Christian Via Balole
Doctorant en sciences juridiques de l’Université Catholique de Louvain – Centre de recherches interdisciplinaires Droit, Entreprise et Société (CRIDES) – Atelier de droit social (Belgique) et de l’Université Catholique de Bukavu (RD Congo), titulaire du diplôme de Master de spécialisation en droits humains de l’Université Catholique de Louvain et du diplôme de Licence en Droit de l’Université Catholique de Bukavu. Boursier FRESH du FRS–FNRS
christian.viabalole@ uclouvain.be et
https://orcid.org/0009-0006-2880-5179
Guillain Cirhuza Centwali
Assistant de recherche et d’enseignement à la Faculté de Droit de l’Université Catholique de Bukavu, titulaire du diplôme de Master de spécialisation en droits de l’homme et d’une Licence en Droit de l’Université Catholique de Bukavu
https://orcid.org/0009-0004-0005-3572
Pacifique Cirhuza Birindwa
Assistant de recherche et d’enseignement à la Faculté de sciences sociales de l’Université Catholique de Bukavu, titulaire du diplôme de Master en Leadership et Management des organisations de l’Université Lumière de Bujumbura et d’une Licence en Sciences Sociales (sciences du travail) de l’Université Catholique de Bukavu
https://orcid.org/0009-0006-1275-2498
Edition: AHRY Volume 8
Pages: 458-480
Citation: CV Balole, GC Centwali & PC Birindwa ‘Le droit à l’éducation des personnes handicapées: analyse à l’aune du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique (2024) 8 Annuaire africain des droits de l’homme 458-480
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RÉSUMÉ
Le 3 mai 2024, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique est entré en vigueur. Ce droit catégoriel d’un intérêt sociétal évident constitue une avancée juridique majeure et historique, car il ouvre une nouvelle page qui témoigne de l’attachement des États africains à la protection des personnes handicapées. Cet article analyse le régime juridique mis en place par ce Protocole pour garantir le droit à l’éducation des personnes handicapées. Il procède à cet examen en présentant, d’une part, à l’aune du droit international, l’analyse du droit à l’éducation des personnes handicapées en Afrique et les lacunes de sa portée. D’autre part, il analyse la portée et la nature des obligations qui pèsent sur les États au titre de ce droit. De ces analyses, cet article met en évidence le besoin d’étendre la portée des obligations positives spéciales des États, de promouvoir la synergie des acteurs étatiques et privés et l’activisme interprétatif et judiciaire respectivement de la Commission et de la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples y compris du juge national en vue de donner effet concret et effectif au droit à l’éducation des personnes handicapées.
TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH
The right to education of persons with disabilities: an analysis in the light of the Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the Rights of Persons with Disabilities in Africa
ABSTRACT: On 3 May 2024, the Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the Rights of Persons with Disabilities in Africa entered into force, marking a significant milestone in the legal protection of persons with disabilities on the continent. This historic development underscores the commitment of African states to safeguarding the rights of persons with disabilities and represents a major advancement in the region’s human rights landscape. This article critically examines the legal framework established by the Protocol to guarantee the right to education for persons with disabilities. It begins with an analysis of the right to education for persons with disabilities in Africa, highlighting its limitations and gaps within the broader context of international human rights law. The article further explores the nature and scope of states’ obligations under this right, emphasizing the necessity of adopting a more expansive approach to their positive obligations. Building on these analyses, the article argues for extending states’ special positive obligations, fostering collaboration between state and private actors, and promoting interpretative and judicial activism by the African Commission on Human and Peoples’ Rights, the African Court on Human and Peoples’ Rights, and domestic courts. These measures are essential to ensuring the concrete and effective realization of the right to education for persons with disabilities in Africa.
MOTS-CLÉS: personnes handicapées ; Protocole; droit à l’éducation ; éducation inclusive ; obligations positives spéciales ; activisme interprétatif et judiciaire
2 le droit à l’éducation des personnes handicapées: quelle plus-value par rapport aux instruments juridiques des droits de l’homme existants ?
2.1 Le droit à l’éducation des personnes handicapées en Afrique: article 16(1) du Protocole
2.2 Le droit à l’égalité et à la non-discrimination en matière d’accès à l’éducation: article 16(2) et 16(3)(b) du Protocole
2.3 Le droit à la gratuité de l’éducation: article 16(3)(a) du Protocole
2.4 Le droit à l’accessibilité à l’éducation: article 16(3)(a) du Protocole
2.5 Les finalités à poursuivre au titre du droit à l’éducation: article 16(4) du Protocole Selon le Protocole
3 Les obligations des États dans la mise en œuvre du droit à l’éducation
3.1 Portée des obligations des États au titre du droit à l’éducation des personnes
3.2 Nature des obligations des États au titre du droit à l’éducation des personnes handicapées
1 INTRODUCTION
«Éduquer une Afrique adaptée au 21e siècle: construire des systèmes éducatifs résilients pour un accès accru à un apprentissage inclusif, qualitatif, tout au long de la vie et pertinent pour l’Afrique», tel est le thème choisi par l’Union africaine (UA) pour l’année 2024,1 et qui traduit l’importance majeure qu’elle accorde au droit à l’éducation, en particulier au droit à l’éducation inclusive.2 L’attachement à ce droit est encore plus marqué par l’adoption, en 2018, du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des personnes handicapées en Afrique (Protocole) qui, en date du 3 mai 2024, est entré en vigueur à la suite du dépôt, le 3 avril 2024, du 15e instrument de ratification par la République du Congo.3 L’adoption et l’entrée en vigueur de ce Protocole constituent, du point de vue juridique, une avancée on ne peut plus majeure et historique en particulier dans la protection du droit à l’éducation des personnes handicapées qui, de façon générale, demeure ineffectif pour un grand nombre des personnes handicapées.
Traditionnellement considérées comme des «objets de soins», les personnes handicapées sont aujourd’hui avant tout «sujets de droits».4 Cette évolution est consubstantielle au fait que ces personnes handicapées continuent de souffrir cruellement de la discrimination, de la privation aux services sociaux de base, notamment l’éducation, et, en conséquence, de l’exclusion dans nombre secteurs de la vie politique, économique et sociale.5 Dans le secteur éducatif en particulier, le handicap est considéré comme un «facteur flagrant d’exclusion scolaire».6 Partant, le nombre d’enfants en situation de handicap dans les écoles demeure très faible.7 Ce qui ne leur permet pas de jouer, dans leur vie d’adulte, un rôle clé dans la vie sociale. C’est fort de ce qui précède que le Protocole a été adopté afin de concourir à la protection et à la mise en œuvre des droits des personnes handicapées, et de garantir le respect de leur dignité qui leur est intrinsèque.8
En matière éducative, l’article 16 du Protocole reconnaît aux personnes handicapées le droit à l’éducation. Toutefois, il convient de remarquer que le droit international des droits de l’homme reconnaît déjà à toutes les personnes handicapées ce droit, et ce, dans le strict respect du principe d’égalité des chances et non-discrimination.9 En droit africain des droits de l’homme, nombre d’instruments juridiques reconnaissent également ce droit. En effet, les article 1710 et 18 alinéa 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte) reconnaissent respectivement le droit à l’éducation à toute personne et le droit pour les personnes handicapées de bénéficier des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques ou moraux.11 Les articles 11 et 13 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant s’inscrivent dans le même sens s’agissant en particulier des enfants handicapés.12 Il en est de même du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo) qui, à son article 23, engage les Etats à prendre les mesures spéciales de protection en faveur des femmes handicapées. Le droit à l’éducation est aussi reconnu, sans discrimination, dans la Charte africaine de la jeunesse du 02 juillet 2006 (article 13) et dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007 (article 43). Quant à la Charte africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local du 27 juin 2014, elle met en avant l’obligation d’intégrer les handicapés dans le processus de formulation des politiques publiques (éducatives y compris) ainsi que dans leur mise en œuvre et suivi (article 15). Enfin, le droit interne des Etats africains s’inscrit dans la même optique de protection du droit à l’éducation des personnes handicapées.13
A la lumière de ce qui précède, il nous paraît judicieux de nous interroger sur deux préoccupations principales: le Protocole apporte-t-il une plus-value au droit à l’éducation des personnes handicapées déjà reconnu et protégé, en particulier, par le droit international et le droit africain des droits de l’homme? (2) La reconnaissance de ce droit dans un instrument juridique spécifique en droit africain des droits de l’homme engendre-t-il des nouvelles obligations juridiques des États en faveur des personnes handicapées? (3) C’est autour de ces questions à la fois distinctes et complémentaires que sont axées nos analyses dans le cadre de cet article. Il s’agit, au-delà de mettre en évidence les particularités du Protocole par rapport au droit international et aux instruments généraux de droit africain des droits de l’homme, de déceler les lacunes du régime juridique applicable au droit à l’éducation des personnes handicapées en Afrique et de formuler des mesures de nature à donner effet concret et effectif à ce droit.
