateur.3

Investi d’une mission aussi délicate, le juge doit s’assurer qu’en disant le droit, il donne à l’opinion le sentiment que la justice est rendue mais qu’elle est également perçue comme bien rendue. Si la décision rendue manque de clarté, elle est ouverte aux supputations. L’impérium du juge devrait le contraindre par conséquent à une législation judiciaire suffisamment justifiée par le droit et son interprétation logique pour conquérir l’indispensable légitimité que devrait attendre des justiciables toute instance investie du pouvoir de juger.4

La justice telle que rendue par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour ou la Cour africaine) n’échappe pas à ces considérations. La Cour est en effet investie d’une mission directrice et fédératrice du droit et du système africains des droits de l’homme. Dans ce sens, elle a reçu mandat pour protéger les droits de l’homme en Afrique dans une entreprise juridictionnelle conjointe avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission)5 et, par implication prétorienne, avec le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (le Comité ou le Comité de l’enfant).6

Au cours de sa première décennie d’existence, la Cour africaine a, en dépit du nombre relativement limité des décisions qu’elle a rendues,7 construit une jurisprudence dont la pertinence thématique est indéniable. La présente discussion s’intéresse à savoir si, en revanche, cette œuvre épouse la double nécessité avancée plus haut d’une justice à la fois lisible et fidèle à la mission juridictionnelle définie par le législateur de l’Union africaine. La théorie ici défendue est celle qu’il y a eu silence jurisprudentiel chaque fois que la Cour n’a pas du tout ou suffisamment dit le droit dans cette double nécessité. Il s’agit d’espèces dans lesquelles la Cour aurait dû apporter une réponse plus claire, plus complète, moins équivoque ou tout simplement différente. Ainsi, pour peu que l’on entreprenne de la visiter, la jurisprudence de la Cour révèle des silences significatifs qui s’apparentent soit à l’imprécision soit à l’indécision. Le silence par imprécision prend corps dans une jurisprudence qui illustre un silence total, partiel ou substantiel. Quant au silence par indécision, il peut exhiber les traits de l’imprécision mais relève, dans sa nature intrinsèque, d’une auto-censure.

Pour justifier le postulat défendu, la présente réflexion procède, par nécessité, à une sélection de décisions qui se prêtent à l’analyse de la notion de « silence » avancée supra. Il est pertinent de rappeler qu’à cette étape de l’œuvre jurisprudentielle de la Cour, la réflexion qualitative thématique est préférée eu égard d’une part, à la modestie des statistiques et, d’autre part, au nombre limité de décisions par catégorie de questions soulevées telles que la nature des recours internes à épuiser, les « circonstances impérieuses » ouvrant droit à certaines réparations ou encore la marge d’appréciation que la Cour concède aux Etats dans l’exercice de son impérium. L’analyse thématique dès lors adoptée retient les décisions les plus emblématiques autour desquelles sont organisées, en tant que de besoin, des décisions subséquentes justifiant la position soutenue. La portée de la discussion n’est pas non plus exhaustive eu égard à une jurisprudence de la Cour en évolution marginalement sensible. Dans sa logique contextuelle, la réflexion est conduite à l’aune d’une part, de l’impérium judiciaire exceptionnel de la Cour et de l’emprise quasi illimitée de ses pouvoirs juridictionnels et, d’autre part, du caractère historique de sa mission dans le système africain des droits de l’homme. Les acceptions « d’impérium judiciaire exceptionnel » et « d’emprise quasi illimitée » des pouvoirs de la Cour seront explicitées et appréciées à une étape ultérieure de la réflexion.

Sont convoquées tant la jurisprudence que la doctrine mais davantage la première. D’abord, la discussion tend à démontrer que le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création de la Cour (le Protocole) assigne à l’institution la double mission de dire le droit mais de le dire dans une approche historique et systémique qui indique la voie à suivre pour l’ensemble du système africain des droits de l’homme. L’analyse se penche ensuite sur des arrêts de principes en montrant en quoi le juge africain n’a pas complètement ou pas du tout répondu à cette mission de fédérateur du droit africain des droits de l’homme. Enfin, la conclusion évoque les conséquences réelles ou potentielles des silences relevés avant d’y suggérer des solutions.

 2 UN DOUBLE IMPÉRATIF HISTORIQUE ET SYSTÉMIQUE

2.1 La nécessité de dire le droit dans une approche historique

Débattre utilement de la politique jurisprudentielle d’une juridiction emporte inévitablement une contextualisation, tout au moins quant au bien-fondé tant de l’existence de ladite juridiction que de l’utilité des normes dont elle garantit le respect. Deux facteurs principaux peuvent être considérés à cet égard en ce qui concerne la Cour africaine. Il s’agit d’une part, de la compétence matérielle de la Cour et, d’autre part, des pouvoirs que lui confère le législateur pour exercer une telle compétence.

S’agissant de la compétence matérielle de la Cour, on doit noter qu’elle est historiquement sui generis dans le « grand » système africain des droits de l’homme. A l’exception de la Cour de justice de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO),8 la Cour africaine est la seule juridiction régionale dont le champ de compétence matérielle est aussi large. On peut en conséquence avancer qu’elle est pourvue d’une « compétence matérielle universelle » en matière de droits de l’homme puisque l’article 3 du Protocole qui la crée stipule que « la Cour a compétence pour connaître ... de tous les différends ... concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés ».9

A la différence de la Cour africaine, la Cour de justice de la CEDEAO bâtit la compétence « universelle » par construction prétorienne, notamment en empruntant au Traité révisé de 1993, à la Charte africaine et à l’article 38 du Statut de la Cour internationale de justice.10 Dans sa lettre, la Charte africaine limite la compétence de la Commission africaine à l’interprétation et l’application dudit instrument. Un bémol notable est l’autorisation faite à la Commission aux termes des articles 60 et 61 de la Charte, de « s’inspirer » et de « prendre aussi en considération » un large corpus normatif équivalant plus ou moins à la compétence universelle expressément consacrée dans le cas de la Cour africaine. Toutefois, la Commission épouse les « passive virtues »11 en adoptant constamment une approche d’auto-censure.12 Les autres juridictions sous-régionales ne font pas mieux.13

La nature unique de la compétence matérielle universelle de la Cour africaine ainsi relevée n’est pas fortuite. Pour s’en convaincre, il faut principalement se référer à l’article 2 du Protocole portant création de la Cour pour noter que la juridiction continentale a pour mission de « compléter les fonctions de protection conférées à la Commission africaine » aux termes de la Charte africaine. En tant que telle, l’article 2 du Protocole énonce la raison d’être de la Cour qui est de judiciariser l’action de protection de la Commission. On sait qu’à une époque, cette action a été vertement critiquée pour son inefficacité due notamment au manque d’impérium judiciaire de l’organe, à la nature déclaratoire de ses constatations et au caractère non obligatoire de ses décisions.14 Le préambule au Protocole exprime d’ailleurs ce bien-fondé de la complémentarité par judiciarisation avec une plus grande emphase lorsque les Etats y « reconnaissent les progrès accomplis par la Commission ... depuis sa création en 1987, en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples » avant de se dire « fermement convaincus que la réalisation des objectifs de la Charte ... nécessite la création d’une Cour ... pour compléter et renforcer la mission de la Commission ... ».

Pour donner corps à cet engagement préambulaire, la Cour se voit justement conférer, au contraire de la Commission, des attributs et pouvoirs conséquents. D’abord, elle est dotée du plein impérium judiciaire en ce que l’article 30 du Protocole rend ses décisions à la fois obligatoires et exécutoires. En outre, aux termes des articles 27 et 28 du même instrument, la Cour se prononce par le moyen d’ordonnances de mesures provisoires et d’arrêts suggérant fortement que ces édits devraient conforter les « recommandations » et « demandes » de mesures provisoires prises par la Commission. Enfin, aux termes de l’article 5(1) du Protocole, le législateur place la Commission en première ligne des entités ayant qualité pour saisir directement la Cour sans le besoin de l’encombrante déclaration de l’article 34(6) qui en conditionne l’accès par les individus et Organisations non gouvernementales (ONG).15

L’approche historique de la naissance de la Cour africaine est donc sans équivoque celle d’une juridiction de plein impérium judiciaire qui vient compléter une institution juridictionnelle de type dit « quasi-judiciaire » à laquelle elle apporte les « crocs » qui, deux décennies auparavant, lui ont fait défaut dans sa traque des violations des droits humains sur le continent. Il y a en outre une logique systémique dictée par l’approche historique.

