Jonas Kakule Sindani
Doctorant en sciences juridiques (Université Catholique de Louvain et Université Catholique de Bukavu). Master of Laws in Human Rights and Democratisation in Africa (University of Pretoria, Centre for Human Rights). Chercheur: Equipe Droits et Migrations (EDEM, UCLouvain) et Centre de Recherche en Droits de l’Homme et Droit International Humanitaire (CERDHO, UCB). Avocat (Barreau du Nord-Kivu)
https://orcid.org/0009-0001-4838-9014
Edition: AHRY Volume 8
Pages: 580-601
Citation: JK Sindani ‘Vers une approche intégrée des droits à la santé et à l’éducation des populations autochtones: perspectives de l’affaire Batwa c. RDC devant la Commission africaine’ (2024) 8 Annuaire africain des droits de l’homme 580-601
http://doi.org/10.29053/2523-1367/2024/v8a23
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RÉSUMÉ
Le présent commentaire examine la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine) dans l’affaire Minority Rights Group International et Environnement Ressources Naturelles et Développement (au nom des Batwa du Parc national de Kahuzi-Biega, RDC) c. République démocratique du Congo (Affaire Batwa c. RDC). Devant un contexte de léthargie judiciaire au niveau interne, les plaignants ont saisi la Commission africaine en 2015, après cinq années de lutte en vain pour obtenir justice et réparation dans le système juridique national. Devant la Commission africaine, ils ont dénoncé les expulsions violentes et les violations des droits de l’homme subies par la communauté Batwa, une communauté de chasseurs-cueilleurs vivant depuis des siècles dans les forêts des monts Kahuzi desquelles dépendent leur mode de vie et leur subsistance. En se focalisant sur la constatation de la violation par le gouvernement congolais des droits à la santé et à l’éducation des populations autochtones, ce commentaire révèle le recours par la Commission africaine au discours sur les droits de l’homme comme un impératif juridique et moral pour améliorer la jouissance des droits précités. Dans l’interprétation desdits droits, la Commission africaine recours à une approche intégrée en tenant compte des déterminants sociaux et structurels de la santé et de l’éducation des populations autochtones. Ces déterminants méritent d’être maintenus à l’ordre du jour dans le débat politico-juridique sur les droits des populations autochtones ainsi que dans le processus décisionnel en matière de politiques publiques. Si ces déterminants spécifiques aux populations autochtones ne sont pas mis en évidence, la vulnérabilité et la marginalisation particulières qui découlent de leur statut de groupes extrêmement marginalisés seront noyées dans les préoccu-pations générales relatives à la situation des droits de l’homme.
TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH
Towards an integrated approach to indigenous peoples’ rights to health and education: insights from Batwa v DRC before the African Commission
ABSTRACT: This commentary analyses the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ decision in Minority Rights Group International and Environnement Ressources Naturelles et Développement (on behalf of Batwa from the Parc national de Kahuzi-Biega, RDC) v République démocratique du Congo (Batwa v DRC). After five years of unsuccessful attempts to secure justice and reparations domestically, the plaintiffs brought their case to the African Commission in 2015. They alleged violent evictions and human rights violations against the Batwa community, a hunter-gatherer group with deep ancestral ties to the Kahuzi mountain forests, which are central to their way of life and livelihood. The commentary highlights the African Commission’s findings on the Congolese government’s failure to uphold the Batwa’s rights to health and education. It underscores the Commission’s integrated approach, which contextualises these rights within the broader social and structural determinants affecting indigenous peoples. This legal reasoning positions human rights not only as a legal obligation but also as a moral imperative to address the Batwa’s historical marginalisation and systemic inequalities. The analysis emphasises the importance of maintaining a focus on these specific determinants in legal, political, and public policy debates concerning indigenous peoples’ rights. Neglecting these factors risks obscuring the unique vulnerabilities and marginalisation faced by indigenous groups, reducing their struggles to general human rights issues detached from the realities of their lived experiences.
MOTS-CLÉS: affaire Batwa v DRC ; santé ; éducation ; Parc National de Kahuzi-Biega ; peuples autochtones ; aires protégées ; expropriation
2 Présentation de l’affaire Batwa c. RDC
2.1 Résumé des faits et prétentions des parties
2.2 Constatations de la Commission africaine
3 Contenu et spécificités des droits à la sante et à l’éducation des populations autochtones
3.1 L’accès aux soins respectant le mode de vie traditionnel
3.2 L’éducation intégrée comme outil de préservation des savoirs traditionnels
4 Obligations specifiques de l’Etat et réflexions sur leur mise en œuvre
4.1 Portée des obligations spécifiques de l’Etat
4.2 Mise en œuvre des recommandations de la Commission africaine
1 INTRODUCTION
Les impératifs de la conservation de l’environnement ont conduit les Etats, y compris la République démocratique du Congo (RDC), à lever l’option de la création des aires protégées1 comme outil de préservation de la biodiversité. Plusieurs de ces aires protégées ont été érigées sur des terres habitées jadis par des populations autochtones pygmées. Considérant les activités humaines comme principal facteur de la destruction de l’environnement, le gouvernement congolais a mis en place un modèle de conservation fondé sur l’exclusion des populations autochtones de leurs terres ancestrales2 allant jusqu’à pénaliser, sous certaines conditions, l’accès humain dans ces espaces.3 Ainsi, les populations qui occupaient ces espaces à savoir les Pygmées,4 sont dépossédées de leurs terres, le plus souvent sans une indemnisation juste, équitable et proportionnelle.5 Elles se retrouvent dépossédées de leurs milieux naturels de vie et par conséquent détachées de leur culture.6 Cette dépossession enfonce les populations autochtones dans un déséquilibre social récusable.7 Une telle dépossession est également à l’origine des contestations communautaires et judiciaires de la part des populations pygmées en vue d’obtenir la reconnaissance et la jouissance de leurs droits d’accès à la terre et aux ressources naturelles.8
La Communication 588/15 Minority Rights Group International et Environnement Ressources Naturelles et Développement (au nom des Batwa du Parc national de Kahuzi-Biega, RDC) c. République démocratique du Congo (Affaire Batwa c. RDC) devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine) s’inscrit dans le cadre de ces revendications judiciaires. Elle dénonce les violations des droits de l’homme subies par la communauté Batwa, une communauté de chasseurs-cueilleurs vivant depuis des siècles dans les forêts des monts Kahuzi, à la suite de leur expulsion violente de ces forêts dont dépend leur mode de vie et leur subsistance.9 Les plaignants se sont appuyés sur de nombreuses dispositions du droit international, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine) pour revendiquer des droits spécifiques dont le droit à la vie, le droit de pratiquer leur culture et leur religion, le droit de disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles, le droit de ne pas subir de discrimination, ainsi que le droit à la santé et à l’éducation.10
Le présent commentaire se focalise essentiellement sur la constatation par la Commission africaine de la violation par la RDC des droits à l’éducation et à la santé des populations autochtones, à la suite d’une interprétation intégrée des droits des populations autochtones. Par approche «intégrée», le présent commentaire attend celle qui interprète les droits humains dans leur unicité et leur interdépendance. Une telle approche tient également compte des différences socio-culturelles, de la diversité ethnique et des déterminants socio-culturels et structurels de la santé et de l’éducation des populations autochtones. L’intérêt accordé à l’analyse de ces deux droits de l’homme pour les populations autochtones tient, ainsi que nous le verrons plus tard, de par leur interdépendance11 et surtout leur caractère de passerelle (enabler)12 dans la jouissance des autres droits de l’homme d’une part ; et d’autre part, de par leurs contenus larges pouvant contenir d’autres droits humains.13
En vue de mettre en exergue les constatations de la Commission africaine dans la présente communication, un premier point est consacré à la présentation de l’affaire en lien avec les droits sous analyse (2). Un deuxième point est consacré à l’analyse du contenu et de la spécificité du droit à la santé et du droit à l’éducation des peuples autochtones, tels qu’ils ressortent de l’argumentaire de la Commission africaine (3). Un troisième point enfin se concentre sur l’appréciation critique des constatations de la Commission africaine en termes de précision des obligations spécifiques de l’Etat et sur les pistes de réflexion pour leur mise en œuvre (4).
