Carole Valérie Nouazi Kemkeng
 PhD en Droit public (Université de Yaoundé II Soa)
 Chargé de Recherche au Centre National d’Éducation (CNE), MINRESI-Cameroun
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 Edition: AHRY Volume 2
 Pages: 179 - 199
 Citation: CVN Kemkeng ‘La déclaration de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou dans le système africain des droits de l’homme: entre régressions continentales et progressions régionales’ (2018) 2 Annuaire africain des droits de l’homme 179-199 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2018/v2n1a8
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RÉSUMÉ

Bien qu’effective, la protection juridictionnelle régionale des droits de l’homme en Afrique connait un certain nombre de défis. Au rang de ses défis figure le verrou procédural de la déclaration facultative d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Le présente article se propose de faire une analyse de ces déclarations depuis l’entrée en vigueur du Protocole de Ouagadougou jusqu’en fin 2017. Il se dégage de cette réflexion que les choix circonstanciels des États entraînent une mise en œuvre ambivalente des déclarations en ce que la clause de l’article 34(6) institue un système donc la mise en œuvre handicape l’envol de la juridiction africaine, d’une part, et d’autre part, que cette mise en œuvre timorée renforce plutôt les juridictions communautaires qui contribuent à pallier aux insuffisances du mécanisme continental de protection des droits de l’homme.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

The declaration under article 34(6) of the Ouagadougou Protocol in the African human rights system: between continental regression and regional progress

ABSTRACT: Although effective, the regional jurisdictional protection of human rights in Africa faces a number of challenges. Among its challenges is the procedural lock of the optional declaration to accept the compulsory jurisdiction of the African Court on Human and Peoples’ Rights. This article analyses these declarations since the entry into force of the Ouagadougou Protocol until the end of 2017. Evidence from this reflection is the fact that the circumstantial choices of states involve an ambivalent implementation of the declaration in article 34(6) establishing a system and thereby making implementation difficult. On the one hand, this results in the avoidance the Court’s jurisdiction. On the other hand, the laxity in implementation strengthens the jurisdiction of subregional courts, which contributes to overcoming the shortcomings of the continental mechanism for the protection of human rights.

MOTS CLÉS: Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, déclaration facultative, juridiction obligatoire, locus standi, compétence ratione personae, option juridictionnelle

 

SOMMAIRE:

1 Introduction

2 La regression de la juridiction regionale africaine des droits de l’homme

2.1. L’exigence de la déclaration limite l’exercice de la compétence personnelle de la Cour africaine et la protection des droits de l’homme en Afrique

2.2. Le retrait de la déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire comme un facteur de recul

3 La progression des juridictions communautaires dans l’acceptation de la justice régionale des droits de l’homme

3.1 La consécration des compétences implicites ou explicites en matière des droits de l’homme

3.2 La simplification des procédures d’accès à la justice aux requérants non étatiques et le risque de concurrence avec la Cour africaine

4 Conclusion

1 INTRODUCTION

La juridictionnalisation du droit international constitue le mouvement de plus en plus croissant par lequel l’ordre international est soumis au droit et donc au juge international qui en assure l’interprétation et l’application en vue d’en sanctionner les violations. Ce phénomène de juridictionnalisation s’est enfin concrétisé dans le cadre du système africain de protection des droits de l’homme avec la création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle est compétente de plein droit pour connaître de toutes communications qu’elles soient étatiques ou non. Les articles 5(3) et 34(6) du Protocole exigent à l’égard des individus et des ONG ayant le statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, une déclaration supplémentaire dite, déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour par l’État concerné en vue de la saisine directe de la Cour africaine. En vertu de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou qui dispose qu’ 

à tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'État doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole, la Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un État partie qui n'a pas fait une telle déclaration.

En fait, les rédacteurs du Protocole s’inspirent de l’article 36(2) du Statut de la Cour international de justice (CIJ) qui oblige les États à reconnaître la compétence obligatoire de la Cour en cas de litige et de celle qui était consacrée dans le système européen avant la réforme.1 La déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire désigne précisément un « acte discrétionnaire par lequel un État souscrit un engagement de juridiction obligatoire, attribuant unilatéralement compétence à une juridiction pour des catégories de litiges définis à l’avance ».2

S’agissant d’un engagement international, même unilatéral, il est soumis au principe général de la « pacta sunt servanda » tel que codifié par la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.