2.2 L’impératif historique appelle une logique systémique

Si la philosophie politique de la création de la Cour africaine est celle du renforcement de la protection offerte sous l’égide de la Commission, on peut avancer sans risque de se tromper que le législateur africain a entendu pour la juridiction continentale une mission de renforcement non pas de la seule Commission mais de l’ensemble du système africain de protection des droits de l’homme. Des éléments pertinents peuvent confirmer cet argument.

D’abord, alors qu’il est uni-institutionnel à ses débuts, le système va très vite s’enrichir non seulement du Comité de l’enfant mais également des juridictions sous-régionales dont la compétence en matière de droits humains, conférée ou construite, a été rappelée précédemment. Il faut noter que ces organes juridictionnels partagent, avec la Cour africaine, la Charte africaine comme base de leurs compétences matérielles respectives. Ceci dit, la supervision judiciaire originelle de la Charte revient à la Cour africaine puisque son impérium fait défaut tant à la Commission et au Comité qui lui ont préexisté qu’aux autres cours sous-régionales officiant dans des régimes « d’emprunt ».16 En tant que dépositaire judiciaire de l’interprétation et de l’application de la Charte, la Cour africaine exerce par conséquent une fonction directive et coordinatrice quant à l’application dudit instrument par les autres organes juridictionnels. Il est vrai que, comme la logique aurait dû le recommander, le législateur africain n’a pas conféré aux décisions de la Cour africaine res judicata à l’égard des autres organes. Ceci dit, les règles applicables à cet égard s’y emploient indirectement et la Cour peut réguler l’interprétation de la Charte par abstention.17

La fonction de régulation ainsi déclinée s’exerce également en ce qui concerne la protection des droits de l’homme au niveau national. Une fois que la Charte africaine entre dans l’ordre juridique interne des Etats Parties, elle tombe dans « l’assiette » de compétence matérielle du juge national qui en devient le juge naturel, le juge de proximité, qu’il soit ordinaire ou constitutionnel.18 En application du principe de subsidiarité et de la règle d’épuisement des voies de recours internes, la Cour africaine exerce à l’égard du juge national bien évidemment, même si indirectement, une fonction de régulation et d’harmonisation de l’application de la Charte.19

Enfin, la Cour exerce une fonction directive « diplomatique » mais, cette fois-ci, pour la visibilité du système africain au-delà du continent. Lorsqu’on se réfère aux apparats particuliers de la Charte africaine tels que la consécration des droits des peuples, l’interdépendance et l’indissociabilité des différentes catégories de droits, la justiciabilité des droits socio-économiques ou encore la mise à la charge des individus de devoirs, on peut arguer que le mariage ingénieux entre tradition et modernité célébré par le système africain recèle un élixir pour la protection droits de l’homme dans les Amériques, en Asie et en Europe. Dans la perspective de l’interprétation de la Charte africaine comme un instrument vivant,20 il pèse par conséquent sur le juge d’Arusha la mission de « vendre » ce génie africain aux autres cultures régionales des droits de l’homme.

Au total, le postulat ici avancé commande une Cour africaine qui, au-delà de la simple judiciarisation de la protection des droits de l’homme en Afrique, doit rendre la justice comme moyen de développement du droit africain des droits de l’homme et du renforcement des mécanismes y afférents. Une mission aussi historique suppose que la Cour rende une justice lisible, une justice rendue dans la plénitude justifiée par son impérium, qu’elle la rende dans son entièreté, sans hésitation, sans réserve, sans imprécision, sans indécision, sans silences. L’investigation qu’impose cette mission révèle des silences marquants.

3 LES SILENCES D’UNE DÉCENNIE DE JURISPRUDENCE

En analysant les décisions rendues par la Cour africaine depuis son premier arrêt rendu en 2009 dans l’affaire Yogogombaye,21 on observe une double tendance à des silences par imprécision et par indécision. A la réalité, ces deux tendances peuvent être exclusives ou concomitantes.

3.1 Des silences par imprécision

Cette première tendance est matérialisée par une jurisprudence qui illustre un silence total, partiel ou substantiel. Le silence total est manifesté lorsque la Cour manque de répondre à la question que pose le requérant ou l’Etat défendeur ou alors à la question qui devrait logiquement se dégager des moyens invoqués par les parties. Il est partiel lorsque cette approche ne concerne pas toutes les questions soulevées dans la cause et substantiel lorsque la question déterminée touche au corps de la jurisprudence de la Cour. Cela dit, pour les besoins d’une discussion efficiente, il est pertinent de s’intéresser autant que faire se peut à des espèces dans lesquelles ladite tendance se manifeste sous les trois aspects relevés.

3.1.1 Qualification juridique et factuelle des allégations de violation

L’illustration, sans doute la plus prégnante, est faite dans l’affaire Nguza Viking et un autre c. République Unie de Tanzanie où la Cour est appelée à se prononcer sur la question de savoir si le fait pour le juge interne de préférer la simple identification à la barre à une identification formelle dans une affaire de viol, constitue une violation du droit des requérants au procès équitable. On note qu’en l’espèce, les agents de police avaient préalablement conduit les victimes sur les lieux du crime où elles avaient vu les requérants au moment de leur arrestation puis pendant leur détention.22

Au moment de déterminer la question à examiner, la Cour estime qu’il s’agit de celle de savoir si l’identification s’est faite conformément à l’article 7(1)(c) de la Charte qui stipule que toute personne a « droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ».23 En réponse, la Cour commence par énoncer sa position selon laquelle la preuve et la méthode d’identification « relèvent de l’entière discrétion des juridictions nationales et qu’elle - la Cour africaine - doit déférer à leurs constatations et décisions pour autant que cela ne résulte pas en une erreur judiciaire ».24 Appliquant cette position aux faits de la cause, la Cour observe que le juge interne s’était satisfait du témoignage des victimes et qu’aucun élément du dossier n’indiquait que la procédure d’identification avait résulté en une parodie de justice.25 Sur la base d’un tel raisonnement, la Cour conclut « qu’il n’y a pas eu violation de l’article 7(1)(c) ».26

En prélude à une discussion sur la substance de la position de la Cour, il s’impose de noter qu’elle ne définit pas ce qui constitue une « erreur judiciaire » ou une « parodie de justice » et n’indique non plus aucun paramètre d’application de ces notions à la cause en examen. Sur la substance de l’examen proprement dit, on relève aisément que, par une telle décision, la Cour se trompe au moins doublement. D’abord, elle se trompe dans la détermination de la question posée par les parties telle qu’elle ressort des moyens invoqués et de la violation alléguée. Il ne fait aucun doute que les parties ont discuté largement mais exclusivement de l’identification des accusés et non du droit à la défense tel que protégé par l’article 7(1)(c).27 Si l’on peut comprendre que la liste des droits au procès équitable expressément énumérés à l’article 7 de la Charte n’inclut pas le droit à l’équité procédurale qui est manifestement invoqué par les requérants en l’espèce, il s’offrait au juge africain les alternatives des Directives et principes sur le droit à un procès équitable28 et de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.29 En s’y référant, la Cour aurait dû identifier la violation alléguée comme celle du droit général « à ce que sa cause soit entendue » qui constitue le chapeau de l’article 7(1) de la Charte.