2 PRÉSENTATION DE L’AFFAIRE BATWA c. RDC
Ce point est consacré au résumé succinct des faits de l’affaire en question, aux prétentions et demandes des parties (2.1) ainsi qu’aux constatations et recommandations de la Commission africaine (2.2).
2.1 Résumé des faits et prétentions des parties
En novembre 1970, la création du Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) en RDC par la loi portant le No. 70-316 a transformé la zone d’habitation des Batwa en parc national, avec comme conséquence: l’interdiction de la présence humaine dans le parc et l’expulsion des Batwa sans consultation ni indemnisation pour l’expropriation de leurs terres acquises conformément à la coutume. En 1975, la nouvelle loi No. 75-238 a élargi la superficie du PNKB de 60 000 à 600 000 hectares, empiétant encore sur les terres ancestrales des communautés Batwa et occasionnant ainsi, une augmentation des expulsions, ce qui porta le nombre des familles expulsées depuis 1970, à environ 6000, toujours sans aucune indemnisation ni consultation préalable.14
Ces expulsions ont rompu l’harmonie dans laquelle vivaient les Batwa avec la nature, détériorant ainsi leurs conditions de vie. Actuellement ils vivent dans une extrême pauvreté dans des camps de fortune à la lisière des forêts en marge des autres villages Bantous. Ils sont privés de leurs terres et ne peuvent, ni mener leur mode de vie traditionnel, ni avoir accès aux services sociaux de base.15 Par ailleurs, ils souffrent d’un taux élevé de malnutrition, de mortalité ainsi que de diverses maladies.16 De plus, ils vivent parmi d’autres groupes majoritaires n’ayant pas la même culture ni le même mode de vie, faisant d’eux des victimes d’une discrimination très ancrée dans les comportements et les attitudes.17 C’est dans ce contexte de vulnérabilité, qu’avec l’appui du Environnement Ressources Naturelles et Développement (ERND), les Batwa ont tenté de «récupérer» leurs terres en intentant une action en justice contre le gouvernement congolais et l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) pour expropriation illégale et violation de leurs droits constitutionnels prévues à l’article 34(1), (2) et (4) de la Constitution de la RDC.18
Le Tribunal de grande instance d’Uvira saisi en premier ressort et la Cour d’appel de Bukavu saisie en appel se sont successivement déclarés incompétents au motif que la question soulevée par les plaignants les appelait plutôt à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi congolaise No. 77-001 du 22 février 1977 régissant l’expropriation pour cause d’utilité publique.19 Déboutés d’un moyen (question préjudicielle d’inconstitutionnalité) qui n’était pas contenue dans la requête introductive d’instance, les plaignants se sont pourvus en cassation en décembre 2013, devant la Cour Suprême à Kinshasa en relevant inter alia, que les juges des deux instances inférieures, avaient détourné le sens de l’invocation de l’article 34 de la Constitution congolaise qui garantit le droit «sacré» à la propriété privée. Deux années plus tard, l’affaire se trouvait toujours pendante devant la Cour Suprême et aucune audience n’avait été communiquée jusqu’au jour de la saisine de la Commission africaine en 2015.
C’est dans ce contexte de léthargie judiciaire au niveau interne que les plaignants ont saisi la Commission africaine après cinq années de lutte en vain pour obtenir justice et réparation dans le système juridique national. Devant la Commission africaine, ils ont allégué la violation par l’Etat défendeur des articles suivants de la Charte africaine: 1 (Obligations des Etats envers les droits, devoirs et libertés contenues dans la Charte africaine), 2 (droit à la non-discrimination), 4 (droit à la vie et à l’intégrité de la personne), 8 (liberté de conscience et de religion), 14 (droit à la propriété), 16 (droit à la santé), 17 (droit à l’éducation et à la libre participation à la vie culturelle de la Communauté), 21 (droit de jouir et de disposer des ressources naturelles), 22 (droit au développement et 24 (droit à un environnement sain).
2.2 Constatations de la Commission africaine
A l’issue de la procédure par défaut, l’Etat congolais n’ayant pas transmis ses observations,20 la Commission africaine a constaté la violation des dispositions des articles 1, 2, 3, 4, 8, 14, 16, 17(1)-(3), 21, 22 et 24 de la Charte africaine. Additionnellement à la constatation de ces violations, la Commission africaine a, entre autres, déclaré que l’occupation de cette forêt par le peuple Batwa est primordiale pour leur survie et le maintien de leur identité culturelle ;21 et que l’occupation de la forêt de Kahuzi-Biega ne constituait aucun danger pour la biodiversité.22 Selon ladite Commission, les modèles de conservation des forteresses fondés sur l’exclusion des populations autochtones de leurs terres ancestrales sans leur consentement libre et préalable ne sont plus d’actualité et que, dans des cas où ces conservations sont nécessaires, leur impact sur les populations autochtones doit être minutieusement analysé et remédié.23
Forte de ces constatations, la Commission africaine a, entre autres, recommandé à la RDC d’adopter dans les meilleurs délais, en consultation avec les Batwa, des mesures législatives, administratives et autres jugées nécessaires pour mettre en place un mécanisme de démarcation et d’octroi de titres de propriété du territoire ancestral de Batwa ainsi que les droits y relatives dans le respect de leurs valeurs, coutumes et croyances ;24 de réintégrer les Batwa, jugés être de «bons gardiens de l’environnement» étant donné leur bilan historique positif de conservation de la forêt de Kahuzi-Biega,25 leur territoire ancestral ;26 d’annuler toutes les lois, ordonnances ou autres mesures interdisant la présence des Batwa sur leurs terres ancestrales ainsi que leur utilisation traditionnelle et leur jouissance ; et de ratifier la Convention No. 169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) de 1989 relative aux populations aborigènes et tribales.27
3 CONTENU ET SPÉCIFICITÉS DES DROITS À LA SANTE ET À L’ÉDUCATION DES POPULATIONS AUTOCHTONES
Une des questions centrales abordées par la Commission africaine dans la décision sous commentaire est celle de la préservation des particularités culturelles et identitaires des populations autochtones comme mécanisme adéquat de protection contre la discrimination. De ce fait, la Commission africaine interprète le contenu du droit à la santé (3.1) des populations autochtones en accordant de l’importance à l’accès aux soins respectant leur mode de vie traditionnel, leurs savoirs médicinaux et leur lien profond avec leur environnement naturel ; tandis que celui du droit à l’éducation (3.2) met l’accent sur la préservation de leur savoir traditionnel, leur langue, et les obstacles rencontrés pour accéder à une éducation adaptée à leurs besoins.
