Sanae Bouyayachen
Doctorante en droit à l'Université Mohammed V de Rabat (Maroc)
https://orcid.org/0009-0006-6961-6075
Edition: AHRY Volume 8
Pages: 123-181
Citation: S Bouyayachen ‘La spécificité africaine du droit international des investissements: allégorie d’un paradigme régional de promotion des droits humains?’ (2024) 8 Annuaire africain des droits de l’homme 123-181
http://doi.org/10.29053/2523-1367/2024/v8a5
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RÉSUMÉ
Cet article explore le régime du droit international des investissements en Afrique et fournit une analyse des pratiques actuelles en matière de traités en Afrique. Il développe une approche de droits humains intégrée à la réforme du droit international des investissements en Afrique. L’analyse propose une réflexion sur la manière dont le concept des droits de l’homme a pénétré le discours et la pratique conventionnelle du droit international des investissements en Afrique - depuis les premières formulations d’un «droit de réglementer» dans les textes sous-régionaux, jusqu’à l’incorporation rhétorique d’obligations et de responsabilités sociales pour les investisseurs dans le discours dominant à l’échelle continentale, aboutissant à l’articulation d’une approche de droits humains intégrée au droit international des investissements fondée sur les spécificités et pratiques panafricaines. L’article procède à une analyse des divers textes nationaux, sous-régionaux et continentaux assurant une cristallisation des droits humains dans le cadre du droit international des investissements africains. Il conclut avec quelques propositions sur le rôle important que pourrait jouer une focalisation sur la doctrine morale et les systèmes de valeurs d’origine africaine relatifs aux droits humains dans l’interprétation du droit international des investissements en Afrique.
TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH
The African specificity of international investment law: allegory of a regional paradigm for the promotion of human rights?
ABSTRACT: This article critically examines the international investment law framework in Africa, offering a comprehensive analysis of contemporary treaty practices across the continent. It advances an integrated human rights approach to the reform of international investment law in Africa. The discussion highlights the progressive incorporation of human rights into the discourse and treaty practices of international investment law in Africa - beginning with early sub-regional treaty provisions recognising a ‘right to regulate’, progressing to the rhetorical integration of social obligations and investor responsibilities at the continental level, and culminating in the articulation of a distinctly pan-African, human rights-centered approach to investment law reform. The article undertakes a detailed examination of national, sub-regional, and continental instruments, illustrating how human rights considerations have been systematically embedded within the African international investment law framework. It concludes by arguing that African moral doctrines and value systems related to human rights hold significant potential for influencing the interpretation and application of international investment law in Africa, thereby reinforcing a context-sensitive and rights-respecting legal order.
MOTS-CLÉS: droits humains ; droit international des investissements ; droit de réglementer ; responsabilité sociale des entreprises ; panafricanisme
2 Protection du droit de réglementer en faveur des droits humains en Afrique
2.1 Une «humanisation» du renouvellement normatif du DII africain
2.2 Un «équilibrage» entre droits économiques et DH dans le cadre du règlement des différends d’investissements en Afrique
3 Responsabilisation des investisseurs et protection des droits humains en Afrique
3.1 L’appréhension de la Responsabilité Sociale des Entreprises par l’approche DH africaine du DII
3.2 La consolidation de la Responsabilité Sociale des Entreprises par l’approche DH africaine du DII
4 Mise en œuvre d’un paradigme panafricain de l’ «humanisation» du droit international des investissements
4.1 La conceptualisation d’une «humanisation» panafricaine du DII
4.2 La réalisation d’une «humanisation» panafricaine du DII
1 INTRODUCTION
Le domaine du droit international des investissements (DII), originairement lié à la protection diplomatique, est traditionnellement centré sur la préservation des intérêts des investisseurs étrangers lors de leurs placements dans les pays hôtes.1 Actuellement, l’accent est désormais placé non seulement sur la protection de l’investisseur et de son investissement, mais également sur la protection contre les actions des investisseurs. Cet article porte une attention particulière sur la conduite des investisseurs en matière de respect des droits de l’homme, afin d’assurer la prévention des atteintes aux droits de l’homme causées par les entreprises dans le cadre des investissements étrangers. Ce changement peut être attribué à divers facteurs concomitants. Parmi ceux-ci, l’un des plus significatifs est l’évolution des normes relatives aux entreprises et aux droits de l’homme qui ont gagné en importance juridique ces dernières années, principalement grâce aux Principes directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’homme de 2011.2 Bien que ces principes ne soient pas contraignants, ils ont largement influencé la pratique des Etats et ont été largement adoptés par ceux-ci, le monde des affaires et les organismes de normalisation aux niveaux national et international. Par conséquent, l’accent est désormais mis sur la clarification des responsabilités dans le cadre des opérations liées à l’investissement étranger et sur la responsabilisation des sociétés multinationales en cas de violations des droits de l’homme.3
En effet, au niveau international plusieurs normes sont pertinentes pour commencer à assurer la protection des droits humains (DH) dans la mise en œuvre d’un projet d’investissement en engageant les États à œuvrer pour garantir ces normes et les entreprises internationales à collaborer pour les respecter. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966 énonce les responsabilités des États en matière de protection du droit au travail, des conditions de travail équitables et favorables, incluant des conditions de travail sûres et saines, ainsi que le droit à la propriété, à la formation de syndicats, à la sécurité sociale, à l’éducation, à un niveau de vie décent, à la meilleure santé physique et mentale possible, et au bénéfice des avancées scientifiques.
Le PIDESC préconise aux États d’assurer l’égalité des chances pour tous les individus, hommes et femmes, dans l’exercice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, en intégrant une approche de genre pour traiter les impacts des activités commerciales sur les femmes et les filles.4 L’article 3 de la Convention de 1979 sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes interdit toute forme de discrimination envers les femmes et les obstacles à leur participation égale avec les hommes dans la vie politique, sociale, économique et culturelle de leur pays.5
Au niveau continental, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples affirme le droit de chaque individu à la dignité et invite les États à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits humains de leur population.6
Plus précisément, en mars 2023, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a adopté la résolution n° 550 axée sur les entreprises et les droits de l’homme, appelant les États membres à mettre en place un cadre politique de l’Union Africaine (UA) sur les entreprises et les droits de l’homme pour garantir la protection, notamment des droits à la santé par les entreprises.7
La CADHP a également adopté en 2023 une résolution sur une approche basée sur les droits de l’homme pour la mise en œuvre et le suivi de l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), mettant l’accent sur l’intégration des droits de l’homme dans les négociations et la mise en œuvre de cet accord, ainsi que sur la reconnaissance et la protection des groupes vulnérables et des acteurs des micro, petites et moyennes entreprises, et sur l’évaluation des implications sur les droits de l’homme pour identifier et combler les lacunes dans le respect des normes de la Charte africaine.8
De plus, les États ont l’obligation de protéger la santé dans les activités économiques, comme stipulé dans le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique, ainsi que dans les Objectifs de développement durable (ODD), notamment l’ODD 3 sur la santé et le bien-être, l’ODD 5 sur l’égalité des sexes, l’ODD 8 sur l’emploi décent et l’ODD 10 sur la réduction des inégalités intra et interétatiques.
L’État est tenu d’appliquer les traités et conventions internationales relatives aux DH et veiller à ce que les droits des citoyens soient mis en œuvre dans les lois nationales protégées et respectées.
Sur cette même lancée, l’Union africaine a mis en place diverses initiatives afin de favoriser la souveraineté des États dans la réglementation des investissements étrangers, notamment dans certains secteurs clés tels que l’éducation et la santé,9 afin de permettre à l’Etat d’accueil de l’investissement étranger d’avoir une marge de manœuvre plus élevée pour assurer le respect des DH. En dehors de ces initiatives, il urge de considérer la marge traditionnelle reconnue aux Etats dans la mise en œuvre des traités d’investissement et commerciaux en ce qui concerne les exceptions générales et les exceptions en matière de sécurité, calquées sur les articles XX et XXI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.
Ainsi, à titre d’exemple le Traité de la CAE met en avant la promotion des intérêts communs des peuples ainsi que le rôle des femmes dans le développement culturel, social, politique, économique et technologique, tout comme le traité du COMESA qui prévoit également des mesures de sécurité et des restrictions commerciales en cas d’impact sur la santé ou la vie des êtres vivants, obligeant les États à collaborer en matière de santé et d’environnement. En sus, ces traités engagent les États membres à respecter les principes de démocratie, d’état de droit, de responsabilité, de transparence, de justice sociale, d’égalité des chances, de parité hommes-femmes, ainsi que la promotion et la protection des droits tels que définis dans la CADHP. Les traités régionaux impliquent des bases solides pour la mise en œuvre des droits de l’homme dans le cadre du projet d’intégration régionale sur le continent.
En effet, théoriquement, en incitant les États membres à prendre en compte ces normes dans leurs pratiques législatives et conventionnelles, l’investisseur étranger sera ainsi tenu de respecter à la fois les lois poursuivant un objectif social et environnemental de son pays d’accueil et de son pays d’origine.
Ainsi un État mettant en place une loi contraignant ses investisseurs nationaux à se conformer à des normes sociales précises pour encadrer certaines activités économiques, les obligera à appliquer les mêmes règles une fois leurs investissements implémentés hors du territoire national. Cependant, dans la pratique, il reste difficile de tenir les entreprises responsables des violations des droits de l’homme, en particulier dans le cas des investisseurs étrangers dont les filiales opèrent principalement ailleurs que dans l’État hôte, ou dans divers pays à la fois.
Ceci, combiné à des capacités souvent limitées des tribunaux nationaux où les infractions ont lieu, entraîne une disparité de traitement selon le degré de consolidation de l’état de droit du pays. Malgré les efforts pour réglementer les opérations des sociétés mères et filiales à l’étranger, il s’agit d’un domaine du droit en évolution avec des lois nationales différentes les unes des autres.
En outre, la légitimité des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), ainsi que la volonté des États de réformer le système, ont également diminué.10 En réponse, les accords internationaux d’investissement (AII) conclus récemment ont tendance à inverser le paradigme en prévoyant un espace pour l’État hôte de règlementer pour l’intérêt général et la protection des droits de l’homme ainsi que des devoirs pesant désormais sur les investisseurs dans la mise en œuvre de leurs investissements vis-à-vis de l’État et des populations.
Certains accords d’investissement, en dehors d’obligations d’investisseurs vis-à-vis de la population de manière générale, ajoutent des devoirs spécifiques vis-à-vis de certains groupes déterminés, notamment les communautés locales directement affectées ou concernées par l’investissement. La relation entre le droit international des investissements et les droits de l’homme suscite des débats controversés dans les milieux politiques et universitaires, notamment depuis le rapport de 2003 du Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme sur «Les droits de l’homme, le commerce et l’investissement».11
Dans ce rapport, il a été recommandé aux États de conserver une marge de manœuvre politique suffisante pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, ainsi que de clarifier les obligations des investisseurs dans ce domaine lors de la rédaction des accords d’investissement.12
Plusieurs travaux examinent des questions similaires et se demandent si les traités d’investissement et les pratiques arbitrales limitent les États dans la promotion des droits de l’homme.13
Le débat a surtout porté sur l’impact de l’interprétation et de l’application des termes des accords d’investissement sur la capacité des États à réglementer et à conserver leur marge de manœuvre politique, également appelée le «droit de réglementer».14
Une partie de la doctrine affirme que les accords internationaux d’investissement et l’utilisation de l’arbitrage limitent la capacité des États à poursuivre des politiques en faveur des droits de l’homme et que les accords d’investissement risquent donc d’entrer en conflit avec les droits de l’homme, puisque ces derniers nécessitent des mesures étatiques que les premiers pourraient contrarier.15
Cette déclaration a été contestée par une partie de la doctrine qui a déclaré que l’arbitrage en matière d’investissement ne crée pas de réels conflits entre la protection des droits de l’homme et les obligations des accords d’investissement, car les traités relatifs aux droits de l’homme ne nécessitent pas de mesures spécifiques qui seraient incompatibles avec les accords d’investissement.16 De plus, certains chercheurs ont souligné les similitudes entre les principes de protection des investissements et les droits de l’homme et ont soutenu qu’ils remplissent des fonctions similaires. Selon eux, les deux régimes juridiques se complètent mutuellement.17
En 2017, le débat s’est intensifié avec l’émergence de nouvelles approches en matière d’arbitrage et de traités d’investissement, ainsi que dans la réflexion et la rédaction de traités relatifs aux droits de l’homme, notamment l’africanisation du droit international des investissements.18 Ces changements portent principalement sur les obligations des investisseurs en matière de droits de l’homme, mises en évidence par plusieurs écrivains encourageant une refonte globale du système en intégrant les approches TWAIL (Third World Approaches to International Law/Approches tiers-mondistes du droit inter-national).19 Parmi toutes les jurisprudences des tribunaux d’investissements ayant eu un impact négatif,20 ou positif21 sur l’interprétation des valeurs non marchandes dans le cadre d’un investissement, deux affaires sud américaines Urbaser et Bear Creek,22 ont vu les actions d’un investisseur au cours de son investissement examinées en fonction des circonstances spécifiques de chaque affaire. Même si les tribunaux n’ont pas rendu de décision défavorable dans les deux cas concernant le comportement concret de l’investisseur, il était clairement établi que les actions des investisseurs étaient perçues comme problématiques et elles ne l’étaient pas au regard du lien entre l’investissement et l’atteinte aux droits de l’homme. La complexité de cette approche réside toutefois dans le fait qu’elle est basée sur la langue du traité en vigueur et sur la volonté ainsi que la capacité des arbitres à tenir compte des arguments liés aux droits de l’homme et à reconnaître que le tribunal d’arbitrage soit compétent pour traiter les plaintes concernant les violations des droits de l’homme des entreprises, entreprises. Dans le cas de Eco Oro, l’interprétation arbitrale a en effet donné raison à l’investisseur car la rédaction du texte applicable n’était pas spécifique au cas de figure présenté à eux.23 Le tribunal a estimé que Eco Oro avait en sa possession certains droits acquis susceptibles d’être soumis à une expropriation. En raison de l’étendue et des impacts incertains des activités minières sur les páramos, le tribunal a jugé que les actions de la Colombie étaient raisonnables et proportionnées.24 Néanmoins, la Colombie faisait valoir que l’article 2201 de l’Accord de libre-échange, qui comporte une exception générale pour les mesures visant la protection de la santé et de la vie des individus et des animaux, la préservation des végétaux ainsi que la conservation des ressources naturelles épuisables, biologiques ou non biologiques, devait être interprété de manière à exclure sa responsabilité envers une indemnisation. Cependant, la majorité des arbitres a rejeté cet argument, considérant que l’article 2201(3) était de nature «permissive», permettant à la Colombie de mettre en place ou d’appliquer des mesures pour la préservation de l’environnement, à condition que ces mesures ne soient ni arbitraires, ni discriminatoires sans justification, ni une restriction déguisée à l’investissement international. Selon les arbitres, si les parties avaient eu l’intention que cette disposition exclue l’obligation de verser une indemnisation, elles auraient formulé la disposition de manière similaire à celle utilisée dans l’annexe 811 sur les pouvoirs décisionnels.25 La majorité des arbitres ont donc estimé que globalement, c’était la stratégie colombienne de délimitation du páramo qui affectait Eco Oro sans offrir de justification légitime26 se déclarant ainsi compétents et condamnant la Colombie.
Cela souligne l’importance des réformes des traités d’investissement qui restent nécessaires pour assurer la cohérence et pour fournir aux tribunaux une base juridique claire pour l’élaboration d’une future jurisprudence sur les droits de l’homme et l’investissement. De telles réformes comprendraient des modifications des règles de fond ainsi que des paramètres procéduraux du mécanisme de règlement des différends, y compris la qualification des arbitres.
Bien que les différentes approches relatives aux DH dans le cadre du droit international des investissements aient été l’objet de nombreux débats publics et universitaires, les récents développements au niveau continental dans la pratique de l’arbitrage d’investissement, dans l’élaboration des traités, ainsi que dans le domaine des droits de l’homme suggèrent que cela pourrait évoluer et que la pertinence pratique de la relation entre les droits de l’homme et de l’investissement pourrait augmenter, notamment en Afrique.
L’adoption du Protocole sur l’investissement (PI) de la ZLECAf de 2023 est en effet la toute dernière étape visant à promouvoir la transformation structurelle du continent et à renforcer le rôle de l’investissement dans la protection des droits humains à travers des initiatives telles que la croissance verte et le développement durable, tout en progressant dans les réformes des politiques d’investissement, de la gouvernance et de la coopération déjà entamées au sein des communautés économiques régionales africaines. En intégrant les objectifs de réforme des traités d’investissement et les meilleures pratiques de l’UA, des communautés économiques régionales et de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), le PI réaffirme implicitement les principes du Cadre de politique d’investissement pour le développement durable de la CNUCED, en intégrant les «droits de l’homme relatifs à l’investissement» en tant que droits fondamentaux en matière de protection de l’environnement, de la santé et du travail dans le cadre de l’activité d’investissement.
Dans le but d’harmoniser les règles d’investissement, le PI définit sa corrélation avec d’autres protocoles et accords internationaux d’investissements (AII) conclu entre des nations africaines, en mettant particulièrement l’accent sur la résiliation des traités bilatéraux d’investissements (TBI) au sein de l’Afrique et sur l’alignement des instruments des communautés économiques régionales (CER) déjà en vigueur,27 cela permettra de créer un cadre favorable à l’implantation des DH dans le cadre de la ZLECAf.28
Cet article procédera à une analyse comparative et légistique de l’intégration des principes DH dans le cadre de la communautarisation au niveau sous-régional et continental africains. La légistique implique une analyse approfondie et une réflexion sur les processus de création et d’application du droit, en proposant des solutions concrètes, en préconisant des normes et en envisageant l’avenir. En outre, elle englobe non seulement la rédaction des textes juridiques, mais aussi tous les autres éléments intervenant dans l’élaboration du droit.29 La légistique examine le texte normatif en fonction de son objectif déclaré. Elle se compose de deux aspects complémentaires : la légistique substantielle et la légistique formelle. La première concerne le contenu de la matière à réglementer et la manière de concevoir l’action normative, tandis que la seconde se concentre sur la structuration de l’intervention normative.30
La particularité de la communautarisation du droit des investissements en Afrique réside principalement dans le remplacement de la législation des textes des communautés économiques et régionales africaines, ce qui permet de réduire les conflits de lois récurrents dans les relations juridiques. Cette tendance générale au développement du droit des investissements dans les organisations régionales s’inscrit dans un contexte marqué par le développement global du continent africain.
En effet, les 5 textes régionaux qui seront étudiés sont ceux de la SADC, CEDEAO, CAE et COMESA, ces 4 textes sous régionaux africains sont ceux qui intègrent et mettent en œuvre pleinement les droits de l’homme et devront servir d’exemple aux autres CER dans un but d’harmonisation.
Ensuite, cet article analysera les perspectives de la consolidation continentale en cours depuis la mise en place du PI, qui vise à harmoniser et uniformiser la régulation des investissements étrangers intra-africains selon une conception panafricaine.