Par ailleurs, la Cour consacre un déni de justice d’une part, en ne répondant pas à la question posée et, d’autre part, en manquant de conclure à une violation là où les faits et le droit indiquent fortement qu’il y en avait. Le premier point a été couvert. Pour ce qui est du second, selon les faits tels qu’adoptés par la Cour et non contestés par l’Etat défendeur, les victimes ont eu connaissance de l’identité des requérants précédemment au procès. En outre, la juridiction de jugement a fait identifier les requérants par les victimes à l’audience en procédant par simple permutation de sièges. Dans ces circonstances, il est flagrant que l’identification avait dès lors été viciée et que la culpabilité des requérants était établie avant le procès. Par conséquent, il y avait vraisemblablement eu violation de l’article 7(1) de la Charte dans son chapeau et plus précisément du droit à l’équité procédurale. En tout état de cause, en déférant exclusivement à la détermination factuelle du juge interne, la Cour s’est refusée à examiner des faits pourtant allégués devant elle et, par conséquent, à vérifier s’il y avait eu « erreur judiciaire » ou « parodie de justice ». Mais c’est là une question à laquelle la discussion retourne ultérieurement, plus amplement.

3.1.2 Caractère détachable et facultatif d’un acte unilatéral conventionnel et obligatoire

Une autre espèce d’importance qui révèle davantage un silence partiel et substantiel est l’affaire Victoire Ingabire Umuhoza c. République du Rwanda.30 Dans cette cause, la Cour est appelée à se prononcer sur la validité du retrait par le Rwanda de sa déclaration de reconnaissance de juridiction mais également sur les conditions la régissant et les effets en découlant.

La Cour conclut que la Convention de Vienne sur le droit des traités (CVDT) « ne s’applique pas à la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole » au motif unique que « la déclaration elle-même est un acte unilatéral qui n’est pas soumis au droit des traités ».31 Cependant, en identifiant les règles applicables à la détermination de la validité du retrait, la Cour ne fait plus mention de « l’acte unilatéral » dont elle n’avance en outre aucune définition. Elle se tourne plutôt vers « les règles applicables aux déclarations de reconnaissance de juridiction et le principe de droit international de la souveraineté de l’Etat ».32 Ensuite, la Cour illustre lesdites règles par les dispositions conventionnelles relatives à la reconnaissance de juridiction de la Cour internationale de justice, de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme.33 Elle assimile alors la reconnaissance de juridiction de ces tribunaux à celle prévue à l’article 34(6) du Protocole pour confirmer qu’il s’agit d’une déclaration optionnelle parce qu’unilatérale et donc détachable du Protocole pour les nécessités d’un retrait indépendant.34 Ces conclusions appellent plusieurs observations.

Primo, en décidant de qualifier la déclaration de l’article 34(6) d’acte unilatéral de l’Etat, la logique juridique et la lisibilité jurisprudentielle recommandaient que la Cour avança une définition de la notion « d’acte unilatéral », qu’elle en dégagea les caractéristiques majeures et en énuméra des exemples à titre de comparateurs, tels que la reconnaissance, la dénonciation ou la réserve. La Cour aurait alors évalué les dispositions de l’article 34(6) à l’aune de la fondation ainsi bâtie pour conclure quant à la nature de la déclaration. En ne faisant pas ainsi, la Cour a annoncé un critère d’évaluation sur la base duquel elle a apparemment conclu sans l’expliquer.

Secundo, c’est les règles finalement appliquées par la Cour qui peuvent poser problème. Elle compare ainsi la déclaration de l’article 34(6) du Protocole à celle applicable dans le cas de la Cour interaméricaine. La difficulté est qu’en procédant de la sorte, la Cour africaine fait l’impasse sur la formule de nature obligatoire adoptée par l’article 34(6) du Protocole qui stipule que « l’Etat doit faire une déclaration ».35 En décidant d’interpréter la déclaration comme facultative, la Cour lit du coup le « doit » de l’article 34(6) comme le « peut » de son correspondant, l’article 45 de la Convention américaine des droits de l’homme.36 C’est pourtant cette seconde norme que la Cour élit comme comparateur pour établir la nature de la première norme. Comme la Cour elle-même l’indique expressément, l’ultime objet de cette approche interprétative est de soustraire la déclaration au régime du droit des traités afin que ne s’applique à son retrait que des règles générales de droit international public et non la CVDT. Il reste à savoir si de telles règles sont pertinentes dans l’application de normes des droits de l’homme auxquelles s’appliquent en général des règles et principes dits exorbitants de droit commun. La Cour n’a pas exploré cette piste, ni celle qui commandait, pour rester fidèle au texte, de lire la déclaration comme une prescription conventionnelle obligatoire.

Enfin, lorsqu’elle est face au dilemme de la détermination de la date d’effet du retrait au sujet de laquelle le Protocole garde le silence, la Cour doit emprunter à une norme écrite puisque le principe n’est consacré ni en règle général de droit ni dans la Convention américaine érigée en comparateur pour régler la question de la validité du retrait.37 Seule la CVDT prévoit que le retrait prendra effet dans l’année de sa notification à l’autorité dépositaire, l’article 78(1) de la Convention américaine stipulant plutôt, quant à lui, pour le retrait de l’ensemble du traité. Ainsi, en déterminant si la notification est applicable dans le cas du Protocole, la Cour s’appuie largement sur la nature particulière de la déclaration en tant qu’acte unilatéral de l’Etat mais qui crée des droits au profit des tiers, individus ou groupes d’individus, et dont la jouissance requiert une sécurité juridique.38 Par ailleurs, en se prononçant sur la date d’effet, la Cour africaine dit s’inspirer de l’article 78(1) de la Convention américaine, de l’arrêt Ivchner c. Pérou de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de l’article 56(2) de la CVDT.39 Sur cet édit, on note avec une pointe de déception que la Cour se dédit doublement d’une part, en fondant finalement son argumen-taire sur le principe exorbitant de « tiers titulaires de droits » de l’homme et des peuples et, d’autre part, en empruntant à la CVDT qui s’applique à des obligations conventionnelles et pas aux actes unilatéraux de l’Etat tels que la déclaration de l’article 34(6). Au-delà d’une tentative de rattrapage, on peut estimer que l’addendum que fait la Cour à l’arrêt Victoire Ingabire Umuhoza sur le retrait confirme le malaise d’un silence jurisprudentiel substantiel.40

3.1.3 Natures judiciaire et extraordinaire des recours internes

La troisième question de jurisprudence illustrant le silence de la Cour africaine par imprécision est celle de la nature des voies de recours internes à épuiser au sens des dispositions de l’article 56(5) de la Charte. La Cour admet en général deux grandes catégories de recours: les recours judiciaires et les recours ordinaires. Du coup, elle rejette systématiquement tout recours ne tombant pas dans cette catégorisation.

En ce qui concerne la nature judiciaire des recours, la Cour en pose le principe dans l’arrêt Christopher R. Mtikila c. République Unie de Tanzanie en décidant qu’il doit s’agir de recours exclusivement judiciaires.41 La Cour décide que le requérant n’est pas obligé d’exercer ces recours qui sont extraordinaires en ce qu’ils imposent une autorisation préalable pour raisons spéciales et sont accordées à la discrétion de la juridiction. Lorsque dans l’affaire Mohamed Abubakari,42 l’Etat défendeur soutient que la demande en révision et la pétition constitutionnelle sont des recours judiciaires à épuiser, la Cour les rejette pourtant comme extraordinaires. Elle qualifie la pétition constitutionnelle de recours extraordinaire qui « n’est pas générale-ment admis », ou « ordinaire » mais est « visiblement exceptionnel », « auquel l’on ne pense pas à priori » et qui, aux termes de la Loi nationale sur la procédure constitutionnelle de protection des droits fondamentaux ne peut être exercée qu’en l’absence de tout autre recours.43 La Cour applique la même logique argumentaire à la demande en interprétation.44 A la réalité, en ce qui concerne spécifiquement sa position sur la nature extraordinaire de ces deux types de recours, la Cour en avait déjà formé les prémices dans l’arrêt Alex Thomas c. République Unie de Tanzanie.45 Dans les arrêts subséquents qu’elle rend dans les affaires Christopher Jonas c. République Unie de Tanzanie46 et Kennedy Owino Onyachi et un autre c. République Unie de Tanzanie,47 elle fait une application systématique des précédents qu’elle avait forgés dans les arrêts Christopher Mtikila et Mohamed Abubakari.