3.1 L’accès aux soins respectant le mode de vie traditionnel
Le droit de l’homme à la santé est garanti dans les différents instruments juridiques internationaux. La première expression de ce droit a été faite à l’article 25(1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) qui a servi de base à l’articulation de nombreux droits de l’homme qui ont été repris dans des traités internationaux ultérieurs tant au niveau onusien28 qu’africain.29 La ratification par la RDC de ces instruments internationaux impose au gouvernement congolais un impératif juridique et moral de veiller à ce que sa population, y compris les populations autochtones, ait accès à la santé. Au niveau national, la Constitution congolaise garantit le droit à la santé30 à tous les Congolais, sans discrimination, brimade ou toute autre forme d’humiliation ou de privation en raison des considérations tribale, ethnique, religieuse, raciale, professionnelle, sociale, philosophique, politique ou de sexe.31 Les soins de santé doivent être administrés selon les exigences de l’état de santé du malade, dans le respect de sa dignité et, dans la mesure du possible, dans son cadre de vie habituel.32 La loi No. 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées garantit explicitement aux populations autochtones pygmées l’accès aux soins de santé de qualité, sans aucune forme de discrimination.33 Cette loi contient également un engagement de l’Etat à promouvoir la pharmacopée traditionnelle des populations autochtones pygmées et leur garantir le droit de conserver et de préserver leurs pratiques médicinales ainsi que leurs rituels thérapeutiques, qui ne nuisent pas à la santé.34
Dans la décision sous commentaire, la Commission africaine relève qu’il existe un lien étroit entre le droit à la santé et le milieu de vie des populations autochtones, étant donné qu’ils y trouvent les ressources nécessaires à leur épanouissement et leur développement en termes de santé physique et mentale.35 A cet effet, la Commission africaine est d’avis que la forêt de Kahuzi-Biega est la seule source des plantes médicinales nécessaires aux pratiques de la santé traditionnelle des Batwa et que ces plantes faisaient partie des ressources dont ils disposent pour traiter diverses maladies dont ils souffrent.36 Les expulsions forcées comme dans le cas d’espèce, tout en violant d’autres droits prévus dans la Charte africaine, sont considérées par la Commission africaine comme ayant un impact sur la santé physique et mentale des individus et violant donc le droit au logement.37 Elles provoquent une détresse physique, psychologique et émotionnelle; elles entraînent la perte de moyens de subsistance économique et accentuent la pauvreté.38 Elles provoquent également des blessures physiques et, dans certains cas, des décès sporadiques39 résultant des conditions de vie inhumaines et dégradantes.40 Ces facteurs ne permettent pas aux populations autochtones d’atteindre l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), lorsqu’il définit la santé comme un «état complet de bien-être physique, mental et social».41 Ainsi, faire sortir les populations autochtones de leur milieu naturel comme c’est le cas dans la présente affaire, sans leur procurer un environnement semblable, à défaut identique, constitue indéniable-ment une atteinte à leur droit à la santé.42
En outre, l’interprétation du droit à la santé dans la décision sous commentaire suppose l’existence des soins, services et conditions de santé, leur accessibilité, leur acceptabilité et leur qualité.43 Dans la Résolution sur l’accès à la santé et aux médicaments nécessaires en Afrique, la Commission africaine note l’obligation de disponibilité en quantités suffisantes des médicaments nécessaires, y compris les médicaments existants et la mise au point de nouveaux médicaments nécessaires pour atteindre le niveau de santé le plus élevé possible.44 Les médicaments nécessaires doivent être accessibles et fournis sans discrimination, l’accessibilité étant interprétée comme physique, économique/abordable.45 L’acceptabilité quant à elle doit être «respectueuse des normes culturelles et de l’éthique médicale» ; 46 alors que la question de la qualité, renvoie à l’aptitude de savoir que les médicaments sont «sûrs, efficaces et médicalement appropriés».47
Ces quatre éléments appliqués au cas des populations autochtones permettent d’interpréter le droit à la santé de manière intégrée, c’est-à-dire en tenant compte des déterminants socio-culturels et structurels de la santé pour les populations autochtones. En effet, ce droit va au-delà des seuls soins médicaux modernes. Il inclut les savoirs et pratiques médicinaux traditionnels, qui constituent des piliers fondamentaux de leur bien-être. De ce fait, la notion de disponibilité doit impliquer que les Batwa aient un accès suffisant aux plantes médicinales et aux remèdes traditionnels issus de la forêt de Kahuzi-Biega, qui sont au cœur de leur approche de la santé. Leur expulsion a non seulement coupé cet accès vital, mais a également ignoré la nécessité de garantir des soins de santé qui respectent et intègrent ces connaissances traditionnelles, en témoignent des Batwa expulsés du parc de Kahuzi-Biega.48 En outre, l’État n’a pas mis en œuvre de mesures positives pour pallier cette perte, compromettant ainsi la disponibilité des soins de santé adaptés aux Batwa, essentiels pour atteindre un niveau de santé adéquat. En ce qui concerne les Batwa, l’accessibilité physique aux soins de santé a été drastiquement réduite par leur déplacement forcé, les éloignant de leurs ressources médicinales traditionnelles. Elle est également réduite par la pénalisation de l’accès à ces aires protégées.49 Cette inaccessibilité est exacerbée par leur marginalisation économique, qui les prive de moyens financiers pour accéder à des soins de santé modernes,50 en témoignent les propos des plaignants repris par la Commission africaine.51 Par ailleurs, l’acceptabilité des soins suppose leur conformité aux croyances et au mode de vie des populations autochtones, en intégrant leurs pratiques médicinales au lieu de les exclure. Enfin, la qualité des soins offerts aux Batwa ne peut être assurée que si ces soins sont adaptés à leurs besoins spécifiques, sécurisés, et respectent à la fois leurs connaissances traditionnelles et l’éthique médicale traditionnelle.
3.2 L’éducation intégrée comme outil de préservation des savoirs traditionnels
Le droit à l’éducation repose sur des normes juridiques internationales solides auxquels la RDC est partie. Ces normes prévoient une interdiction générale de la discrimination. La DUDH par exemple établit un droit à l’éducation et précise que l’éducation, en partie, doit viser à «renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales».52 Le PIDESC contient une disposition sur l’éducation aux droits de l’homme très similaire aux dispositions de la DUDH, à l’exception de l’ajout des groupes «ethniques» à la liste des groupes méritant «la compréhension, la tolérance et l’amitié».53 Sur le droit à l’éducation en faveur des enfants autochtones, la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, reconnaît l’importance du maintien des langues et des cultures autochtones et garantit, à l’article 29, que l’éducation de l’enfant doit viser à développer le respect de l’identité culturelle, de la langue et des valeurs qui lui sont propres.