À la lumière de cette interaction, cet article examine la façon dont les DH, notamment les normes relatives aux entreprises et aux droits de l’homme, ont été intégrées dans le cadre du droit international des investissements en Afrique lors de la communautarisation au niveau sous-régional de la régulation des investissements étrangers intra-africains.
Ainsi, l’émergence d’un nouveau paradigme africain en matière de protection des droits humains mis en exergue par l’implémentation des principes DH dans les textes communautaires sous régionaux africains se manifeste lors des interactions entre la protection des droits des citoyens africains et la régulation d’investissements étrangers.
Dans un premier temps, cet article offre une vue d’ensemble des moyens de garantir les DH en introduisant le droit de réglementer tout en maintenant un cadre protecteur de responsabilisation pour les investisseurs dans un dilemme stabilité-flexibilité31 et analyse la mise en place des mesures et des procédures spéciales relatives aux investissements étrangers et aux DH en Afrique. Il montre ensuite comment une africanisation32 du droit international des investisse-ments engendre un paradigme élargi de protection des droits humains pour tous les investissements étrangers, qu’ils soient intra ou extra-africains.
De plus, cet article analyse dans quelle mesure la responsabilité de l’État de protéger les droits de l’homme et la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme ont été intégrées dans les accords internationaux d’investissement récents.33 Enfin, il met en évidence la spécificité africaine du droit international des investisse-ments en tant que paradigme régional visant à promouvoir les droits humains dans le cadre de la régulation des investissements étrangers et les moyens de renforcer la réforme en cours. Pour étudier l’interaction entre les droits de l’homme et le droit international des investissements, il est essentiel de souligner le rôle des États africains dans le cadre d’une réglementation des investissements étrangers en faveur de la consolidation des principes de droits humains (2) menant à la responsabilisation des investisseurs étrangers (3) et aboutissant à l’émergence d’un paradigme panafricain de l’ «humanisation» du droit international des investissements (4).
2 PROTECTION DU DROIT DE RÉGLEMENTER EN FAVEUR DES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
Le droit international des investissements n’est plus un domaine purement économique s’exerçant en autarcie, il ne peut être pleinement respecter l’éthique sans une interférence et une inter-normativité avec d’autres droits internationaux ni sans référence aux principes du droit international général.
L’importance d’une compréhension des rouages du droit international des droits humains en arbitrage des investissements devient de plus en plus évidente ces dernières années.
Tout comme d’autres systèmes juridiques, le système d’investisse-ment international comporte des règles et des principes qui entrent en conflit ou se chevauchent avec d’autres domaines du droit, octroyant aux parties en litige la possibilité de caractériser les différends, conduisant ainsi à l’application de règles différentes pour une même situation.
Plus nous progressons dans l’analyse du droit international des investissements, plus nous rencontrons des obstacles. Il est indéniable que ce domaine du droit international est complexe et exigeant. Pour résoudre ces difficultés, il est impératif de rechercher la cohérence et la certitude juridique à travers l’interprétation harmonieuse rendue plus facile grâce au caractère discrétionnaire des normes conventionnelles communes aux États africains en matière de DH et d’investissement, et le résultat final devrait aboutir à une hiérarchisation, afin d’aboutir au grand projet phare de l’Agenda Africain 2063. En effet, même une interprétation harmonieuse nécessite que chaque disposition soit interprétée à la lumière des autres et donc subordonnée à celles-ci.34
2.1 Une «humanisation» du renouvellement normatif du DII africain
En effet, tous les États membres de l’Organisation des Nations Unies, ont approuvé au moins un des neuf principaux traités concernant les droits de l’Homme et au moins un des neuf protocoles facultatifs.35 Cela implique que les États ont une obligation et une responsabilité de respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de l’Homme en vertu du droit international.
L’obligation de respecter et de protéger impose aux États de garantir une protection des individus ou groupes d’individus contre les violations des droits de l’homme. En ce qui concerne l’obligation de mettre en œuvre, les États doivent prendre des mesures positives pour faciliter l’exercice des droits de l’homme sur leur territoire. La protection effective des droits de l’homme repose en effet, principalement sur le droit national, il est donc crucial de garantir que les lois nationales offrent un niveau élevé de protection des droits de l’homme.
Tandis que certains États ont tenté de segmenter le droit international des investissements afin d’établir un ensemble uniforme de règles juridiques, espérant que le droit se perfectionnera au fil du temps par le biais de la jurisprudence en matière d’arbitrage des traités d’investissement. La tendance en Afrique converge vers une codification communautaire sous régionale des principes DH en tant que manifestation des relations juridiques entre le droit des investissements et d’autres systèmes juridiques.
Cette nouvelle codification permet une protection globale effective des droits de l’Homme, y compris le droit du travail et le droit de l’environnement, faisant passer le droit de réglementer d’un concept faible à une réalité contraignante dans les Accords.36 Le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), fut en 2007 le premier texte régional africain démontrant de la tendance communautaire d’une intégration des droits de l’homme dans les accords d’investissement.37
Par la suite, plusieurs textes sous régionaux relatifs à la régulation des investissements intra-régionaux en Afrique ont progressivement inclus des éléments d’une approche axée sur les DH en consolidant principalement le droit des États d’accueil à réglementer pour cause d’intérêt public.38
L’Acte additionnel sur les investissements de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est encore plus renforcé, exigeant des États membres de se doter de lois nationales pour la protection de l’environnement, du travail et des droits de l’homme, avec des lois du travail conformes à la déclaration de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) de 1998 sur les principes et droits fondamentaux du travail.39 Il dispose également que les États membres doivent mettre en œuvre des lois nationales sur les évaluations d’impact des conséquences sociales, sanitaires et environnementales des investissements étrangers et veiller à ce qu’ils respectent les normes minimales établies par la Communauté en la matière.40
De plus, le Code d’investissement de la CEDEAO, autorise les États également à négocier et à conclure des contrats de service public, qui peuvent être révisés ou renégociés conformément aux lois nationales et aux normes juridiques internationales.41
Bien que la formulation de ces dispositions puisse légèrement différer entre les instruments, et que les lois nationales varient d’un État à l’autre également, ces instruments peuvent obliger également les États parties à garantir que leurs «lois, politiques et actions» soient conformes aux traités relatifs aux droits de l’homme auxquels ils ont adhéré,42 dont notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Dans la pratique, une refonte complète des lois et politiques nationales peut néanmoins représenter une charge importante pour les États parties. Quant à l’évaluation de la conformité des lois et politiques, cela peut s’avérer problématique mais les examens réguliers des lois et politiques des États par les comités des traités des droits de l’homme entraînent généralement de nombreuses recommandations aux États sur la manière dont ils pourraient mieux aligner leurs lois et politiques sur leurs obligations conventionnelles afin de guider les États dont l’ensemble des lois et politiques n’est pas conforme à ses obligations conventionnelles en matière de droits de l’homme.
Ces instruments régionaux contenant des dispositions consolidant le droit des États de réglementer sont une manifestation de la présence des DH au sein de l’intégration économique africaine et qui est le point de départ de la construction d’un modèle panafricain économique établi sur des principes DH.
De surcroît, dans une perspective de stabilisation des acquis en matière de protection des DH, l’acte additionnel sur l’investissement de la CEDEAO et l’Annexe 1 Coopération sur l’investissement du Protocole de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) sur la finance et l’investissement conviennent qu’il est inapproprié de réduire les protections nationales en matière de travail, de santé publique et de sécurité pour promouvoir les investissements étrangers.43
Enfin, dans le but d’encourager les États à mieux négocier les futurs traités, des modèles d’accords visant à sensibiliser en vue d’une meilleure intégration des principes DH en matière de protection de l’environnement et du travail se retrouvent dans le modèle d’Accord sur les investissements de la SADC.44
Suivant ces dispositions, l’on considère que les investisseurs devraient être appelés à respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme, d’environnement et de travail adoptées par l’État hôte par le biais de leur participation à des accords internationaux.45
De même, le modèle de traité d’investissement de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) de 2016 dispose que le droit de réglementer de l’État hôte doit garantir que le développement économique de son territoire soit compatible avec les buts et principes du développement durable et les objectifs de politique sociale et économique.46 Les États d’accueil veillent donc à ne pas renoncer aux droits du travail notamment ceux relatifs au travail des enfants, ni les droits environnementaux ni assouplir la législation en vigueur pour encourager l’établissement, le maintien ou l’expansion d’un investissement sur leur territoire, territoire.
Le modèle encourage en outre les États à mettre en place des actions appropriées afin de corriger les inégalités économiques héritées de l’histoire et affectant des groupes ethniques ou culturels.47
D’autre part, au niveau continental, le préambule du PI de la ZLECAf vient reconnaître l’apport significatif que les investissements étrangers peuvent apporter à la réduction de la pauvreté et au développement humain, ainsi que l’importance de l’inclusivité en encourageant les investissements bénéficiant aux zones économiquement défavorisées, aux Petites et Moyennes Entreprises (PME), aux communautés locales, aux peuples autochtones, aux groupes marginalisés, notamment les femmes et la jeunesse. Ce préambule réaffirme également le droit inhérent des États parties de légiférer sur leur territoire et d’introduire des mesures pour réaliser leurs objectifs de politique publique nationale, promouvoir le développement durable et protéger des objectifs légitimes tels que la santé publique, la sécurité nationale, l’environnement, la préservation des ressources naturelles, les normes de travail, l’intégrité et la stabilité du système financier et la moralité publique.48
En outre, l’article 35 du PI incite les États à améliorer leurs lois et réglementations nationales dans le but de les aligner avec les normes internationales en matière de protection des DH afin que les évaluations d’impact environnemental et social des investisseurs étrangers s’y fondent au moment de leur établissement.
Le PI tend à harmoniser les textes sous régionaux des CER n’ayant pas encore mis en place des accords d’investissement, ou les relations juridiques entre deux États africains n’appartenant pas à la même CER en garantissant que l’impact positif de tous les futurs investissements intra-africains ne se fera pas au détriment du droit des pays africains à réglementer et à prendre des mesures légitimes pour protéger leurs objectifs de politique publique.
En premier lieu, le principe du droit inaliénable des peuples de disposer librement de leurs richesses et ressources naturelles est consacré par l’article 21(1) de la Charte Africaine, étant à la fois la prolongation et l’élément central du droit à l’autodétermination tel que stipulé par l’article 20. Les droits et privilèges qui en découlent appartiennent aux peuples. Conformément à la deuxième phrase de l’article 21(1) et (4), les États ont simplement délégué leur rôle en matière d’exercice de ce droit. Il est clairement indiqué dans l’article 21 que ce rôle dévolu aux États doit être assumé dans l’intérêt exclusif des populations. Enfin, la dernière disposition de l’article 21(5) énonce explicitement que les populations des États Parties à la Charte africaine ont le droit de «bénéficier pleinement des avantages tirés de leurs ressources nationales».
Le fondement de ce droit implique que les populations aient un accès sécurisé à l’utilisation et à l’exploitation de leurs richesses et ressources naturelles. Par conséquent, les «populations» et les individus ont le droit de subsister de la terre, de la végétation, des sources d’eau et des ressources aquatiques, d’y avoir accès, de les exploiter et de les utiliser, des ressources dont ils dépendent pour leur survie et leurs moyens de subsistance. Ce droit de vivre de la terre et des autres ressources, de les exploiter ou de les utiliser, qui constitue un élément du droit à la propriété garanti par l’article 14 de la Charte, n’est pas conditionné par son origine coutumière ou légale. Ce droit permet également aux populations et aux individus de bénéficier d’un soutien adéquat leur permettant d’accéder à ces ressources, de les exploiter et de les utiliser de manière durable, contribuant à améliorer leurs conditions de vie. Les protections et droits énoncés dans les para-graphes précédents représentent les garanties positives et éléments substantiels de l’article 21 de la Charte africaine. En outre, l’article 21 prévoit des garanties négatives, notamment en garantissant qu’aucun individu ne devrait être privé, pour quelque raison que ce soit, des protections, droits et avantages découlant du droit de disposer des richesses et des ressources nationales. De plus, l’article 21 protège les ressortissants d’un État ainsi que les communautés locales contre tout acte, condition ou accord compromettant ou entravant leur droit de disposer des richesses et ressources naturelles.
De la sorte, on peut conclure qu’il est fortement attendu des États d’accueil africains qu’ils exercent pleinement leur pouvoir de réglementer les investissements intra-africains, démontrant ainsi une consécration des obligations DH claires à l’endroit des investisseurs est un changement de paradigme qu’il importe de souligner au niveau africain.
2.2 Un «équilibrage» entre droits économiques et DH dans le cadre du règlement des différends d’investissements en Afrique
Toutes les dispositions citées précédemment visent à contraindre les investisseurs à gérer ou à exploiter leurs investissements de manière à ne pas entraver l’État hôte ou l’État d’origine dans l’accomplissement de ses obligations en vertu des instruments internationaux relatifs à l’environnement, au travail ou aux droits de l’homme auquel il est partie à des fins de bien être public.49 Malgré que la référence aux DH dans le cadre de l’arbitrage a pu surmonter certaines fois l’indétermination de certains traités à assurer l’équilibre entre les DH et les préoccupations liées aux investissements,50 l’essence de ces dispositions viserait à éviter une situation similaire à celle de l’affaire Urbaser c. Argentine,51 car même si l’approche progressiste des tribunaux d’investissement illustre le potentiel traitement des futurs différends relatifs au DH, le différend instigué par un investisseur en vue d’empêcher l’État de remplir ses obligations en matière de droits de l’homme envers ses citoyens a été porté devant le tribunal.
Le but de la réforme du droit international des investissements serait d’empêcher tout recours ayant pour motif le droit légitime de réglementer des États dans un but d’intérêt général.
Car dans l’affaire, Urbaser c. Argentine, l’Argentine a cherché à obtenir réparation de ces investisseurs en déposant une demande reconventionnelle basée sur des allégations d’abus des droits humains commis contre des citoyens argentins. Bien que le tribunal ait affirmé sa compétence sur la demande reconventionnelle et ait conclu que les États, les individus et autres parties privées avaient une obligation de s’abstenir de violer les droits humains, il n’a pas été en mesure de trouver une obligation positive au titre du droit international exigeant des investisseurs d’aligner leurs politiques avec le droit international des droits humains.52 À la lumière des évolutions récentes du droit international des droits humains, les tribunaux pourraient bientôt bénéficier d’une orientation accrue et d’une clarification des obligations des investisseurs en vertu du droit international.
De manière alternative, les dispositions africaines pourraient imposer aux investisseurs le respect des normes reproduites dans les instruments internationaux auxquels l’État hôte ou l’État d’origine est partie. En outre, ces obligations sont généralement accordées aux États, cependant, il existe des clauses passerelles entre l’accord ZLECAf et la Charte africaine et la jurisprudence de la Cour dont les arbitres ou juges doivent tenir compte.
En effet, le draft 0 du PI comprenait des dispositions pour la résolution des différends entre les investisseurs et les États53, malgré une critique croissante voire un rejet du recours au RDIE émanant de certains Etats,54 pour son atteinte potentielle au DH,55 en outre, le PI version finale consacre l’arbitrage interétatique.56
Selon l’Annexe 1 du draft 0 du PI, les investisseurs auraient la possibilité de formuler des réclamations en se basant sur diverses règles d’arbitrage (telles que le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) et son mécanisme additionnel, la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) ainsi que toute institution ou centre d’arbitrage africain), en attendant la finalisation de l’Annexe 1 du PI, en outre il existe actuellement une articulation entre ce mécanisme spécial et le protocole relatif aux règles et procédures de règlement des différends de la ZLECAf.57
Il est possible durant la phase de négociation du mécanisme de règlement des différends du PI d’avoir recours à ce mécanisme spécial également.
La finalisation du mécanisme de règlement des différends du PI demeure attendue, car en dépit des recommandations contenues dans le modèle de TBI de la SADC58 et dans le PAIC,59 les règlements concernant les demandes reconventionnelles ne sont pas encore devenus une pratique courante établie en Afrique.
Les traités d’investissement qui autorisent expressément les demandes reconventionnelles sont rares, se limitant seulement à quelques traités actuellement en vigueur,60 néanmoins l’accord d’investissement du COMESA 2007 dans son article 28(9) et le TBI Maroc - Cap Vert de 2023 dans son article 28 incluent une disposition relative à ces demandes reconventionnelles.
Dans ce contexte, l’inclusion d’une disposition relative aux demandes reconventionnelles dans l’annexe finalisée sur le règlement des différends comme initialement prévu dans les articles 9 et 10 de l’annexe 1 du Draft 0,61 représenterait une avancée significative pour le règlement des différends africain et serait un autre signe que le PI finalisé se classerait parmi les AII de nouvelle génération les plus avancés.
L’intégration systémique devient obligatoire afin d’offrir une réponse claire et harmonieuse dans le cadre des arbitrages africains après la mise en place du PI, ce qui rend la compréhension de ce qui serait attendue d’un investisseur dans la pratique plus limpide.
Ainsi, il serait toujours envisageable que l’invocation d’une telle disposition dans le cadre d’un arbitrage d’investissement s’opère à travers le renvoi à une norme DH admise par un Etat, ou par référence à une disposition dans le préambule d’un texte régional, ou des Accord ou Protocole internationaux auxquels l’État hôte adhère, et où il y aurait potentiellement un manquement.
Et c’est ainsi que le nouveau contexte africain de l’arbitrage d’investissement peut pallier d’éventuelles dérives d’interprétation car l’intégration d’une formulation contraignante directe du droit de réglementer dans le langage de rédaction des textes.
Cette formulation est pertinente dû au fait notamment que l’interprétation des arbitres, et donc des obligations qui découlent des accords, ne peut évoluer que favorablement à la protection des principes DH au fil du temps, contrairement à la pratique arbitrale internationale.62
Dans l’ensemble, l’accent est mis sur les principes DH et un cadre juridique est établi pour la responsabilité des entreprises en matière de protection des DH. Le fait que les textes régionaux fassent référence aux obligations conventionnelles de l’État hôte en matière de DH pourrait suggérer que ce traité serait applicable en vertu desdits textes. Cependant, tout différend devrait respecter les conditions juridictionnelles habituelles. Même si l’investissement relève d’un instrument juridique d’investissement régional africain et des règles d’arbitrages régionales qui lui sont applicables, il devrait démontrer qu’il s’agit d’un «différend juridique découlant directement d’un investissement».63
La tendance actuelle indique un intérêt croissant d’une volonté africaine de doter les États des mêmes droits que les investisseurs, ces dispositions reflètent l’affermissement du pouvoir de réglementation tant des États que des CER en matière d’investissement afin de remplir leur devoir de protéger les droits de l’homme dans le cadre des investissements étrangers en incorporant des dispositions qui placent les principes DH comme des responsabilités et/ou des attentes des États et des investisseurs.
L’obligation des États de protéger les droits de l’homme se manifeste généralement à travers la perte du pouvoir de toute-puissance d’antan des investissements, qui se traduit à travers deux aspects.
Premièrement par les dispositions explicites dans les textes régionaux relatifs au DH, via lesquelles les tribunaux d’investissements pourront toujours déterminer si un investisseur a respecté les lois locales protégeant les DH lorsque l’Accord d’investissement le prescrit.