Si l’on est fondé à se satisfaire de ce que la Cour adopte constance et consolidation au fil des arrêts, cette politique jurisprudentielle indifférenciée pose au moins deux problèmes. Le premier est que la notion de « recours extraordinaire » est imprécise et absolutiste. Si l’extraordinaire est entendu comme s’établissant au-delà de l’ordinaire, on peut se demander en quoi des recours légalement prévus dans l’ordre juridique interne de l’Etat défendeur devraient être considérés comme n’allant pas de soi. En outre, la Cour fait équivaloir extraordinaire et discrétionnaire alors qu’il n’est pas certain que tout recours extraordinaire soit aussi un recours discrétionnaire. Il en est ainsi puisque la procédure d’un recours ordinaire comporte nécessairement des éléments de discrétion. On notera ainsi que même dans l’examen des requêtes introduites devant elle, la Cour africaine exerce une large discrétion par le biais de multiples règles de saisine, de compétence, de recevabilité ou encore de proportionnalité. Par ailleurs, dans son arrêt Alex Thomas, la Cour développe la théorie du « faisceau de droits et garanties » pour dispenser le requérant d’épuiser les recours quant aux violations de droits fondamentaux procéduraux n’ayant pas été alléguées devant les juridictions nationales.48 Alors qu’elle fait une application systématique de cette théorie de « faisceau de droits et garanties » dans ses arrêts subséquents, la Cour n’apporte aucune clarification quant à son application dans les espèces ne comportant pas de faisceau.49

Le second problème que pose l’application systématique et indifférenciée de ces positions jurisprudentielles est celui de leur déconnection systémique. En ce qui concerne les natures judiciaire et ordinaire des recours, la Cour a visiblement emprunté l’approche initialement absolutiste dégagée par la Commission particulièrement dans la Communication Alfred Cudjoe c. Ghana.50 Seulement, la Commission a, depuis, abandonné sa position restrictive et développé une approche utilitariste qui reconnait par exemple les recours de nature administrative ou autre, notamment lorsque ceux-ci sont prévus et fonctionnent dans l’ordre interne.51 On pourrait comprendre une approche progressiste de la Cour en faveur d’un requérant indigent. Mais il est difficile de justifier une interprétation aussi absolutiste. Des exigences systémiques paraissent surpasser cette logique. On peut rappeler à cet égard que la mission historique de la Cour lui confère une fonction de régulation et d’harmonisation de l’interprétation du droit africain des droits de l’homme. En outre, le développement prétorien du droit doit coller à la nécessité d’ajustement jurisprudentiel dans des espèces subséquentes.

3.1.4 Circonstances « impérieuses » justifiant la réparation

Une dernière question dans ce registre est celle relative aux « mesures appropriées » et « circonstances impérieuses » par lesquelles la Cour régule la détermination des réparations qu’elle accorde en cas de violation. Dans son arrêt Alex Thomas, la Cour avait décidé « qu’elle ne peut ordonner la remise en liberté du requérant que dans des cas très spécifiques et / ou des circonstances impérieuses ».52 Elle empruntait ainsi la jurisprudence de la Cour interaméricaine fondée spécifique-ment sur la nécessité d’éviter la double incrimination du requérant contraire à la Convention américaine.53 Pourtant, en concluant « qu’en l’espèce, le requérant n’a pas indiqué des circonstances spécifiques et impérieuses qui justifieraient que la Cour ordonne »54 la remise en liberté, elle observe le silence absolu sur les circonstances dont le défaut d’indication est sanctionné. En revanche, sur le constat de circonstances qu’elle est parvenue à dégager des faits de la même cause, la Cour écarte la reprise du procès en estimant qu’une telle option résulterait en un préjudice et une injustice, le requérant ayant déjà purgé 20 des 30 années de la peine.55 En conclusion, elle « ordonne par conséquent à l’Etat défendeur de prendre les mesures appropriées pour réparer les violations en tenant compte des facteurs ci-dessus ».56 La Cour reprend les mêmes principes dans l’affaire Mohamed Abubakari et ordonne à l’Etat défendeur de « prendre toutes les mesures appropriées pour réparer les violations constatées à l’exception de la reprise du procès ».57

De toute évidence, la Cour reste bien imprécise en ce qui concerne tant les circonstances dont elle sanctionne le défaut d’indication par le requérant que les mesures dont elle ordonne l’adoption par l’Etat défendeur. Les implications peuvent préoccuper dans la mesure où elles touchent fondamentalement sa mission dans le système africain des droits de l’homme. Bien que l’on puisse prêter à la Cour l’excuse de chercher à aménager une marge d’appréciation aux Etats, les nécessités systémiques dépassent une telle justification. En particulier, quand on sait que l’usage de la formulation « remédier aux violations constatées »58 fût l’une des critiques les plus acerbes faites à la

Commission,59 on se serait légitimement attendu d’une Cour revêtue du plein impérium judiciaire d’offrir une protection plus précise, plus spécifique et par conséquent plus efficace et d’autorité. L’imprécision peut également nuire à l’autorité et à la légitimité de la Cour par le défaut d’exécution de ses arrêts comme la Cour de justice de la CEDEAO en a fait la malheureuse expérience par exemple dans les affaires Isabelle Ameganvi et autres c. Togo60 et Khalifa Sall et autres c. Sénégal.61 A titre de bémol, on peut se réjouir que la Cour africaine laisse la porte entrouverte en « notant » que son refus d’ordonner la remise en liberté du requérant « n’affecte en rien le pouvoir de l’État défendeur d’envisager lui-même une telle mesure s’il la juge appropriée ».62 C’est à juste titre qu’à ce sujet, le Doyen Ben Achour opine que « cette manière d’élaguer la demande du requérant est antinomique de la constatation antérieure d’une cascade de violations ». C’est un peu comme une tentative de la Cour d’atténuer son silence en faisant suppléer le refus d’exécuter son decidendi par la « bénévolance »63 souveraine de l’Etat défendeur.

D’ailleurs, on peut valablement avancer que la Cour africaine elle-même connaît déjà un début de revers jurisprudentiel sur cette question. Les premières demandes en interprétation peuvent constituer un début de preuve à cet égard. Mais c’est là une question qu’il paraît plus judicieux de soulever au titre des silences de la Cour dus plutôt à son indécision.

3.2 Des silences par indécision

L’acception d’indécision renvoie ici à l’hypothèse selon laquelle la position jurisprudentielle adoptée par la Cour est caractérisée non par le défaut de précision mais s’explique plutôt par le fait de son hésitation. La motivation et l’argumentaire développés par la Cour laissent entrevoir une confrontation manifeste entre la pleine conscience du pouvoir de décider dans un sens et la forte pression de ce qui s’apparenterait à l’auto-censure justifiant de décider dans le sens contraire.

3.2.1 Mesures appropriées en réparation d’une violation constatée

L’une des expressions les plus marquantes du silence par indécision est vraisemblablement l’interprétation de la notion de « mesures appropriées » qu’ordonne la Cour en réparation d’une violation constatée. Appelée à interpréter la notion telle qu’appliquée dans son arrêt Mohamed Abubakari, la Cour finit par étendre les mesures appropriées à la remise en liberté alors qu’elle l’avait écartée de manière expresse dans l’arrêt sur le fond.64 Pour ainsi décider, la Cour réitère l’argument de défaut de circonstances impérieuses sans, ici non plus, indiquer lesdites circonstances ni en dégager les facteurs de détermination ou les caractéristiques.