Au niveau africain, la Charte africaine contient une disposition relative au droit à l’éducation54 et prévoit que les États assurent le respect des droits de l’homme, notamment par l’éducation.55 La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE) garantit un droit à l’éducation plus large et plus complet que celui qui est assuré dans la Charte africaine.56 Cette éducation doit, entre autres, être axée sur le respect des droits de l’homme et «la préservation et le renforcement de la morale, des valeurs traditionnelles et des cultures africaines positives»,57 et «susciter le respect pour l’environnement et les ressources naturelles».58 La Charte africaine de la jeunesse fait référence aux droits, aux libertés et aux devoirs de la jeunesse en Afrique, dont le droit à l’éducation. Son article 13 reconnaît le droit de tous les jeunes à une éducation de qualité. Il fait référence aux multiples formes d’éducation dont l’éducation formelle et informelle. Il définit les objectifs de l’éducation et établit les obligations des États. La charte africaine de la jeunesse prévoit aussi l’égalité des sexes et l’utilisation des langues africaines dans l’enseignement à son article 20.
Au niveau national, la Constitution congolaise reconnait le droit à l’éducation scolaire à toute personne sans discrimination.59 L’accès des enfants autochtones pygmées est obligatoire et gratuit à tous les niveaux de l’enseignement primaire, secondaire et de la formation professionnelle dans les établissements publics.60 L’Etat congolais est tenu de prendre des mesures pour une communication positive sur les populations autochtones pygmées dans ses programmes d’éducation, de formation et mettre en place des structures appropriées.61 Il s’agit notamment de l’institution d’un système d’alphabétisation et d’éducation non formelle des jeunes, des femmes et des adultes autochtones pygmées adapté à leurs langues et coutumes.62
Selon la Commission africaine, l’éducation doit viser le plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.63 La Commission africaine reconnaît qu’en tant que droit fondamental,64 l’éducation est le premier véhicule par lequel les enfants et les adultes économiquement et socialement marginalisés peuvent vaincre la pauvreté et acquérir les moyens de participer pleinement à la vie de leur communauté.65 Plus particulièrement, elle permet aux populations marginalisées de participer pleinement à la vie communautaire. Par ailleurs, le droit à l’éducation englobe aussi le droit à la connaissance des savoirs traditionnels et ancestraux pour les populations autochtones.66 La Commission africaine accorde une attention particulière aux besoins éducatifs des populations autochtones et de leurs enfants, en grande partie grâce aux travaux de son groupe de travail sur les populations/communautés autochtones établi en 2000.67
La brève et «vague»68 formulation de l’article 17(1) de la Charte africaine ne prévoit aucune modalité concrète de mise en œuvre du droit qu’il consacre ; il semble tout au contraire en hypothéquer la jouissance par le biais de son dernier paragraphe selon lequel il incombe à l’Etat le singulier devoir de promotion et de protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la communauté.69 Dans la décision sous commentaire, la Commission africaine adopte une approche intégrée c’est-à-dire tenant compte des déterminants socio-culturels et structurels sur les modalités de mise en œuvre du droit à l’éducation adaptée aux populations autochtones. Elle note à cet effet que l’éviction des Batwa de leur forêt ancestrale les a privés d’une forme d’enseignement particulière in situ.70 Ce type d’enseignement profondément ancré dans le style de vie des populations autochtones permet la transmission des connaissances, notamment médicinales, aux jeunes générations, en témoignent différentes déclarations des membres de cette communauté victime de cette éviction citées intégralement dans la décision de la Commission africaine.71 Ces témoignages convergent sur le fait qu’il y a des connaissances liées à l’identité des Batwa dont ils bénéficiaient étant dans la forêt de Kahuzi-Biega mais qu’ils n’apprennent plus. A cet égard, la Commission africaine conclut que ne pas permettre l’accès à ce savoir constitue une violation du droit à l’éducation protégé aux termes des dispositions de l’article 17(1).72
En reconnaissant cette forme d’éducation, la Commission africaine invite implicitement les Etats à mettre en place des politiques scolaires et culturelles respectueuses de la morale et des valeurs traditionnelles de la communauté,73 selon la Charte Culturelle de l’Afrique du 5 juillet 1976. Cette dernière a, entre autres pour objectifs de «réhabiliter, restaurer, sauvegarder, promouvoir le patrimoine culturel africain» et de «développer dans le patrimoine culturel africain toutes les valeurs dynamiques et rejeter tout élément qui soit un frein au progrès».74 Les États doivent veiller à ce que l’éducation soit adaptée, entre autres, aux besoins de groupes spécifiques tels que les populations autochtones.75 Des programmes d’enseignement appropriés doivent être conçus pour répondre aux besoins des communautés autochtones afin de préserver leur langue, leur culture, leur histoire particulière et leur héritage spirituel.76 Les programmes d’enseignement doivent être adaptés aux besoins spécifiques, aux intérêts, à l’histoire et au système de connaissances des communautés autochtones.77
Par ailleurs, la reconnaissance de l’éducation in situ comme l’une des modalités de mise en œuvre du droit à l’éducation prévue à l’article 17(1) de la Charte africaine s’oppose à toute logique d’assimilation forcée ou d’homogénéisation78 culturelle. Ces logiques produisent souvent des effets inverses: plutôt qu’être des stratégies d’intégration, elles constituent une composante de la marginalisation des populations autochtones. En effet, un système éducatif qui ne tient pas compte des spécificités culturelles des populations autochtones, les isole davantage.79 Les politiques coercitives de développement de l’éducation avec des intentions assimilationnistes non seulement détruisent les cultures et les valeurs des populations autochtones et sapent l’intégrité de leur identité communautaire. Dans cette logique, les programmes et services d’éducation destinés aux populations intéressées doivent être élaborés et mis en œuvre en coopération80 avec elles pour répondre à leurs besoins particuliers.81
4 OBLIGATIONS SPECIFIQUES DE L’ETAT ET RÉFLEXIONS SUR LEUR MISE EN ŒUVRE
L’approche intégrée adoptée par la Commission africaine dans l’interprétation des droits à la santé et à l’éducation, nécessite de préciser la portée des obligations spécifiques de l’État (4.1) et réfléchir sur des mesures pratiques et programmatiques de la mise en œuvre des recommandations (4.2).
4.1 Portée des obligations spécifiques de l’Etat
La décision de la Commission africaine dans Batwa c. RDC réaffirme que la réalisation du droit à la santé et à l’éducation peut nécessiter l’adoption de mesures supplémentaires pour certaines catégories d’individus ou de groupes,82 comme les populations autochtones.