Car la collaboration internationale représente un aspect du droit des peuples à exercer pleinement leur souveraineté sur leurs richesses et ressources naturelles. Il est essentiel que l’exercice de ce droit ne compromette pas les engagements découlant de la coopération internationale, en particulier ceux issus des accords portant sur les ressources transfrontalières. Il convient de souligner que la cession ou l’exploitation des ressources naturelles doit être menée dans une optique de développement durable et de respect de l’environnement. Les obligations découlant des accords commerciaux et d’investisse-ment international, ainsi que des accords bilatéraux d’investissement, ne doivent être reconnues que si elles sont basées sur les principes du respect mutuel, de l’équité et du droit international, conformément à l’article 21(3).
De même, les obligations issues de ces accords qui vont à l’encontre du droit des peuples à disposer de leurs richesses et ressources naturelles ne sauraient être protégées par l’article 21(3). Il est important de noter que le droit des peuples à disposer de leurs richesses et ressources naturelles tel que prévu à l’article 21(3) est soumis à l’article 21(5), qui impose aux États l’obligation de protéger préventivement leur population contre toute forme d’exploitation économique étrangère.
Par conséquent, les accords bilatéraux et multilatéraux qui ne respectent pas les dispositions de l’article 21(5) et qui sont signés entre États ou avec des institutions financières internationales devraient être réexaminés ou renégociés. Les négociations de ces accords devraient inclure des garanties minimales prévues dans l’article 21 de la Charte africaine, en particulier en ce qui concerne la responsabilité des acteurs économiques internationaux quant aux conséquences de leurs activités sur les droits de l’homme et des peuples, ainsi que le respect des obligations fiscales et des normes environnementales internationale-ment acceptables. Toute clause exonérant ces acteurs de leur responsabilité ou ne les obligeant pas à rendre compte des conséquences nuisibles de leurs activités sur les droits de l’homme et des peuples ou sur l’environnement serait considérée comme contraire aux garanties prévues par l’article 21 de la Charte africaine.
Deuxièmement par la responsabilisation des actes des investisseurs en instaurant des obligations à ces derniers soit de manière incitative via la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ou de manière plus contraignante via la facilitation des actions en justice contre les investisseurs pour les atteintes aux DH commises dans l’Etat hôte.
3 RESPONSABILISATION DES INVESTISSEURS ET PROTECTION DES DROITS HUMAINS EN AFRIQUE
L’obligation des entreprises de respecter les DH, réside dans la nécessité pour elles de mettre en place des mesures adaptées afin de prévenir, d’atténuer et, le cas échéant, de remédier aux atteintes aux DH.64
Comme on a pu le constater précédemment, en Afrique, les Accords d’investissements exigent désormais que les investisseurs et leurs investissements respectent les lois locales en général, et exigent également la conformité aux lois spécifiques telles que celles relatives aux DH.65 La référence aux lois locales veille à ce que les tribunaux puissent considérer ces lois comme faisant partie du droit applicable.66 Cette approche est conforme à l’article 42(1) de la convention pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements entre États et Ressortissants d’autres États (Convention CIRDI), qui autorise le tribunal à appliquer le droit national sauf accord contraire des parties.
3.1 L’appréhension de la Responsabilité Sociale des Entreprises par l’approche DH africaine du DII
De ce fait, de nombreux accords d’investissement internationaux africains récemment établis, ont emboité le pas de cette tendance africaine d’intégration des principes DH aux Accords d’investissement, notamment ceux conclus par la Guinée, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Bénin, le Cameroun, le Nigeria67 et le Sénégal,68 qui ont commencé à intégrer des clauses faisant référence à la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) ou encourageant l’application des principes tripartites de l’OIT, mais seulement en tant que recommandations non contraignantes à l’intention des investisseurs en matière de pratiques visant à responsabiliser leurs pratiques et les inciter à s’adapter aux principes DH.
Cependant, le degré d’engagement de chaque État peut varier au sein d’un même accord.69 Par exemple, dans l’accord bilatéral d’investissement entre Singapour et le Nigeria, le Nigeria est incité à encourager les entreprises à adopter des pratiques de RSE, la démarche ici est incitative et tendrait à avoir plus d’impact, tandis que Singapour se contente de «réaffirmer l’importance» d’encourager ces pratiques sans pour autant mettre en place un aspect juridique qui puisse avoir un impact pour l’État.
Bien que ces clauses demeurent du soft law dans tous les cas et ne contraignent généralement pas les États signataires, leur inclusion témoigne d’une prise de conscience de l’importance d’une conduite responsable des entreprises en Afrique dans le cadre des investissements étrangers, ainsi que du rôle des États dans la protection contre les violations des DH liés aux entreprises. Ces dispositions visent à promouvoir les pratiques de RSE chez les investisseurs selon une approche descendante.70
L’expression «doit s’efforcer» implique que des efforts doivent être faits, mais en pratique, elle demande simplement à l’investisseur de faire de son mieux, notamment dans l’intégration volontaire des normes RSE. En d’autres termes, ces dispositions sont envoyées aux États, qui sont appelés à promouvoir les pratiques de RSE des investisseurs agissant sur leur territoire. Cependant, ces exigences ne sont pas contraignantes pour les investisseurs. Même si les États parties réaffirment l’importance d’encourager volontairement les pratiques de RSE, en l’absence de réglementation nationale contraig-nante, les investisseurs restent libres de choisir de les mettre en œuvre ou non.
En revanche, dans le contexte intra-africain régional, plusieurs Accords régionaux d’investissements imposent des obligations contraignantes aux investisseurs, de plus, dans certains cas les investisseurs doivent réaliser des évaluations d’impact avant et après la mise en place de leurs investissements.71 La question des obligations des entreprises avait déjà été abordée dans des instruments tels que Community Investment Code of The Economic Community of The Great Lakes Countries (1982) et Charter on a regime of multinational industrial enterprises of eastern and southern Africa states (1990).
L’Acte additionnel de la CEDEAO contient des obligations strictes et est probablement l’accord d’investissement le plus contraignant actuellement en vigueur en termes d’obligations des investisseurs, disposant ainsi que les investisseurs doivent gérer et exploiter leurs investissements de manière à respecter les obligations en matière de droits de l’homme, les normes de travail, ainsi que les obligations environnementales et sociales régionales, auxquelles les États d’accueil et/ou d’origine sont parties.72
En outre, avant de réaliser leurs investissements, les investisseurs doivent effectuer une évaluation d’impact environnemental et social et, ce faisant, doivent se conformer aux critères de sélection nationaux ainsi qu’aux processus d’évaluation requis par le droit national.73
L’acte additionnel de la CEDEAO inclut une disposition se concentrant sur la phase de pré-investissement. L’article 18 précise que si l’absence d’une évaluation d’impact préalable par un investisseur est matériellement pertinente pour un différend, cela sera pris en compte lors de l’évaluation du bien-fondé ou des dommages d’une réclamation. Cela confère une importance juridique accumulée aux évaluations d’impact préalables en soulignant les conséquences réelles pour l’investisseur en cas de non-réalisation de cette évaluation.74
Les évaluations d’impact environnemental et social doivent être accessibles à la communauté locale et aux autres parties impliquées avant la réalisation de l’investissement.75 De plus, les investisseurs, leurs investissements et les autorités de l’État hôte doivent appliquer le principe de précaution aux évaluations d’impact. Une fois l’investis-sement réalisé, les investisseurs ont des obligations post-investissement, telles que se conformer à la Déclaration de l’OIT sur les principes fondamentaux et le droit au travail, et atteindre les objectifs de développement.76 Des obligations strictes en matière de droits de l’homme sont également imposées aux investisseurs, notamment le respect des droits de l’homme sur le lieu de travail et dans la communauté, l’abstention d’actes violant ces droits et le respect des droits de l’homme en période de paix ou de troubles sociopolitiques.77
L’article 8 de l’Annexe 1 Coopération sur l’investissement du Protocole de la SADC sur la finance et l’investissement, assigne aux investisseurs la responsabilité de respecter les lois, les règlements et les lignes directrices politiques et administratives de l’Etat d’accueil durant tout le processus d’investissement.78
Par ailleurs, les investisseurs opérant dans la région de la CEDEAO sont encouragés à favoriser et à s’impliquer dans la RSE en prenant en considération les plans et les priorités de développement des États hôtes, ainsi que les besoins des communautés locales.79 Il est essentiel qu’ils respectent toutes les normes et meilleures pratiques internationales, régionales et nationales en matière de gouvernance d’entreprise, conformément aux standards internationaux reconnus et adoptés au sein de la CEDEAO.80 Les investisseurs ont la responsabilité de s’abstenir de tout acte de corruption, que ce soit avant ou après leur établissement, en s’interdisant de fournir des avantages financiers illégitimes à un agent public d’un État membre ou à un proche d’un fonctionnaire ou d’une entité. Au contraire, ils sont encouragés à collaborer avec les autorités locales pour éliminer la corruption de la sphère publique.81
De plus, les investisseurs sont tenus de respecter certains devoirs d’ordre politique et social, tels que le respect de la souveraineté nationale et la conformité aux lois, règlements et pratiques administratives en vigueur dans les États hôtes. En toutes circonstances, ils doivent se garder de tout comportement nuisible à l’ordre public ou contraire à l’éthique.82
Avant de réaliser un investissement dans un pays hôte et pendant sa mise en œuvre, le Code des investissements de la CEDEAO oblige les investisseurs à mener une étude d’impact environnemental et social sur l’environnement naturel et la population locale de la région en question. Cette démarche répond à des exigences légales visant à gérer les risques environnementaux sur le territoire du pays d’accueil.83
L’Accord du COMESA de 2007 dans son article 7, appelle à l’élaboration de normes minimales communes relatives à l’investissement dans des domaines tels que les évaluations d’impact environnemental et social, les normes du travail, le respect des droits de l’homme.
En outre, l’Accord revisité du COMESA est beaucoup plus élaboré, responsabilisant les investisseurs du COMESA et leurs investissements concernant la protection des consommateurs.84 En outre, les investisseurs du COMESA et leurs investissements doivent, dans l’exercice de leurs activités, protéger l’environnement et, lorsque ces activités causent des dommages à l’environnement, prendre des mesures raisonnables pour le restaurer autant que possible et pour assurer qu’une juste compensation soit versée aux personnes touchées par les dommages environnementaux.85
Les investisseurs issus du COMESA ou leurs investissements doivent se conformer aux critères de sélection et aux processus d’évaluation environnementale et sociale applicables à leurs investissements proposés avant leur établissement, comme l’exigent les lois de l’État hôte pour un tel investissement. Les évaluations d’impact requises doivent inclure des évaluations des impacts sur les droits de l’homme des personnes dans les zones potentiellement affectées par l’investissement.86
Deux législations nationales de pays de la CAE, celles du Kenya et de la Tanzanie, rendent désormais directement responsables les acteurs privés de violations des droits de l’homme.87 Ces pays ont intégré dans leur législation des exigences de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme. Ces mesures comprennent des dispositions légales strictes d’une part et un plan d’action plus flexible d’autre part. En outre, le Kenya a été l’un des premiers pays africains à adopter les Principes directeurs des Nations unies sur les droits de l’homme dans son cadre juridique.
Depuis l’adoption du Code Panafricain d’investissements (PAIC) en 2016, les États africains ont signé un total de soixante dix-huit AII, dont douze sont des TBI intra-africains.88
Seuls trois des douze accords bilatéraux intra-africains ont intégré de manière explicite les principes DH, à savoir le TBI entre la République centrafricaine et le Rwanda de 2019, celui entre la République démocratique du Congo et le Rwanda de 2021 et celui entre le Maroc et le Cap Vert de 2023. Ces TBI ont adopté une approche complète qui combine les dispositions du modèle de TBI de la SADC et du Code Panafricain d’investissements. Ils établissent des normes minimales en matière de droits de l’homme en tant que obligations post-établissement,89 ce qui est en accord avec les standards du modèle de TBI de la SADC.90 De plus, une obligation d’effectuer une évaluation d’impact sur les droits de l’homme avant l’établissement a été incluse ainsi qu’un niveau minimal d’engagement envers les droits de l’homme91 durant la phase d’investissement,92 à l’image du TBI modèle de la SADC.93
Dans le cadre du TBI entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, l’article 27.1 sous-entend que les investisseurs ne peuvent pas être tenus responsables de la violation de leurs obligations en matière de droits de l’homme, restreignant ainsi les litiges liés aux investissements uniquement aux différends résultant de la non-conformité de l’État à ses engagements conventionnels.94 Les instruments d’investissement énoncent des obligations contraignantes en matière de droits de l’homme pour les investisseurs ; toutefois, le mécanisme de règlement des différends ne mentionne pas les violations de ces obligations comme étant des litiges liés aux investissements pouvant être portés directement par les victimes devant une instance arbitrale.
En outre, ne permettre qu’aux investisseurs d’engager des procédures d’arbitrage, laisse entendre que les cas de non-respect des droits de l’homme par les investisseurs sont implicitement exclus de la clause d’arbitrage.95 Par conséquent, bien que des engagements en matière de droits de l’homme aient été imposés aux investisseurs, la violation de ces engagements ne relève pas de la catégorie de différends liés aux investissements pouvant être portés devant un tribunal arbitral.
Le TBI Maroc-Cap Vert, démontre de cette tendance désormais ancrée dans la pratique africaine d’intégrer la responsabilité sociale des entreprises dans tous les nouveaux accords d’investissement additionnée au droit de réglementer des Etats.
L’illustration de cette nouvelle tendance à intégrer le principe DH apparaît bien avant la mise en place du Code panafricain d’investissement avec le TBI Maroc-Nigéria qui imposait diverses obligations aux investisseurs, et mettait en place des procédures d’évaluation environnementale conformément à la législation de l’État hôte ou de l’État d’origine, en accordant toujours la priorité à la norme la plus stricte et effectuer une évaluation d’impact social basée sur les critères établis par le Comité mixte,96 de mettre en place un système de gestion environnementale et de garantir le respect des droits de l’homme et des normes de travail fondamentales conformément aux réglementations en vigueur dans l’État hôte ou d’accueil97 et enfin de respecter des normes élevées en matière de responsabilité sociale en adhérant à la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale.98
Au niveau continental, l’ultime innovation entérinant l’intégration du principe DH dans les accords d’investissements est la mise en place du PI. Ce dernier reprends la tendance de rédaction juridique relative aux obligations des investisseurs, présente dans les TBI intra-africains Tout d’abord dans son article 33 portant sur l’éthique des affaires, droits de l’homme et normes du travail,99 qui insiste sur le fait que les investisseurs et leurs investissements doivent respecter des normes élevées d’éthique des affaires, de droits de l’homme liés aux investissements et de normes du travail, et en particulier soutenir et respecter la protection des droits de l’homme internationalement reconnus ; veiller à ne pas se rendre complices de violations des droits de l’homme ; se conformer aux normes de l’Organisation internationale du travail (OIT), notamment la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, et aux législations nationales du travail ; ne pas recourir au travail des enfants ni au travail forcé ou obligatoire ; éliminer la discrimination en matière d’emploi et de profession ; s’abstenir de toute action discriminatoire ou discip-linaire à l’encontre des employés qui soumettent des rapports au conseil d’administration de la société ou aux autorités publiques compétentes sur des pratiques qui violent les lois nationales, le PI ou d’autres normes de gouvernance d’entreprise auxquelles la société est soumise ; et agir conformément aux pratiques commerciales, de marketing et de publicité équitables dans leurs relations avec les consommateurs et doivent garantir la sécurité et la qualité des biens et services qu’ils fournissent.
Ensuite, l’article 35 du PI, entérine l’importance de la responsabili-sation des investisseurs les obligeant d’une part à la soumission de leurs évaluations d’impact environnemental et social aux autorités compétentes et les incitent à les rendent disponibles et accessibles aux communautés locales et aux peuples autochtones et à toute autre partie prenante sur le territoire de l’État hôte, tout en se conformant aux lois et réglementations nationales pertinentes des États hôtes d’autre part.
La formulation très spécifique de ces articles du PI, démontre l’effort africain en vue de changer le paradigme du droit international des investissements vers une reconnaissance des «Droits de l’homme liés spécifiquement à l’investissement», et non les Droit de l’Homme en général, ce qui peut limiter la portée d’une protection effective des DH qui ne seraient pas forcément liés directement à l’investissement, et porter préjudice lors de la phase d’interprétation comme ce fut le cas pour l’affaire Eco Oro citée précédemment.100
Néanmoins, en affirmant ainsi une approche de protection des DH dans le cadre spécifique de la réforme africaine du droit international des investissements, cette formulation ne peut prêter à une divergence d’interprétations dans les cadres d’atteintes directes aux DH par l’investissement.
Le rôle des États et des CER est de mettre en conformité leurs textes soit de manière générale afin de laisser un champ d’interprétation aux arbitres ou au contraire de manière plus restrictive afin de souligner fermement les DH en tant que droit suprême dans tous les cas de figures.
Cette démarche est nécessaire afin que tous les investisseurs étrangers intra africains se conforment de manière explicite au respect des DH, et ce qu’ils soient directement liés à l’investissement ou non, dans le cadre de la mise en œuvre d’une ZLECAf plus durable.101
Néanmoins, le point positif reste que même si l’État n’a pas forcément une législation nationale protégeant pleinement les DH conformément à l’article 35 qui permettra de réaliser une étude d’impact complète, l’investisseur est toujours obligé de se conformer aux dispositions relatives aux DH liés à l’investissement de l’article 33.
En outre, si la Charte africaine place les États comme les principaux détenteurs d’obligations, une reconnaissance de la responsabilité des sociétés, notamment les multinationales, ont des envers les titulaires de droits existe également.102 Ces responsabilités découlent de la constatation que le non-respect de ces obligations peut entraîner, en matière de droits humains, un vide où ces entités agissent en ignorant les droits de l’homme. Selon la Charte africaine, les obligations de ces entités envers les détenteurs de droits ont un fondement juridique clair. L’article 27 de la Charte africaine définit les devoirs des individus, et son paragraphe 2 prévoit l’obligation d’exercer les droits «en tenant dûment compte des droits d’autrui». Il est évident que, si cette obligation peut être imposée aux individus, il existe une justification morale et juridique encore plus solide pour imposer ces obligations aux sociétés et aux entreprises.
La première de ces obligations est une obligation négative directe basée sur le principe de «ne pas nuire» ou sur une formulation positive du principe de vigilance. Cela signifie que les compagnies et les sociétés devraient veiller à ce que leurs actions ou opérations ne causent pas de dommages, voire la restriction ou la négation des droits garantis par la Charte africaine.103 Elles doivent non seulement s’abstenir de commettre des actes délibérés qui constituent ou entraînent des violations, mais aussi s’assurer en permanence que leurs actes ou opérations respectent pleinement les droits de l’homme et des peuples reconnus internationalement, ainsi que les normes du travail et de l’environnement, afin de prévenir tout incident susceptible de causer des dommages ou de nier les droits des individus, notamment en période de conflit.104
Nous constatons qu’il existe une perméabilité entre le libre-échange et les droits de l’homme en Afrique en raison de l’héritage historique qui donne lieu à une approche globale continentale compacte et non compartimentée à savoir pas d’écart entre le libre-échange et la protection des DH.