Une implication significative doit retenir l’attention quant à cette position qui apparaît comme un rebours jurisprudentiel dicté par la seule volonté de rechercher préalablement l’assentiment souverain de l’Etat défendeur. Cette implication se rapporte à l’impérium de la Cour concernant spécifiquement les réparations qu’elle peut ordonner. L’article 27 du Protocole stipule à cet égard que « la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ». La clarté du texte emportant interprétation littérale, on peut avancer que le législateur a entendu ne pas limiter la nature et l’amplitude des mesures que la Cour peut ordonner. La formule de précision « y compris » confirme que les mesures spécifiées en fin de disposition ne sont que deux des mesures multiples et multiformes dont la détermination est laissée à la discrétion de la Cour.65

En jugeant comme elle le fait de manière relativement très constante jusque-là, la Cour affaiblit son autorité et renforce indûment la marge d’appréciation conférée aux Etats. A la limite, elle cède son impérium à l’Etat défendeur qui décide du sort du requérant. Elle ne saisit pas non plus l’opportunité des demandes en interprétation, par exemple dans l’arrêt APDH c. République de Côte d’Ivoire,66 pour préciser, affiner et affermir ses précédents posés dans les arrêts Alex Thomas et Mohamed Abubakari. Si le but visé est l’aménagement d’une marge d’appréciation au profit de l’Etat, alors la jurisprudence de la Cour ne passe pas le test de proportionnalité face à la mission historique de complémentarité que fait peser sur elle une lecture conjointe des articles 2, 3 et 27 du Protocole.

En outre, alors que dans l’arrêt Mohamed Abubakari en interprétation elle avise explicitement l’Etat défendeur quant à « la manière » de mettre en œuvre les « mesures appropriées », la Cour rejette la même demande dans l’affaire APDH au motif que l’Etat défendeur devenu demandeur, la République de Côte d’Ivoire, n’avait pas reproduit les termes exacts du dispositif de la décision dont l’interprétation est requise. Ceci, alors même que le Règlement intérieur de la Cour n’impose au demandeur que « d’indiquer avec précision » et non verbum pro verbo « les points du dispositif dont l’interprétation est demandée ».67 Pour les besoins de clarté, il convient de rappeler que la Cour avait ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire de « modifier la loi ... pour la rendre conforme aux instruments » internationaux.68 La Cour considère par conséquent que, bien que la demande en interprétation « semble porter » sur la manière dont la loi doit être modifiée, « sa finalité n’est pas d’en clarifier le sens mais d’obtenir l’avis de la Cour sur la manière de mettre en œuvre ce point ».69 Elle estime que cela « relève de la responsabilité de l’Etat ».70

La jurisprudence, c’est aussi la science de la similitude entre les causes et la comparaison impose de noter que « la manière dont la loi doit être modifiée » s’apparente fortement aux « mesures appropriées ». La nécessité de combler l’imprécision « des mesures » dans l’affaire Mohamed Abubakari est manifestement la même que celle d’indiquer « la manière » dans l’affaire APDH. En l’ignorant, la Cour peut donner quitus aux Etats pour décider quant à l’exécution de ses décisions. L’auto-censure est improductive plus particulièrement dans les cas de demandes d’interprétation puisque si un Etat n’entend pas exécuter les arrêts d’une juridiction, il devrait se contenter de profiter de l’entière latitude offerte par l’arrêt initial au lieu d’en demander la clarification qui la lierait de manière stricte. Tel qu’indiqué plus haut, les risques inhérents incluent le refus d’exécuter des arrêts de la Cour, le dilatoire des Etats qui décideront d’abuser de la marge d’appréciation et la déception des requérants dont la confiance en la Cour faiblira.

3.2.2 Circonstances impérieuses comme affirmatives d’auto-censure

Comme relevé plus haut, la jurisprudence des « circonstances impérieuses » comporte elle aussi un élément d’indécision. Pour le bénéfice de la discussion, on peut reprendre l’illustration offerte par l’arrêt Alex Thomas et ceux subséquents. Lorsque, sans que l’Etat défendeur ait indiqué les « circonstances impérieuses », elle décide d’interpréter les « mesure appropriées » comme incluant la remise en liberté qu’elle avait rejetée, la Cour escamote ses indicateurs jurisprudentiels. Elle confirme en outre son indécision quant à la conscience qu’elle a de l’amplitude de ses pouvoirs conférés par les dispositions non équivoques l’article 27 du Protocole. Par ailleurs, si la Cour a pu, dans ses décisions antérieures, invoquer suo motu des conditions procédurales et des violations substantielles sur la base des seuls faits portés devant elle, les « vertus juridictionnelles »71 qu’elle épouse quant aux « circonstances impérieuses » donnent l’impression d’une jurisprudence « à deux vitesses ».

Or, de jurisprudence constante, la Cour elle-même dit que l’apparence est une jauge fondamentale de l’impartialité de la justice.72 Lorsque les faits de la cause sont devant elle et représentent en eux-mêmes des circonstances suffisantes, la Cour imposerait au requérant le fardeau injustifiable de devoir plaider lesdites circonstances. Il s’agirait simplement d’un déni de justice.

3.2.3 Constatations factuelles dans une marge d’appréciation illimitée

C’est dans la même logique qu’il faut relever la déférence de la Cour aux conclusions factuelles établies par les juridictions internes. L’arrêt de la Cour dans l’affaire Nguza est d’un intérêt certain sur la question. Comme rappelé plus haut, la Cour avait conclu qu’aucune violation n’était constituée dans une espèce où les requérants avaient été identifiés au prétoire par le seul moyen d’une permutation de sièges alors même que la police les avaient fait identifier par les victimes au moment de l’arrestation et pendant la détention provisoire. La Cour a estimé que « la détermination de la question de la preuve concernant l’identification d’un accusé doit être laissée aux juridictions nationales puisqu’elles évaluent la valeur probante de telles preuves et jouissent d’une large discrétion à cet égard. En général, la Cour doit par conséquent déférer aux juridictions nationales sur ce point pour autant que cela ne résulte pas en une parodie de justice ».73 Dans cette espèce, la Cour se contente donc de reproduire les constatations factuelles du juge interne pour conclure qu’il n’y a pas eu violation de la Charte africaine.74 Elle applique le même raisonnement en estimant que l’alibi de l’absence de l’un des requérants dans la ville où le crime a été commis tombe devant les déclarations des témoins pour autant que les juridictions internes en ont ainsi conclu.75 Pourtant, dans la même affaire, la Cour sanctionne le défaut pour le juge interne d’autoriser le test de virilité demandé par l’un des requérants et qui aurait pu le faire disculper de l’accusation de viol.76

Une telle position mérite attention eu égard à l’interprétation que fait la Cour du principe de « la marge d’appréciation » des Etats à l’aune de son impérium judiciaire, notamment à la lumière des articles 3 et 27 du Protocole. Sans devoir s’enliser dans le débat sur la marge d’appréciation, il suffira de relever que le fait pour la Cour de ne pas se substituer aux juridictions internes quant à l’application du droit national à l’aune des faits établis ne saurait conduire à un refus de contrôle de conventionalité. Justement, il est tout aussi quasi impossible qu’il serait inefficace pour le juge international d’exercer un tel contrôle dans un détachement total des faits et de l’application qui leur a été faite du droit national. Dans l’affaire Nguza, il serait irréaliste de suggérer que la Cour africaine se prononce sur la question de l’alibi dans les circonstances de la cause sans dégager et évaluer tous les éléments ayant permis au juge interne de rejeter des alibis probants au profit de témoignages obtenus par la procédure d’identification manifestement irrégulière relevée plus haut. On note d’ailleurs que la Cour a procédé comme il est ici suggéré lorsqu’elle a examiné l’allégation de défaut de remise aux requérants des déclarations des témoins à charge.77 L’arrêt subséquemment rendu par la Cour dans l’affaire Armand Guehi c. République Unie de Tanzanie montre bien que la concession d’une marge d’appréciation absolue quant aux constatations factuelles n’est pas tenable.78

3.2.4 Qualité pour agir des ONGs dans la procédure consultative

L’ultime question, mais non la moindre, soulevée dans le registre des silences est celle du locus standi des organisations non gouvernementales (ONGs) dans la procédure consultative devant la Cour africaine. Une question connexe mais non moins importante se rapporte à l’examen par les organes politiques de l’Union africaine du Rapport d’activités de la Commission.