En l’état actuel du système africain de protection des droits de l’homme, une telle condition sine qua non3 limite l’accès des individus à la Cour africaine. Dans un contexte de renouvellement de l’engagement des États membres de l’Union Africaine à ratifier et à s’approprier les instruments des valeurs partagées, en particulier celles qui portent sur les droits de l’homme et des peuples, il est opportun dans la présente étude, de jeter un regard sur l’évolution de l’acceptation de la compétence personnelle de la Cour par les États. Quel est l’impact du système de la clause facultative sur la juridiction de la Cour d’Arusha et sur les ordres juridiques communautaires? Dans quelle mesure ce système de la clause peut-il être un facteur de dynamisme communautaire dans la protection des droits de l’homme en Afrique? Tout l’intérêt de ce questionnement est de permettre une meilleure compréhension des facteurs qui ont permis une véritable justice internationale et une avancée judiciaire dans certains pays africains et surtout des défis qui empêchent la jouissance effective des droits de l'homme sur le continent. En prenant appui sur les méthodes juridiques, systémiques et sociologiques, il faut relever que la portée réelle du caractère restrictif de l’article 34(6) doit également être appréciée à l’aune des accords d’intégration économique conclus entre États africains.4 Dès lors, il se dégage de cette appréciation que les choix de quelques États5 pour l’acceptation de la justice en Afrique sont circonstanciels. Il en ressort que la mise œuvre des déclarations sur le continent africain est ambivalente en ce qu’elle handicape l’envol de la juridiction africaine d’une part et renforce les juridictions communautaires dans la protection des droits de l’homme d’autre part.

2 LA REGRESSION DE LA JURIDICTION REGIONALE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

La juridictionnalisation des procédures en matière de droits de l’homme s’inscrit dans une perspective de lutte acharnée contre l’impunité.6 La responsabilité étatique devant les organes juridictionnels traduit dans ce sens la conséquence directe de l’internationalisation de la protection des droits de l’homme. Ainsi, la consécration du droit d’accès au juge a pour finalité la mise en jeu de la responsabilité de l’État, en vue d’une meilleure protection des droits des individus au plan régional.7 Le continent africain a été et continue d’être le théâtre de nombreuses crises et de conflits malgré des avancées considérables en matière de protection des droits des individus telle que l’institution de la Cour africaine. Bien que très positive sur le plan du progrès dans la protection effective des droits de l’homme en Afrique, on constate que la justice internationale y est encore à ses balbutiements. 8 Contrairement au mécanisme européen, l’action internationale des individus reste subordonnée au consentement préalable des États qui craignent de se voir condamner devant une juridiction internationale. Ce verrou à l’effectivité de l’accès à la Cour par les individus et les ONG impacte négativement sur l’activité judiciaire de la Cour et sur la protection des droits de l’homme sur le continent. À cet handicap, s’ajoute la pratique de retrait des États africains de ladite clause qui constitue davantage une attitude régressive dès lors qu’elle entamme gravement la lutte contre l’impunité en Afrique.

2.1. L’exigence de la déclaration limite l’exercice de la compétence personnelle de la Cour africaine et la protection des droits de l’homme en Afrique

Contrairement au mécanisme européen où la clause a été supprimée lors de l’élaboration du Protocole n°11 en 1994 (entrée en vigueur en 1998), l’accès des d'individus et des ONG à la Cour africaine est conditionnée par la déclaration facultative d’acceptation de la compétence obligatoire de la Cour.9 En vertu de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou, la Cour d’Arusha ne peut procéder à l’examen les requêtes individuelles et d’ONG que si la violation alléguée est imputable à une action ou une omission de l’État défendeur qui a reconnu préalablement sa compétence à recevoir ce type de requête. Cette disposition consacre en principe le caractère obligatoire de la déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour.

Mais en réalité, il s’agit d’une clause facultative qui ne traduit aucune obligation pour les États. Si non, comment comprendre que sur 55 États membres de l'UA, 30 l'ont ratifié et huit seulement de ces 30 États ont fait la déclaration prévue à l'article 34(6) du Protocole? Au regard des statistiques, les déclarations semblent timides puisqu'elles ne sont pas fréquentes. Il importe de relever que jusqu’en fin 2017, le nombre de requêtes contentieuses reçues par la Cour a été porté à plus de 155 (cent cinquante-cinq), et le nombre de demandes d’avis consultatif à 12 (douze).10 Elle a rendu près de 62 arrêts, dont 18 sur la base de la clause facultative. Parmi ces 18 affaires, l’on en dénombre 7 (sept) dans lesquelles la Cour n'a pas statué sur le fond.11 Sur cette base, peut-on réellement parler d’une démocratisation de l’accès à son prétoire comme le souligne Ondo?12 Il s’agit certes d’une avancée, mais cette position semble très mitigée au regard du nombre de requérants africains qui peuvent traduire leur État devant l’organe judiciaire continental en cas de violation des droits de l’homme. Cette clause peut paraître plutôt discriminatoire et dangereuse au regard du principe de l’égal accès des citoyens à la justice.13

La pratique de la Cour est assez importante sur la question.14 Depuis l’affaire Michelot Yogogombaye dans laquelle elle a rendu un arrêt d’incompétence, qui a été critiqué sur le plan procédural par le juge Fatsah Ouguergouz pour qui la Cour devait rejeter de plano la requête et non rendre un arrêt,15 la Cour africaine fait aujourd’hui l’économie de procédure en adoptant une démarche un peu plus

rigoureuse.16 Dans ces affaire, la Cour se fonde sur les articles 34(6) et 5(3) pour constater que les États ou défendeurs visés ne sont pas les justiciables devant la Cour. Ainsi, la Cour indique comme elle l’avait fait dans l’affaire Michelot Yogogombaye qu’

il ressort d’une lecture combinée des dispositions susmentionnées que la saisine directe de la Cour par un individu est subordonnée au dépôt par l’État défendeur d’une déclaration spéciale autorisant une telle saisine.17