Autrement dit, l’héritage historique africain, et les coutumes ancestrales permettent une intégration progressive et malléable des DH au sein du droit international des investissements par le biais du modèle de libre échange intra-africain.
En outre, un discours juridique aussi précis et explicite ne laisse aucune place à des nuances lors du processus d’interprétation durant la phase de règlement des différends d’investissements qui survient en cas de non-respect par les investisseurs étrangers de leurs obligations en vertu des Accords.
3.2 La consolidation de la Responsabilité Sociale des Entreprises par l’approche DH africaine du DII
Si de plus en plus d’accords d’investissements incluent des recommandations voire des obligations contraignantes pour les investisseurs, il est crucial de considérer les conséquences et retombées d’un non-respect de ces obligations pour un investisseur. La gravité des conséquences pourrait renforcer le caractère contraignant de telles dispositions en pratique, et les procédures judiciaires résulteraient probablement devant les tribunaux nationaux, régionaux ou internationaux d’investissements.
Tout d’abord, les conséquences de la violation des obligations de l’investisseur peuvent avoir un impact sur la prise de décision arbitrale tant sur le fond que sur le dédommagement, le montant de la réclamation de l’investisseur peut en être impacté. Les tribunaux ont souvent pris en considération le comportement de l’investisseur lorsque l’État a soutenu que ce dernier avait contribué à la violation,105 ou n’avait pas atténué les pertes subies.106
Dans le contexte sous régional intra-africain, des dispositions contraignantes se retrouvent dans l’Acte additionnel de la CEDEAO, dont l’article 17 dispose que : «Les investisseurs peuvent être soumis à des actions civiles en responsabilité dans le cadre de la procédure judiciaire de leur État d’origine pour des actes ou des décisions liées à leur investissement qui ont entraîné des dommages importants, des blessures ou des préjudices corporels, voire la perte de vie dans l’État hôte». Cette mesure vise à garantir que les investisseurs étrangers qui portent atteinte aux DH ne restent pas impunis.
Selon l’article 18, lorsqu’un État membre d’accueil ou un intervenant dans une procédure de règlement des différends en vertu de l’Acte additionnel allègue qu’un investisseur n’a pas respecté son obligation relative à l’évaluation d’impact préalable à l’établissement, le tribunal qui entend un tel différend doit examiner si cette violation, si elle est prouvée, est matériellement pertinente pour les questions qui lui sont soumises et, dans l’affirmative, quels effets atténuants ou compensatoires cela peut avoir sur le bien-fondé d’une réclamation ou sur les dommages-intérêts accordés en cas d’octroi d’une telle indemnisation.
Au niveau continental, selon l’article 47 du PI portant sur la responsabilité des investisseurs, les investisseurs sont conformément aux lois et réglementations nationales passibles d’actions civiles en responsabilité dans le cadre du processus judiciaire de leur État d’origine pour les actes, décisions ou omissions faits dans l’État d’accueil en relation avec l’investissement lorsque ces actes, décisions ou omissions entraînent des dommages, des blessures corporelles ou des pertes de vies humaines dans l’État d’accueil. Il est en outre possible d’engager des actions civiles contre les investisseurs et leurs investissements devant les tribunaux nationaux de l’État d’accueil.107
En outre, l’Annexe 1 du draft 0 du PI prévoyait la possibilité de demandes reconventionnelles de la part des États en cas de violations par les investisseurs de leurs obligations en vertu du Protocole d’investissement (telles que celles en matière de protection de DH). Ainsi, si la version finale de l’Annexe maintien cette disposition, engager un différend en vertu du PI exposerait les investisseurs au risque de contre-demandes reconventionnelles.
D’autre part, le Code panafricain des investissements et le modèle de TBI de la SADC sensibilisent également les États à la nécessité de responsabilisation de l’investisseur en cas de manquement aux principes de DH et sa traduction devant le tribunal arbitral en utilisant une demande reconventionnelle,108 en mettant l’accent sur la nécessité de respecter les droits des populations locales et en évitant l’accaparement des terres.109
En outre le modèle de TBI de la SADC sensibilise davantage à encourager les actions civiles des victimes de violations des droits de l’homme et appui l’octroi de permissions aux États d’intenter des actions civiles ou pénales contre les investisseurs soit devant les tribunaux de l’État hôte,110 soit devant les tribunaux de l’État d’origine de l’investisseur.111 De surcroît, l’article 17.2 du modèle de TBI de la SADC met en avant la nécessité pour les États d’origine de veiller à une interdiction formelle d’utilisation de contraintes procédurales ou juridictionnelles, comme la règle du forum non conveniens, qui pourrait entraver la résolution de litiges concernant les actes ou décisions des investisseurs. Il est donc hautement plausible que le principe général de cette disposition soit intégré dans l’Annexe 1 du PI actuellement en cours de négociation.
Néanmoins, en l’absence d’un mécanisme permettant d’assister les victimes dans le processus de l’action civile ou pénale devant les tribunaux nationaux, l’une des faiblesses de l’accès aux tribunaux nationaux dans les pays hôtes et d’origine reste les obstacles substantiels, procéduraux et financiers pour les victimes des violations des droits de l’homme.
Car en effet, l’expérience devant les tribunaux internationaux d’investissement prouve que la reconnaissance de l’atteinte aux DH subie ne mène pas systématiquement au dédommagement des victimes directes.
En outre, en l’absence d’une connaissance de la coutume africaine, malgré les efforts de mise en place de la diligence raisonnable, il reste difficile de prouver que les DH ont été violés lors du processus d’implémentation d’un investissement.
Il demeure laborieux de prouver que les décisions de réalisation d’investissement peuvent avoir un intérêt économique sous-jacent dont le but tendrait à bafouer les DH sur le continent africain, tel l’accaparement de l’héritage tangible non enregistré, ou l’implantation dans les terres ancestrales autochtones, d’où l’intérêt d’une procédure au niveau régional ou continental qui serait à même d’interpréter les pratiques ancestrales africaines et reconnaître le droit foncier des peuples autochtones.
L’apport majeur du traité révisé du COMESA réside dans le fait que les investisseurs doivent rendre les évaluations d’impact environne-mental et social accessibles aux communautés locales, ou à d’autres zones ayant des intérêts potentiellement affectés, de manière efficace et suffisamment opportune pour permettre de faire des commentaires à l’investisseur, à l’investissement et/ou au gouvernement avant l’achèvement des processus de l’État hôte pour l’établissement d’un investissement.112 Cela est une innovation car la phase de pré-établissement de l’investissement n’a pas de contrainte directe au niveau de la protection des DH de la part de l’investisseur et cet élément n’entre pas souvent dans le processus de règlement des différends de manière en tant qu’objet principal du différend.
Au niveau international, des tribunaux internationaux d’investissements, ont déjà examiné des questions relatives à une conduite abusive de la part d’investisseurs dans le contexte de la compétence et/ou de l’admissibilité d’une plainte,113 et il a été en outre possible de déterminer si un investissement a été accordé de manière frauduleuse. Les tribunaux internationaux d’investissement concluent donc que les investisseurs ne devraient pas être protégés par un traité si leurs investissements ont été obtenus de manière inappropriée.114
En outre l’intégration d’une évaluation préalable de l’impact sur les DH spécifique au système africain, pourrait constituer une caractéristique essentielle qui tendra à se développer aux autres textes régionaux et nationaux africains par le biais d’une influence entre les systèmes juridiques, permettant ainsi aux investisseurs intra-africains de contribuer au respect des principes DH et aux pays hôtes de prendre des décisions éclairées fondées sur une analyse approfondie des incidences potentielles de l’implantation des investissements étrangers sur les DH. De plus, cette approche permettrait aux investisseurs d’identifier les zones à risque de violations des DH et de mettre en œuvre des mesures préventives pour accroître leur propre RSE.
En général, la majorité des processus de règlement des différends d’investissement ne concernent que la phase initiale globale de l’enclenchement du processus d’investissement,115 ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne l’exigence de légalité, les investissements doivent être réalisés en conformité avec les lois locales.116 Lorsque cela n’est pas respecté, l’investissement est considéré comme en dehors de la protection de l’Accord d’investisse-ment et, par conséquent, du champ d’application du système d’arbitrage qu’il contient, mais ces éléments demeurent vague et objet aux divergences d’interprétation car non spécifique au DH, d’où encore une fois la pertinence de l’intégration des obligations en matière de respect des DH pour les investisseurs qui sont clairement exprimées dans le PI et doivent être uniformisées dans tous les textes régionaux et nationaux dans les 5 à 10 années à venir.
En effet les problèmes liés aux DH sont plus susceptibles d’émerger et d’avoir des preuves pendant la phase d’investissement. L’illégalité ou tout comportement impliquant des questions de DH peut être pris en compte pendant la phase de fond,117 et la compétence ou l’admissibilité d’une demande de règlement de différend d’investissement devant un tribunal international peut s’en voir affectée, d’où l’intérêt de la mise en place des processus de règlement des différends d’investissements au niveau régional et continental africain ayant trait à interpréter les dispositions des textes régionaux selon une perspective africaine.
Car, les conséquences juridiques d’une telle conduite dépendent grandement des circonstances de chaque cas, notamment de l’aspect contraignant ou non du texte applicable, de la gravité de la conduite par rapport à l’atteinte aux standards de protections d’investissements,118 du rôle des parties et de leurs potentielles manœuvres frauduleuses,119 du lien avec les allégations d’investissement et la compétence du tribunal,120 et du moment où la conduite a eu lieu.121
En définitive, une conduite considérée comme inappropriée ou illégale peut avoir un impact sur la compétence d’un tribunal,122 la recevabilité des réclamations,123 et les critères relevés,124 le fond du litige125 ou le montant accordé en cas de succès.126
L’émergence de l’atteinte au DH dans le cadre des différends d’investissement devant les tribunaux internationaux d’investisse-ment127 a vu la prise en considération du comportement de l’investisseur dans le cadre de la détermination du champ d’application et de la protection de l’Accord d’investissement applicable. Comme l’a affirmé le tribunal dans l’affaire Hamester c. Ghana,128 un investissement ne sera pas protégé s’il a été acquis de manière contraire aux principes nationaux ou internationaux de bonne foi, par des moyens frauduleux ou dans une perspective trompeuse, ou s’il constitue un abus du système de protection des investissements internationaux prévu par la Convention CIRDI.129 Il en est de même s’il a été réalisé en violation de la législation de l’État hôte.130 En outre, les textes régionaux africains, beaucoup plus contraignants accroîtront l’impact positif déjà initié au niveau international quitte à servir d’inspiration quant à la prise en compte effective des principes DH dans le cadre du règlement des différends d’investissements, notamment concernant l’admissibilité des demandes reconventionnelles et la consolidation des actions en civile en responsabilité dans le cadre du processus judiciaire des États d’origine ou des États d’accueil, pour les actes qui entraînent des dommages humains dans l’État d’accueil. Par conséquent, l’interprétation, l’exécution et l’application des dispositions des textes africains y compris les obligations des investisseurs en matière de droits de l’homme dans un cadre d’arbitrage africain, seront interprétées conformément à l’objectif global de développement durable qui englobe les différentes sphères de la protection des DH dans toutes les phases du cycle de l’investissement.
L’article 21 de la Charte propose des garanties procédurales pour assurer une mise en œuvre efficace de la RSE. La première garantie procédurale concerne la tenue de consultations effectives et sincères ainsi que la participation rigoureuse à la prise de décisions concernant les projets de prospection et d’extraction des ressources naturelles. Cela permet aux personnes affectées vivant dans les zones où ces projets sont envisagés d’avoir accès à toutes les informations nécessaires avant la finalisation du projet, notamment les conclusions des évaluations d’impact environnemental, social et sur les droits de l’homme. Ces informations doivent être facilement accessibles et disponibles dès le début et pendant toute la durée du projet.
De plus, toujours conformément à l’article 21(2), les populations dont les terres, les ressources en eau ou les moyens de subsistance ont été perturbés ou altérés par des actions de spoliation ont droit à des mesures visant à restaurer leur droit de propriété, ainsi qu’à des compensations complètes, efficaces et appropriées. Ces compensations doivent non seulement couvrir les répercussions socio-économiques de ces actes, mais aussi les coûts d’opportunité et les impacts sociaux négatifs. Il est impératif de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour faciliter la réinstallation et assurer la pleine réhabilitation des moyens de subsistance des populations affectées.
En appliquant les obligations prévues par la Charte africaine aux compagnies, et compte tenu du pouvoir considérable dont elles disposent, en particulier les multinationales, par rapport au pouvoir exercé par les individus, les compagnies sont donc soumises à un niveau de devoir correspondant plus élevé, que ce soit en termes de vigilance raisonnable ou de réparation.131
Elles doivent faire preuve de vigilance en ayant une compréhension claire de la nature et de l’impact de leurs activités, prendre les mesures nécessaires pour que leurs activités n’aient pas d’effets négatifs sur les droits de l’homme, et mettre en place des mécanismes pour corriger les impacts négatifs de leurs activités ou actions sur les droits humains. En outre, elles doivent veiller à une gestion responsable de la chaîne d’approvisionnement pour garantir que leurs actions et décisions ne produisent pas d’effets négatifs en aval, sur la chaîne d’approvisionnement. Afin d’évaluer l’ampleur de l’impact de leurs activités, les entreprises devraient évaluer, avec la participation des communautés locales, les effets de ces activités sur les droits de l’homme, en veillant à ce que ces évaluations soient suffisamment consultatives et prennent en compte les droits des personnes et des groupes vulnérables.
En cas de violations découlant des activités ou actions des sociétés, diverses sanctions administratives, civiles et pénales sont appliquées. Sur le plan administratif, elles seront tenues de payer toute amende ou de prendre toute mesure administrative prévue par la loi ou par l’accord de licence. Lorsque les activités des industries extractives entraînent la dégradation de l’environnement, celles-ci doivent indemniser de manière satisfaisante les personnes affectées pour tous les préjudices matériels et moraux subis, notamment en cas de dommages irréparables à la santé, et pour assainir et réhabiliter l’environnement affecté.
En termes de responsabilité pénale, la nature des actes pour lesquels les sociétés peuvent être tenues responsables est notamment définie par le Protocole de l’UA portant amendements au protocole portant statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, adopté lors du Sommet de juin 2014 de l’UA à Malabo, en Guinée équatoriale,132 il s’agit notamment des actes suivants : (a) conclusion d’un contrat d’exploitation des ressources en violation du principe de souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles ; (b) conclusion d’un contrat d’exploitation des ressources naturelles avec les autorités étatiques en violation des procédures légales et réglementaires de l’État concerné ; (c) conclusion d’un contrat d’exploitation des ressources naturelles en recourant à des pratiques de corruption ; (d) conclusion d’un contrat d’exploitation des ressources naturelles dont les termes sont manifestement léonins ; (e) exploitation des ressources naturelles sans contrat avec l’État concerné ; (f) exploitation des ressources naturelles en ne respectant pas les normes de protection de l’environnement et de la sécurité des populations et du personnel ; et (g) violation des normes et règles établies par le mécanisme compétent de certification des ressources naturelles.
Les sociétés assument également des obligations négatives indirectes. Ainsi, elles sont responsables des activités ou actions de ceux qui agissent en leur nom ou pour leur compte, notamment les compagnies privées de sécurité auxquelles elles font appel pour assurer la sécurité de leurs infrastructures et de leur personnel. Elles doivent également veiller à ce que ces activités ou actions menées en leur nom ou pour leur compte ne causent pas de dommages ou n’aient pas pour effet de compromettre la jouissance des droits protégés. Lorsque ces activités ou actions restreignent ou compromettent les droits protégés par la Charte africaine, la compagnie au nom de laquelle ou pour le compte de laquelle ces activités ou actions ont été menées doit en assumer la responsabilité administrative, civile et/ou pénale, selon le cas.
En attribuant compétence à la Cour pour traiter d’une variété étendue de crimes internationaux, dont les graves violations des investisseurs des DH, le Protocole de Malabo va pouvoir instaurer dès sa mise en œuvre, un dispositif régional destiné à compléter et renforcer les initiatives de réforme du DII tout en affirmant le rôle de l’Afrique dans le domaine de la justice internationale.
En plus des obligations négatives, dans certaines circonstances, les investisseurs assument également certaines obligations positives découlant des droits de l’homme et des peuples prévus par la Charte, en général, et des articles 21 et 24, en particulier, telles que les obligations fiscales et de transparence découlant des opérations menées dans le cadre de leurs activités,133 et les obligations positives concernant les impacts sociaux et économiques des opérations des industries extractives ou d’autres compagnies de la communauté hôte, notamment sur les droits des personnes concernées à la terre et aux ressources naturelles.134
En menant leurs opérations, ces investisseurs doivent informer de manière satisfaisante et consulter de manière substantielle les personnes touchées au sujet de chacune de leurs activités ou des décisions pouvant avoir un impact important sur les populations, et mettre en œuvre ces activités en tenant compte des préoccupations de ces populations et des mesures de précaution nécessaires pour atténuer ces impacts.135
À cet égard, les investisseurs devraient également réaliser, avec la participation et la représentation des communautés locales touchées, les études d’impacts environnementaux, sociaux et des droits de l’homme nécessaires avant d’entreprendre toute action susceptible d’avoir des conséquences négatives sur les populations touchées.
Les répercussions sociales et économiques des activités des sociétés et la nature du pouvoir qu’elles exercent créent pour ces sociétés des obligations les obligeant à contribuer à la satisfaction des besoins de développement des communautés hôtes.136 Ces obligations sont de nature légale et ne se limitent pas à des considérations de responsabilité sociale des entreprises137 préconisées généralement. Elles incluent notamment le soutien à l’emploi local et à la diversification de l’économie pour réduire la dépendance vis-à-vis des industries extractives comme seule source de revenus, ainsi que des projets de développement éducatif, sanitaire, agricole ou pastoral, tout en facilitant l’accès aux infrastructures et équipements miniers. Il existe également une obligation, une fois que les industries extractives ont cessé leurs activités, de soutenir la transition des personnes touchées vers de nouveaux moyens de subsistance.
En se basant sur ces mêmes articles de la Charte, la Commission a développé une jurisprudence remarquable concernant les obligations des acteurs non étatiques, telles que les entreprises, en ce qui concerne les droits de l’homme et l’environnement. La Commission soutient que la Charte oblige les entreprises à respecter rigoureusement les droits de l’homme, les droits des peuples et l’environnement à travers ses articles 21, 24, 27, 28 et 29.