En ce qui concerne en premier lieu le droit à la santé, la lecture des dispositions tant internationales que nationales renseigne que ce droit doit être largement défini et inclure non seulement l’accès aux services de santé, mais aussi les déterminants socio-économiques sous-jacents de la santé tels que définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).83 Ainsi, le PIDCP contient une approche «plus intégrée»84 de la santé en prévoyant non seulement le droit de l’individu à la sécurité sociale mais aussi son droit à des conditions de vie satisfaisantes. Au niveau africain, les Principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels (Principes et lignes directrices DESC) prévus dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, considèrent que le droit à la santé ne signifie pas seulement le «droit d’être en bonne santé»85 ou simplement le «droit aux soins de santé»,86 mais aussi tous les aspects sous-jacents de la santé à savoir l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates, un approvisionnement suffisant en aliments sains, la nutrition et le logement, des conditions de travail et d’environnement saines,87 y compris l’accès aux soins de santé, services de santé sexuelle et reproductive, sur une base non discriminatoire.88
Il s’en suit que droit au meilleur état de santé suppose l’existence des soins, services et conditions de santé, leur accessibilité, leur acceptabilité et la qualité et impose à l’Etat le devoir de le respecter, de le réaliser et de le protéger.89 L’obligation de respecter impose aux Etats de s’abstenir de prendre des mesures qui affectent négativement l’accès telles que des expulsions forcées éloignant les populations autochtones de leurs terres et, par conséquent, des médicaments traditionnels. C’est dans ce contexte que la Commission africaine a condamné les tentatives des gouvernements de la République du Congo de restreindre l’accès des communautés autochtones aux forêts, ce qui a pour effet «d’éroder les connaissances et les compétences des populations autochtones dans le domaine de la médecine traditionnelle».90 L’obligation de promouvoir l’accès aux médicaments, selon la Commission africaine, implique de s’abstenir d’adopter des mesures telles que le refus d’accès aux personnes issues des communautés marginalisées, l’interdiction ou l’entrave à «l’utilisation de médicaments traditionnels et des pratiques de guérison scientifiquement fondées et médicalement appropriées».91 L’obligation de garantir l’accès aux médicaments requiert que l’État encourage les individus et les groupes marginalisés concernés à participer de manière significative aux décisions qui affectent l’accès aux médicaments.92 Ceci appelle à la reconnaissance par l’Etat de la pharmacopée traditionnelle des populations autochtones, notamment de préserver leurs plantes médicinales, animales et minéraux d’intérêt vital.93 Dans la Convention africaine révisée sur la nature, il est impératif que les États respectent les «droits traditionnels et les droits de propriété intellectuelle des communautés locales, y compris les droits des agriculteurs», et que les «connaissances autochtones» ne soient accessibles qu’avec le consentement des communautés concernées et qu’elles soient indemnisées pour la «valeur économique» de ces connaissances.94 Pour garantir une utilisation durable des ressources, les communautés locales doivent être activement impliquées dans la «planification et la gestion des ressources naturelles» dont elles dépendent.95
En second lieu, quant au droit à l’éducation des populations autochtones, elle suppose que les programmes éducatifs destinés aux populations autochtones respectent et intègrent pleinement les protections des droits de l’homme, en particulier les droits à la continuité et à l’intégrité culturelles. C’est dans cette logique que la Commission africaine recommande au gouvernement congolais de ratifier la Convention No. 107 de l’OIT96 qui prévoit que les gouvernements «doivent adopter des mesures appropriées aux caractéristiques sociales et culturelles des populations intéressées pour faire connaître [aux populations autochtones] leurs droits et leurs devoirs, notamment en matière de travail et de protection sociale».97 Sur le droit à l’éducation des populations autochtones, dans le Corrigendum, la Commission africaine a corrigé sa décision, en recommandant la ratification de la convention No. 169 de l’OIT98 à la place Convention No. 107 de l’OIT.99 En effet, la convention No. 107 de l’OIT est souvent critiquée parce qu’elle est ancrée dans une vision des populations autochtones comme étant moins avancée et parce qu’elle propose de manière assez inconditionnelle une approche assimilationniste.100 La Convention No. 169 par contre, prévoit des mesures adaptées aux traditions et aux cultures des populations concernés, pour leur faire connaître leurs droits et leurs devoirs, notamment en matière de travail, de perspectives économiques, d’éducation et de santé, de protection sociale et leurs droits découlant de la présente convention».101 L’article 27 de cette convention oblige les Etats à reconnaître le droit de ces populations de créer leurs propres établissements et installations d’enseignement et à disponibiliser ressources à cette fin». L’Etat est en outre tenu de protéger les enfants autochtones dans les écoles et autres établissements d’enseignement contre toute forme de mauvais traitements et de veiller à ce que les auteurs d’abus soient sanctionnés.102
4.2 Mise en œuvre des recommandations de la Commission africaine
Ainsi que le note la Commission africaine, les modèles de conservation des forteresses fondées sur l’exclusion des populations autochtones de leurs terres ancestrales sous forme d’expropriations pour cause d’utilité publique ou de privatisation ne doivent pas «constituer une menace pour la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et la qualité des installations, biens et services de santé».103 D’ailleurs, grâce à leurs pratiques traditionnelles, les Pygmées ont contribué au maintien et à la conservation des écosystèmes forestiers.104 Dans le cadre des obligations qui leur incombent en vertu du droit à la santé des populations autochtones, les États devraient adopter une stratégie et un plan d’action nationaux en matière de santé publique qui devraient couvrir tous les groupes et adopter une approche holistique de la santé.105
La Commission africaine encourage l’utilisation de la médecine traditionnelle en demandant aux États de «protéger les connaissances médicales traditionnelles»106 et d’assurer «la reconnaissance, l’acceptation, le développement, l’efficacité, la modernisation et l’intégration de la médecine dans le système de santé publique».107 Autrement dit, le droit à la santé pour les populations autochtones ne peut être dissocié de la reconnaissance et de la protection de leurs territoires, car ces éléments sont indissociables de leur identité et de leur survie. Dans l’affaire Endorois, la Commission africaine a constaté qu’en forçant la communauté à vivre sur des terres semi-arides sans accès aux eaux salées du lac dotées de vertus médicinales ou aux sources d‘eau traditionnelles ainsi qu’à d’autres ressources vitales pour la santé de leur bétail, l’État défendeur a créé une menace majeure pour le mode de vie des pasteurs endorois.108
Quant au droit à l’éducation des populations autochtones, les écoles modernes peuvent facilement devenir des espaces psychologiquement accablants pour les enfants indigènes, car les méthodes d’enseignement modernes et le contenu éducatif peuvent diverger des matières et de l’environnement dans lesquels ils sont enseignés dans un contexte tribal. La Commission africaine a reconnu le faible taux de scolarisation et le taux élevé d’analphabétisme des enfants des populations autochtones, en raison de la langue d’enseignement dans les écoles, du traitement discriminatoire par les enseignants et les autres enfants et du «manque d’adaptation du système et des horaires scolaires aux identités et pratiques culturelles des communautés autochtones».109 Elle a aussi constaté au Botswana que les langues d’enseignement étaient le setswana et l’anglais, que le fait d’amener les apprenants loin de leur famille à des fins éducatives avait également un impact négatif sur eux, et que le gouvernement ne disposait pas d’une politique éducative spécifique à l’égard des Basarwa.110 Dans le même ordre d’idées, un rapport du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) note que l’un des principaux facteurs d’exclusion des enfants autochtones de l’école ou d’entrave à leurs progrès scolaires est que les programmes et les méthodes d’enseignement sont souvent culturellement inappropriés, ou que la langue d’enseignement est inconnue de l’enfant autochtone.111
Il est important de noter que le droit à la santé et le droit à l’éducation en tant que droits socio-économiques, et donc programmatiques, leur réalisation est progressive et dépend de la disponibilité des ressources de l’Etat et de l’aide internationale et régionale.112 En tout état de cause, les pays africains en général et la RDC en particulier sont confrontés au problème de la pauvreté qui les rend incapables de fournir les équipements, l’infrastructure et les ressources nécessaires qui facilitent la pleine jouissance des droits à la santé113 et à l’éducation. Déjà dans son rapport de 2005, le Groupe de travail d’experts sur les populations autochtones et les minorités dresse un bilan sombre de la situation des droits des populations autochtones: stéréotypes et de diverses formes de discrimination, entraînant une marginalisation des services sociaux essentiels, y compris l’éducation et la santé.114 Les populations autochtones portent une charge disproportionnée de maladies, de mortalité, d’alphabétisation et de pauvreté. Ces inégalités sont aggravées par des processus historiques et des pratiques d’exclusion sociopolitique,115 le manque d’éducation, la marginalisation sociale, la discrimination, la dislocation culturelle, la dépossession des terres, etc.