En ce qui concerne la qualité de demandeur d’un avis consultatif, l’article 4(1) du Protocole stipule que: « A la demande d’un Etat membre de l’OUA, de l’OUA, de tout organe de l’OUA ou d’une organisation africaine reconnue par l’OUA, la Cour peut donner un avis sur toute question juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ». Au mois d’octobre 2018, la Cour avait reçu et répondu à 13 demandes d’avis consultatifs provenant toutes d’organisations non gouvernementales.79 Par le premier avis qu’elle rend dans la demande introduite par SERAP,80 la Cour estime que les ONGs ne sont pas des organisations reconnues par l’Union africaine au sens du Protocole. De l’avis de la Cour, le seul statut d’observateur près la Commission ne peut suffire étant donné que les deux statuts sont accordés au terme de deux procédures et par deux entités juridiques différentes.

En renvoyant à nouveau à sa mission de régulateur du système africain des droits de l’homme, il y a lieu de noter que lorsque la Cour s’engage dans une entreprise d’interprétation, elle a le devoir de n’exclure aucune option utile. Tout au moins, lorsqu’elle s’est prononcée, aucune option valide, pertinente, logique ou téléologique ne doit rester inexplorée comme c’est le cas dans la jurisprudence sur la qualité de demandeur d’avis consultatif des ONGs qui peut soulever de sérieuses appréhensions mêlées d’interrogations. Par exemple, quelle est la raison d’être de la procédure d’octroi du statut d’observateur par la Commission dans le contexte d’une reconnaissance de celle-ci par l’Union africaine comme un organe de traité ayant un mandat spécial quant à la protection et la promotion des droits de l’homme en Afrique?81 Par ailleurs, on sait que la procédure consultative devant la Cour peut, en ce qui concerne spécifiquement les ONGs, clarifier le droit africain des droits de l’homme pour renforcer l’intervention de la société civile et avancer la cause de ces droits sur le continent. A la lumière de cet objectif, laquelle des institutions de l’Union africaine serait la plus légitimée à consacrer aux ONGs la reconnaissance nécessaire pour interroger la Cour sur toute question juridique relative aux droits de l’homme protégés par la Charte ? Dans la même logique, il faut relever le contexte de la rareté traditionnelle de la participation des Etats à la procédure consultative en matière des droits de l’homme devant les instances internationales et, en particulier, l’absence d’une telle intervention au cours de la première décennie d’activité de la Cour africaine. Dans un tel contexte, de quelle utilité serait pour la mission historique de la Cour, une interprétation stricto sensu de sa compétence consultative alors que son office a été animé jusque-là presqu’exclusivement par les ONGs?

En ce qui concerne en particulier la participation des Etats à la procédure consultative, on observe que, sur les cinq avis rendus par la Cour relativement à la qualité de demandeur des ONGs,82 seulement sept des 54 Etats membres de l’Union africaine ont fait des observations en dépit de la pratique très libérale de la Cour en termes de délai. Cette participation se présente comme suit: SERAP,83 Centre for Human Rights et autres,84 Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme,85 RADDHO86 et Centre for Human Rights et Coalition for African Lesbians.87

Enfin, quelle serait l’intérêt d’une interprétation stricte lorsque la solution prescrite par la Cour est une procédure d’octroi de statut d’observateur par l’Union africaine qui reste vague et n’a jamais été appliquée concernant les ONGs?

La question connexe de l’examen du Rapport d’activités de la Commission soulève davantage d’appréhensions quant à la position de la Cour. Lors de l’examen du 37ème Rapport d’activités de la Commission, le Conseil exécutif de l’Union africaine a demandé à cet organe, entre autres, de « supprimer les extraits concernant deux décisions sur des plaintes individuelles dirigées contre la République du Rwanda et accorder une audience audit Etat dans les deux cas » et de « retirer le statut d’observateur accordé aux ONGs qui pourraient tenter d’imposer des valeurs contraires aux valeurs africaines ». Le Conseil avait proposé et obtenu que le Rapport ne soit pas publié jusqu’à ce que la Commission mette en œuvre lesdites décisions. La question principale posée à la Cour par les demandeurs dans l’avis Centre for Human Rights et Coalition for African Lesbians est celle de savoir comment devrait s’interpréter le mandat conféré aux organes politiques de l’Union africaine aux termes de l’article 59(3) de la Charte « d’examiner » le Rapport d’activités de la Commission. Les deux organisations demandent en outre si les décisions mentionnées plus haut ont été prises dans les limites du pouvoir d’examen dudit Rapport.

Les implications de la position de la Cour sur la qualité des ONGs demandeuses d’avis s’analysent bien entendu à la lumière de sa décision de déclarer les demandes afférentes irrecevables pour défaut de reconnaissance par l’Union africaine. Loin de se limiter à la question des droits des minorités sexuelles, la demande d’avis relative à l’examen d’un rapport de la Commission intéresse le système africain des droits de l’homme dans son ensemble. Il en est ainsi, parce que cette question touche à l’indépendance d’un organe aussi important que la Commission. Il est utile de rappeler à cet égard que la Commission est un organe de traité tout comme le Comité des droits de l’homme des Nations Unies ou la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Dans la galaxie des organes internationaux des droits de l’homme, on n’observe pas de hiérarchie entre la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour africaine et la Commission africaine. La Commission africaine a été créée par la Charte comme un organe indépendant n’ayant de lien hiérarchique avec aucune autre institution politique ou juridictionnelle lorsqu’il s’agit d’exercer ses mandats de promotion et de protection des droits de l’homme. En conséquence, dans l’hypothèse de la validité des mesures ordonnées par les organes politiques concernant le rapport de la Commission, lesdits organes seraient alors autorisés à exiger la rétraction d’une décision rendue en matière contentieuse en dehors de toute procédure juridictionnelle. Il n’y a pas le moindre doute que cette approche serait en violation du droit au procès équitable et, plus grave, de l’indépendance de la Commission.

Cet état de choses n’est pas réalisé à présent. Toutefois, le dilemme de la portée du mécanisme politique de présentation de rapport a de sérieuses implications pour l’ensemble du système africain des droits de l’homme dont les deux autres organes juridictionnels, la Cour et le Comité, présentent eux-aussi leurs rapports d’activités devant les organes politiques. Dans une certaine mesure, la Cour et le Comité peuvent subir les mêmes déboires que la Commission puisque leurs rapports sont présentés et débattus par les organes politiques, les Etats pouvant y porter des réserves et exiger des amendements.

On ne peut nier qu’au contraire des décisions de ses deux consœurs, les arrêts de la Cour ne sont pas contenus dans son rapport, sont rendus public et deviennent immédiatement exécutoires dès leur prononcé en dehors de la procédure de rapport. Ceci dit, le Conseil exécutif de l’Union africaine a récemment demandé à la Cour de retirer de son rapport la mention des Etats n’ayant pas exécuté ses arrêts. En tout état de cause, la décision du Conseil exécutif relative à l’examen du rapport de la Cour devra ne plus mentionner les Etats en défaut d’exécution.88 Cette pratique n’est manifestement pas conforme à la procédure de suivi d’exécution prévue aux articles 29 et 31 du Protocole aux termes desquels la Cour mentionne nommément les Etats et le Conseil exécutif supervise l’exécution pour le compte de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.