Deux affaires méritent d’être soulignées sur ce sujet: l’affaire SERAC138 et l’affaire Kilwa.139 Dans l’affaire SERAC, la plainte soutenait que le gouvernement du Nigeria était directement impliqué dans l’exploitation pétrolière via une société d’État, la Nigeria National Petroleum Company, qui détenait une participation majoritaire dans un consortium avec la Shell Petroleum Development Corporation. Les activités de ce consortium avaient entraîné de graves dommages environnementaux et des problèmes de santé pour la population Ogoni en raison de la contamination de l’environnement.140 La Commission a déclaré que les gouvernements ont le devoir de protéger leurs citoyens non seulement en mettant en place des lois appropriées et en les appliquant efficacement, mais également en les protégeant contre des activités préjudiciables qui pourraient être perpétrées par des entités privées.141 La Commission a explicitement reconnu que les compagnies pétrolières avaient gravement affecté le bien-être des Ogonis, en violant les obligations de la Charte et les principes internationalement reconnus, et a appelé le gouvernement nigérian à garantir une compensation adéquate pour les victimes des droits bafoués.142
Dans l’affaire Kilwa, un groupe du Mouvement révolutionnaire de libération du Katanga est entré dans la ville de Kilwa, en République démocratique du Congo (RDC), sans affronter les militaires et la police locale, car ces derniers n’ont pas opposé de résistance. Néanmoins, la société Anvil Mining, une société australienne, a fourni du matériel et de la nourriture à la 62e brigade d’infanterie des forces armées de la RDC à Pweto, ainsi que de l’argent pour les aider à réprimer le mouvement insurrectionnel. Au cours d’une attaque lancée par ces forces armées, de graves violations des droits de l’homme ont eu lieu.143
Dans cette affaire, la mention explicite de la responsabilité des entreprises144 pour les violations des droits garantis par la Charte représente un progrès positif.145 La Commission a clairement différencié les obligations des États et des entreprises en ce qui concerne les droits de l’homme selon la Charte. Les États ont deux types d’obligations. Tout d’abord, il découle de la jurisprudence SERAC que les États ont une obligation générale de protection. Cela signifie que les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits de l’homme contre les violations commises par des tiers, y compris donc les entreprises.146 La référence fréquente de la Commission à la notion d’acteurs privés doit être comprise de manière large, incluant les entreprises.147
Le Groupe de travail sur les industries extractives, l’environnement et les violations des droits de l’homme estime que les sociétés doivent également respecter les devoirs des individus énoncés dans les articles 27 à 29 de la Charte.148 En raison de leur immense pouvoir comparé à celui des individus, elles devraient être soumises à un niveau accru d’obligation de diligence et de protection.149 Deuxièmement, les États doivent faire respecter les droits de l’homme garantis par la Charte par les entreprises et les tenir responsables en cas de violation, en les obligeant à réparer les dommages.
Selon la Commission, les États ne sont pas les seuls responsables des conséquences sur les droits de l’homme.150 En se basant sur l’idée que «l’État est obligé de protéger les détenteurs de droits contre d’autres acteurs»,151 la Commission affirme que les États doivent maintenir et renforcer un système de réglementation efficace pour s’assurer que les acteurs privés respectent les droits de l’homme.152 Ainsi, les États doivent garantir des mécanismes appropriés de responsabilité, d’indemnisation des victimes et le droit à un recours.
Dans l’affaire Kilwa, la Commission a demandé explicitement au gouvernement de la RDC de rendre Anvil Mining responsable et de réparer les dommages. Les entreprises sont tenues de respecter le principe de la diligence raisonnable, même si la responsabilité finale de réparation revient à l’État. Selon la Commission, les entreprises ont des obligations envers les détenteurs de droits, qui trouvent leur fondement à l’article 27(2) de la Charte.153 Ces obligations peuvent être négatives ou positives. Sur un plan négatif, les entreprises ont l’obligation directe de «ne pas nuire» et une obligation indirecte en cas de dommages causés par leurs activités compromettant les droits de l’homme protégés par la Charte.154 Du côté des obligations positives, les entreprises doivent respecter leurs devoirs fiscaux et de transparence conformément aux articles 21 et 24 de la Charte, ainsi que les obligations d’information et de consultation des personnes touchées par leurs activités.
Dans l’affaire Kilwa, la Commission a souligné l’importance que les entreprises du secteur minier mènent leurs activités en respectant les droits des communautés locales et évitent de violer ces droits. Elles ne doivent pas soutenir ou participer à des violations des droits de l’homme. Outre l’obligation de diligence raisonnable, les entreprises doivent contribuer à la réparation des victimes.155 À la suite de la décision Kilwa, la Commission a demandé à Anvil Mining Company de reconnaître sa responsabilité publiquement et de contribuer à la réparation des victimes.156
La refonte panafricaine du droit international des investissements offre un cadre clair et contraignant en ce qui concerne la responsabilité des entreprises en matière de protection des DH, obligeant les investisseurs à respecter des obligations substantielles en la matière. Cette approche africaine de l’investissement international vise à consolider la conceptualisation d’un principe DH inhérent au continent africain dans le cadre de l’opérationnalisation de la refonte panafricaine du droit international des investissements.
4 MISE EN ŒUVRE D’UN PARADIGME PANAFRICAIN DE L’ «HUMANISATION» DU DROIT INTERNATIONAL DES INVESTISSEMENTS
Dans la sphère académique, le débat perdure quant à l’intégration des DH dans le développement durable. Certains auteurs considèrent que les droits de l’homme font partie du processus de développement durable. Une approche durable de la réforme du droit international axée sur les DH vise à assurer la durabilité du développement, tout en soulignant l’importance d’augmenter la protection des DH dans ce cadre.157 En outre, les différents rôles assumés par les DH dans le cadre du droit international des investissements dépendent de la définition donnée au concept sous-jacent de DH lui-même.158
4.1 La conceptualisation d’une «humanisation» panafricaine du DII
Les mécanismes d’investissements africains ont interprété le développement durable comme un concept doté d’une portée juridique liant la promotion des investissements, le développement durable et les obligations des investisseurs.159 Cette approche africaine met l’accent sur l’importance de placer l’être humain au cœur du processus de développement, en garantissant que les investissements sont menés de manière à respecter la dignité humaine et à promouvoir le bien-être à long terme.
Par ailleurs, selon les dispositions de l’article 21(2) de la Charte, les populations dont les terres, les ressources en eau ou les moyens de subsistance ont été perturbés ou altérés par des spoliations ont droit à des mesures visant à rétablir leur droit de propriété, ainsi qu’à des compensations complètes, efficaces et appropriées non seulement en ce qui concerne les impacts socio-économiques de cette ingérence, mais également en ce qui concerne les coûts d’opportunité et les effets sociaux néfastes. Toutes les actions nécessaires pour faciliter la réinstallation et assurer la pleine réhabilitation des moyens de subsistance des populations touchées devraient être mises en œuvre.
Un autre droit abordé dans les orientations pour l’établissement de rapports est celui mentionné à l’article 24 de la Charte. Celui-ci stipule que «tous les peuples ont droit à un environnement global et satisfaisant, favorable à leur développement».
L’importance d’un environnement propre et sûr pour la qualité de vie des populations constitue un pilier fondamental de ce droit. Contrairement à ce que pourrait laisser entendre le libellé, l’article 24 ne garantit pas un environnement parfaitement propre et exempt de toute altération. Il vise plutôt à assurer un environnement suffisamment salubre pour garantir à chacun une vie et un développement sécurisés.
Le droit à un environnement propre, tel que protégé par l’article 24 de la Charte, implique une évaluation adéquate des risques environnementaux avant toute entreprise industrielle ou minière à petite échelle.
Il est donc crucial de prendre des mesures nécessaires pour atténuer les risques identifiés lors d’activités minières de petite ampleur.
L’exploitation croissante des ressources naturelles en Afrique comporte des risques réels pour les droits de l’homme et l’environnement.160 Le secteur minier a été le premier à être confronté explicitement à un «devoir de vigilance».161 Certains pays africains ont donc adapté leur législation minière pour améliorer la gouvernance et se conformer aux normes internationales. Bien que le devoir de diligence ne soit pas directement mentionné dans ces textes, on y retrouve des règles similaires. La protection des DH est intrinsèquement liée à la préservation de l’écosystème naturel. Les atteintes à l’écosystème entravent la pleine réalisation des DH en contribuant à la perpétuation de la pauvreté, l’augmentation de l’immigration en l’absence de perspectives d’avenir, alors que l’exercice de ces droits contribue à la préservation de l’environnement et à la promotion d’un développement durable.
Ainsi ces atteintes entravent le progrès vers le développement durable des investissements étrangers, pilier du PI et compromettent les résultats de la coopération économique intra-africaine. Afin d’assurer un développement véritablement durable et efficace, il est impératif d’intégrer la protection des DH en tant que facteur pour atteindre le développement durable, dans le cadre du renforcement des objectifs de l’Agenda 2063,162 tandis que ce dernier ne peut être réalisé sans une prise en compte de l’implication des individus dont notamment les investisseurs dans la justice environnementale.163
Par conséquent, afin d’assurer que les investissements concourent au développement durable de l’État hôte, il a été nécessaire d’intégrer une approche de protection des DH, en initiant une responsabilité sociétale des entreprises aux investisseurs dans le cadre de leurs activités d’investissements, à travers une matérialisation du concept de DH.
Cette matérialisation du concept de DH permettra aux États et aux investisseurs de conceptualiser le degré de protection des DH à atteindre selon le secteur d’activité, les besoins économiques des deux parties et les systèmes juridiques.
Ainsi, les DH ne sont pas simplement des objectifs à atteindre pour le développement durable, mais spécifiquement également les processus par lesquels ces objectifs peuvent être réalisés en tant que moteur essentiel de la restructuration africaine du droit international des investissements. Ce processus doit être ancré dans un cadre normatif international ou national approprié pour les DH, et doit être inclusif, non discriminatoire, participatif et responsable.164
Cette spécificité africaine du droit international des investissements représente une approche innovante, contemporaine et holistique qui conjugue investissement, développement et respons-abilité, mettant l’accent sur la dignité humaine en tant que pivot central du processus d’investissement international. La dignité humaine est perçue comme un cadre conceptuel juridique enraciné dans les normes internationales de DH, exigeant que les investissements soient réalisés sans porter atteinte globalement aux principes des DH des individus et des peuples déjà existants dans l’État hôte, tout en participant aux objectifs de DH de ce dernier.
La pertinence de cette approche DH pour le développement réside dans le fait qu’elle propose une vision du développement, offre un cadre normatif pour le guider et introduit une dimension morale et éthique qui faisait auparavant défaut.165 Le contenu d’un tel cadre éthique repose sur les normes et les principes normatifs de DH ayant donné lieu à des obligations correspondantes imposées aux investisseurs.
En effet, la réforme du droit international des investissements en Afrique ne pourrait avoir un impact positif et durable que si les États disposent de lois déjà établies sur les DH, car la mise en œuvre d’une approche DH nécessite une application pratique comme point de départ.166
À cet égard, le rôle de l’Union africaine est essentiel pour promouvoir une révision des codes nationaux d’investissement des États africains, afin de les renforcer et de les aligner sur le PI, tout en garantissant que les investisseurs des différents États puissent se conformer aux réglementations nationales en vertu des lois en vigueur afin d’éviter une situation de «super privilège» pour les investisseurs,167 qui pourrait porter atteinte aux DH des peuples africains.
Conformément à l’article 4 du PI, chaque État partie doit accueillir les investissements conformément à ses lois et réglementations nationales, par exemple, bien que le PI accorde diverses formes de protection à l’investissement, le statut d’investissement aux fins de la protection conventionnelle doit être déterminé par la législation nationale de l’État partie hôte.
De ce fait, il existe trois dimensions de règles et réglementations applicables pour encadrer les investissements étrangers dans un État d’accueil : les accords bilatéraux d’investissements, les accords régionaux d’investissement, les lois nationales sur les investissements et les contrats d’investissement conclus entre l’État hôte et l’investisseur.
En Afrique, la spécificité du droit réside principalement dans sa pluralité. Sur ce continent, une variété d’ordres juridiques et de concepts doivent coexister et essayer de collaborer ou du moins de se tolérer. Contrairement à un système juridique traditionnel unique, il existe une diversité d’ordres juridiques différents. Les Africains jonglent chaque jour entre ces divers systèmes juridiques.168 Cependant, l’objectif du pluralisme n’est pas de mettre en avant ces conflits et de les résoudre, mais plutôt de les apaiser de manière pragmatique s’ils se transforment en problèmes réels en DII.
Les articles 31(2) et 32 du PI soulignent que les États parties doivent garantir que les investisseurs et leurs investissements respectent leurs lois et réglementations nationales ainsi que le droit international. Il demeure néanmoins un certain paradoxe, car l’article 31 du PI dispose que les États parties peuvent mettre en œuvre des lois et politiques visant à protéger les droits de l’homme, les droits du travail, l’environnement lié aux investissements, ainsi que les droits des peuples autochtones et des communautés locales.
Cependant, l’article 3 précise qu’il est entendu que, sous réserve du droit international applicable, les références aux termes «peuples autochtones», «communautés locales» et «groupes sous-représentés» dans le protocole ne s’appliquent pas sur le territoire des États parties qui ne reconnaissent pas ces groupes selon leurs lois et réglementations nationales. Il est donc impératif de renforcer la définition des «peuples autochtones», des «communautés locales» et des «groupes sous-représentés».
A l’instar de l’individu africain ou de l’investisseur africain en tant qu’individus, les citoyens africains en tant que peuple ont le droit d’exister,169 le droit à l’égalité et à la dignité,170 le droit au développement,171 le droit à la libre disposition des ressources naturelles,172 le droit au patrimoine commun de l’humanité,173 le droit à la paix et à la sécurité,174 et le droit à un environnement sain.175 Le droit des peuples à l’existence est consacré par l’article 20 de la Charte africaine, qui est le seul instrument juridique international contraignant à reconnaître ce droit.
Les droits des peuples à l’égalité et à la dignité sont protégés par l’article 19 de la Charte africaine, qui établit le principe d’égalité abstraite des peuples ainsi que leur égalité dans la jouissance des droits, dans la dignité. Cet article non seulement défend l’égalité mais sous-entend également l’interdiction de la discrimination.
La Charte est donc un outil indéniable démontrant l’intérêt supérieur de protection des peuples africains contre toutes formes de discriminations et donc de facto celles pouvant être pratiquées par les investisseurs étrangers. Ainsi, si les peuples africains sont égaux entre eux, et donc que tous les États parties sont égaux entre eux, de ce fait les droits des peuples africains sont égaux à ceux de l’investisseur étranger africain en tant qu’individu.
L’intégration d’obligations explicites pour investisseurs en matière de DH des communautés autochtones dans les Accords régionaux d’investissement peut contribuer à apaiser les résistances des communautés locales, soutenant ainsi la mise en œuvre réussie des projets d’investissements.176
Ainsi, pour être bénéfique aux économies à différents niveaux de développement, la réforme du droit international des investissements en Afrique doit être mise en œuvre selon une conceptualisation du principe DH, qui signifie donc une formulation flexible de la protection des DH, afin de mieux s’adapter à la réalité, à améliorer son rapport avec cette dite réalité, et en approfondir sa compréhension. La flexibilité d’intégration des DH pour les entreprises, qu’elles soient de différentes tailles et capacités, y compris celles du vaste secteur informel permettra une potentielle convergence d’intégration du principe de DH face à l’évolution juridique de chaque États et de ses coutumes ancestrales, aboutissant ainsi à une refonte panafricaine du droit international des investissements.
4.2 La réalisation d’une «humanisation» panafricaine du DII
L’approche DH en tant que spécificité africaine du droit international des investissements place l’humain au centre du développement économique et insiste sur le respect de la dignité et du bien-être de tous les individus à long terme, et met l’être humain au centre du développement, en prônant le respect de la dignité et du bien-être de chaque individu à long terme, néanmoins, un mécanisme d’application est indispensable.177
Dans le contexte de l’africanisation du droit international des investissements, l’approche africaine en matière de DH implique l’intégration d’engagements substantiels pour les investisseurs, notamment en ce qui concerne les DH.
Pour assurer l’efficacité de la protection des DH dans le cadre du droit international des investissements africain, les détenteurs de droits sont habilités à faire valoir ces droits contre les détenteurs d’obligations, incluant l’accès à des mécanismes judiciaires178 et arbitraux adaptés aux différends. Certains pays peuvent avoir besoin de périodes et de mécanismes de transition spéciaux qui offrent un délai supplémentaire pour développer leurs capacités à mettre en œuvre de nouvelles obligations pour intégrer de manière flexible le concept de DH.179 Cette flexibilité reconnue dans toutes les communautés économiques régionales africaines et même au sein du PI180 met le point sur la réalité de la géométrie variable existante en Afrique.181
Néanmoins, l’UA devrait inclure des engagements spécifiques en matière de développement et de renforcement de l’engagement des États en faveur de l’intégration des principes DH dans leurs lois nationales, afin de garantir que toutes les parties soient en mesure de respecter les engagements des directives régionales et continentales de la ZLECAf.
Il faut également souligner que dans une approche d’ «humanisation» du droit international des investissements en Afrique, l’actuelle négociation du mécanisme de règlement des différends doit prendre en compte que l’intégration du RDIE sous sa forme traditionnelle182 ne correspond pas à la vision du PI concernant les protections traditionnelles des investisseurs. En outre, elle ne reflète pas non plus la décision de certains États africains d’abandonner complètement le RDIE. Cette démarche ne répondrait pas forcément aux attentes de tous les États africains de manière holistique. Par exemple, l’article 13 du Protection of Investment Act Sud-africain de 2015 exclut complètement le RDIE et identifie la médiation comme le principal mécanisme de règlement des différends en réservant simplement le droit de l’Afrique du Sud à consentir à l’arbitrage international d’État à État sous réserve de l’épuisement des recours internes.183
En outre, la conceptualisation du principe DH en droit international des investissements tente de mettre en place ses propres mécanismes intégrés tant au niveau régional, que continental pour les différends entre États ne faisant pas partie de la même CER.
Ces mécanismes dans le sillage de la refonte panafricaine du droit international des investissements assureront le règlement des différends, la compensation pour l’État hôte, et la réparation matérielle des préjudices pour les victimes des atteintes au DH,184 en naviguant sur la flexibilité en tant que spécificité propre aux systèmes juridiques africains.
En outre, l’article 21 du PI introduit les prémices d’une innovation en ce qui concerne l’évaluation d’une indemnisation juste et adéquate basée sur un équilibre équitable entre l’intérêt public et celle des personnes concernées, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’utilisation passée et présente de l’investissement, de l’historique de son acquisition, de la juste valeur marchande de l’investissement, du but de l’expropriation, de l’étendue des bénéfices antérieurs réalisés par l’investisseur grâce à l’investissement, du comportement antérieur de l’investisseur et de la durée de l’investissement.
Il est important de souligner que la norme d’indemnisation juste et adéquate s’applique également en cas d’expropriation illégale. Le calcul de la juste valeur marchande du bien exproprié exclut les pertes consécutives ainsi que les bénéfices spéculatifs ou exceptionnels réclamés par l’investisseur. Il est attendu qu’une telle indemnisation soit réalisée au cas par cas par rapport à la juste valeur marchande de l’investissement exproprié et dans un délai raisonnable conformément aux lois et réglementations nationales. L’évaluation d’une rémunération juste et adéquate représente indéniablement une avancée significative, mais reste perfectible ; l’Union Africaine ou les CER devraient apporter une définition claire du comportement d’investissement, en particulier en ce qui concerne le respect des normes élevées d’éthique des affaires, des droits humains liés aux investissements et des normes du travail, ainsi qu’ une évaluation de l’impact de ces investissements sur les communautés.