Cela dit, la réalisation du droit à la santé et à l’éducation des populations autochtones exigent la mise en place des plans d’action nationaux raisonnables et soumises à des délais spécifiques,116 accordant la priorité à ces groupes de telle sorte que l’accès aux équipements, biens et services de santé et d’éducation, soit assuré sans discrimination et que les indicateurs de santé et d’éducation soient désagrégés.117 La mise en œuvre des telles mesures nécessite donc un financement adéquat.118 La Commission africaine recommande aux États de diversifier leurs mécanismes de mobilisation des ressources nécessaires à la mise en œuvre de ces droits. Ces mécanismes incluent, entre autres, l’adoption d’innovations fiscales fondées sur un système efficient et équitable, de sorte que la jouissance des droits socio-économique soient prioritaires dans la distribution des ressources.119
Cependant, bien que le droit à la santé et à l’éducation en général et pour les populations autochtones en particulier, soient programma-tiques, leur réalisation impose des obligations immédiates à l’Etat, tels que la garantie d’un contenu minimum essentiel.120 Cette obligation existe quelle que soit la disponibilité des ressources et elle n’est pas dérogeable.121 Ce contenu minimum oblige l’État à prendre des mesures immédiates pour assurer un accès sans discrimination aux de services de base en matière de santé et d’éducation. Dans le cas des populations autochtones du parc Kahuzi-Biega, cette obligation implique la mise en œuvre de politiques spécifiques et adaptées qui tiennent compte des vulnérabilités historiques et structurelles de ces groupes. L’argument selon lequel les ressources limitées justifieraient l’inaction de l’État est juridiquement inadéquat, car les États doivent démontrer qu’ils utilisent au maximum leurs ressources disponibles pour prioriser les besoins socio-économiques de ses populations, y compris les populations autochtones.122 Ne pas accorder une priorité explicite à ces populations dans l’allocation des ressources et dans l’élaboration des politiques publiques aggrave les inégalités historiques, renforce leur marginalisation et viole les obligations internationales de l’État. Par conséquent, une approche intégrant ces spécificités est non seulement nécessaire mais juridiquement impérative pour garantir une pleine jouissance de ces droits.
5 CONCLUSION
La réalisation du droit à la santé peut nécessiter l’adoption de mesures supplémentaires pour certaines catégories d’individus ou de groupes, comme les populations autochtones. La décision de la Commission africaine dans la présente communication s’inscrit dans cette logique et place ladite Commission comme un avant-gardiste des droits des populations autochtones interprétés dans leur unicité et leur interdépendance, tout en garantissant leur intégration dans le cadre plus large des droits humains. Elle révèle le recours par la Commission africaine, au discours sur les droits de l’homme comme un impératif juridique et moral, pour améliorer la jouissance des droits à la santé et à l’éducation des populations autochtones en général et de Batwa de la RDC.
La décision commentée explique comment la réalisation des droits à la santé et à l’éducation nécessite des mesures supplémentaires à l’égard des groupes vulnérables et en l’espèce les populations autochtones Batwa de la RDC. Ces mesures spécifiques sont essentielles pour leur garantir la jouissance de leurs droits en toute égalité avec d’autres groupes (égalité matérielle/substantielle). La pleine égalité reconnaît les différences de situation de départ qui peuvent nécessiter un traitement différencié pour parvenir à une égalité réelle et effective. Dans la mesure où la réalisation de l’égalité réelle peut nécessiter un traitement différencié ou des droits spéciaux, ceux-ci ne sont pas censés être des privilèges, en ce sens qu’ils ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour obtenir une véritable égalité de traitement.123 Dans le même temps, la position vulnérable des personnes appartenant à des minorités nécessite également une attention accrue pour l’égalité d’accès à l’emploi, aux services publics et à la participation effective à la vie économique, sociale et culturelle ainsi qu’aux affaires publiques.124 Ainsi, la réalisation des droits à la santé et à l’éducation des populations autochtones exige les plans d’action nationaux sanitaires et éducatifs qui accordent la priorité à ces groupes afin de respecter les différences culturelles et la diversité ethnique.
Finalement, aussi longtemps que les gouvernements n’auront pas garanti des programmes de santé et d’éducation qui reflètent et promeuvent le mieux leurs valeurs et leur culture, les droits des populations autochtones en général restent fragiles et volatiles. L’utilisation des systèmes de santé et d’éducation pour contraindre les populations autochtones à s’adapter à une culture majoritaire qui ne reconnaît pas leurs droits et qui cherche à détruire leur capacité à maintenir et à transmettre aux générations futures leur langue et leur culture, les voue à la disparition. Si les préoccupations spécifiques des populations autochtones ne sont pas mises en évidence, la vulnérabilité et la marginalisation particulières qui découlent de leur statut de groupes extrêmement marginalisés seront noyées dans les préoccupations générales relatives à la situation des droits de l’homme.
1. Le réseau des aires protégées en RDC couvre environ 13% du territoire national. Il se compose de sept parcs nationaux, de réserves naturelles, de réserves de gibier et d’autres types d’aires protégées (voir WWF, Faune sauvage et aires protégées https://www.wwfdrc.org/nos_themes/vie_sauvage_et_aires_protegees/ (consulté le 17 septembre 2024). Voir aussi Mouvement Mondial pour les forêts tropicales, Les Batwa et le Parc National de Kahuzi-Biega en RDC: La nouvelle loi sur les Peuples Autochtones aidera-t-elle les Batwa à récupérer leurs terres?, 25 Octobre 2023, https://www.wrm.org.uy/fr/articles-du-bulletin/les-batwa-et-le-parc-national-de-kahuzi-biega-en-rdc-la-nouvelle-loi-sur-les-peuples-autoch tones-aidera-t-elle-les-batwa-a-recuperer-leurs-terres (consulté le 10 septembre 2023).