2 LE DROIT À L’ÉDUCATION DES PERSONNES HANDICAPÉES: QUELLE PLUS-VALUE PAR RAPPORT AUX INSTRUMENTS JURIDIQUES DES DROITS DE L’HOMME EXISTANTS ?
Par l’adoption du Protocole, les États africains ont mis en place un droit catégoriel orienté vers la protection des personnes handicapées. Au nombre des droits que le Protocole reconnaît à ces personnes, il y a notamment le droit à l’éducation. En effet, aux termes de l’article 16 du Protocole,
- Toute personne handicapée a droit à l’éducation.
- Les États parties assurent aux personnes handicapées le droit à l’éducation sur la base de l’égalité avec les autres.
- Les États parties prennent des mesures raisonnables, appropriées et efficaces pour assurer une éducation complète et de qualité pour les personnes handicapées, y compris en:
a) faisant en sorte que les personnes handicapées puissent avoir accès à une éducation de base et secondaire gratuite, de qualité et obligatoire ; b) veillant à ce que les personnes handicapées puissent accéder à l’enseignement tertiaire général, à la formation professionnelle, à l’éducation des adultes et à l’éducation permanente sans discrimination et sur un pied d’égalité, notamment en assurant l’alphabétisation des personnes handicapées ; c) assurant un accommodement raisonnable des besoins de la personne et fournir aux personnes handicapées le soutien nécessaire pour faciliter leur éducation efficace ; d) offrant des mesures de soutien individualisées raisonnables et progressives, efficaces et efficaces, dans des mesures de soutien individualisées et efficaces, dans des environnements qui maximisent le développement scolaire et social, conformément à l’objectif de la pleine inclusion ; e) veillant à ce que les personnes handicapées qui choisissent d’apprendre dans des environnements particuliers disposent de choix appropriés en matière de scolarité ; f) s’assurant que les personnes handicapées acquièrent des compétences de vie et de développement social pour faciliter leur participation pleine et égale à l’éducation et en tant que membres de la communauté ; g) veillant à ce que des évaluations pluridisciplinaires soient entreprises pour déterminer les mesures d’adaptation et de soutien raisonnables appropriées pour les apprenants handicapés, une intervention précoce, des évaluations régulières et une certification pour les apprenants, quel que soit leur handicap ; h) veillant à ce que les établissements d’enseignement soient équipés des matériels didactiques, matériels et équipements nécessaires à l’éducation des élèves handicapés et à leurs besoins spécifiques ; et i) formant les professionnels de l’éducation, y compris les personnes handicapées, sur la manière d’éduquer et d’interagir avec les enfants ayant des besoins d’apprentissage spécifiques ; et j) facilitant le respect, la reconnaissance, la promotion, la préservation et le développement du langage des signes.14
Tel que formulé, cet article reconnaît aux handicapés le droit à l’éducation (2.1) qu’ils doivent jouir dans le respect de principes d’égalité et de non-discrimination (2.2), de gratuité (2.3) et d’accessibilité (2.4) en vue de parvenir aux finalités de ce droit (2.5).
2.1 Le droit à l’éducation des personnes handicapées en Afrique: article 16(1) du Protocole
D’un point de vue strictement textuel, la réaffirmation de ce droit dans le Protocole ne semble constituer aucune plus-value par rapport au droit africain et au droit international des droits de l’homme, en particulier celui découlant du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte). Ce dernier reconnaît en effet le droit à l’éducation et à la non-discrimination, dont toutes les personnes handicapées peuvent se prévaloir.15 Plus spécialement, en 2006, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté la Convention relative aux droits des personnes handicapées (Convention), qui reconnaît le même droit aux personnes handicapées. Au demeurant, on peut se questionner sur l’utilité à reconnaître au Protocole dans ses dispositions relatives au droit à l’éducation. Répondre à cette question requiert une analyse croisée de tous les principes découlant de l’article 16 du Protocole.
2.2 Le droit à l’égalité et à la non-discrimination en matière d’accès à l’éducation: article 16(2) et 16(3)(b) du Protocole
Aux termes du Protocole, le droit à l’éducation ainsi que le droit d’accéder à l’enseignement tertiaire général, à la formation professionnelle, à l’éducation des adultes et à l’éducation permanente doivent être assurés aux personnes handicapées «sans discrimination» et sur la base de «l’égalité avec les autres». Ces derniers visent d’autres personnes non handicapées avec qui les droits ci-haut doivent être garantis conformément au principe général de non-discrimination.16 Cette garantie est notamment protégée au travers le régime juridique applicable à la charge de la preuve, qui veut que lorsqu’une personne handicapée estime être victime d’une différence de traitement, il appartient à l’État de démontrer que celle-ci est justifiée.17 Au travers ce principe d’égalité et de non-discrimination, l’article 16 du Protocole consacre le droit à l’éducation inclusive. Cette inclusion constitue la condition sine qua non en vue de la mise en œuvre de ce droit.18
Dans le cadre onusien, la Convention conçoit cette inclusion comme une mesure visant à interdire toute sorte de ségrégation en matière scolaire, qui consiste à scolariser les élèves handicapés dans des établissements spécifiques, sans contact avec les élèves n’ayant aucun handicap.19 Pour le comité onusien des droits des personnes handicapées chargé de surveiller l’application de la Convention (Comité), ce type de scolarisation n’est pas conforme à la Convention. Cette dernière s’inscrit donc dans l’approche d’inclusion totale de toutes les personnes handicapées dans tous les milieux ordinaires d’éducation. Pour la doctrine cependant, cette approche du comité est sujette à critique. En effet, elle gagnerait à faire de ces deux établissements des mécanismes complémentaires et non exclusifs.20 Dans le cadre du Protocole, ce dernier fait allusion à l’inclusion «complète et effective» comme un de ses principes généraux. L’article 16(3)(d) consacré au droit à l’éducation s’inscrit dans la même perspective en mettant en avant l’objectif de la «pleine inclusion». Le raisonnement ne saurait toutefois se limiter à ce qui précède en ce qu’il convient de considérer le Protocole comme un tout en le soumettant au principe d’intégration systémique. Si l’inclusion complète et effective est à la fois un objectif éducatif et un principe général, il coexiste avec un autre principe général du Protocole, qui vise à «garantir le respect et la protection de la dignité intrinsèque, de la vie privée, de l’autonomie individuelle, y compris la liberté de faire ses propres choix et de l’indépendance des personnes».21 En matière éducative en particulier, le Protocole exige aux États parties de veiller «à ce que les personnes handicapées qui choisissent d’apprendre dans des environnements particuliers disposent de choix appropriés en matière de scolarité».22 On peut ainsi considérer, sur la base de ce qui précède, que les établissements spéciaux ne sont pas problématiques du point de vue du Protocole bien que la pleine inclusion soit l’objectif ultime. Cette approche nous paraît pragmatique23 et soutenable dès lors que l’accès à ces établissements spécifiques est facilité et que les personnes handicapées ou leurs représentants sont en mesure de faire le choix entre l’établissement spécial et ordinaire. Cette approche gagnerait cependant à être lue conformément au Pacte, qui insiste sur le fait que, en dépit de ce choix, les États doivent s’assurer que les établissements choisis soient «conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées ... en matière d’éducation».24
2.3 Le droit à la gratuité de l’éducation: article 16(3)(a) du Protocole