Au-delà de cette acceptation de la compétence de la Cour par le biais de la déclaration, l’article 5(3) prévoit que « La Cour peut permettre ... ». Cette formulation suppose une non seulement une autorisation de la Cour pour le jus standi des individus et des ONG,18 mais aussi, la Cour peut renvoyer une affaire à la Commission africaine19 lorsqu’elle constate qu’elle est manifestement incompétente. En tout état de cause, en ce qui concerne ces aspects de procédure, la jurisprudence de la Cour est beaucoup critiquée sur le plan de l’efficacité de la protection des droits de l’homme en Afrique. Pour le juge Fatsah Ouguergouz, cette pratique n’est pas fondée en droit;20 raison pour laquelle on peut se demander quel a été le sort de ces requêtes renvoyées devant la Commission africaine depuis 2011.

En outre, dans le système africain de protection des droits de l’homme, le droit de saisine accordé aux ONG est très limité alors qu’elles jouent un rôle très important dans la promotion de la démocratie et l’institution de l’État de droit. Il est conditionné par l’acceptation de la Cour au même titre que les individus, et par l’exigence du statut d’observateur auprès de la Commission africaine. Le Protocole de Ouagadougou ne détermine pas les conditions requises pour l’obtention du statut d’observateur. À la date du 21 octobre 2011, la Commission africaine a octroyé le statut d’observateur à un total de 428 (quatre cent vingt-huit) ONG.21 Dans l’affaire Juristes d’Afrique pour la bonne gouvernance c. République de Côte d’Ivoire, la Cour africaine a eu à se prononcer sur la question du statut d’observateur par une déclaration d’incompétence et par un renvoi devant la Commission africaine.22

Du point de vue prospectif, il convient également de souligner qu’au regard du Protocole portant Statut de la future Cour africaine de justice et des droits de l’homme, les ONG ne seront des justiciables devant la Cour fusionnée que lorsqu’elles sont accréditées auprès de l’Union africaine ou de ses organes ou institutions sous réserve des dispositions de l’article 8 du Protocole de Sharm El-Sheikh qui les soumet à la condition d’acceptation de sa compétence.23 Ce nouveau texte fait mieux de supprimer le statut d’observateur auprès de la Commission africaine, mais l’accréditation desdites ONG auprès de l’UA, de ses organes ou de ses institutions, alourdira davantage les conditions de saisine de la future Cour fusionnée.24 De même, la subordination des justiciables de la future Cour à l’Union semble marginaliser les droits de l’homme au profit de l’intégration politico-économique.25 Toutes ces conditions restrictives à l’accès des ONG dans le système actuel et futur contrastent largement avec le système européen qui est plus accessible aux ONG sans autre condition que celle d’être victime.

En tout état de cause, force est de constater que le droit de recours individuel reste à la merci des États africains. L’on peut ainsi s’accorder avec l’idée selon laquelle les voies d’accès à ce système sont sinueuses et escarpées, décourageant ainsi de nombreuses victimes qui tentent de les emprunter.26 Dans ces circonstances, non seulement l’impact de la Cour africaine dans son action contre les violations des droits de l’homme sera forcément limité mais aussi et surtout, cela entraînerait la saisine régulière de la Commission africaine.

Il convient de relever que l’article 8(3) du Protocole de Sharm El-Sheikh apporte une amélioration dans la rédaction de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou en faisant ressortir le caractère facultatif de la déclaration. Cet article dispose en effet que

tout État partie, au moment de la signature ou du dépôt de son instrument de ratification ou d’adhésion, ou à toute autre période après l’entrée en vigueur du Protocole peut faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 30(f) et concernant un État partie qui n’a pas fait cette déclaration.

Mais il y a lieu de reconnaître que le maintien de la déclaration comme condition d’accès au prétoire de la future Cour fusionnée est une véritable régression en matière de jus standi des individus. Les nombreuses critiques relatives à la limitation de l’accès des individus et ONG devant la Cour actuelle n’ont pas empêché les rédacteurs du Protocole de Sharm El Sheikh de maintenir la déclaration d’acceptation de la compétence de la future Cour. L’accès au prétoire du juge régional par les individus a été encore hypothéqué dans le contexte de la nouvelle réforme. Ce qui rend problématique l’effectivité du contentieux individuel devant les deux Cours. C’est la raison pour laquelle l’on convient avec Félix Ahouansou que

le fait de ne pas garantir l’accès direct aux individus constitue un pas en arrière, un véritable recul, en matière d’accès à la justice pour tous en Afrique. Cette démarche dilue l’efficacité du système africain de protection des droits de l’homme et est contraire aux dispositions relatives à l’accès à la justice dans plusieurs instruments internationaux sur les droits de l’homme, y compris la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

En outre, toujours au rang des supposées solutions au problème de l’impunité en Afrique, le Protocole de Sharm El Sheikh a été révisé à Malabo par un Protocole d’amendement en vue d’y intégrer des compétences pénales. Mais l’article 9(3) du Protocole de Malabo qui reprend intégralement l’article 30(f) du Statut de la future Cour, n'a pas porté des modifications substantielles sur le recours individuel. Aussi, l’élargissement du droit de saisine aux individus comme palliatif ou réaménagement de la procédure de saisine directe des requêtes individuelles semble relever d’une utopie.