2. JP Mushagalusa, S Smis & W Busane ‘Le statut juridique et mesure de sécurisation des terres octroyées aux populations autochtones pygmées expulsées du parc national de Kahuzi biega’ (2022) Conjonctures de l’Afrique Centrale 182. Voir aussi PL Mirindi ‘Le droit saisi d’en-bas: les frémissements des droits des Pygmées sur leurs forêts ancestrales en République démocratique du Congo’ (2020) 4 Annuaire africain des droits de l’homme 122-143 ; C Shalukoma ‘La participation des populations Pygmées à la conservation dans le parc national de Kahuzi-Biega (République démocratique du Congo)’ in A Fournier et autres (dirs) Quelles aires protégées pour l’Afrique de l’Ouest? Conservation de la biodiversité et développement (2007) 438 ; E Mudinga, S Ngendakumana & A Ansoms ‘Analyse critique du processus de cogestion du Parc National de Kahuzi-Biega en République Démocratique du Congo’ in P Sanginga et al (dir) Vers une bonne gouvernance des ressources naturelles dans les sociétés post-conflits: concepts, expériences et leçons de la région des Grands Lacs en Afrique (2013) 294-318.
3. Si l’ancien cadre juridique, porté essentiellement par l’ordonnance-loi No. 69-041 du 22 août 1969 relative à la conservation de la nature, était dépourvu des dispositions pénales, la loi n° 14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature revendique ouvertement dans son exposé des motifs la prévision des mesures comme le leitmotif de sa mise en place et le présente comme une innovation majeure en vue d’assurer une protection efficace des espèces, des écosystèmes et des habitats naturels.
4. Lorsque ces groupes ont commencé à réclamer reconnaissance et réparation, ils l’ont fait au nom de la revendication moralement impérieuse d’être les ‘premiers’ peuples ou les habitants originels (ou de posséder le statut d’‘aborigène’) (voir F Viljoen ‘Reflections on legal protection of indigenous people’s rights in Africa’ in S Dersso (ed) Perspectives on the rights of minorities and indigenous peoples in Africa (2010) 75).
5. Exposé des motifs de la Loi No 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées.
6. L’attachement particulier des populations autochtones à la terre est une caractéristique couramment citée et il a été dit qu’il s’agissait désormais d’un ‘principe largement accepté de la préoccupation internationale contemporaine à l’égard des populations autochtones’ (GM Wachira ‘Indigenous peoples’ rights to land and natural resources’ in S Dersso (ed) Perspectives on the rights of minorities and indigenous peoples in Africa (2010) ; SJ Anaya ‘International human rights and indigenous peoples: the move towards the multicultural state’ (2004) 21 Arizona Journal of International and Comparative Law 13-15).
7. Exposé des motifs de la Loi No 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées.
8 Voir Tribunal militaire de garnison de Bukavu, Ministère public et Parties civiles Munganga Nakulire et Mawazo Muna c. Prévenu Bahati Pilipili Nelly RP1213/ 017 (jugement du 24 juillet 2018) (Affaire RP1213/017) ; Tribunal de grande instance d’Uvira siège secondaire de Kavumu, JPKM et consorts c. La RDC représentée par le Gouverneur de province du Sud-Kivu et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) RC4058 (jugement du 28 février 2011)
8. (Affaire RC4058) ; Cour d’appel de Bukavu JPKM et consorts c. La RDC représentée par le Gouverneur de province du Sud-Kivu et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) RCA4570 (arrêt du 11 décembre 2012) (Affaire RCA4570) ; Tribunal de Paix de Goma, Ministère public et PC Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) c. BIGORORANDE Roland, RP 2873, 28 décembre 2023 ; Tribunal de Paix de Goma, Ministère publique et PC ICCN c. NEZEHOSE KAMARANDE et Csrt, RP 2905, 14 février 2024 ; Tribunal de Paix de Goma, RP 2783, 20 Mai 2024, R. MANGO LUKAMBA c/MAOMBI MWAKA et Csrt., etc.
9. Communication 588/15 Minority Rights Group International et Environnement Ressources Naturelles et Développement (au nom des Batwa du Parc national de Kahuzi-Biega, RDC) contre République démocratique du Congo ACHPR (2022), para 3 (Batwa).
10. Batwa (n 9) para 9. Même si la Charte africaine n’inclut pas expressément les populations autochtones dans son champ d’application, il n’y a aucune raison pour que les membres de ces groupes ne bénéficient pas des garanties de la Charte, que ce soit en tant qu’individus ou, plus important encore, en tant que membres d’une collectivité (Viljoen (n 4) 85).
11. A titre d’exemple, selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le droit à la santé sexuelle et reproductive, qui est un aspect du droit à la santé, est lié au droit à l’éducation (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 22 (2016) sur le droit à la santé sexuelle et reproductive (art 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, para 9).
12. Voir Communication 323/06, Egyptian Initiative for Personal Rights & INTERIGHTS v Egypt ACHPR (2021), par exemple, la Commission africaine a déclaré que le droit à la santé est une condition préalable à tous les autres droits de l’homme reconnus par la Charte africaine (para 261). Quant au droit à l’éducation, la Commission africaine en souligne l’importance dans la promotion des droits de l’homme et de la démocratie et la protection de l’environnement ainsi que dans la croissance, le développement et le bien-être des êtres humains, en particulier des enfants et des jeunes» (Principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ACHPR para 69)
13. Selon la Commission africaine, le droit à la santé ne se limite pas à un ‘droit aux soins de santé, mais englobe tous les aspects sous-jacents de la santé’ (Résolution sur l’accès à la santé et aux médicaments nécessaires en Afrique, ACHPR/Res.141, 2008.) et comprend ‘l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires adéquates, un approvisionnement suffisant en aliments sains, la nutrition et le logement, des conditions de travail et environnementales saines’ (Principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ACHPR, para 63.) Quant au droit à l’éducation, dans les lignes directrices de soumission des rapports périodiques, la Commission africaine établit un lien entre le droit à l’éducation et avec la dignité de l’individu ainsi qu’avec l’impact sur la société dans son ensemble. Elle estime dès lors que les mesures prises pour favoriser le plein exercice du droit de toute personne à l’éducation, doivent viser à atteindre les objectifs suivants : (a) le plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité ; (b) le renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; (c) le développement de l’enseignement des droits de l’homme ; (d) la participation effective de tous à une société libre ; (e) la promotion de la compréhension, de la tolérance et de l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux. (Lignes directrices relatives aux rapports parallèles à la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ACHPR (2016), para 46).
19. Tribunal de grande instance d’Uvira, JPKM et consorts c. La RDC représentée par le Gouverneur de province du Sud-Kivu et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) RC4058 (jugement du 28 février 2011) (Affaire RC4058), 13 ; Cour d’appel de Bukavu, JPKM et consorts c. La RDC représentée par le Gouverneur de province du Sud-Kivu et l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) RCA4570 (arrêt du 11 décembre 2012) (Affaire RCA4570) 3,5.
27. Batwa (n 9) para 233(ii), voir le Corrigendum ‘In paragraph 219(i) where it reads “Convention No. C07’, it should read ‘Convention No. C169’; where it read ‘1957’, it should read “1989”. Therefore, the paragraph should read as follows: Ratify the International Labour Organisation Convention No. C169 concerning Indigenous and Tribal Peoples, 1989’.
28. Voir Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (art 12(1)) ; Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (art 5(e)(iv)) ; Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (arts 11(1)(f) et 12) ; Convention relative aux droits de l’enfant (art 24), etc.