Le droit à la gratuité de l’éducation n’est pas nouveau dans son principe. Toutefois, il est significatif de souligner que le Protocole a étendu, de façon innovante, cette gratuité aux personnes handicapées. En effet, contrairement à la Convention25 et au Pacte, qui reconnaissent la gratuité de l’école primaire et l’instauration progressive de la gratuité de l’enseignement secondaire sous ses différentes formes dans le cadre particulier du Pacte,26 le Protocole consacre la gratuité à la fois de l’enseignement primaire et secondaire. Par ce qui précède, le droit catégoriel africain traduit une avancée considérable par rapport au droit international des droits de l’homme. A la différence du Pacte cependant, si le Protocole ne fait pas usage de termes «réalisation progressive», il limite cette gratuité à l’enseignement de base et secondaire alors que le Pacte l’étend, bien que de façon progressive, à l’enseignement supérieur. Ainsi, la gratuité de l’école primaire et secondaire, bien qu’elle soit nécessaire, ne nous paraît pas suffisante pour parvenir aux finalités du droit à l’éducation des personnes handicapées. L’une des finalités que poursuit le Protocole est d’«éduquer les personnes handicapées d’une manière qui favorise leur participation et leur inclusion dans la société».27
Cette participation et cette inclusion ne peuvent être réalisées à titre principal si pas exclusif que par l’intégration sur le marché du travail ou l’exercice d’une activité professionnelle indépendante. Or, le contexte actuel du marché du travail est tel que les études secondaires auxquelles la gratuité est limitée ne peuvent, sauf très rare exception, déboucher sur un travail salarié et décent. De manière générale, seules les personnes handicapées dont leurs familles ont de moyens peuvent s’offrir les études universitaires. Inversement, et c’est le cas en général, les personnes handicapées qui auraient bénéficié de la gratuité de l’enseignement secondaire n’auraient aucune possibilité d’accéder à l’enseignement supérieur. En conséquence, elles éprouvent des difficultés à s’intégrer dans le monde du travail. Dans ce secteur, le comité des droits économiques, sociaux et culturels fait observer que le taux de chômage parmi les personnes souffrant d’un handicap est de deux à trois fois supérieur à celui du reste de la population active. Et, lorsque ces personnes sont employées, elles n’occupent que des emplois non décents (faiblement payés, sans sécurité sociale, etc.). Bien que cela soit généralement associé à la discrimination,28 on doit reconnaître que le taux élevé de chômage de personnes handicapées est aussi lié au fait que, globalement, elles ont un faible niveau d’éducation. Certes, le Protocole apporte dans ce domaine du travail quelques avancées majeures en vue de concourir à leur droit au travail. Concrètement, il prévoit en plus des obligations découlant du droit commun des droits de l’homme, deux obligations positives spéciales, qui consistent à
d) recruter des personnes handicapées dans le secteur public, notamment à travers l’institution et l’application du système des quotas professionnels minimums réservés aux employés handicapés ;29
e) promouvoir le recrutement des personnes handicapées dans le secteur privé par des politiques et des mesures appropriées, notamment par des mesures particulières telles que des incitations fiscales.30
Aussi importantes soient-elles, ces mesures peuvent souffrir d’infectivité si les personnes handicapées n’ont pas suffisamment accès à l’enseignement supérieur et/ou à la formation professionnelle. En effet, il est significatif de constater les limites du système de quotas qu’institue, bien que de façon novatrice,31 le Protocole. A titre exemplatif, pour accéder à la magistrature, dans certains pays comme en RD Congo, il faut être titulaire d’un diplôme de docteur ou de licencié en droit.32 Dans la fonction publique de façon générale, le diplôme universitaire est exigé au vu des impératifs actuels de moderniser et rendre plus performante la fonction publique.33 De même, pour être candidat Président, Parlementaire, Gouverneur ou Vice-gouverneur il faut, entre autres, comme condition «avoir un diplôme d’études supérieures ou universitaires ou justifier d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans le domaine politique, administratif ou socio-économique».34 La gratuité des seuls enseignements primaires et secondaires ne permet pas aux personnes handicapées dépourvues de moyens de financer leurs études supérieures de réunir cette condition. Or, le système de quotas mis en place ne saurait déroger, en principe, à cette condition, et en particulier à la condition de diplôme universitaire que requiert l’exercice de certains métiers. En ce qui concerne en particulier le droit d’éligibilité, cette condition peut être comblée par l’expérience professionnelle. Mais le nombre d’années d’expériences et les secteurs exigés sont de conditions difficiles à remplir pour les personnes handicapées qui, pourvues de seuls diplômes primaire et secondaires et dans le contexte actuel de chômage accru et d’absence et/ou d’insuffisance des politiques publiques de création d’emplois, ne sont pas en mesure de les réunir. A ce sujet d’ailleurs, et c’est une lacune majeure, le Protocole n’organise aucun système de quota qui permettrait aux personnes handicapées de participer à toutes les instances de pouvoir35 et d’influencer une approche politique gouvernementale ou parlemen-taire centrée sur leurs besoins. De plus, dès lors que l’approche d’éducation inclusive que vise le Protocole sous-tend un processus de réforme systémique qui va de pair avec des changements structurels, ce système de quotas serait plus que souhaitable. Cette lacune couplée au faible niveau d’éducation n’est pas de nature à favoriser la participation et l’inclusion des personnes handicapées dans la société. Dans le secteur privé, le Protocole fait peser sur les États une obligation positive spéciale visant à accorder des incitations fiscales aux employeurs afin de faciliter le recrutement des personnes handicapées. Si cette mesure est une réponse aux réticences des employeurs, qui estiment que le recrutement de personnes handicapées engendre des coûts financiers énormes, il n’en reste que certains postes, la plupart d’ailleurs, requirent au minimum un diplôme universitaire. Dans ces conditions, le diplôme d’études secondaires ne peut que limiter ces personnes handicapées à des emplois précaires, moins décents et qui, par ailleurs, ne sont pas aussi faciles à obtenir pour elles.
En considération de ce qui précède, le Protocole aurait pu étendre la gratuité de l’éducation à l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle. Loin de constituer une suggestion ambitieuse, il s’agit non seulement de parvenir aux finalités du droit à l’éducation, mais aussi de veiller à la mise en œuvre d’autres droits des personnes handicapées qui sont consubstantiels au droit à un niveau d’éducation suffisant. En effet, l’éducation est
un moyen de rendre effectifs d’autres droits de l’homme. C’est principalement par l’éducation que les personnes handicapées peuvent sortir de la pauvreté, se donner les moyens de participer pleinement à la vie de leur communauté et échapper à l’exploitation.36
Cela s’explique par le fait que c’est grâce à un niveau d’éducation et/ou de formation professionnelle suffisant et les débouchés divers auxquels il permet d’accéder que les personnes handicapées peuvent jouer pleinement un rôle central aux côtés d’autres citoyens dans les différents secteurs de la vie sociale. A la lumière de ce qui précède, le Protocole aurait pu utilement se démarquer du droit international, qui consacre l’instauration progressive de la gratuité de l’enseignement supérieur à toutes les personnes37 en le rendant gratuit immédiatement aux personnes handicapées.