Il ressort de l’attitude des États africains que leur réticence se situe davantage au niveau de l’acceptation effective des dispositifs énoncés.27 Il s’agit de l’acceptation préalable de la norme protégeant l’individu qui induit directement l’obligation de se soumettre à la décision juridictionnelle. Or dans la pratique, les États africains sont enclins à l’idée de justice et l’absence des voies d’exécutions forcées explique leur relative hésitation à recourir aux juridictions et au droit pour le Règlement de leurs litiges.28 En effet, à la lecture du Protocole de Ouagadougou et des autres projets de Protocole précités, l’on constate une primauté de la volonté de l’État sur l’action individuelle internationale. Cette condition ne va pas sans susciter des interrogations dans un contexte où la majorité des États africains restent réfractaires à la justice internationale et conçoivent mal la possibilité pour les individus de les mettre sur le banc des accusés devant les organes de contrôle des droits de l’homme. Elle illustre un renouveau de la tutelle étatique dans le domaine de la protection des droits au niveau africain.29 Les États africains ainsi ont acceptés de consacrer le mécanisme de recours individuel devant la Cour africaine en restreignant l’accès à cette dernière.30

Dans cet ensemble, l’État est un  justiciable spécial qui aménage lui-même ses mécanismes et procédures spéciales de jugement.31 En outre, non seulement l’État peut être réticent, mais il dispose également d’un pouvoir discrétionnaire pour faire, ou pour ne pas en faire ladite déclaration, ou pour se retirer voire pour faire une déclaration assortie de réserves temporelles, matérielles et territoriales.32 L’attitude du Rwanda de se retirer de la déclaration de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou, confirme ainsi la tendance régressive des États africains en matière de protection des droits de l’homme.

2.2. Le retrait de la déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire comme un facteur de recul

En droit international, les États peuvent à un moment donné et surtout lorsque leurs intérêts sont en jeu, affirmer leur désamour vis-à-vis de leurs engagements internationaux auxquels ils ont préalablement souscrit. Kamto souligne à cet effet que

s’il est un domaine où la volonté de l’État parait déterminante en droit international, c’est celui de la justice (...). Contrairement à l’ordre juridique interne, la justice n’est pas obligatoire dans l’ordre juridique international.33

Même si le retrait peut parfois être perçu comme une sanction du comportement d’un État, il est beaucoup plus un acte ou une manifestation de la souveraineté de l’État qui peut être une dénonciation unilatérale d’une clause spéciale. En droit international général, comme tout acte rédigé unilatéralement, la déclaration est soumise au régime de la souveraineté et de la compétence discrétionnaire des États.34 La nature facultative de la déclaration et son caractère unilatéral découlent du principe de souveraineté des États qui leur permet de s’engager mais également de retirer leurs engagements.35 Rien ne s’oppose donc à ce qu’un État puisse retirer valablement sa déclaration.

Ainsi, dans le contexte africain déjà fragilisé par la clause de l’article 34(6) et où seulement huit États ont accepté la compétence de la Cour à recevoir les requêtes non étatiques, il est admis de penser que le retrait de la République du Rwanda de ladite clause en février 2016 constitue un fait majeur en Afrique qui traduit le recul des États africains en matière de protection des droits de l’homme.

Il est évident que ce retrait limite davantage la juridiction de la Cour et l’empêche de déployer son plein potentiel quant aux violations des droits de l’homme et quant aux justiciables, car les États abandonnent les victimes au bon vouloir des justices nationales et donc des potentiels violateurs que sont les États.

Le Rwanda avait précédemment été félicité pour avoir été un des premiers États à accepter la juridiction de la Cour africaine pour connaître des affaires soumises directement par les individus et les ONGs. En fait, après le génocide rwandais, la politique rwandaise consistait en la reprise des relations internationales, en vue d’une meilleure visibilité, ceci en procédant à de nombreuses réformes sur les plans politique, économique juridique et des droits de l’homme. La souscription à la déclaration d’acception de la juridiction obligatoire de la Cour africaine par le Rwanda le 22 janvier 2013 est venue consolider ces relations. Toutefois, le retrait de la République du Rwanda à la suite de l’introduction de la Cour de la requête 3/2014 en l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza36 vient relativiser cette vision.