29. Voir Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Article 16) ; Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (Article 14) ; Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (art 14) ; etc.
31. Art 16 de la loi No 18/035 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l’organisation de la Santé publique.
32. Art 18 de la loi No 18/035 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l’organisation de la Santé publique.
33. Art 25 de la loi No 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées.
34. Art 26 loi No 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées.
37. Communication 155/96, Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) v Nigeria, ACHPR (2001) para 63.
38. Résolution sur le droit à un logement décent et la protection contre les expulsions forcées, ACHPR/Res.231 (2012).
41. Voir Préambule de la Constitution de l’OMS, https://www.who.int/fr/about/frequently-asked-questions, consulté le 8 septembre 2022.
43. Batwa (n 9) para 163. Voir aussi Communication 323/06, Egyptian Initiative for Personal Rights & INTERIGHTS v Egypt, ACHPR(2011), para 263.
44. Résolution sur l’accès à la santé et aux médicaments essentiels en Afrique - CADHP/Res.141(XXXXIV) (2008), point 1.
48. Batwa (n 9) para 165 (M. M., une des Batwa expulsés du parc de Kahuzi- Biega qui déclare : ‘je regarde impatiemment comment nos petits fils meurent souvent des maladies qui auraient pu trouver du remède dans le PNKB à travers nos plantes médicinales’).
49. Voir arts 71 à 84 de la loi 11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement en RDC. Voir aussi loi n°14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature, Titre IV.
51. Batwa (n 9) para 166 (le témoin K. M. par exemple déclare : ‘je vis difficilement avec ma famille alors que nos terres et ressources du PNKB nous procurait tout ... [...] Ma santé n’est pas assurée et l’accès aux soins de santé est payant, nous les pauvres sans terres mourrons sans avoir eu les soins et privées d’accès aux plantes médicinales qui sont généralement dans le parc.... [...]’.
60. Art 22 Loi no 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées
61. Art 23(1) Loi no 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées
62. Art 23(3) Loi no 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones pygmées.
64. Voir Observation générale 13 du Comité des Droits Économiques, Sociaux et Culturels des Nations unies sur l’Application de l’article 13 du Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels, para 1.
67. KN Bojosi ‘The African Commission Working Group of Experts on the Rights of Indigenous Communities/Populations: some reflections on its work so far’ in S Dersso (ed) Perspectives on the rights of minorities and indigenous peoples in Africa (2010) 95. Voir aussi J Gilbert ‘Indigenous peoples’ human rights in Africa: the pragmatic revolution of the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ (2011) 60(1) International and Comparative Law Quarterly 245-270
68. F Ouguergouz La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Une approche juridique des droits de l’homme entre tradition et modernité (1993) 115.
71. Batwa (n 9) 174 : OM, un des Batwa expulsé déclare : ‘la Forêt était notre espace d’éducation et d’initiation des jeunes à l’adulte’. NBI, une autre victime de cette expulsion réitère que ‘cette privation d’accès à la terre et aux ressources naturelles les rend plus vulnérables en ce qu’ils accèdent difficilement aux services sociaux de base tels l’éducation’ ; NBI, une autre victime de cette expulsion réitère que ‘cette privation d’accès à la terre et aux ressources naturelles les rend plus vulnérables en ce qu’ils accèdent difficilement aux services sociaux de base tels l’éducation’.
75. Lignes directrices relatives aux rapports parallèles à la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ACHPR (2016), para 47.
76. Kenya: Mission Working Group Indigenous Populations/Communities, 2010, ACHPR (2011) 21. Traduction de l’auteur.
79. Rapport de la visite de recherche et d’information du groupe de travail de la Commission africaine sur les populations/communautés autochtones en République du Congo du 5 au 19 septembre 2005, CADHP (2007), para 3-5.
80. Art 24 de la loi No 22/030 du 15 juillet 2022 portant protection et promotion des droits des peuples autochtones Pygmées.
83. OMS Aspects économiques des déterminants sociaux de la santé et des inégalités en santé (2014) ; M Marmot & RG Wilkinson RG (eds) Social determinants of health (1999).
86. Résolution sur l’accès à la santé et aux médicaments nécessaires en Afrique, ACHPR/Res.141, 2008.
88. Voir E Durojaye ‘Article 14: Health and reproductive rights’ in A Rudman, C Musembi & T Makunya (eds) The Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the Rights of Women in Africa: a commentary (2023) 317-318.
89. Voir Communication 279/03-296/05, Sudan Human Rights Organisation & Centre on Housing Rights and Evictions (COHRE) v Sudan, ACHPR(2009), para 209.
90. Report of the Country Visit of the Working Group on Indigenous Populations/Communities to the Republic of Congo, 15-24 March, ACHPR(2010) 10.
94. Art XVII (1-2) de la Convention africaine révisée sur la conservation de la nature et des ressources naturelles.
95. Art XVII (3) de la Convention africaine révisée sur la conservation de la nature et des ressources naturelles
98. ILO, Ratifications pour République démocratique du Congo, https://normlex. ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=1000:11200:0::NO:11200:P11200_COUNTRY_ID:1 02981 (consulté le 4 septembre 2024).
99. Voir Communication 588/15 Minority Rights Group International et Environnement Ressources Naturelles et Développement (au nom des Batwa du Parc national de Kahuzi-Biega, RDC) c. République démocratique du Congo ACHPR (2022), Corrigendum, (In paragraph 219(i) where it reads ‘Convention No. C07’, it should read ‘Convention No. C169’ ; where it reads ‘1957’, it should read ‘1989’. Therefore, the paragraph should read as follows: Ratify the International Labour Organisation Convention No. C169 concerning Indigenous and Tribal Peoples, 1989, https://minorityrights.org/app/uploads/2024/07/eng-corrigendum-communication-588-15.pdf (consulté le 29 octobre 2024).
102. Voir Observation générale n° 5 du Comité africain de l’enfance sur les obligations des États parties en vertu de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, para 20.
104. La Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (DGPA) et autres ‘SOS pour le peuple oublié : Etat des lieux de la situation des violations des droits des peuples autochtones Pygmées en RDC’ Rapport des Organisations Non Gouvernementales de promotion et de défense des droits des peuples Autochtones Pygmées en RDC Examen Périodique Universel de la République Démocratique du Congo 3ème Cycle (2019) cité par Mirindi (n 2) 124.
108. Communication 276/03, Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group (on behalf of Endorois Welfare Council) v Kenya, ACHPR (2009), paras 249, 286.
109. Rapport de la visite de recherche et d’information du groupe de travail de la Commission africaine sur les populations/communautés autochtones en République du Congo, du 5 au 19 septembre 2005, ACHPR (2007).
110. Report of the African Commission’s Working Group on Indigenous Populations/Communities, Mission to the Republic of Botswana 15-23 June 2005, 2008, para 14.
113. Communication 241/01, Purohit and Moore v Gambia (The) ACHPR (2003), para 84 ; Communication 323/06, Egyptian Initiative for Personal Rights & INTERIGHTS v Egypt, ACHPR (2011), para 264.
114. Rapport 2005 du Groupe de travail d’experts sur les peuples autochtones et les minorités en Afrique.