Il est possible néanmoins, que la politique gouvernementale exclut certains investissements stratégiques des obligations préalables à l’établissement, en les déchargeant légalement des études d’impact environnemental, ou en continuant à favoriser fiscalement certains types d’investissements plus rentables que durables dans certains secteurs aux dépends des atteintes aux DH par exemple.185
Dans le but d’empêcher les gouvernements de priver préférentiellement les citoyens de leur droit à l’information à l’avenir, il est suggéré qu’une relecture des futurs instruments d’investissement comprend une clause exigeant que toutes les opérations d’investissement soient accompagnées d’une évaluation de l’impact social, rendu publiquement obligatoire, comme c’est déjà préconisé dans le cadre du PI.186
L’intégration d’une telle clause dans le traité peut renforcer l’engagement des investisseurs en faveur du développement durable du pays d’accueil et contribuer à la prévention des violations des DH. Il est essentiel de garantir le droit à l’information dans les accords d’investissement afin de faciliter la participation du public aux processus décisionnels. Par ailleurs, il serait opportun de mettre en place un mécanisme efficace pour dédommager les victimes d’atteinte aux DH afin qu’ils puissent disposer du droit de poursuivre les investisseurs devant un tribunal arbitral ou régional, tout comme les États qui peuvent présenter des demandes reconventionnelles en cas de non-respect des obligations conventionnelles, voire la mise en place d’un mécanisme à part entière.
Car en effet, il faut souligner que les textes régionaux existent en même temps que les lois nationales des États ce qui pousse à se poser la question légitime de la manière dont la convergence entre les systèmes nationaux et régionaux se fera, notamment si les lois nationales sont moins protectrices des DH que les textes régionaux, cela pourrait être appliqué dans le cadre de la mise en œuvre du PI vis-à-vis des lois nationales les plus protectrices des investissements au détriment des DH.
Car malgré l’existence de l’article 49 du PI visant à harmoniser les textes des CER et supprimer les TBI intra-africains, les lois nationales des Etats peuvent tendre vers une divergence et maintenir des standards de protection plus élevés que ceux du PI.
En effet, à titre d’exemple, l’Accord d’investissement de la SADC, et le code d’investissement de la CEDEAO coexistent de manière asymétrique avec des lois nationales qui divergent du texte régional.187
Par conséquent, la relation entre les lois nationales des Etats de la SADC et de la CEDEAO et l’accord d’investissement de la SADC et le code d’investissement de la CEDEAO compromet l’applicabilité et l’efficacité des traités.
Ce cadre coexistant suggère qu’une dynamique de la «répartition des normes» et la «qualité des normes» en tant que déterminant l’applicabilité et l’efficacité des dispositions,188 pourrait être appliquée au cadre du PI, pour les lois nationales qui seraient considérées comme divergentes.
Ainsi, le renforcement des législations nationales de chaque État reste le mécanisme le plus efficace pour imposer et renforcer les obligations des investisseurs en matière d’évaluation de l’impact sur les DH. Conformément à l’obligation des États en droit international d’assurer l’accès à un recours pour les victimes de violations des droits de l’homme, il pourrait être envisagé d’inclure une disposition soumettant les investisseurs à la juridiction civile des tribunaux de leur État d’origine pour les dommages causés dans l’État d’accueil, comme préconisé par l’article 47 du PI qui initie la possibilité de poursuivre en justice les investisseurs et leurs investissements devant les tribunaux nationaux de l’État hôte, et les soumets, le cas échéant et en conformité avec les lois et réglementations nationales, à des poursuites civiles devant les tribunaux de leur État d’origine pour les actes, décisions ou omissions commis dans l’État d’accueil en lien avec l’investissement, si ces actions, décisions ou omissions entraînent des dommages, des blessures corporelles ou des pertes de vies humaines dans l’État d’accueil.
Le droit à un recours en cas de violation est un droit substantiel qui permet la mise en œuvre des garanties offertes par les droits positifs et les protections négatives découlant de l’article 21(1). Il est intrinsèque et essentiel à tous les droits de l’homme et est également intégré dans le droit d’accès à la justice. Ce droit à un recours implique également des réparations. Selon l’article 21(2), en cas de spoliation, la réparation en faveur du «peuple spolié» prend la forme d’une restitution ou d’une compensation. Toute spoliation de terre doit être légale, dans l’intérêt exclusif des populations, raisonnable et proportionnée. Les peuples affectés par la spoliation doivent recevoir une compensation complète, efficace, équitable et appropriée, ainsi qu’une assistance pour la réhabilitation. Cette compensation doit être disponible avant que ces peuples ne soient déplacés de leur terre et doit être déterminée en consultation avec les personnes concernées, sans aggraver leurs conditions de vie. Elle doit également prendre en compte la plus grande vulnérabilité de certains groupes, tels que les familles dirigées par des femmes.
En plus des droits importants énoncés dans les paragraphes précédents, l’article 21 propose également des garanties procédurales pour assurer une mise en œuvre efficace. La première garantie procédurale concerne la tenue de consultations effectives et sincères ainsi que la participation rigoureuse à la prise de décisions concernant les projets de prospection et d’extraction des ressources naturelles. Cela permet aux personnes affectées vivant dans les zones où ces projets sont envisagés d’avoir accès à toutes les informations nécessaires avant la finalisation du projet, notamment les conclusions des évaluations d’impact environnemental, social et sur les droits de l’homme. Ces informations doivent être facilement accessibles et disponibles dès le début et pendant toute la durée du projet.
En outre, les États parties doivent mettent en place des règles et des procédures qui ne limitent pas indûment ou n’interdisent pas la possibilité d’engager des poursuites en responsabilité civile des investisseurs dans leur État d’origine, en prenant en compte les règles régissant les conflits de lois et la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers.
La confusion pourrait résulter du manque de clarté concernant les actions intentées par une victime devant un tribunal national tandis qu’une demande reconventionnelle de l’État sur la même question est soumise à un tribunal arbitral. Afin d’éviter de telles ambiguïtés, les futurs accords d’investissement en Afrique devraient s’inspirer de la disposition du modèle de traité d’investissement bilatéral de l’Africa Arbitration Academy (TBI modèle de l’AAA)189 et préciser que les demandes reconventionnelles ne constituent pas un jugement définitif contre des actions à caractère juridique, coercitif ou réglementaire conformément aux lois ou procédures judiciaires de l’État hôte.190 En outre, les futurs accords d’investissement pourraient incorporer la philosophie d’Ubuntu en tant que principe essentiel pour l’interprétation, l’exécution et l’application des obligations en matière de DH, issu de la coutume africaine. Le principe d’Ubuntu est dérivé de l’idiome africain populaire Umuntu Ngumuntu Ngabantu, traduit par une personne est une personne en raison de ce que les autres membres de la communauté ont fait pour elle.191
Ubuntu défend le respect de la dignité humaine et de l’égalité pour tous, en fonction de leur statut au sein de la communauté. Ce principe reconnaît que chaque individu a le devoir inhérent d’accorder le respect de la dignité humaine et de l’égalité aux autres membres de la communauté dans laquelle il évolue.192 En tant que principe fondamental des traités, Ubuntu s’avère être un levier potentiel pour renforcer l’adoption et la mise en œuvre des normes relatives aux droits de l’homme de manière générale, ainsi que de celle de la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme en particulier.
Le communalisme africain renvoie au système traditionnel de fonctionnement des régions rurales d’Afrique d’autrefois.193 En Afrique, la société a perduré pendant des décennies sans structures hiérarchiques formelles, offrant un accès équitable à la terre et aux cours d’eau pour tous, évoquant ainsi des formes d’égalitarisme et de socialisme. Certains éléments de cette manière de vivre sont reconnus par l’UA.194
En 2009, la Cour africaine a pris une décision historique concernant l’affaire des Endorois qui a été considérée comme une victoire pour les peuples autochtones de toute l’Afrique.195 La Commission avait reproché au gouvernement kényan d’avoir privé la communauté endoroise de ses terres ancestrales en créant une réserve naturelle autour du lac Bogoria, portant atteinte à ses activités pastorales et culturelles. Les articles 21 et 22 de la Charte, qui traitent respectivement de la libre utilisation des ressources naturelles et du droit au développement, ont servi de fondement à cette condamnation.
En outre, le 23 juin 2022, un arrêt de la Cour africaine oblige le Kenya à verser une compensation aux Ogiek pour les dommages matériels et moraux subis, ainsi qu’à mettre en place toutes les mesures nécessaires, législatives et autres, pour identifier, délimiter et octroyer un titre collectif aux terres ancestrales des Ogiek. Le Kenya est également tenu d’assurer la pleine reconnaissance des Ogiek en tant que peuple autochtone du pays et de garantir leur droit à être consultés sur tous les projets de développement, de conservation ou d’investissement sur leurs terres.196
Ces arrêts rendus laissent entendre une forme de conceptualisation de la doctrine morale du communalisme africain en prônant la dignité humaine, les droits et les responsabilités. Le philosophe Polycarp Ikuenobe affirme que le communalisme africain ne perçoit pas nécessairement de conflit entre les individus et la communauté ; au contraire, ils se soutiennent mutuellement et les individus sont tenus d’avoir une attitude morale consistant à contribuer à la communauté dans leur propre intérêt.197
Cette attitude met l’accent sur le devoir comme objectif primordial de la création d’une communauté, visant à offrir les conditions matérielles nécessaires pour concrétiser les droits substantiels et le bien-être des individus.
Ces idéaux panafricanistes ont ultérieurement influencé les standards et les institutions de gouvernance continentale. L’Organisation de l’Unité africaine (OUA) représentait un compromis entre deux courants majeurs du mouvement panafricain. Le groupe de Casablanca défendait une vision d’une «Afrique sans frontières», prônant une intégration approfondie et une union fédérale des États africains, avec des organes communs comme une armée africaine unifiée. D’un autre côté, le groupe de Monrovia préconisait une forme plus flexible d’alliance pour une coopération économique progressive centrée sur l’État-nation.198
C’est cette dernière vision qui a finalement prévalu et qui a servi de fondement à l’OUA puis l’UA dans sa configuration actuelle. Néanmoins, les aspirations du groupe de Casablanca demeurent un principe d’adhésion pour les panafricanistes, et continuent de se refléter dans l’«Agenda 2063» de l’UA, envisageant une fédération des États africains d’ici 2060,199 ainsi que dans la décision prise par l’UA en 2008 d’intégrer la diaspora en tant que sixième région de l’Union. Cela offre aux panafricanistes des Amériques, des Caraïbes et d’autres régions la possibilité de participer aux organes décisionnels et aux processus de prise de décisions de l’UA.
La similitude culturelle fait de l’Afrique un eldorado pour les investisseurs issus des Amériques ayant des origines africaines, notamment en raison de l’approche historique holistique des DH. Les similitudes historiques et culturelles peuvent permettre une meilleure appréhension du principe DH sur le continent.
La ZLECAf incarne donc cette vision ambitieuse pour l’unité et la prospérité de l’Afrique et de ses diasporas issues des États américains à travers la CARICOM et les partenariats USA-Afrique. En surmontant les obstacles infrastructurels et financiers, ces régions peuvent instaurer un environnement économique solide et inclusif bénéfique à tous les citoyens.200
Cette approche panafricaine faisant office de spécificité dans la réforme du DII africain est également en train d’influencer les lois internes des Etats africains, qui réforment leurs codes d’investissement201 dans le but de renforcer les partenariats intra-africains202 et avec le Sud-Global.
Le Bénin est l’un des premier Etats africains à avoir pris en septembre 2024 une mesure que l’on pourrait qualifier d’approche panafricaine, en adoptant une loi visant à faciliter l’obtention de la nationalité béninoise pour les descendants d’africains.203 Cette mesure encourage ainsi les investisseurs étrangers à venir s’installer et investir dans le pays de leurs ancêtres. L’Afrique du Sud prône également l’approche panafricaine depuis 2016 avec le lancement d’une nouvelle initiative : Trade Invest Africa. Cette initiative visait déjà à promouvoir le commerce et l’investissement en Afrique en offrant un soutien aux entreprises souhaitant croître sur le continent, notamment en fournissant un accès au financement, en identifiant des opportunités sur le marché et en proposant du soutien non financier tel que des données de marché et des opportunités de réseautage.
En outre, les politiques minières sud-africaines ont toujours eu une approche DH holistique de redistribution des richesses pour les communautés défavorisées.204 La Charte minière Sud africaine de 2017 relève le seuil minimum de participation des Noirs dans les sociétés minières de 26 à 30 %, et dispose qu’une nouvelle entreprise de prospection doit avoir au moins 50 % d’actionnariat noir, y compris lors du droit de vote, elle est également applicable à la législation sur les diamants et les métaux précieux. De plus, une nouvelle entreprise minière doit avoir une participation de 30 % de personnes noires, répartie de manière spécifique entre les employés, les communautés et les entrepreneurs. En outre, il est exigé que les sociétés minières achètent 70 % des biens et 80 % des services à des entreprises détenues par des Noirs. De plus, il est obligatoire que 100 % des échantillons minéraux soient analysés par des entreprises basées en Afrique du Sud.
Enfin, la Charte exige que la moitié des membres des conseils d’administration des sociétés minières soient noirs, dont 25 % doivent être des femmes noires. Les critères de la Charte doivent être pris en considération pour décider de l’octroi d’une licence.205 Une réforme en cours en 2024 vise à contraindre les investisseurs à appliquer ces mesures en vue d’asseoir une redistribution des richesses économique équitable.
La grande variété des nouvelles dispositions juridiques dans ces textes africains pose donc le problème de l’interprétation206 à la lumière du principe des DH notamment avec la réforme du système de règlement des différends d’investissements. Une interprétation des AII intra-africains doit se faire selon la doctrine africaine Ubuntu et celle du «communalisme africain» et prendre en compte la complexité des systèmes juridiques des États africains. L’interprétation doit garantir une certaine flexibilité afin de permettre à chaque État d’encadrer sa propre définition du principe DH dans le cadre de l’arbitrage d’investissement.
Il convient donc de préciser qu’un tel projet d’interprétation du DII, et d’identification de la manière dont les approches de la doctrine africaine, en tant que forces particulières influencent le monde, peut être abordé sous au moins trois angles.
Tout d’abord, l’interprétation ascendante peut être adoptée pour rechercher la généralité à partir du particularisme des DH africains ; commencer aussi localement que possible pour comprendre les modes d’influence mutuelle des DH sur le comportement des investisseurs, puis comparer et extrapoler graduellement à une échelle de plus en plus grande jusqu’à atteindre un niveau global d’interprétation. L’interprétation devrait se focaliser sur les intentions des législateurs lors du processus d’interprétation. L’objectif principal est de se concentrer sur le problème que la loi cherche à résoudre et de proposer une réponse dans le cadre de la nouvelle loi.
Deuxièmement, une vision globale ou descendante peut être adoptée de l’influence de l’investissement sur le DH dans son ensemble, pour laquelle l’interprétation est ensuite de plus en plus restreinte pour comprendre et justifier la manifestation la plus locale du droit qui façonne la conduite de l’investisseur. L’interprétation concernera à la fois la signification littérale et l’intention de la loi. Elle est perçue comme un compromis entre la règle du sens littéral et la règle du méfait, car elle offre aux interprètes la capacité de modifier la signification littérale des mots si l’interprétation de leur sens initial entraîne de la confusion et des résultats opposés à l’intention principale.
Alternativement, le point d’analyse peut être contrarié sur un terrain d’entente où ses deux vecteurs se rencontrent. À ce niveau d’analyse, l’attention n’est pas tant portée sur la direction de l’approche DH par le DII à une échelle toujours plus grande ou sur la réplication d’une éthique juridique globale au niveau local, mais plutôt sur les tensions impliquées dans de tels processus d’interprétation. Cette construction harmonieuse d’interprétation pourrait être utilisée lorsqu’il y a un conflit entre plusieurs lois ou des parties différentes d’une même loi. En de telles circonstances, il est essentiel d’interpréter les dispositions de manière conséquente pour maintenir l’harmonie et clarifier l’objectif global de la loi. En outre, la coutume complète les droits fondamentaux en régissant les statuts personnels et en protégeant certaines catégories vulnérables ou en favorisant certains secteurs économiques.207 Le droit coutumier constitue également un pilier essentiel pour garantir les droits culturels souvent laissé de côté dans le cadre du droit international des investissements.208
L’intégration de principes issus de la coutume est une spécificité africaine209 dans les constitutions nationales, et qui peut entrer dans le cadre du droit de réglementer des États. Ainsi, sur le plan économique, la coutume joue un rôle majeur dans la propriété foncière selon certaines constitutions africaines. A titre d’exemple, en RDC, l’article 34 de la constitution considère la propriété privée comme sacrée tout en garantissant le droit à la propriété individuelle ou collective conformément à la loi ou à la coutume. En Angola, l’article 92 de la constitution protège le droit à l’utilisation et à la jouissance des moyens de production par les communautés rurales, conformément à la constitution, à la loi et aux règles coutumières. De son côté, la constitution gambienne protège les habitants titulaires de terres selon la coutume contre toute privation de propriété et oblige le gouvernement à les réinstaller sur des terres alternatives favorisant leur bien-être économique et culturel.210
En intégrant des normes coutumières qui s’harmonisent avec les droits fondamentaux, les dispositions constitutionnelles visent à soutenir le développement économique de l’individu et de la collectivité en adéquation avec les droits des investisseurs. Par exemple, l’article 22 de la constitution togolaise protège le droit de circuler librement et de s’établir sur le territoire national conformément à la loi ou à la coutume locale. Ces coutumes intégrées dans les droits fondamentaux nationaux sont sélectionnées en fonction de leur compatibilité avec les normes protégeant les DH. Cette coexistence entre la coutume et le droit international des investissements nécessite néanmoins des mécanismes d’intégration pour assurer une harmonie entre les coutumes africaine et les droits reconnus aux investisseurs dans le cadre de traités d’investissement sont directement applicables, à savoir le traitement juste et équitable, le standard de compensation en cas d’expropriation, les privilèges fiscaux et douaniers, etc., ainsi que des mécanismes de règlement des différends adaptés à l’interprétation de ces coutumes à l’instar de l’exemple Ghanéen qui prévoit la participation populaire dans l’administration de la justice à travers des tribunaux coutumiers qui contribuent à l’application de la coutume.211
Dans notre optique, l’intégration de tels éléments dans les futurs accords d’investissement pourrait favoriser l’émergence d’une approche basée sur la dignité humaine, facilitant ainsi l’acceptation et la mise en œuvre effective des normes relatives aux DH et de la responsabilité des entreprises en matière de DH.
La mise en œuvre de la réforme du droit international des investissements au niveau régional et continental, opérera crescendo l’harmonisation voire l’amélioration des normes déjà établies. Toutefois, l’efficacité de l’implication des investisseurs ne peut être effectuée uniquement sur la base de la présence de mécanismes d’application dans les Accords régionaux d’investissements, mais aussi sur leur fonctionnement effectif en pratique et leur intégration et convergence pour influencer les réformes des droits nationaux des États africains.
Selon une partie des analystes, les changements visés par le PI ne devraient avoir que des effets pratiques limités.212 En effet, le PI diminue les protections offertes par les TBI intra-africains aux investisseurs intra-africains, mais n’a aucun impact sur les protections offertes par les TBI non intra-africains aux investisseurs non-africains en Afrique.