Cela intervient dans un contexte particulier où certains États africains demandent des « solutions africaines aux problèmes afri-cains ». Cette décision sans précédent de retirer sa déclaration en vertu de l’article 34(6) et la non-comparution du gouvernement rwandais lors d’une procédure devant la Cour ébranlent sérieusement les efforts de renforcement des institutions des droits humains au niveau régional et envoient un message alarmant quant à l’engagement du gouvernement rwandais en matière de justice et de droits humains plus généralement.

En effet, la requête a été introduite devant la Cour le 3 octobre 2014, par Madame Ingabire Victoire Umohoza, sur la base de l’article 5(3) et de l’article 34(6) du Protocole. Il en ressort que la compétence de la Cour n’est pas affectée pour les requêtes individuelles introduites avant la dénonciation de la déclaration, puisqu’il existait alors une base consensuelle. Le principe de non-rétroactivité prohibe ainsi que le défendeur puisse écarter la compétence de la juridiction pour les affaires pendantes.37 Mais la déclaration du Rwanda n’est assortie d’aucune réserve; par conséquent, au moment de l’introduction de la requête, il n’y avait aucune limite à l’acceptation de la compétence de la Cour par rapport aux requêtes individuelles.

Contrairement aux conventions européenne38 et interaméricaine, le Protocole de Ouagadougou est silencieux sur le délai raisonnable pour le retrait ou la dénonciation des traités. La Cour africaine a eu à trancher sur cette question en l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza. Trois ans exactement après le dépôt de la déclaration, le Rwanda décide de se retirer suite à l’introduction de ladite requête. La Cour a d’abord rendu une ordonnance39 qui a été beaucoup critiquée, avant de se prononcer sur sa compétence40 et le retrait proprement dit dans son arrêt dans le fond. En réalité, le retrait de la déclaration ne vaut que pour l’avenir: il n’affecte pas le traitement des affaires déjà introduites devant la Cour avant le 29 février 2016.41 La Cour a précisé que même si le retrait de la déclaration est un acte unilatéral, son caractère discrétionnaire n’est pas absolu.42 Dans ces circonstances, lorsqu’ils sont autorisés à se retirer, les États sont tenus de donner préavis de leur intention. L’exigence de préavis est nécessaire dans ce cas particulier, non seulement parce que la déclaration est un engagement international de l’État, mais bien plus important, créé des droits subjectifs en faveur des individus et des groupes.43 La Cour s’est donc fondée sur la pratique de la Cour interaméricaine des droits de l’homme telle que prévue à l’article 78 de la Convention américaine44 et appliquée dans l’affaire Ivcher Bronstein c. l’État du Pérou en ces termes

L’action unilatérale d’un État ne peut ôter à une Cour internationale la compétence qu’il lui a déjà reconnue; [lorsqu’] un État [est autorisé] à retirer sa reconnaissance de la compétence contentieuse de la Cour, il devra donner une notification formelle un an avant que le retrait puisse prendre effet, pour des raisons de sécurité juridique et de continuité.45

Elle s’est également inspirée de l’article 56(2) de la Convention de Vienne pour se prononcer sur les effets juridiques du retrait, à savoir l’application du délai d’un an. La Cour conclut que le retrait de la déclaration du Rwanda prendra effet un an après soit le 1 mars 2017. En ce qui concerne les affaires pendantes, la Cour a estimé qu’un acte posé par l’État défendeur ne saurait écarter sa compétence sur la base du principe juridique de la non-rétroactivité qui voudrait que les nouvelles règles ne s’appliquent qu’aux situations futures.46 Par conséquent, le retrait n’a aucun effet sur les affaires pendantes liant la République du Rwanda. Le retrait brusque sans préavis est susceptible d’affaiblir le régime de protection prévu par la Charte. La notification du délai de préavis est obligatoire en cas de retrait de la déclaration faite à l’article 34(6) et attenue le champ de liberté des États à l’égard de la juridiction obligatoire.

La solution retenue par la Cour est semblable à celle pratiquée par la CIJ notamment par le gouvernement des États-Unis qui a donné avis du retrait de sa déclaration d'acceptation de la juridiction obligatoire de la CIJ du 26 août 1946, par une notification adressée au secrétaire général de l’ONU le 7 octobre 1985.47 Le retrait des États-Unis est survenu dix-sept mois après l'ordonnance indiquant des mesures conservatoires, qui a été rendue par la CIJ le 10 mai 1984, à la suite de l'arrêt du 26 novembre 1984, dans lequel la CIJ s'est déclarée compétente pour trancher l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.48

En tout état de cause, il importe de relever que la compétence de la Cour sera plutôt affectée pour les requêtes individuelles introduites après la dénonciation dans des proportions variables.49 Dans ce sens, le retrait ralentit ou bloque les procédures devant la Cour et crée un mauvais précèdent qui peut faire des émules et effets boule de neige. Il entamme gravement la légitimité du projet de justice et de zéro impunité porté par l’union africaine. Le retrait du Rwanda trahit les victimes des violations des droits de l’homme dans ce pays, et s’apparente au retrait annoncé de l’Afrique du Sud ou du Burundi de se retirer du Statut de Rome. Qu’il s’agisse de la déclaration ou de l’exclusion de la compétence d’une juridiction de connaître des cas de violations des droits de l’homme, l’on ne peut espérer que les États, bien que pourvoyeurs et fossoyeurs des règles de droit international, puissent faire bon usage des leurs prérogatives dans le sens de la protection de la dignité humaine.50