2.4 Le droit à l’accessibilité à l’éducation: article 16(3)(a) du Protocole
En plus d’être un des principes généraux du Protocole, l’accessibilité est reprise en bonne place à l’article 16 consacré au droit à l’éducation. De cette façon, le Protocole s’inscrit dans la lignée de la Convention, qui considère l’accessibilité comme l’un de ses «principes fondateurs − une condition préalable essentielle de la jouissance effective par les personnes handicapées, sur la base de l’égalité [du droit à l’éducation]»38 à tous les niveaux d’enseignement.39 De façon plus concrète, l’accessibilité requiert que les personnes handicapées soient en mesure de fréquenter les établissements d’enseignement de proximité, avec les moyens de déplacement qui garantissent leur sécurité ou, à défaut, par les technologies de l’information et des communications.40 Ce principe qui n’est pas développé s’agissant du droit à l’éducation, doit être interprété à l’aune de l’article 15 du Protocole,41 qui permet de comprendre que l’accessibilité vise «le processus de scolarisation dans son ensemble qui doit être accessible, donc non seulement les bâtiments, mais aussi l’ensemble de l’information et de la communication...».42 On peut donc constater que l’accessibilité s’inscrit dans le droit fil de l’éducation inclusive en ce qu’il s’agit de lever tous les obstacles qui empêchent aux personnes handicapées de jouir de leur droit à l’éducation. L’idée sous-jacente est d’assurer une large ouverture des structures d’enseignement à toutes les personnes handicapées.43
2.5 Les finalités à poursuivre au titre du droit à l’éducation: article 16(4) du Protocole Selon le Protocole
L’éducation des personnes handicapées doit être orientée vers: a) Le plein développement du potentiel humain, le sens de la dignité et de l’estime de soi ; b) Le développement par les personnes handicapées de leur personnalité, de leurs talents, de leurs compétences, de leur professionnalisme et de leur créativité, ainsi que de leurs capacités mentales et physiques, à leur plein potentiel ; c) Éduquer les personnes handicapées d’une manière qui favorise leur participation et leur inclusion dans la société ; et d) La préservation et le renforcement des valeurs africaines positives.44
A la lecture de ce qui précède, on s’aperçoit que le Protocole s’appuie largement sur la Convention.45 Il se démarque toutefois du droit onusien en ce qu’il prévoit que l’éducation des personnes handicapées doit également être orientée vers «la préservation et le renforcement des valeurs africaines positives». Si ces dernières ne sont pas définies, elles feraient notamment allusion aux valeurs de solidarité africaine découlant du panafricanisme. De même, contrairement au Protocole, la Convention souligne que les possibilités d’éducation des personnes handicapées doivent viser «le renforcement du respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales et de la diversité humaine» (article 24(1)(a) de la Convention).
L’une des finalités nous paraît la plus importante, à savoir l’éducation qui vise la participation et l’inclusion de personnes handicapées dans la société. En raison de leur exclusion et discrimination, l’un des moyens de rendre le Protocole effectif dans son ensemble consiste à doter les personnes handicapées de compétences qui leur sont nécessaires pour leur intégration sociale. Pour ce faire, en plus du fait qu’il doit s’agir d’une éducation qui procure un niveau suffisant requis par le marché du travail, les États devront être appelés à organiser ou à renforcer les filières d’enseignement, qui sont prometteuses d’opportunités professionnelles. Il ne s’agit pas de filières spécifiques aux personnes handicapées, mais plutôt de filières dans lesquelles elles peuvent être encouragées à suivre. Entre autres, les filières qui les forment aux compétences numériques seraient privilégiées. En effet, le secteur du numérique connaît une pénurie de profils sans précédent en Afrique46 alors qu’il est en pleine expansion fulgurante dans le processus plus large de digitalisation de tous les secteurs. Bien plus, comme cela ressort de la première réunion préparatoire africaine de la conférence mondiale de développement des télécommunications tenue du 8 au 9 février 2024, les technologies numériques peuvent permettre la transformation économique et stimuler la création d’emplois dans la région africaine.47 Qui plus est, ce secteur créé et est susceptible de créer encore nombre d’emplois adaptés aux handicapés (postes sédentaires ou en télétravail notamment).48 Pour en tirer profit et favoriser l’inclusion et la participation des personnes handicapées dans le marché du travail numérique plus inclusif, il est indispensable de leur garantir l’accessibilité des outils numériques, favoriser leurs compétences numériques et promouvoir l’emploi numérique.49 Une telle approche ne s’écarte d’ailleurs pas du thème 2024 de l’UA, qui met en avant la construction des systèmes éducatifs résilients. Cette résilience implique notamment l’adaptation du système éducatif au marché actuel du travail dominé par la révolution technologique.
3 LES OBLIGATIONS DES ÉTATS DANS LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT À L’ÉDUCATION
Sous ce point, il convient d’analyser, dans un premier temps, la portée des obligations des États (3.1) avant d’étudier leur nature (3.2.)