En premier lieu, l’impact du Protocole ne touchera qu’une petite partie du stock d’IDE en Afrique (c’est-à-dire les IDE intra-africains), car la majorité des IDE en Afrique proviennent d’investisseurs non-africains, principalement les Etats européens et asiatiques.213
Cependant, malgré leur volume modeste, les investissements directs des nations africaines en Afrique sont diversifiés : par exemple, l’Afrique du Sud et le Nigeria ont des participations dans plus de 20 autres nations africaines, tandis que le Togo détient des actifs d’investissements directs dans plus de 30 autres pays du continent africain.214
Le PI en outre met en place une agence panafricaine du commerce et de l’investissement dont la mission est d’aider les agences nationales de promotion de l’investissement et le secteur privé à mobiliser des ressources financières, à promouvoir le développement des entreprises et à offrir un soutien technique, afin de promouvoir et faciliter l’investissement conformément aux dispositions du protocole.
Cette initiative marque une avancée significative vers la mise en place d’une structure institutionnelle qui encouragera les investissements intra-africains durables respectant les principes DH. L’existence d’une sécurité juridique et d’une transparence dans les dispositions du PI qui a parfois fait défaut215 pourrait également encourager davantage les investisseurs africains à investir en Afrique, créant ainsi une chaîne de valeur africaine.
En fin de compte, on pourrait penser que les droits des investisseurs intra-africains de l’UA en vertu des TBI intra-africains seront affaiblis par le PI, car la protection des investisseurs de l’UA dans les États membres de l’UA sera réduite, et donc que les protections pour les investisseurs non africains resteront inchangées. D’autant plus que la plupart des litiges RDIE contre les États membres de l’UA ont été principalement engagés dans le cadre d’accords entre États africains et non africains, plutôt que dans des accords intra-africains.
Ainsi la réforme du DII n’aurait qu’un faible impact sur la protection des DH car cela fermerait davantage la porte aux investisseurs intra-africains, en octroyant encore plus d’avantages aux nombreux investissements étrangers hors UA déjà présents en Afrique.
Mais l’évolution de la pratique conventionnelle africaine tend vers une tendance entérinant les principes DH et de développement durable.
L’influence du PI sur la pratique des traités ne se limite pas seulement aux traités entre pays africains. Les pays qui ont signé le Protocole sont obligés d’harmoniser tous les nouveaux accords bilatéraux non africains avec ses dispositions.
Depuis l’adoption du PI 2023, plusieurs pays africains ont entamés une refonte de leur pratique conventionnelle,216 en mettant un accent particulier sur les nouveaux accords internationaux d’investissement progressistes notamment avec les États du Sud Global.
L’intégration du principe DH dans le langage de rédaction de ces traités est disparate mais demeure présente. Il semble donc que l’Afrique ait fixé un nouveau standard en matière de pratique des traités internationaux, qui soit cohérente, progressive et plus équitable.217
La consolidation de cette spécificité panafricaine du droit international des investissements devient ainsi un outil de l’émergence d’un ordre juridique africain distinct promouvant les principes DH en tant qu’impératif pour tous les investissements étrangers, et à l’avenir pour les investissements extra-africains.218
5 CONCLUSION
Dans le présent article, une analyse a été effectuée afin d’évaluer l’intégration de l’approche de protection des DH en tant que spécificité du droit international des investissements en Afrique. Les conclusions ont suggéré que cette spécificité africaine du DII, telle qu’elle est mise en œuvre dans les accords d’investissement africains, semble avoir un impact croissant nivelant sur la concrétisation des objectifs de développement durable.
Les résultats révèlent que la réforme du droit international des investissements en Afrique a conduit à l’adoption d’instruments d’investissement axés sur la consolidation des investissements durables, tout en reposant sur un cadre normatif prônant une approche contraignante de protection des DH.
La refonte africaine du droit international des investissements a mis en place des mécanismes assurant la responsabilité des entreprises en matière de DH tels que l’accord d’investissement de la SADC, le PI, le Code d’investissement de la CEDEAO disposant de mécanismes pouvant inciter l’investisseur à être juridiquement responsable en matière de violation des DH, ainsi que des mécanismes arbitraux permettant de résoudre les différends d’investissements relatifs à l’atteinte aux DH émanant des actions ainsi que des mécanismes étatiques permettant de dédommager les victimes.
Néanmoins, en raison de l’absence de mécanismes pouvant les dédommager directement dans le cadre des instances arbitrales, il a été suggéré que l’accès des victimes aux instances étatiques pour obtenir une compensation était le moyen juridique à favoriser dans les futurs accords d’investissements des CER, mais également dans l’annexe 1 du PI en cours de négociation.
Il a été noté que la réplicabilité de l’approche de protection des DH dans le cadre de la refonte africaine du droit international des investissements en Afrique a été renforcée par l’implication des CER les plus avancées et a été harmonisée par la mise en place du PI pour les CER et les États les moins avancés. Cette approche permet ainsi d’appuyer les efforts constants des CER actives et d’aider par le biais du PI les CER inactives et les Etats les moins développés à s’harmoniser aux tendances, pour permettre in fine une intégration régionale. En outre, les États africains sont encouragés à intégrer ces principes lors de futures négociations de traités avec des partenaires extra régionaux pour renforcer et affirmer la spécificité africaine au-delà du cadre intra-régional.219
Il est également souligné que le rôle de régulateur des États est l’un des moyens les plus significatifs pour protéger les DH sur leurs territoires respectifs, en prenant des mesures efficaces à cet effet.
L’implémentation de la protection des DH dans le cadre du droit international des investissements en Afrique passe par divers mécanismes et sa spécificité se caractérise notamment par sa flexibilité et son aspect hétérogène panafricain.
La réforme africaine du droit international des investissements est holistique revêtant à la fois un aspect polycentrique au niveau de l’intégration économique sous-régionale et un aspect statocentrique au niveau de l’intégration économique continentale.
Cette réforme tant sur le plan sous-régional que continental a établi un cadre contraignant pour la responsabilité des investisseurs en matière de protection des DH. Cette pratique africaine pourrait servir de modèle pour les autres pays du Sud Global, à condition que les principes de responsabilité et de justice soient effectivement mis en œuvre et appliqués.
Au sein du droit international des investissements, les pays africains ne sont plus seulement des preneurs de règles, mais sont devenus des créateurs de règles.220 Cependant, cette africanisation s’avère de fois modérée pour certains instruments et radicale pour d’autres.221 Dans cette perspective, des efforts supplémentaires et une volonté politique ferme seront nécessaires pour poursuivre cette évolution. La philosophie Ubuntu, en tant que principe sous-tendant l’interprétation, l’exécution et l’application des obligations en matière de DH pourrait renforcer l’acceptation et la mise en œuvre de la responsabilisation des investisseurs tout en conservant une identité propre au contexte panafricain.
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20. Biloune and Marine Drive Complex Ltd. c. Ghana où le Tribunal a décidé qu’il ‘n’[avait] pas compétence pour traiter, en tant que cause d’action indépendante, une allégation de violation des droits de l’homme’, Sentence de la CNUDCI sur la compétence et la responsabilité, 27 Octobre 1989 ; dans Pac Rim Cayman LCC c. la République de El Salvador, Affaire CIRDI n° ARB/09/12, décision, 14 octobre 2016, le tribunal considéra qu’il n’était ‘pas nécessaire’ de tenir compte des arguments contenus dans un dossier d’amicus curiae, notant que les auteurs n’avaient ‘pas connaissance de la masse de preuves factuelles présentées dans la troisième phase du présent arbitrage, notamment lors de l’audience’ (para 3.30).
21. Veolia Propreté c. Egypte, affaire CIRDI n° ARB/12/15, décision, 25 mai 2018 ; Phillipe Morris c. Uruguay, affaire CIRDI n° ARB/10/7, décision en rectification, 26 septembre 2016 ; Patrick Mitchell c. Congo, Affaire CIRDI n°ARB/99/7, décision en annulation, 1 Novembre 2006 (La contribution au développement économique de l’État hôte comme critère autonome de la définition de l’investissement étranger direct).
22. Bear Creek Mining Corporation c. République du Pérou (affaire CIRDI n° ARB/14/21), sentence du 30 novembre 2017, opinion individuelle de Philippe Sands ; Urbaser S.A. et Consorcio de Aguas Bilbao Bizkaia, Bilbao Biskaia Ur Partuergoa c. République argentine, affaire CIRDI n° ARB/07/26, sentence du 8 décembre 2016.
23. Eco Oro Minerals Corp. c. Colombie, CIRDI no arb/16/41, décision sur la compétence, la responsabilité et les directives sur le quantum, 21 septembre 2021 (Eco Oro).
28. C Dommen & C Changwe Nshimbi, ‘The Continental Free Trade Area (CFTA) in africa - a human rights perspective’ (2017) Friedrich-Ebert-Stiftung & UN Economic Commission for Africa publications.
30. A Flückiger Les racines historiques de la légistique en Suisse (2007) Séminaire de la Commission européenne à Bruxelles.
31. L Mouyal International investment law and the right to regulate. A human rights perspective (2016).
32. O Akinkugbe ‘Africanization and the reform of international investment law’ (2021) 53 Case Western Reserve Journal of International Law 7 12.
34. FJ Hendrik & M Happold ‘The human rights defence in international investment arbitration: exploring the limits of systemic integration’ (2019) 68 International & Comparative Law Quarterly 741-59.
35. Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale 21 déc 1965 CERD Pacte international relatif aux droits civils et politiques 16 déc 1966 CCPR Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 16 déc 1966 CESCR Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes 18 déc 1979 CEDAW Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants 10 déc 1984 CAT Convention relative aux droits de l’enfant 20 nov 1989 CRC Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille 18 déc 1990 CMW Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées 20 déc 2006 CED Convention relative aux droits des personnes handicapées 13 déc 2006 CRPD Protocole facultatif se rapportant au Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 10 déc 2008 CESCR Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques 16 déc 1966 CCPR Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort 15 déc 1989 CCPR Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes 10 déc 1999 CEDAW Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés 25 mai 2000 CRC Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants 25 mai 2000 CRC Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications 19 déc 2011 CRC Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants 18 déc 2002 SPT Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées 12 décembre 2006.
37. Préambule et art 7, Accord revisité de la zone d’investissement commune du COMESA (ZICc.CCIA) de 2007 notamment.
38. C Baltag, R Joshi & K Duggal ‘Recent trends in investment arbitration on the right to regulate, environment, health and corporate social responsibility: too much or too little?’ (2023) 38 ICSID Review - Foreign Investment Law Journal 2 381-421.
39. Art 21(1), 21(2) & 21(4), Acte additionnel de la CEDEAO A/SA.3/12/08 (Acte additionnel de la CEDEAO) portant adoption des règles communautaires sur l’investissement et les modalités de leur mise en œuvre signé le 19 décembre 2008, entré en vigueur le 19 janvier 2009.
43. Art 20, Acte additionnel de la CEDEAO ; art 15(3), TBI Maroc-Nigéria ; art 11, Annexe 1 Coopération sur l’investissement du Protocole de la SADC sur la finance et l’investissement.
48. Voir article 25 portant sur les normes minimales sur l’environnement, le travail et la protection des consommateurs : Le Protocole habilite les États parties à assurer la protection de l’environnement, du travail et des consommateurs, en tenant compte des politiques nationales, des meilleures normes internationaux et des accords internationaux pertinents auxquels elles sont parties. En plus de continuer à améliorer leurs normes dans le cadre de leurs lois et réglementations nationales. Le Protocole interdit en outre aux gouvernements d’associer ou de renoncer aux normes nationales, ou de se conformer aux lois sur l’environnement, le travail et la protection des consommateurs et aux normes minimales internationales.
49. V Korzun ‘The right to regulate in investor-state arbitration: slicing and dicing regulatory carve-outs’ (2017) 50 Vanderbilt Journal of Transnational Law 2 355-414.
50. S Steininger ‘What’s human rights got to do with it? An empirical analysis of human rights references in investment arbitration’ (2018) 31 Leiden Journal of International Law 1-26, 1.
51. Urbaser c. Argentine, sentence, para 1156 ; X Qian ‘Challenges of water governance (and privatization) in China-traps, gaps, and law’ (2018) 47 Georgia Journal of International and Comparative Law 49-91.
52. S Schacherer ‘Urbaser c. Argentine’ in B Osterwalder & MD Brauch (eds) Droit international de l’investment et développement durable : principales affaires des années 2010 (2018) 25-30.
55. J Alvarez ‘The use (and misuse) of European human rights law in investor-state dispute settlement’ in F Ferrari (ed) The impact of EU law on international commercial arbitration (2017).
60. Art 17(1)(a)(ii)) , TBI Iran-Slovaquie de 2016 ; art 28.4, TBI Argentine-Émirats arabes unis de 2018.
62. E de Brabandere ‘Human rights and international investment law’ in M Krajewski & R Hoffmann (eds) Research handbook on foreign direct investment (2019)
66. E de Brabandere ‘Human rights and international investment law’ (2018) 75 Grotius Centre working paper series 1-23.
68. ALE Canada-Colombie, signé le 21 novembre 2008, entré en vigueur le 15 août 2011; TBI Canada-Serbie, signé le 1er septembre 2014, entré en vigueur le 27 avril 2015 ; TBI Canada-Mongolie, signé le 8 septembre 2016, entré en vigueur le 24 février 2017 ; TBI Canada-Guinée, signé le 27 mai 2015, entré en vigueur le 27 mars 2017 ; TBI Canada-Burkina Faso, signé le 20 avril 2015, entré en vigueur le 11 octobre 2017 ; TBI Canada-Côte d’Ivoire, signé le 30 novembre 2014, entré en vigueur le 14 décembre 2015 ; TBI Canada-Mali, signé le 28 novembre 2014, entré en vigueur le 8 juin 2016 ; TBI Canada-Bénin, signé le 9 janvier 2013, entré en vigueur le 12 mai 2014 ; TBI Canada Cameroun, signé le 3 mars 2014, entré en vigueur le 16 décembre 2016 ; TBI Canada-Sénégal, signé le 27 novembre 2014, entré en vigueur le 5 août 2016.
70. N Monebhurrun ‘Mapping the duties of private companies in international investment law’ (2017) 14 Brazilian Journal of International Law 55-57.
78. Art 8, Annexe 1 Coopération sur l’investissement du Protocole de la SADC sur la finance et l’investissement.
87. Le parlement de la République Unie de Tanzanie a adopté entre le 9 juillet et le 28 septembre 2021 une série de modifications de plusieurs lois ayant trait au devoir de vigilance et la régulation de l’environnement des affaires. De manière générale, The Written Laws (Miscellaneous Amendments) Act 3 (2021) a modifié 11 lois, y compris The Companies Act (CAP.212) ; Kenya, Office of the Attorney General and Department of Justice, sessional Paper 3 of 2014 on National Policy and Action Plan on Human Rights (2014).Voir également Rapport du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, Doc off CDH NU, 41e sess 2019, Doc NU/A/HRc.41/43/add.2 (2019) ; Kenya, Mwongozo: The Code of Governance for State Corporations, Public Service Commission (PSC) & State Corporations Advisory Committee (2015).
88. TBI Congo - Maroc (2018), TBI Cap Vert - Guinée équatoriale (2019), TBI République centrafricaine - Rwanda (2019), TBI République démocratique du Congo - Rwanda (2021). TBI Maroc - Soudan du Sud (2017), TBI Maroc - Zambie (2017), TBI Cap Vert - Maurice (2017), TBI Kenya - Maurice (2019) . TBI Maroc-Cap Vert (2023) ; TBI Angola - Cap-Vert (2022) ; TBI Cap Vert - Sao Tomé et Principe (2019) ; TBI Congo-Maroc (2018).
89. Art 14, TBI République centrafricaine-Rwanda ; art 13, TBI République démocratique du Congo-Rwanda ; art 20, TBI Maroc - Cap Vert.
91. Art 16, TBI République centrafricaine-Rwanda; art 15, TBI République démocratique du Congo-Rwanda.
99. Voir travaux du professeur Benjamin Sa Traoré sur la question Business and Human Rights et la responsabilité des entreprises.
101. UNCTAD Implications of the African Continental Free Trade Area for Trade and Biodiversity: Policy and Regulatory Recommendations (2021).
102. Discours prononcé au cours de l’Assemblée générale inaugurale de la Coalition africaine pour la responsabilité d’entreprise - Commissaire Solomon Ayele Dersso, Président du Groupe de travail sur les industries extractives.
103. Le devoir de respecter et d’avoir de la considération pour autrui et de maintenir les relations visant à promouvoir, sauvegarder et renforcer le respect mutuel et la tolérance est prévu par l’article 28 de la Charte africaine. Voir également ACHPR/Res. 367 (LX) 2017, Résolution relative à la Déclaration de Niamey visant à garantir le respect de la Charte africaine dans le secteur des industries extractives. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (Principes de Ruggie) confirment, en le Principe 11, que les entreprises ‘devraient éviter de porter atteinte aux droits de l’homme d’autrui et remédier aux incidences négatives sur les droits de l’homme dans lesquelles elles ont une part’. Voir également ACHPR/Res. 367 (LX) 2017, Résolution relative à la Déclaration de Niamey visant à garantir le respect de la Charte africaine dans le secteur des industries extractives.
105. Copper Mesa Mining Corporation c. République de l’Équateur, CPA n° 2012-2, sentence, 15 mars 2016.
106. Middle East Cement Shipping and Handling Co. SA c. la République arabe d’Égypte, affaire CIRDI n° ARB/99/6, sentence, 12 août 2002.
113. Hesham Talaat M. Al-Warraq c. Indonésie, CNUDCI, sentence finale, 15 décembre 2014, paragraphes 645 et 646 : Niko Resources (Bangladesh) Ltd. c. la République populaire du Bangladesh et al., affaire CIRDI n° ARB/10/ 11 et affaire CIRDI n° ARB/10/18, Décision sur la compétence, 19 août 2013, para 477 ; Glencore Finance (Bermuda) Limited c. État plurinational de Bolivie, affaire CPA n° 2016-39, ordonnance de procédure n° 2.
114. Churchill Mining PLC et Planet Mining Pty Ltd c. République d’Indonésie, affaires CIRDI n° ARB/12/14 et 12/40, sentence, 6 décembre 2016, para 528.
115. Bernhard von Pezold et autres c. République du Zimbabwe, affaire CIRDI n° ARB/10/15, sentence, 28 juillet 2015, para 420 ; Gustav FW Hamester GmbH & Co KG c. République du Ghana, affaire CIRDI n° ARB/07/24, sentence, 18 juin 2010, para 127 ; Vladislav Kim et autres c. République d’Ouzbékistan, affaire CIRDI n° ARB/13/6, décision sur la compétence, 8 mars 2017, para 374 à 377.
116. Plama Consortium Ltd. c. République de Bulgarie, affaire CIRDI n° ARB/03/24, sentence, 27 août 2008, para 138 ; Phoenix Action, Ltd. c. République tchèque, affaire CIRDI n° ARB/06/5, sentence, 15 avril 2009, para 101 ; Gustav FW Hamester GmbH & Co KG c. République du Ghana, affaire CIRDI n° ARB/07/24, sentence, 18 juin 2010, para 124.