Il faut dire que la réticence des États est une véritable problématique de l’accès des particuliers à la justice internationale51 et une donnée de droit international qui n’épargne pas le contexte africain. L’acceptation de la compétence de la Cour africaine n’est pas l’apanage de tous les États africains. Le mécanisme de la déclaration facultative de juridiction obligatoire est une preuve que le droit international renferme lui-même de nombreuses contradictions. Cela traduit le caractère inachevé de la construction du droit international. Au regard du caractère très restrictif de la juridiction continentale et du caractère embryonnaire du droit africain des droits de l’homme,52 certaines juridictions des Communautés économiques régionales contribuent à pallier à cette insuffisance.

3 LA PROGRESSION DES JURIDICTIONS COMMUNAUTAIRES DANS L’ACCEPTATION DE LA JUSTICE RÉGIONALE DES DROITS DE L’HOMME

La Cour africaine n’a pas le monopole du contrôle des droits garantis par la Charte. Comme le souligne Bahati, les compétences des Cours de justice des communautés économiques régionales en matière de protection des droits de l'homme ont été acquises à un moment où la mise en place de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples était encore hypothétique.53 Aujourd’hui, en l'absence d'un mécanisme juridictionnel continental de protection des droits de l'Homme ouvert directement aux individus et aux ONG, force est de constater que la mise en œuvre timorée du système de la clause facultative renforce plutôt les juridictions communautaires en matière de protection des droits de l’homme. Ainsi, il reste évident que l’essor des juridictions communautaires en Afrique contribue à pallier aux insuffisances du mécanisme continental de protection des droits de l’homme. Les juges nationaux sont désormais en présence de jugements dont ils doivent tenir compte, y compris dans les domaines les plus sensibles du politique.54 Les juridictions établies dans le cadre des huit Communautés économiques régionales reconnues par l’Union africaine sont susceptibles de disposer d’une compétence implicite ou explicite en la matière.55 Certaines de ces juridictions prennent respectivement de l’importance sur le plan de la confiance et de la jurisprudence56 en instituant un accès assez libéral aux requérants non étatiques, même s’il y a un risque de concurrence avec la Cour africaine.

3.1. La consécration des compétences implicites ou explicites en matière des droits de l’homme

Dans le cadre des communautés économiques régionales africaines, la prise de conscience d’une intégration quelconque serait presque impossible dès lors que la conjoncture nationale dans leurs États est source de conflits.57 Tels que consacré dans les traités de la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)58 et de la CAE,59 le respect des droits de l’homme est essentiel pour la paix et la sécurité intérieure et à ce titre, ils ont introduit les notions de respect, de promotion et de protection des droits de l’homme dans leurs traités, dans le cadre des principes fondamentaux sur lesquels devrait se fonder l’intégration économique.

Les États de la CEDEAO sont des États dont les politiques ont connu des avancées notables en matière de respect des principes démocratiques. La Cour de justice de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest constitue une juridiction de plus en plus active et audacieuse dans le système africain de protection des droits de l'homme.60 Le Protocole supplémentaire de 200561 en son article 3(4) donne à cette Cour compétence pour connaître des cas de violation des droits de l’homme commis par un État membre. Ainsi, l’exécution des obligations économiques du traité est conditionnée au respect de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. C’est ce qui explique l’engagement volontaire des États membres de la CEDEAO à reconnaitre la compétence de la Cour africaine même si certains d’entre eux se sont trouvés plutôt contraints de juridictionnaliser la procédure des droits de l’homme au plan régional africain.

La CEDEAO est devenue une Communauté des droits de l’homme sans renoncer à l’esprit communautaire. La Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest est sans doute l’organisation sous régionale africaine ayant démontré le plus d’enthousiasme62 en matière de protection des droits des individus à travers la volonté des États et le rôle majeur joué par la société civile. L’action des États est manifeste au niveau de la consécration explicite des droits de l’homme dans les traités de création de la communauté et au niveau de leur mise en œuvre. L’article 4 du Traité révisé de la CEDEAO dispose que

Les Hautes Parties Contractantes, dans la poursuite des objectifs énoncés à l’Article 3 du présent Traité affirment et déclarent solennellement leur adhésion aux principes fondamentaux suivants : [...] respect, promotion et protection des droits de l’homme et des peuples conformément aux dispositions de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Il s’agit en fait des États qui ont une culture juridique avancée et qui sont respectueux des principes démocratiques. Ce sont des pays où l’alternance politique et les garanties procédurales internes de jouissance des droits de l’homme sont des principes fondamentaux. Ces États sont ainsi exposés au risque d’être attrait devant la Cour par les individus et les ONG. Les obligations en vertu de la déclaration se ramènent à l’acceptation d’être cité à comparaître par des individus et ONG.63