3.1 Portée des obligations des États au titre du droit à l’éducation des personnes handicapées
Le Protocole énonce des obligations générales dans la mise en œuvre de tous les droits reconnus aux personnes handicapées, et des obligations spécifiques se rapportant à la mise en œuvre du droit à l’éducation. Au titre des obligations générales, le Protocole dispose que
Les États parties prennent des mesures appropriées et efficaces, notamment mettent en place des politiques et prennent des mesures législatives, administratives, institutionnelles et budgétaires, pour assurer, respecter, protéger, promouvoir et réaliser les droits et la dignité des personnes handicapées, sans discrimination fondée sur le handicap, y compris: a) en adoptant des mesures appropriées pour la mise en œuvre pleine et effective des droits reconnus dans le présent Protocole ; b) en intégrant le handicap dans les politiques, les lois, les plans, les programmes, les activités de développement et dans tous les autres domaines de la vie ; c) en l’incluant dans leur constitution nationale et dans les autres instruments législatifs et en prenant d’autres mesures visant à modifier ou à abolir les politiques, les lois, les règlements, les coutumes et les pratiques en place qui constituent une discrimination à l’encontre des personnes handicapées ; d) en, selon le cas, modifiant, interdisant, pénalisant ou en faisant campagne contre toute pratique néfaste appliquée aux personnes handicapées ; e) en faisant la promotion de la représentation positive et l’autonomisation des personnes handicapées au moyen de la formation et la sensibilisation ; f) en prenant des mesures visant à éliminer la discrimination fondée sur le handicap émanant d’un individu, d’une organisation ou d’une entreprise privée ; g) en évitant de poser tout acte ou de s’engager dans toute pratique incompatible au présent Protocole et en veillant à ce que les autorités publiques, les institutions et entités privées agissent en accord avec le Protocole ; h) en apportant l’assistance et le soutien nécessaires et appropriés pour permettre la réalisation des droits énoncés dans le présent Protocole ; i) en mettant en place des ressources suffisantes, notamment par l’affectation de dotations budgétaires, pour assurer la pleine mise en œuvre du présent Protocole ; j) en assurant la participation effective des personnes handicapées ou de leurs organisations représentatives à tous les processus de prise de décision, y compris dans l’élaboration et la mise en œuvre des lois, des politiques et des processus administratifs du présent Protocole. k) Lorsque les personnes handicapées sont légalement privées de tous droits ou libertés prévus au présent Protocole, les États parties veillent à ce qu’elles soient sur un pied d’égalité avec les autres personnes bénéficiant de garanties conformément au droit international des droits de l’homme et aux objets et principes du présent Protocole.50
Telles qu’elles sont formulées, ces obligations ne sont pas nouvelles en droit des droits de l’homme. Elles impliquent que les États parties sont tenus de respecter, de protéger et de réaliser les droits humains. Ces trois types d’obligations ressortent de tous les traités des droits de l’homme portant sur les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels.51 Ainsi, «the right to education, like all human rights, imposes three types or levels of obligations on States parties: the obligations to respect, protect and fulfil. In turn, the obligation to fulfil incorporates both an obligation to facilitate and an obligation to provide».52
Dans le cadre précis des obligations liées à la mise en œuvre du droit à l’éducation, le Protocole fait peser sur les États les obligations positives relatives tout d’abord aux accommodements raisonnables. Ces derniers impliquent «la modification et les ajustements nécessaires et appropriés, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et des peuples».53 En soi, cette obligation positive n’est pas nouvelle. En effet, elle se trouve déjà consacrée en droit international des droits de l’homme, notamment dans la Convention sur les droits des personnes handicapées à son article 24(2)(c). L’article 16(3)(c) du Protocole réitère cette obligation, car il exige des États parties qu’ils prennent des mesures «assurant un accommodement raisonnable des besoins de la personne et fournir aux personnes handicapées le soutien nécessaire pour faciliter leur éducation efficace». Pour ce faire, des évaluations pluridisciplinaires doivent être organisées aux fins de déterminer le soutien approprié.54 Même si la disposition pertinente consacrée au droit à l’éducation ne le dit pas, cette évaluation doit impliquer la participation des personnes handicapées concernées, qui doivent être considérées comme des «partenaires», et non comme de «simples bénéficiaires de l’éducation».55 A l’instar de la Convention, le Protocole exige aussi les États d’offrir
des mesures de soutien individualisées raisonnables et progressives, efficaces et efficaces, dans des mesures de soutien individualisées et efficaces, dans des environnements qui maximisent le développement scolaire et social, conformément à l’objectif de la pleine inclusion.56
Cette disposition, qui mériterait d’être bien formulée, ne s’écarte pas des aménagements raisonnables. En effet, comme le note le Comité, il s’agit des mesures d’accompagnement personnalisé dont chaque élève handicapé a besoin et qui sont appelées à déterminer les aménagements raisonnables, et ce, en pleine collaboration avec l’intéressé.57 Il est important de souligner que les autorités compétentes sont appelées à examiner les possibilités d’aménagement non pas exclusivement selon qu’elles sont disponibles dans l’établissement d’enseignement concerné, mais plutôt en tenant compte l’ensemble des ressources éducatives disponibles dans le système éducatif national. Partant, un mécanisme de transfert de ressources éducatives doit être mis en place tout en gardant à l’esprit que les aménagements raisonnables à apporter varient d’un handicapé à l’autre.58
En vue de faciliter aux personnes handicapées leur participation pleine et égale à l’éducation et en tant que membres de la communauté, l’article 16(3)(f) du Protocole exige aux États de veiller à ce que ces personnes soient dotées des compétences de vie et de développement social. Formulée de façon laconique, cette disposition ne permet pas de comprendre la portée de cette obligation, déjà consacrée par ailleurs dans la Convention à son article 24(3). A cet égard, le Protocole doit être interprété à l’aune de la Convention, qui prévoit qu’au titre de cette obligation, les États
a) Facilitent l’apprentissage du braille, de l’écriture adaptée et des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative, le développement des capacités d’orientation et de la mobilité, ainsi que le soutien par les pairs et le mentorat ;
b) Facilitent l’apprentissage de la langue des signes et la promotion de l’identité linguistique des personnes sourdes ;
c) Veillent à ce que les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles - et en particulier les enfants - reçoivent un enseignement dispensé dans la langue et par le biais des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun, et ce, dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la sociabilisation.59
Dans le cadre du Protocole cependant, l’obligation ci-haut est distincte de celle visant à «facilit[er] le respect, la reconnaissance, la promotion, la préservation et le développement du langage des signes».60 Or, nous venons de le voir, du point de vue du droit onusien, cette dernière obligation (développement du langage de signes) fait partie de mesures indicatives que les États doivent prendre pour donner effet à la première obligation (acquérir les compétences pratiques et sociales). La distinction opérée par le Protocole ne nous paraît pas apporter une plus-value et s’apparente quelque peu comme superfétatoire.
Les obligations positives des États au titre du droit à l’éducation des personnes handicapées leur commandent également d’équiper les établissements d’enseignement des matériels didactiques, matériels et équipements nécessaires à l’éducation des élèves handicapés et à leurs besoins spécifiques conformément à l’article 16(3)(h). Cette obligation appelle nombre d’observations. L’article susvisé limite cette obligation d’équipements aux élèves handicapés, ce qui a pour conséquence que les personnes handicapées qui poursuivent l’enseignement universi-taire sont moins protégées. De plus, le Protocole occulte un préalable indispensable à l’équipement. En effet, le nombre d’écoles demeure très réduit et éloigné des personnes handicapées dans nombre d’États africains. Ainsi, l’équipement des établissements scolaires devrait suivre la construction de ces établissements. Cette dernière obligation ne ressort nullement du Protocole s’agissant du droit à l’éducation. Tout au plus, le Protocole, s’agissant de l’exercice de tous les droits des personnes handicapées, commande aux États de procéder «à la modification progressive de toutes les infrastructures inaccessibles et à la conception universelle de toutes les nouvelles infrastructures» (article 15(2)(e)).
Le Protocole à son article 16(3)(i) exige également des États de procéder à la formation des professionnels de l’éducation sur la manière d’éduquer et d’interagir avec les enfants ayant des besoins d’apprentissage spécifiques. Si cette formation est sans aucun doute indispensable,61 deux préalables sont ignorés par le Protocole dans le cadre de cette obligation. En premier lieu, le Protocole, en parlant de la formation, semble considérer que les professionnels de l’éducation des personnes handicapées existent déjà en nombre suffisant. Ce qui n’est pas le cas. Le Protocole aurait pu tout d’abord, comme le note d’ailleurs le Comité, exiger aux États d’investir dans le recrutement de ces professionnels62 avant qu’ils ne soient formés. Le deuxième préalable occulté par le Protocole consiste à considérer qu’une fois formés, ces professionnels seront à même de garantir une éducation appropriée aux personnes handicapées. Cette évidence est très contestable, car même en étant bien formés, ces professionnels manqueront cruellement la motivation nécessaire si le travail qu’ils exécutent n’est pas décent. En effet, en Afrique en général, le travail d’enseignement (surtout du primaire et du secondaire auquel le Protocole attache son plus grand intérêt) est loin d’être un travail décent. Ce dernier
résume les aspirations des êtres humains au travail. Il regroupe l’accès à un travail productif et convenablement rémunéré, la sécurité sur le lieu de travail et la protection sociale pour tous, de meilleures perspectives de développement personnel et d’insertion sociale, la liberté pour les individus d’exprimer leurs revendications, de s’organiser et de participer aux décisions qui affectent leur vie, et l’égalité des chances et de traitement pour tous, hommes et femmes.63
La première aspiration énoncée dans l’Agenda 2063 de l’UA s’inscrit dans cette vision en ce qu’elle porte sur «une Afrique prospère fondée sur la croissance inclusive et le développement durable». Pour y parvenir, le premier domaine prioritaire que se sont fixés les États membres de l’UA est le travail décent.64 A cet égard, il aurait été l’occasion de rappeler aux États l’obligation de garantir un travail décent, en particulier aux professionnels de l’éducation des personnes handicapées, qui sont les acteurs principaux de leur insertion sociale et professionnelle. En effet, sans travail décent de ces professionnels, il demeure difficile, même en étant formés, qu’ils procurent toutes les compétences nécessaires et de qualité aux personnes handicapées tel que voulu par le Protocole.