4 CONCLUSION

Les observations introductives à la présente réflexion ont indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une investigation exhaustive des silences observés dans la jurisprudence de la Cour. Cependant, l’étude de cas est largement représentative puisqu’elle couvre la plupart et les plus importantes des décisions de la Cour sur les questions identifiées.

Des points de vue du développement du droit et du renforcement du système, les implications des imprécisions sont aussi importantes que celles des indécisions. On note que les positions que prend la Cour peuvent influencer directement l’exécution ou non de ses décisions. En épousant l’hypothèse que l’autorité du juge tient principalement de la qualité de l’argumentaire qu’il développe dans ses arrêts, on note également que l’absence de précision et l’hésitation comportent un risque considérable d’effritement de l’autorité et de la légitimité de la Cour.

Un autre risque est celui de la fragilité du droit dérivé que crée la Cour si la jurisprudence est illisible. Sans doute, l’un des risques les plus sérieux serait que la Cour ne remplisse pas sa mission historique à l’égard du système et des justiciables comme il ressort de la lettre et de l’esprit du Protocole de Ouagadougou. Cette crainte est déjà manifestée et se renforce par l’auto-censure et l’aménagement indu d’une marge d’appréciation partielle ou illimitée selon les questions concernées. La logique voudrait qu’une juridiction internationale exerce son plein impérium de manière systémique au cours de la première décennie de son existence ou en tout cas pendant que les Etats coopèrent encore dans l’ambiance d’un engouement lié à la nouveauté de la convention et des procédures qu’elle crée.

Il n’est pas surprenant que cette période de grâce s’estompe progressivement dès la première masse critique d’arrêts en défaveur des Etats, notamment ceux les plus forts des points de vue diplomatiques et politiques. On observe à cet égard que la Cour africaine n’a pas rendu dix arrêts sur le fond condamnant les Etats avant de voir la République du Rwanda retirer sa déclaration de reconnaissance de juridiction. Dans une certaine mesure, l’exemple du Rwanda peut ne pas autoriser une généralisation. En revanche, face aux condamnations massives et répétées dont elle a fait l’objet, la République Unie de Tanzanie a introduit la pratique de rejeter systématiquement l’impérium de la Cour concernant les ordonnances de mesures provisoires.89 Dans quasiment la même logique, sur le fondement que la Cour africaine avait ordonné des mesures provisoires dans une affaire relative à une question constitutionnelle relevant de la seule compétence de la Cour suprême du Ghana,90 ladite juridiction a jugé qu’elle ne partageait ses pouvoirs avec aucune autre juridiction fût-elle internationale.91 Le gouvernement du Ghana a soutenu cette position en avançant par ailleurs que le Protocole n’avait pas fait l’objet d’incorporation dans l’ordre juridique interne par défaut d’adoption d’un acte du Parlement postérieurement à la ratification.92 Enfin, tel qu’indiqué plus haut, après plus de six années de pratique jamais contestée, les Etats ont décidé de ne plus mentionner dans la décision du Conseil exécutif relative à l’examen du rapport de la Cour, ceux d’entre eux n’ayant pas exécuté les arrêts de la juridiction.

Pour résorber ces faiblesses dans sa jurisprudence, il urge que, dans les arrêts qu’elle rendra au cours de sa deuxième décennie d’existence, la Cour brise ses silences. Il est crucial qu’elle parle aux justiciables, aux Etats, aux juridictions nationales et à l’ensemble du système africain des droits de l’homme. Il est impérieux qu’elle stabilise sa jurisprudence, redéfinisse la marge d’appréciation des Etats et fasse une lecture plus fidèle et plus évolutive de son impérium.

 


1. Voir Montesquieu De l’esprit des lois (1758) deuxième partie, livre XI, chapitre VI: de la constitution d’Angleterre.

2. J-M Sauvé ‘Bien juger aujourd’hui, une mission impossible ?’ Académie de législation de Toulouse (13 décembre 2013) 1.

3. Voir JJ Doyle ‘Judicial law making: is honesty the best policy?’ (1995) 17 Adelaide Law Review 161; O Wendell Holmes S Pac Co v Jensen, 244 US 205, 221 (1917) (Holmes, J, dissenting); JB Beam Distilling Co v Georgia, 501 US 529, 549 (1991) (Scalia, J, concurring).

5. Voir art 2, Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

6. Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant Avis 2/2013 (4 décembre 2014).

7. En décembre 2018, la Cour avait rendu une trentaine de décisions sur le fond ainsi qu’une trentaine d’ordonnances de mesures provisoires ainsi que de nombreuses décisions sur la compétence, la recevabilité, la révision, l’interprétation et autres.

9. Notre soulignement.

10. Voir Adjolohoun (n 8). Voir également Hon. Dr. Jerry Ugokwe c. Nigéria ECW/CCJ/APP/02/05 (7 octobre 2005) para 29; Mani Koraou c. Niger (2008) AHRLR 182 (ECOWAS 2008); Hissène Habré c. Sénégal ECW/CCJ/JUD/06/10 (18 novembre 2010); Dorothy Chioma Njemanze et autres c. Nigéria ECW/CCJ/JUD/08/17 (12 octobre 2017).

11. Voir AM Bickel ‘The Supreme Court 1960 term foreword: the passive virtues’ (1961) 75 Harvard Law Review 40, 48-59.

12. Voir SH Adjolohoun Droits de l’homme et justice constitutionnelle en Afrique: le modèle béninois à la lumière de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (2013) 103-131; F Ouguergouz ‘Les articles 60 et 61 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples’ in L Burgorgue-Larsen (dir) Les défis de l’interprétation et de l’application des droits de l’homme: de l’ouverture au dialogue (2017) 135-156.

13. Voir James Katabazi et autres c. Secrétaire général de la Communauté et Ouganda (2007) AHRLR 119 (EAC 2007); Mike Campbell (Pvt) Limited et autres c. Zimbabwe (2008) AHRLR 199 (SADC 2008).

14. Voir F Viljoen & L Louw ‘State compliance with the recommendations of the African Commission on Human and Peoples’ Rights 1994-2004’ (2007) 101 The American Journal of International Law 3; MW Mutua ‘The African human rights system in comparative perspectives’ (1993) 3 Review of the African Commission on Human and Peoples’ Rights 11.

15. Voir L Burgorgue-Larsen & GF Ntwari ‘Chronique de jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (2015-2016)’ (2008) 113 Revue trimestrielle des droits de l’homme 134-135; F Viljoen ‘Understanding and overcoming challenges in accessing the African Court on Human and Peoples’ Rights’ (2018) 67 International and Comparative Law Quarterly 63-98. Voir aussi Femi Falana c. Union africaine CAfDHP (26 juin 2012), affaire dans laquelle, faute de pouvoir établir sa compétence personnelle dans le chef de l’Etat défendeur, la Cour n’a pu se prononcer sur l’allégation du requérant selon laquelle la déclaration de l’article 34(6) viole le droit à l’accès à la justice.

16. Voir Adjolohoun (n 8).

17. Par exemple, la Commission africaine ne peut connaître d’une affaire réglée ou pendante devant la Cour africaine et réciproquement. Voir arts 4(1), 6(1), 6(3 et 8 du Protocole. Dans l’affaire Jean-Claude Roger Gombert c. Côte d’Ivoire (22 mars 2018), paras 39-59, la Cour africaine a déclaré la requête irrecevable pour règlement antérieur du différend par la Cour de justice de la CEDEAO.

18. A Tzanakopoulos ‘Domestic courts as the “natural judge” of international law: a change in physiognomy’ in J Crawford & S Nouwen (dirs) Select Proceedings of the European Society of International Law (2010) 155-168; et, en général, VO Ayeni (dir) The impact of the African Charter and the Maputo Protocol in selected African states (2016).

19. Voir SH Adjolohoun ‘Un régulateur régulé ? Le juge constitutionnel à l’ère du régionalisme constitutionnel en Afrique’ Colloque commémoratif du 25ème anniversaire de la Cour constitutionnelle du Bénin, Association Béninoise de Droit Constitutionnel, 2 - 3 juin 2018.