Dans le cadre de la CEDEAO, l’on pourrait même dire que le paradigme communautaire a certainement influencé le rythme d’acceptation de la compétence de la Cour africaine. Si l’on admet que dans un contexte de réticence globale, l’on note en fin 2017, cinq États sur 15 qui relèvent de la compétence de la Cour de Justice de la CEDEAO,64 à savoir le Mali, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, le Ghana et le Bénin, ont souscrit à ladite clause autorisant les requêtes des individus et des ONG comme le montre le tableau ci-dessous.65

 

 

 

Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

Protocole à la Charte portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Pays

Sous-région

Date de ratification

Signature

Ratification

Dépôt de la déclaration

1

Tunisie

Afrique du Nord

16/03/1983

09/06/1998

21/08/2007

16/04/2017

2

Bénin

Afrique de l’Ouest

20/01/1986

09/06/1998

22/08/2014

08/02/2016

3

Burkina Faso

Afrique de l’Ouest

06/07/1984

09/06/1998

31/12/1998

28/07/1998

4

Côte d’Ivoire

Afrique de l’Ouest

06/01/1992

09/06/1998

07/01/2003

23/07/2013

5

Ghana

Afrique de l’Ouest

24/01/1989

09/06/1998

25/08/2004

10/03/2011

6

Mali

Afrique de l’Ouest

21/12/1981

09/06/1998

10/05/2000

19/02/2010

7

Malawi

Afrique Australe

17/11/1989

09/06/1998

09/09/2008

09/10/2008

 

Rwanda*

Afrique de l’Est

15/07/1983

09/06/1998

05/05/2003

06/02/2013

8

Tanzanie

Afrique de l’ l’Est

18/02/1984

09/06/1998

07/02/2006

29/03/2010

Total

 

8

8

8

8

*  Le 3 mars 2016, la Commission de l’Union africaine a notifié la Cour de la réception de la lettre de la République du Rwanda portant retrait de sa déclaration faite en vertu de l’article 34(6) et déposée en février 2013.

 

Pour ce qui est de la Communauté de l’Afrique de l’Est, le traité l’instituant a été signé le 30 novembre 1999 à Arusha, en Tanzanie par les Chefs de ses cinq États membres - le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie - qui sont décrits dans le traité comme États partenaires de la Communauté. L’article 9 du Traité de la CAE prévoit la création d’une Cour de Justice de l’Africaine de l’Est (CJAE). La tâche principale de la CJAE est de veiller à ce que ses États membres se conforment aux dispositions du Traité de la CAE, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de tout autre instrument de l’Union Africaine auquel ils sont signataires. La CJAE n’a pas d’exigences d’admissibilité; donc tout État partenaire lésé a un accès direct à la Cour. L’article 30 du Traité de la CAE prévoit l’accès de l’individu au prétoire de la Cour. L’objectif de la Cour est de promouvoir l’unité et le respect des droits de l’homme dans la région de l’Afrique de l’Est.

Le Tribunal de la SADC avait compétence implicite pour connaître des cas relatifs à l'interprétation et l'application du Traité (article 14 du Protocole). Le Traité ne faisait pas référence à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, mais il engageait les parties au respect des droits de l'Homme, à la démocratie, à l'État de droit, à la non-discrimination. Toutefois, l’objectif de la présente analyse ne permet pas de s’attarder sur la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) dont la décision du Tribunal de cette communauté de fermer le prétoire aux recours individuels en matière des droits de l’homme, constitue un cas rare d’évolution régressive dans l’histoire des juridictions internationales comme le souligne Olinga.66 En effet, c’est à la suite de l’inexécution des décisions du Tribunal de la SADC67 précisément en l’affaire William Campbell et al c. Zimbabwe,68 que les États de la SADC ont adopté une attitude extrême dans le domaine de la justice internationale et des droits de l’homme, non pas en limitant l’accès des requérants individuels, mais plutôt en retirant au Tribunal de la SADC la compétence des litiges relatifs aux droits de l’homme.69 Cette décision a mis fin à toutes les tentatives de formation jurisprudentielle.

E dehors de ce cas de régression, il faut néanmoins remarquer que l’accès à la justice supranationale est différente au sein des Communautés économiques régionales africaines qui accordent sans restriction le droit de saisine directe des juridictions communautaires par des particuliers pour des litiges relatifs aux droits de l’homme.70Elles ont des compétences implicites et explicites en matière des droits de l’homme.71 Pour ce qui est de la procédure, il y a risque de chevauchements des compétences entre la Cour africaine et les juridictions des communautés économiques régionales,72 cette consécration des recours individuels direct doit être comprise comme une avancée dans la protection des droits de l'homme.