Toutes ces obligations ne peuvent être mises en œuvre que si les États disposent des statistiques fiables sur le nombre des personnes handicapées. Même si le Protocole ne le dit pas, il doit s’agir, à notre avis, d’une des premières obligations auxquelles les États doivent accorder leur attention en vue de la mise en œuvre du Protocole, en particulier dans ses dispositions relatives à l’éducation. En effet, les statistiques des handicapés exclus des systèmes scolaires sont mal connues de nos jours en Afrique.65 Or, comme le souligne le Comité, ces statistiques sont d’un intérêt indéniable, car elles permettent d’identifier la situation et les besoins particuliers de certains groupes de personnes handicapées afin d’adopter des mesures juridiques et autres politiques publiques adaptées à leur situation.66 En l’absence de ces données, la promotion de l’éducation inclusive de qualité ne peut qu’être contrariée.67
Enfin, il appert important de noter que la lecture critique présentée ci-haut de la portée du droit à l’éducation des personnes handicapées et des obligations qui pèsent sur les États repose une explication majeure. Si cette portée et les obligations qui en découlent demeurent similaires que celles découlant déjà du droit international et du droit africain des droits de l’homme, le Protocole ne serait lu que comme un instrument superfétatoire, qui viendrait s’ajouter, sans plus-value, aux règles existantes. Ainsi, une portée et des mesures spéciales de protection du droit à l’éducation de nature à celles suggérées ci-haut seraient plus souhaitables. Certes, certaines spécificités du Protocole sont relevées, mais elles s’avèrent n’être que de mesures nécessaires, mais pas suffisantes. On se rappellera que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples affirme que «les personnes ... handicapées ont ... droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques ou moraux».68 En matière éducative, comme le souligne le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, l’obligation des Etats parties en matière du droit à l’éducation implique «l’adoption et la mise en œuvre de mesures spéciales pour garantir aux enfants défavorisés l’égalité d’accès à l’éducation».69 Ces obligations positives spéciales vont au-delà de ce qui est déjà exigé des États dans le cadre des instruments généraux des droits de l’homme. Cette extension s’explique aussi par le fait qu’un instrument des droits de l’homme surtout celui de nature spécifique comme le Protocole «a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs».70 Si cela n’est pas garanti, le droit à l’éducation des personnes handicapées risque d’être perçu comme une «illusion, sinon comme une imposture».71 Une telle lecture s’impose également parce qu’il s’agit de veiller à la protection d’un groupe aussi vulnérable et aussi désavantagé que forment les personnes handicapées. Pour cette raison, il convient de prendre
mesures concrètes pour réduire les désavantages structurels et accorder un traitement préférentiel approprié aux personnes souffrant d’un handicap, afin d’arriver à assurer la participation pleine et entière et l’égalité, au sein de la société, de toutes ces personnes.72
Cela requiert de moyens financiers consistants et c’est au regard de ce qui précède que les États sont appelés à procéder une redéfinition de leur budget de sorte que ce dernier puisse allouer de crédits nécessaires au développement de l’éducation inclusive.73 En conséquence, les obstacles d’ordre financier ne sont pas recevables sauf lorsque l’État parvient à démontrer qu’aucun effort n’a été épargné pour utiliser toutes les ressources qui sont à sa disposition en vue de remplir, à titre prioritaire, [ses] obligations ... [Cependant,] même s’il est démontré que les ressources disponibles sont insuffisantes, l’obligation demeure, pour un État partie, de s’efforcer d’assurer la jouissance la plus large possible des droits pertinents dans les circonstances qui lui sont propres. En outre, le manque de ressources n’élimine nullement l’obligation de contrôler l’ampleur de la réalisation, et plus encore de la non-réalisation, des droits économiques, sociaux et culturels, et d’élaborer des stratégies et des programmes visant à promouvoir ces droits.74
3.2 Nature des obligations des États au titre du droit à l’éducation des personnes handicapées
Il est admis, en principe, que les droits économiques et sociaux sont des droits de réalisation progressive. Cette réalisation progressive implique les efforts tant de l’État, au maximum de ses ressources disponibles, que ceux de la coopération internationale, notamment sur les plans économique et technique.75 Si cet article n’entend pas s’écarter de cette affirmation, il cherche tout de même à démontrer que certaines composantes du droit à l’éducation des personnes handicapées sont de réalisation progressive et d’autres de réalisation immédiate.
Tout d’abord, il convient de noter que cette démarche qui s’inscrit dans le temps, bien qu’elle offre une marge de manœuvre à l’État, ne saurait être interprétée d’une manière qui priverait son obligation «de tout contenu effectif». A cet effet, elle doit être comprise comme l’obligation de prendre «aussi rapidement et aussi efficacement que possible» les mesures nécessaires pour donner effet aux droits garantis. De plus, l’État est tenu à l’obligation de standstill dans la mise en œuvre de ses obligations progressives76 et doit mobiliser tous les moyens financiers à sa possession. Ainsi, les politiques d’austérité ne peuvent par exemple pas être invoquées pour justifier la non-réalisation progressive des droits des personnes handicapées d’accéder aux établissements scolaires. En effet,
L’obligation d’assurer l’accessibilité est inconditionnelle, ce qui signifie que l’entité tenue d’assurer l’accessibilité ne peut s’en exonérer en arguant de la charge que représente le fait de prévoir un accès pour les personnes handicapées.77
De plus, en dépit de l’obligation de réalisation progressive, les États sont soumis à un contrôle rigoureux dans la restriction des droits des handicapés et leur marge d’appréciation est nettement réduite étant donné qu’il s’agit d’accorder une protection aux personnes qui ont été victimes de traitements défavorables aux conséquences durables (exclusion sociale).78
Enfin, il est important de noter que la réalisation progressive est sans préjudice des obligations de réalisation immédiate qui pèsent sur les États au titre de certaines composantes du droit à l’éducation des personnes handicapées. Ces composantes sont l’obligation de non-discrimination en matière éducative: cette obligation n’est pas soumise à la règle de réalisation progressive. En effet, les États sont tenus immédiatement de prendre les mesures législatives, administratives et autres en vue d’assurer, dans l’immédiat, l’accès aux personnes handicapées à l’éducation conformément au principe d’égalité et de non-discrimination.79 En plus de l’obligation de non-discrimination en matière éducative, l’obligation d’aménagement raisonnable se présente comme une obligation ex nunc, ce qui signifie qu’elle est «exécutoire dès le moment où un individu handicapé en a besoin dans une situation donnée, par exemple à l’école, pour jouir de ses droits dans des conditions d’égalité dans une situation particulière».80 De même, l’obligation de rendre l’enseignement primaire gratuit échappe également à la règle de réalisation progressive.81 Enfin, l’obligation de rendre l’enseignement secondaire gratuit, de qualité et accessible est aussi immédiate mesure où, contrairement au Pacte, le Protocole ne souligne pas que cette obligation est de réalisation progressive, cela sous-tend que les États parties doivent s’y conformer immédiatement après leur ratification.