20. See S Theil ‘Is the “living instrument” approach of the European Court of Human Rights compatible with the ECHR and international law?’ (2017) 23 European Public Law 587-614.

21. Voir Michelot Yogogombaye c. Sénégal CAfDHP (15 décembre 2009).

22. Voir Nguza Viking et un autre c. République Unie de Tanzanie AfCHPR (23 mars 2018, fond) para 86.

23. Nguza Viking, para 88.

24. Nguza Viking, para 89.

25. Nguza Viking, para 90.

26. Nguza Viking, para 90.

27. Nguza Viking, paras 83-87.

28. Voir Commission africaine, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et l’assistance judiciaire en Afrique (2003). Lesdites Directives développent les droits liés au procès équitable de manière détaillée notamment en leur section ‘N) dispositions applicables aux procédures relatives aux accusations pénales’ et particulièrement en la sous-section ‘6 - droits pendant le déroulement d’un procès’.

29. La Cour adopte d’ailleurs cette approche dans ses arrêts Mohamed Abubakari c. République Unie de Tanzanie CAfDHP (3 juin 2016, fond) paras 137-138; et Anudo Ochieng Anudo c. République Unie de Tanzanie CAfDHP (22 mars 2018, fond) paras 110-111.

30. CAfDHP (3 juin 2016, retrait de la déclaration).

31. Victoire Ingabire Umuhoza, para 54.

32. Victoire Ingabire Umuhoza, para 55.

33. Voir Victoire Ingabire Umuhoza, para 56.

34. Victoire Ingabire Umuhoza, para 57.

35. Même en considérant la version anglaise du texte, la prescription de la déclaration est obligatoire par nature puisque la disposition stipule que ‘the State shall make a declaration’. Soulignement de l’auteur dans les deux langues.

36. Ladite disposition se lit ‘1. Tout Etat partie peut, au moment du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion, ou ultérieurement, déclarer qu’il reconnaît la compétence de la Commission pour recevoir et examiner les communications’. Soulignement de l’auteur.

37. Voir art 56(1) Convention de Viennes sur le droit des traités (1969).

38. Voir Victoire Ingabire Umuhoza, para 60-62.

39. Voir Victoire Ingabire Umuhoza, para 65.

40. Voir Victoire Ingabire Umuhoza (5 septembre 2016, rectificatif) point ii.

41. Voir Reverend Christopher R. Mtikila c. République Unie de Tanzanie CAfDHP (14 juin 2013, fond) para 82(3).

42. Voir Mohamed Abubakari (n 29).

43. Voir Mohamed Abubakari (n 29) paras 67, 70 et 72.

44. Voir Mohamed Abubakari (28 septembre 2017, interprétation) paras 35-36.

45. CAfDHP (20 novembre 2015) paras 63-65.

46. CAfDHP (28 septembre 2017) para 44.

47. CAfDHP (28 septembre 2017) para 56.

48. Voir Alex Thomas (n 45) para 60.

49. Voir Nguza Viking (n 22) para 53; Kennedy Owino (n 47) para 54.

50. (2000) AHRLR 127 (ACHPR 1999).

51. Voir par exemple, Hammadi Kammoun c. Tunisia, Communication 366/09 (CADHP 2014), Geneviève Mbiankeu c. Cameroon, Communication 389/10 (CADHP 2015).

52. Voir Alex Thomas (n 45) para 157.

53. Voir Loyza Tamayo c. Pérou IACHR (17 septembre 1997) paras 5 et 84.

54. Alex Thomas (n 45) para 157.

55. Voir Alex Thomas, para 158.

56. Alex Thomas, para 159.

57. Mohamed Abubakari (n 29) paras 236, 242(xii).

58. Voir, entre autres, Pagnoule c. Cameroun (2000) AHRLR 57 (ACHPR 1997); Avocats Sans Frontières (pour le compte de Bwampamye) c. Burundi (2000) AHRLR 48 (ACHPR 2000) Abubakar c. Ghana (2000) AHRLR 124 (ACHPR 1996).

59. Voir N Enonchong ’The African Charter on Human and Peoples’Rights: effective remedies in domestic law?’ (2002) 46 Journal of African Law 197.

60. Manavi Isabelle Ameganvi et autres c. Togo, ECW/CCJ/JUD/09/11 (7 octobre 2011).

61. Khalifa Ababacar Sall et autres c. Sénégal, ECW/CCJ/JUD/17/18 (29 juin 2018).

62. Christopher Jonas (n 46) para 95.

63. G Canivet ‘Les influences croisées entre juridictions nationales et internationales. Éloge de la ‘bénévolance’ des juges’ (2005) 4 Revue des sciences criminelles et de droit comparé 799-817.

64. Voir Mohamed Abubakari (n 44) para 38.

65. Voir R Ben Achour ‘Projet d’opinion sur les circonstances exceptionnelles’ (mai 2018) où le Juge propose une analyse critique des pouvoirs de la Cour africaine aux termes de l’article 27 du Protocole comparés à ceux de la Commission interaméricaine et de la Cour européenne des droits de l’homme. Voir également, Opinion dissidente du Juge Rafâa Ben Achour dans l’affaire Mohamed Abubakari (4 juin 2016).

66. CAfDHP (28 septembre 2017, interprétation) para 16.

67. Art 66(2) Règlement intérieur de la Cour (2010).

68. APDH c. Côte d’Ivoire CAfDHP (18 novembre 2016, fond) point 7 du dispositif.

69. APDH (n 66).

70. APDH.

71. Voir Bickel (n 11).

72. Voir APDH (n 68) paras 123, 125, 133, 134. Voir également Samuel Mack Kit et un autre c. Cameroun CADHP, Communication 423/12 (40ème Rapport d’activités 2015-2016).

73. Nguza Viking, para 89.

74. Voir Nguza Viking, para 90.

75. Voir Nguza Viking, para 105.

76. Voir Nguza Viking, para 117.

77. Voir Nguza Viking, paras 91-100.

78. CAfDHP (7 décembre 2018) paras 106-110.

79. Voir Cour africaine, Liste des requêtes reçues par la Cour, octobre 2018.

80. Socio- Economic Rights and Accountability Project CAfDHP Avis 1/2013 (26 mai 2017).

81. Art 45, Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981, 1986).

82. La Cour a reçu 13 demandes à ce jour dont seulement six ont été examinées, les sept autres ayant été soit radiées soit retirées par les demandeurs. Cinq d’entre les six avis rendus sont relatifs à la qualité de demandeur des ONGs, la sixième se rapportant à la qualité de demandeur du Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant.

83. Six Etats font des observations. Sur la qualité de demandeur des ONGs, deux s’abstiennent, deux répondent par la positive et deux par la négative.

84. Avis 1/2016 (28 septembre 2017). Aucune observation.

85. Avis 2/2016 (28 septembre 2017). Aucune observation.

86. Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme Avis 2/2014 (28 septembre 2017). Un Etat fait des observations en faveur des ONGs.

87. Avis 2/2015 (28 septembre 2017). Deux Etats font des observations en défaveur des ONGs.

88. Voir Decision EX.CL/Dec.994(XXXII)Rev.1 on the 2017 Activity Report of the African Court on Human and Peoples’ Rights (Doc. EX.CL/1057(XXXII), 25-26 January 2018.

89. Il s’agit d’une douzaine d’ordonnances toutes rendues contre la Tanzanie le 18 mars 2016 dont celles indiquées dans les affaires Ally Rajabu et autres c. Tanzanie, Armand Guehi c. Tanzanie, et John Lazaro c. Tanzanie.

90. Voir Alfred Agbesi Woyome c. République du Ghana, CAfDHP (24 novembre 2017, Ordonnance de mesures provisoires).

91. Voir Arrêt du 28 novembre 2017, Cour suprême du Ghana.