117. Gustav FW Hamester GmbH & Co KG c. République du Ghana, affaire CIRDI n° ARB/07/24, sentence, 18 juin 2010, para 124.
126. Churchill Mining PLC et Planet Mining Pty Ltd c. République d’Indonésie, affaires CIRDI n° ARB/12/14 et 12/40, sentence, 6 décembre 2016, para 494.
127. P Butler ‘Human rights in international commercial and investment arbitration’ in S Kröll, AK Bjorklund & F Ferrari (eds) Cambridge compendium of international commercial and investment arbitration (2023) 139-185.
131. Cette démarche résulte de l’application logique des obligations énoncées par la Charte africaine sur les entités morales.
132. Le Protocole de Malabo illustre un type d’accord entre les États africains concernant les types d’actes pouvant entraîner la responsabilité pénale des entreprises.
133. Dans le cadre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, ces mesures sont perçues comme des engagements volontaires en matière de transparence.
134. Art 27 de la Charte africaine ; voir également ACHPR/Res. 367 (LX) 2017, Résolution relative à la Déclaration de Niamey visant à garantir le respect de la Charte africaine dans le secteur des industries extractives.
136. Voir art 27. En témoignent les meilleures pratiques appliquées en Afrique du Sud, un pays dont la Loi sur l’exploitation des minerais et du pétrole (Loi 28 de 2002) prévoit, aux termes de ses articles 23(h), 24(3), 25(2), 28(2) et 85(3), entre autres dispositions, qu’une compagnie minière doit soumettre un plan social et concernant la main d’œuvre avant de solliciter l’octroi d’une licence d’exploitation minière. Les plans sociaux et du travail sont considérés comme relevant de la responsabilité sociale d’entreprise.
137. Dans le contexte de la Charte africaine, qui impose des devoirs à tous les individus, et compte tenu des ressources à la disposition des industries extractives, ainsi que de la portée et de la nature des communautés qui dépendent du secteur des industries extractives, les dispositions de la Charte africaine, en particulier les articles 27 à 29 doivent être interprétés comme imposant aussi des droits aux compagnies.
138. Affaire SERAC, CADHP, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Social and Economic Rights Action Center (SERAC) and Center for Economic and Social Rights (CESR) c. Nigeria, (Décision du 27 octobre 2001), 30e sess ordinaire, Communication 155/96.
139. Affaire Kilwa, CADHP, Institute for Human Rights and Development in Africa and Others c. Democratic Republic of the Congo, (Décision du 9 juin 2016), Communication 393/10.
145. Bulletin d’information du Groupe de Travail sur les Industries Extractives, l’environnement et les violations des Droits de l’Homme, n° 1, octobre 2018 à la p 2 [Bulletin d’information]. Le Groupe de Travail sur les Industries Extractives, l’Environnement et les Violations des Droits de l’Homme en Afrique a été créé par la résolution CADHP/Res 148 (XLVI) 09, adoptée lors de la 46e session ordinaire de la Commission tenue du 11 au 25 novembre 2009 à Banjul, Gambie.
152. UA, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Résolution sur la nécessité d’élaborer des normes relatives aux obligations des États de réguler les acteurs privés intervenant dans la fourniture de services sociaux (2020) CADHP/Res. 434 (XXVI1) [Résolution sur la nécessité d’élaborer des normes relatives aux obligations des États]. Elle a été adoptée à la 27e session extraordinaire tenue à Banjul du 14 février au 4 mars 2020. Dans le contexte de cette résolution, la Commission mène une étude conformément à son mandat sur ‘Observation générale de la CADHP sur les obligations des États de réguler les acteurs privés intervenant dans la fourniture des services sociaux’.
153. Discours prononcé au cours de l’Assemblée générale inaugurale de la Coalition africaine pour la responsabilité d’entreprise par le Commissaire Solomon Ayele Dersso, Président du Groupe de travail sur les industries extractives.
154. UA, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Résolution sur l’élaboration des Lignes Directrices pour la soumission de rapports d’État en ce qui concerne les industries extractives (2016) CADHP/Res. 364 (LIX) [Résolution sur l’élaboration des lignes directrices]. Elle édicte les principes de l’établissement des rapports d’État en vertu des articles 21 et 24 de la Charte relatifs aux industries extractives, les droits de l’homme et l’environnement. Elle impose des obligations aux entreprises en matière des droits de l’homme et de l’environnement, 42-45.
158. S Steininger ‘The role of human rights in investment law and arbitration: state obligations, corporate responsibility and community empowerment’ in I Bantekas & M Stein (eds) The Cambridge companion to business and human rights law, Cambridge companions to law (2021) 406-427.
160. Document officiel CS NU, 6432e session Rés NU S/RES/1952 (2010) par laquelle le Conseil de sécurité des Nations unies mande le groupe d’experts sur la République démocratique du Congo pour proposer des recommandations sur le devoir de diligence des entreprises impliquées en aval de l’extraction de minerais dans le pays afin de limiter le soutien indirect au conflit.
161. B Campbell Ressources minières en Afrique : quelle réglementation pour le développement? (2010) Presses de l’Université du Québec 1-9.
163. Y Choondassery ‘Rights-based approach: the hub of sustainable development’ (2017) 8 Discourse and Communication for Sustainable Education 17-23.
164. K Arts ‘Inclusive sustainable development: a human rights perspective’ (2017) 24 Current Opinion in Environmental Sustainability 58-62.
165. A Cornwall & C Nyamu-Musembi ‘Putting the “rights-based approach” to development into perspective’ (2004) 25 Third World Quarterly 1415-1437.
166. M Broberg & HO Sano ‘Strengths and weaknesses in a human rights-based approach to international development - an analysis of a rights-based approach to development assistance based on practical experiences’ (2018) 22 The International Journal of Human Rights 664-680.
167. W Ben Hamida ‘L’arbitrage transnational unilatéral. Réflexions sur une procédure réservée à l’initiative d’une personne privée contre une personne publique’ (2003) thèse de doctorat en droit, Université Paris II.
176. M Sattorova ‘Investor responsibilities from a host state perspective: qualitative data and proposals for treaty reform’ (2019) 113 American Journal of International Law 22-27.
179 A titre d’exemple, les efforts les plus récents sont la tenue de l’ECOMOF 2024 encourageant les investissements dans les secteurs miniers et pétroliers important pour l’économie mais en tentant de prendre en compte le
179. développement durable, la consécration du droit constitutionnel de vivre dans un environnement sain en Afrique du Sud (2024), loi environnementale n°49-17 marocaine (2020), prémices de l’instauration de taxes carbones dans plusieurs pays africains (Cameroun, Maroc ...), la National Environmental Management : Air QualityAct (loi sur la qualité de l’air en Afrique du Sud).
182. Les articles 5 à 21 du projet d’annexe prévoient le règlement des différends entre investisseurs et États. L’article 6 du projet d’annexe dispose que les investisseurs peuvent soumettre une demande d’arbitrage en vertu du Règlement du CIRDI, du Règlement de la CNUDCI ou ‘en vertu de toute autre institution d’arbitrage ou du règlement d’arbitrage’.
184. JT Gathii Designing the Continental Free Trade Area (CFTA): an African human rights perspective (2017) UNECA African Trade Policy Centre.
185. A titre d’exemple la nouvelle loi pétrolière du Nigeria, voté en 2021, et la loi ougandaise qui n’interdit pas l’exploration pétrolière dans les zones protégées.
186. Le principe de la participation du public, tel que incarné dans le principe 10 de la Déclaration de Rio, est un élément fondamental du processus d’EIE. En vertu du principe de participation du public, chacun devrait pouvoir accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques, et l’État devrait prévoir des recours judiciaires et administratifs efficaces ; art 35.3, PI.
187 L’Afrique du Sud aligne sa loi nationale sur l’accord d’investissement de la SADC, tandis que le Congo et le Zimbabwe améliorent la qualité de leurs normes nationales de l’accord d’investissement de la SADC qui prévoit des normes de protection des investissements plus faibles. Il accorde le droit à une indemnisation juste et adéquate en cas d’expropriation. Il prévoit le traitement national et autorise le rapatriement des capitaux. Il prévoit une norme de transparence renforcée par l’obligation des États membres de promouvoir et d’établir la prévisibilité, la confiance et l’intégrité en adhérant et en appliquant des politiques, pratiques, réglementations et procédures ouvertes et transparentes liées à l’investissement. Il n’inclut cependant pas le TJE et le RDIE. Le Code des investissements du Congo prévoit le TJE et le RDIE ainsi qu’un consentement général à l’arbitrage des membres de la SADC est controversé. Il existe une coexistence asymétrique car les États membres de la SADC prévoient des solutions différentes, L’Afrique du Sud aligne sa loi nationale sur l’accord
187. d’investissement de la SADC, tandis que le Congo et le Zimbabwe améliorent la qualité de leurs normes nationales de ’accord d’investissement de la SADC qui prévoit des normes de protection des investissements plus faibles. Il accorde le droit à une indemnisation juste et adéquate en cas d’expropriation. Il prévoit le traitement national et autorise le rapatriement des capitaux. Il prévoit une norme de transparence renforcée par l’obligation des États membres de promouvoir et d’établir la prévisibilité, la confiance et l’intégrité en adhérant et en appliquant des politiques, pratiques, réglementations et procédures ouvertes et transparentes liées à l’investissement. Il n’inclut cependant pas le TJE et le RDIE. Le Code des investissements du Congo prévoit le TJE et le RDIE ainsi qu’un consentement général à l’arbitrage. De plus, le Code d’investissement de la Zambie garantit le TJE, la NPF et le RDIE qualifiés après accord avec le gouvernement.
188. KP Muzaliwa ‘Member States’ Foreign Investment Laws and the Applicability and Effectiveness of Regional Investment Agreements within the Association of Southeast Asian Nations (ASEAN) and the Southern African Development Community (SADC)’ thèse de doctorat soutenue en Septembre 2022 à la Graduate School of International Social Sciences YOKOHAMA National University ; KP Muzaliwa Relationship between the SADC investment laws of SADC member states : perspectives from the Democratic Republic of Congo investment code (2021) 4 TDM.
189. Voir modèle de TBI de l’AAA disponible en ligne sur : https://jusmundi.com/en/document/treaty/fr-modele-de-traite-bilateral-dinvestissement-de-lafrica-arbi tration-academy-2022-tbi-modele-aaa-2022-friday-1st-july-2022 (consulté le 11 novembre 2024).
193. E Etta, D Esowe & O Asukwo ‘African communalism and globalization’ (2016) 10 African Research Review 3 303-316.
194. Voir la jurisprudence Ogiek c. Kenya ayant conclu une Violations des arts 1, 2, 8, 14, 17, 21 et 22 de la Charte africaine ; CAHDP, Affaire Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya, Requête N° 006/2012 (Décision du 26 Mai 2017).
195. CADHP, Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group c. Kenya, (Endorois Welfare Council c. Kenya), no 276/03, (Décision du 25 novembre 2009).
196. CADHP, Affaire Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples c. République Du Kenya, Requête N° 006/2012 (Décision concernant les réparations du 23 Juin 2022).
197. P Ikuenobe ‘Human rights, personhood, dignity, and African communalism’ (2018) 17 Journal of Human Rights 589-604.
198. F Borella ‘Les regroupements d’Etats dans l’Afrique indépendante’ (1961) 7 Annuaire français de droit international 787-807.
199. Objectifs et domaines prioritaires pour les dix premières années de l’Agenda 2063, disponible en ligne sur : https://au.int/fr/agenda2063/objectifs (consulté le 11 novembre 2024).
200. Le partenariat entre la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), à travers des initiatives comme le Conseil d’affaires et des programmes de formation sur les opportunités d’exportation offertes par la ZLECAf, représente une avancée significative vers l’établissement d’un équilibre dans lequel les investissements peuvent servir de liens entre les États africains, ainsi qu’entre le continent africain et ses diasporas caribéennes.
201. Vague de réforme des lois internes des Etats africains : la loi 20-07 algérienne relative à la loi de finances complémentaire pour 2020 ; Le Code des investissements du Bénin (loi n° 2020-02), adopté le 20 mars 2020 ; La loi sur l’Agence d’investissement et de développement du Zimbabwe de 2020 ; le ‘Code pétrolier’ du Bénin (loi n° 2019-06) ; Le Code gabonais des hydrocarbures (loi n° 002/2019 du 16 juillet 2019) ; La nouvelle loi algérienne sur les hydrocarbures de 2019 ; La Loi tunisienne 2019-47 du 29 mai 2019 relative à l’amélioration du climat des affaires ; la République du Congo a promulgué la loi n° 88-2022 portant cadre juridique des contrats de partenariat public-privé (PPP) ; Charte de l’investissement marocaine de 2022 ; le Règlement général sur les investissements, SI 227 de 2023 du Zimbabwe ; la nouvelle loi sur l’investissement de la Tanzanie de 2022 ; la loi sur le développement des investissements, du commerce et des affaires (n° 18 de 2022) ; nouvelle loi sur l’investissement algérienne de 2022 ; Politique nambienne de zone économique spéciale (politique ZES) de 2022 ; la loi sur l’Office national d’investissement de la Sierra Leone de 2022 ; le règlement éthiopien n° 517-2022 sur les incitations à l’investissement de 2022 ; Code des investissements de 2020 de l’Union des Comores
203. Loi No. 2024-31 relative à la reconnaissance de la nationalité béninoise aux Afro-descendants en République du Bénin, 2024.
204. Piero Foresti and Others c. Afrique du Sud, Affaire CIRDI n° ARB (AF)/07/1, décision, 4 août 2010.
206. A Kairouani ‘La mise en oeuvre du droit au développement dans le Protocole d’investissement de la Zone de libre échange continentale africaine’ (2023) 7 Annuaire africain des droits de l’homme 284-302 disponible en ligne sur http://doi.org/10.29053/2523-1367/2023/v7a13 (consulté le 11 novembre 2024).
207. A titre d’exemple la légalisation de la culture du chanvre pour permettre l’inclusion des populations autochtones au Maroc conformément au droit coutumier africain des droits de l’homme.
208. Voir la gestion différente des dossiers du statut d’indication géographique des cafés Sidamo, Harar et Yirgacheffe ainsi que le dossier du thé Rooibos auquel fait face la société Starbucks. Ainsi que la loi spécifique sud-africaine protégeant les vins et spiritueux (LiquorProductsAmendment Products Amendment Act 8 of 2021) et le régime des marques qui protège les marques de certification (Trade Marks Act 194 of 22 December 1993) ; Affaire CIRDI n° ARB/15/29, décision finale, Cortec Mining Kenya Limited, Cortec (PTY) Limited et Stirling Capital Limited c. République du Kenya, 22 octobre 2018 ; Affaire CIRDI n° ARB/16/32, décision finale, Thomas Gosling, Property Partnerships Development Managers (Royaume-Uni), Property Partnerships Developments (Mauritius) Ltd, Property Partnerships Holdings (Mauritius) Ltd et TG Investments Ltd c. République de Maurice (Gosling c. Maurice), 18 février 2020 ; Décision de la CNUDCI, Glamis Gold, Ltd. c. États-Unis d’Amérique, introduite en 2003 ; Affaire CIRDI n° ARB/84/3, décision sur le fond, Southern Pacific Properties (Middle East) Limited c. République arabe d’Égypte, 20 mai 1992 ; Affaire CIRDI n° ARB/84/3, Southern Pacific Properties (Middle East) Limited c. République arabe d’Égypte ; Affaire CIRDI n° ARB/16/1, Al Jazeera Media Network c. République arabe d’Égypte ; Affaire CIRDI n° ARB/16/4, Eco Oro Minerals Corp. c. République de Colombie ; Affaire CIRDI n° ARB/05/15, décision finale, Waguih Elie George Siag et Clorinda Vecchi c. République arabe d’Égypte, 1er juin 2009 ; Affaire CIRDI n° ARB/10/25, Bernhard von Pezold et autres c. République du Zimbabwe, et Border Timbers Limited, Border Timber International (Private) Limited, et Hangani Development Co. (Private) Limited c. République du Zimbabwe.
209 A titre d’exemple, la Stratégie Continentale de développement des indications géographiques (IG) en Afrique pour la période 2018-2023, a été établie par la Direction de l’Economie Rurale et de l’Agriculture (DREA) de l’Union Africaine (UA), en collaboration avec les Etats membres de l’Union Africaine, les
209. Communautés Economiques Régionales (CER) et les partenaires techniques au développement/Charte Culturelle Africaine/Convention Africaine sur la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles/Charte Convention Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples/Convention pour la Protection du Patrimoine Mondial Culturel et Naturel/Convention pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel/Déclaration Universelle sur la Diversité Culturelle/Convention sur la Protection et la Promotion de la Diversité des Expressions Culturelles/Déclaration sur la Conservation des Paysages Urbains Historiques/Charte du Tourisme Culturel/Règlement d’urbanisme de la zone tampon de protection du Tombeau des Askia à Gao, Mali/Procès-verbal de palabre, Loropéni, Burkina Faso.
212. J Feris ‘Investment protocol: critical for the success of the AfCFTA’ (2021) Insights on theAfrican Continental Free Trade Area disponible en ligne sur : https://www.cliffedekkerhofmeyr.com/export/sites/cdh/news/publications/2021/AfCFTA/Downloads/CDH-Insights-on-the-AfCFTA-Investment-Protocols-Jackwell-Feris.pdf (consulté le 11 novembre 2024) ; JC Brada, Z Drabek, I Iwasaki ‘Does investor protection increase foreign direct investment? A large meta-analysis’ (2021) 35 Journal of Economic Surveys 1 34-70 ; Y Ayele et autres (eds) The AfCFTA Protocol on Investment: issues and potential impacts (2023) ODI Policy brief disponible en ligne sur : https://www.researchgate.net/publi cation/381320311_Policy_brief_The_AfCFTA_Protocol_on_Investment_issues _and_potential_impacts (consulté le 11 novembre 2024).
213. UN Trade and Development, Regional trend Africa (2024) World investment report, disponible en ligne sur https://unctad.org/system/files/non-official-document/wir2024-regional_trends_africa_en.pdf (consulté le 11 novembre 2024).
214. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) offre des données bilatérales sur la plupart des pays, disponible en ligne sur : https://investmentpolicy.unctad.org/international-investment-agreements(consulté le 11 novembre 2024).
215. World Duty Free Co c. Kenya, Affaire CIRDI n° Arb/00/7, décision, 6 octobre 2006 ; African Holding Company of America, Inc. et Société africaine de construction au Congo S.A.R.L. c. la République démocratique du Congo, Affaire CIRDI n° ARB/05/21, décision sur les objections à la compétence et la recevabilité, 29 juillet 2008, para 52 et 54.
216. TBI Angola-China 2023 ; TBI Angola-Japon 2023 ; Accord de facilitation de l’investissement durable entre l’UE et l’Angola (SIFA) 2023 ; APE UE-Kenya 2023 ; TBI Biélorussie - Zimbabwe 2023 ; Accord de partenariat économique global entre Maurice et les Émirats arabes unis 2024 ; TBI Biélorussie - Guinée équatoriale 2023 ; Accord de libre-échange Égypte - Serbie 2024.