Cette gratuité de l’enseignement primaire et secondaire s’accompagne de leur caractère obligatoire (article 16 du Protocole). Ce caractère, comme le souligne le comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, «engage les États à prendre des mesures positives pour s’assurer que tous les enfants [y compris les handicapés] soient scolarisés».82 Cette obligation de «to take steps» en vue de la pleine réalisation du droit à l’éducation est aussi de réalisation immédiate et ces mesures doivent être «deliberate, concrete and targeted».83
4 CONCLUSION
L’entrée en vigueur du Protocole en 2024 coïncide avec le thème annuel choisi par l’UA, qui manifeste son intérêt à un apprentissage inclusif. Le Protocole reconnait aux personnes handicapées le droit à une éducation inclusive, qui est un pilier nécessaire pour booster non seulement leur potentiel, mais également pour faire face à la discrimination dont elles sont victimes et qui les empêche de jouer un rôle clé dans la vie sociale.
Toutefois, si l’entrée en vigueur de ce Protocole est une avancée significative dans la protection du droit à l’éducation des personnes handicapées en Afrique, la prudence visant «à exclure toute déduction hâtive consistant à déduire de la seule présence d’un dispositif juridique ..., la réalisation d’un projet d’action publique»84 s’impose. En Afrique en effet, les droits des personnes handicapées ne sont pas respectés non pas parce qu’ils n’étaient pas reconnus avant l’entrée en vigueur du Protocole. Nous l’avons vu, ces personnes bénéficiaient déjà, à l’instar de tout être humain, d’un dispositif juridique important aussi bien au niveau international, régional que national qui protège leurs droits, sans discrimination, en particulier en matière d’éducation. Si l’on ne peut pas considérer le Protocole comme un instrument juridique superfétatoire dès lorsqu’il consacre quelques innovations majeures en termes de la portée du droit à l’éducation des personnes handicapées et des obligations positives spéciales qui en découlent, ces obligations et leur portée gagneraient tout de même à être étendues davantage comme illustré ci-haut. De plus, en vue de leur mise en œuvre, un effort collégial de nombre d’acteurs est indispensable pour rendre ce droit à l’éducation concret et effectif. En effet, bien que certaines obligations découlant du droit à l’éducation des handicapés soient de réalisation immédiate, plusieurs d’entre elles sont de réalisation progressive. Ce qui accorde une marge de manœuvre aux États qui, bien qu’encadrée juridiquement, pourrait constituer l’obstacle majeur à la mise en œuvre effective de ce droit.
A cet égard, les États (via le ministère de l’éducation)85 sont appelés à procéder d’emblée à l’identification des personnes handicapées, à leurs besoins spécifiques et l’établissement d’une base de données pour ce faire. Cela nécessite l’implication non seulement des personnes handicapées qui sont encouragées à se grouper en association, mais également des établissements d’enseignement à tous les niveaux et des organisations de la société civile qui appuient l’éducation des personnes handicapées. L’implication des commissions nationales des droits de l’homme est aussi indéniable, car en plus de veiller au respect des droits des personnes vivant avec handicap, elles sont dotées, dans certains pays, de la sous-commission des droits des personnes avec handicap86 qui est appelée à s’approprier le Protocole et à veiller à sa mise en œuvre. La synergie de tous ces acteurs est aussi nécessaire pour pousser les États à mettre effectivement en œuvre les obligations positives spéciales qui découlent du droit à l’éducation des personnes handicapées.
Les organes judiciaires au niveau national ainsi que la Commission et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples au niveau régional sont aussi appelés à faire preuve d’activisme interprétatif (la Commission) et judiciaire (la Cour et le juge national) lorsqu’ils se prononcent sur des questions en lien avec le Protocole, en particulier celles qui se rapportent au droit à l’éducation. Cet activisme, qui doit s’appuyer sur l’ensemble du droit international des droits de l’homme et les réalités africaines, doit être de nature à amener les États à une plus grande prise de conscience sur le fait que le Protocole leur exige des obligations positives spéciales auxquelles ils doivent se conformer.
Ces quelques mesures indicatives sont indispensables, car sans elles, la portée du droit à l’éducation des personnes handicapées et les obligations qui en découlent et qui restent à étendre risquent, en dépit de leur originalité, de ne pas créer, juridiquement, d’importants bouleversements au sein des ordres juridiques internes des États. En conséquence, le Protocole risquerait d’être considéré comme un texte essentiellement programmatique, un «traité d’atmosphère», ou encore, de «bonnes intentions». Ainsi, l’accessibilité des personnes handicapées à l’éducation et leur degré de participation et d’inclusion sociales pourraient demeurer dans le statu quo erat ante.
1. Conférence de l’Union Africaine Déclaration de Dar-es-Salaam sur le sommet des chefs d’Etat sur le capital humain de 2023 (Point proposé par la République-unie de Tanzanie) (2024) 3 (nous soulignons).
2. En matière de handicap, cette inclusion constitue le ‘leitmotiv’ de toutes les politiques publiques y relatives. Voir I Hachez, L Triaille & J Vrielink ‘Conclusion’ in I Hachez & J Vrielink (dirs) Les grands arrêts en matière de handicap (dir) (2020) 798. Voir aussi l’article 3 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique. ‘On parle d’inclusion dans le cas d’un processus de réforme systémique, impliquant des changements dans les contenus pédagogiques, les méthodes d’enseignement ainsi que les approches, les structures et les stratégies éducatives, conçus pour supprimer les obstacles existants, dans l’optique de dispenser à tous les élèves de la classe d’âge concernée un enseignement axé sur l’équité et la participation, dans un environnement répondant au mieux à leurs besoins et à leurs préférences’. Comité des droits des personnes handicapées Observation générale n°4 sur le droit à l’éducation inclusive (2016) para 11.
3. https://achpr.au.int/fr/news/communique-de-presse/2024-06-09/lentree-en-vigueur-du-Protocole-la-charte.
5. Préambule du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
7. E Sarton & M Smith Le défi de l’inclusion des enfants en situation de handicap - expériences de mise en œuvre en Afrique orientale et australe (2018) 1.
8. Art 2 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
9. Comité des droits des personnes handicapées (n 2) para 1 ; M El Berhoumi & I Hachez ‘Lorsque l’inclusion se décrète: le décret de la Commission communautaire française du 17 janvier 2014 relatif à l’inclusion de la personne handicapée’ (2015) Revue interdisciplinaire d’études juridiques 58-59.
10. Voir aussi Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya (fond), Arrêt, 26 mai 2017, para 176.
12. C’est en tenant compte des besoins particuliers des enfants handicapés que l’article 13 de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant dispose que les enfants handicapés ont le droit à des mesures spéciales de protection. En particulier, la Charte dispose que les États parties doivent veiller à ce que les enfants handicapés aient ‘effectivement accès à la formation, à la préparation à la vie professionnelle et aux activités récréatives d’une manière propre à assurer le plus pleinement possible son intégration sociale, son épanouissement individuel et son développement culturel et moral’.
13. C’est le cas notamment de la République démocratique du Congo (RD Congo) et de la Côte d’Ivoire, dont leurs Constitutions reconnaissent aux handicapés le droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins (article 49 de la constitution congolaise de 2006 telle que modifiée et complétée en 2011 et article 32 de la constitution ivoirienne de 2016 telle que modifiée en 2020). En RD Congo en plus, la loi organique n°22/003 du 3 mai 2022 portant protection et promotion des droits des personnes vivant avec handicap leur reconnaît également le droit à l’éducation formelle et/ou non formelle sur base de l’égalité des chances. Cette loi exige aussi à l’Etat de mettre en place ‘un système éducatif susceptible de favoriser l’insertion et l’inclusion de la personne avec handicap à tous les niveaux’ (art 13). Au Rwanda, l’Etat a aussi adopté la loi n° 01/2007 du 20 janvier 2007 portant protection des personnes handicapées en général et qui leur reconnaît le droit à l’éducation (art 11). Un arrêté ministériel n° 007/2016 du 1er mars 2016 fixe les modalités de traitement particulier des personnes handicapées en matière d’éducation.
14. Art 16 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
15. Comité des droits économiques, sociaux et culturels Observation générale n°5: Personnes souffrant d’un handicap (1994) para 5.
16. Il s’agit, pour les États, de prendre les mesures nécessaires afin que ‘les personnes handicapées ne soient pas exclues, sur le fondement de leur handicap, du système d’enseignement général et à ce que les enfants handicapés ne soient pas exclus, sur le fondement de leur handicap, de l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l’enseignement secondaire’. Art 24(2)(a) de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
21. Art 3(a) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
22. Art 16(3)(e) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
23. Ce pragmatisme s’explique par le fait que, comme nous le verrons, nombre d’obligations qui pèsent sur les Etats sont de réalisation progressive. Partant, ces établissements spéciaux peuvent utilement contribuer à l’éducation des personnes handicapées en attendant que l’objectif de pleine inclusion soit effectif.
25. Art 24(2)(a) et (b) de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
27. Art 16(4)(c) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
29. Voir art 27(1)(g) de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
30. Art 19(2)(d) et (e) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
31. L’institution de ce quota est une innovation du Protocole par rapport au droit onusien, qui prévoit une obligation vague exigeant les Etats de prendre des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment employer des personnes handicapées dans le secteur public.
34. Arts 103, 120 et 161: (modifiés par l’article 1er de la loi n° 11/003 du 25 juin 2011 modifiant la loi n° 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales).
35. Voir l’article 21 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
38. Comité des droits des personnes handicapées Observation générale n°2 Article 9: Accessibilité (2014) para 4.
40. Comité des droits des personnes handicapées (n 2) para 27.
41 Cet article dispose que ‘1. Toute personne handicapée a droit à un accès libre à l’environnement physique, aux transports, à l’information, notamment aux technologies et aux systèmes de communications et aux autres équipements et services ouverts ou fournis au public. 2. Les États parties prennent des mesures efficaces et appropriées pour faciliter la pleine jouissance par les personnes handicapées de ce droit, et ces mesures s’appliquent, entre autres: a. aux cadres ruraux et urbains et tiennent compte des diversités de populations ; b. aux bâtiments, aux routes, aux transports et aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur
41. d’autres installations telles que les écoles, les logements, les installations médicales et les lieux de travail ; c. l’information, aux communications, au langage des signes et aux services d’interprétation tactile, au braille, aux services audio et autres, y compris les services électroniques et les services d’urgence ; d. à des aides à la mobilité, appareils ou technologies d’assistance, formes d’aide humaine ou animalière de qualité et à des prix abordables ; et e. à la modification progressive de toutes les infrastructures inaccessibles et à la conception universelle de toutes les nouvelles infrastructures’.
44. Art 16(4)(a) à (d) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
45. Voir l’article 24(1)(a) à (c) de la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
46. Selon l’Organisations des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, ‘l’Afrique est le continent qui connaît le plus grand déficit d’ingénieurs au monde, avec seulement 55 000 ingénieurs pour près de 4,3 millions de demandes sur le marché du travail. Le manque de professionnels qualifiés dans le domaine des TIC limite la capacité des entreprises à innover et à se développer, ainsi que leur capacité à créer des emplois. Si le numérique se développe de manière exponentielle, la formation des ingénieurs ne permet pas aujourd’hui de répondre aux besoins croissants des industries africaines en matière de technologies avancées’. Voir le lien ci-après: https://blog.senmarketing.net/numerique-le-nouveau-monde-de-lemploi-en-afrique
47. Union africaine des télécommunications Rapport de la première réunion Préparatoire Africaine de la Conférence Mondiale de Développement des Télécommunications (CMDT-25) (2024) 13.
48. https://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/la-tech-secteur-prometteur-pour-les-travailleurs-handicapes/
49. Fundación ONCE and the ILO Global Business and Disability Network An inclusive digital economy for people with disabilities (2021).
50. Art 4 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
51. N Lubell ‘Les obligations relatives aux droits de l’homme dans le cadre de l’occupation militaire’ (2012) Revue internationale de la Croix-Rouge 11.
52. Committee on Economic, Social and Cultural Rights, General Comment N°. 13, Article 13: The Right to Education, 1999, para 46.
53. Art 1 du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
54. Art 16(3)(g) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
56. Art 16(3)(d) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
57. L’accompagnement peut aussi consister en ‘la fourniture d’aides compensatoires au titre de l’assistance, de matériels pédagogiques spécifiques sous des formes différentes/accessibles, de modes et de moyens de communication, d’aides à la communication et de technologies d’assistance et d’information. L’accompagne-ment peut également prendre la forme du recours à un assistant pédagogique qualifié qui assure, selon les besoins des élèves, un accompagnement collectif ou individuel’. Comité des droits des personnes handicapées (n 2) para 33.
60. Art 16(3)(j) du Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Personnes Handicapées en Afrique.
63. Organisation Internationale du Travail La mesure du travail décent. Réunion tripartite d’experts sur la mesure du travail décent: document d’information (2008) 6.
64. C Via Balole ‘La protection des normes fondamentales du travail dans le droit de la zone de libre-échange continentale africaine. Contribution à l’émergence du régionalisme social dans le commerce régional africain’ (2023) 7 African Human Rights Yearbook 249.
66. Comité des droits des personnes handicapées Observations finales concernant le rapport initial de la Belgique (2014) para 42.
69. Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant Décision sur la communication soumise par Minority rights group international et Sos-esclaves au nom de Said Ould Salem et de Yarg Ould Salem c. Mauritanie 64.
70. Cour européenne des droits de l’homme, Airey c. Irlande, Arrêt du 9 octobre 1979, para 24, 25 & 32.
71. F Tulkens ‘Préface’ in in I Hachez & J Vrielink (dirs) Les grands arrêts en matière de handicap (dir) (2020) Les grands arrêts en matière de handicap (2023) 9.
74. Voir Comité des droits économiques, sociaux et culturels Observation générale n°3 sur la nature des obligations des États parties (1990) paras 10 & 11.
80. Comité des droits des personnes handicapées (n 35) para 26. Voir aussi Comité des droits des personnes handicapées (n 2) para 31.
84. A Rouyère ‘Le droit comme indice. Existe-t-il des politiques d’environnement’ (2000) L’analyse des politiques publiques aux prises avec le droit 69.
85. En effet, il doit incomber au(x) ministère(s) ayant l’éducation et l’enseignement supérieur dans leurs attributions l’éducation des personnes handicapées. Une telle compétence, là où c’est encore le cas, doit être retirée des ministères ayant les affaires sociales et la santé dans leurs attributions. En effet, comme le note le comité onusien, le fait de confier l’éducation à d’autres ministères que celui de l’éducation a ‘pour conséquence, entre autres, que les personnes handicapées ne sont pas prises en compte dans les lois, politiques, programmes et budgets généraux relatifs à l’éducation, que les ressources par habitant affectées à l’éducation des personnes handicapées sont inférieures à celles consacrées à l’éducation des autres personnes, que le nombre et la cohérence des structures d’encadrement favorisant l’éducation inclusive sont insuffisants, que trop peu de données intégrées sont collectées concernant la scolarisation, la persévérance scolaire et le niveau d’études et que les enseignants ne sont pas formés en matière d’éducation inclusive’. Comité des droits des personnes handicapées (n 2) para 60.