3.2. La simplification des procédures d’accès à la justice aux requérants non étatiques et le risque de concurrence avec la Cour africaine

Comme le souligne Onoria, l’accès des individus devant les juridictions des communautés économiques régionales constitue un fait nouveau qui s’est développé depuis le début du troisième millénaire.73  Toutes ces juridictions spécialisées ont pour point commun de ne pas requérir le consentement préalable de l’État défendeur pour l’examen des requêtes individuelles.74  Par conséquent, les juridictions communautaires constituent aujourd’hui un instrument par lequel les États africains acceptent et participent plus activement à la justice internationale.75 Le défaut d’exigence préalable de la déclaration offre plus de chance quant à l’issue des requêtes des particuliers, car ces juridictions pourraient, par le biais de l’interprétation large de certaines dispositions conventionnelles, étendre leur compétence.76

L’accès des justiciables individuels au prétoire de la Cour africaine est plus difficile et plus ouvert pour les Cours communautaires. Pour Olinga, cette donnée est de nature à faire du juge généraliste sous régional le spécialiste des droits de l’homme à la longue, au regard de la pratique, puisque le juge spécialisé a priori n’aura pas en principe l’occasion fréquente de faire preuve de son expertise, du fait de la difficulté pour les individus d’accéder à son prétoire.77 Cette organisation différente du jus standi devra particulièrement être observée dans le jeu des rapports entre les juridictions africaines, au vu de son impact sur le travail procédural de la Cour africaine et sur la garantie concrète des droits.

L’importante jurisprudence de la Cour de justice de la CEDEAO atteste à suffisance l’ouverture de l’accès au prétoire du juge communautaire par des particuliers en cas de violation des droits de l’homme.78 En vertu des articles 9(4) et 10(d) du Protocole additionnel, la Cour de justice de la CEDEAO a compétence pour entendre les affaires de droits de l'homme déposées par les victimes de violations des droits de l'homme dans un État membre de la CEDEAO à condition que cette demande ne soit pas anonyme et ne soit pas portée devant la Cour alors qu’une affaire sur la même question est pendante devant un autre tribunal international pour arbitrage. L’épuisement des voies de recours internes n'est pas une exigence. La Cour de justice de la CEDEAO s’est également émancipé des conditions de recevabilité exigeantes fixées par la Charte. Les requérants n’ont plus besoin de satisfaire aux conditions cumulatives de l’article 56 de la Charte pour accéder à son prétoire comme elle a démontré dans l’affaire Hadijatou Mani Koraou.79 Par ces dispositions, les États de l’Afrique de l’Ouest intègrent expressis verbis la Charte dans son droit originaire. Et depuis 2005, plus d’une dizaine de décisions de cette Cour ont eu à traiter de l’application de la Charte.80

Il importe de souligner que la Cour africaine est concurrencée par l’incursion de plusieurs autres Cours communautaires sous régionales sur le terrain de la protection des droits de l’homme81 que Abdou-Khadre Diop qualifie d’ « embouteillage interinstitutionnel ».82 Ce découle de l’accès libéral devant certains de ces organes juridictionnel et de la saisine récurrentes en matière de la garantie des droits de l’homme en Afrique à partir du moment où elles presque statuent toutes83 conformément à la Charte africaine. Comme le souligne Bahati Bahalaokwibuye, il se posera inévitablement le problème de comptabilité de leurs procédures et jurisprudences respectives avec celles de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples.84 C'est notamment le cas avec l'affaire Habré qui était pendante à la fois devant la Cour africaine et devant la Cour de justice de la CEDAO.

Bien que certains auteurs pensent que l’utilisation de la Charte africaine par les organes constitue un lien entre la Cour africaine et les organes judiciaires des communautés économiques régionales,85 il faut dire que ces dernières ne pas crées auprès de l’Union Africaine et par conséquent, elles ne font pas partie, en droit écrit, de l’ordre juridique institutionnel de l’Union Africaine, dans un rapport hiérarchique organique ou fonctionnel avec les instances de celle-ci. Elles se présentent plutôt comme un complément utile à l’œuvre des instances spécifiques affectées à la protection des droits humains sur le continent africain.86 Comme le souligne Mubiala, la Cour africaine a engagé un « dialogue judiciaire » avec ces Cours afin de contribuer à la cohérence jurisprudentielle étant donné qu’elles mettent toutes en application la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.87

Mais il faut dire que les organes judiciaires des communautés économiques régionales sont tenus d’assurer la cohérence et l’uniformité du système juridique africain des droits de l’homme88. Étant donné que les juridictions internationales ont l’obligation inhérente de « contribuer à une interprétation et une application uniforme du droit international ».89 Pour éviter des chevauchements de compétences, un dialogue en amont doit exister entre ces juridictions afin d'éviter des interprétations et des applications dissonantes des droits protégés par la Charte africaine. Au-delà de la question du forum shopping existante au plan régional africain, il faudrait qu’il y ait une coexistence matérielle des instruments que protègent ces différentes juridictions dans le but de prévenir la fragmentation du droit africain des droits de l'homme en construction.90

Même s’il est établi que la décision de la Cour de justice de la CEDEAO rendue en l’affaire Hissène Habré c. Sénégal, le 18 novembre 2010 a posé le problème de l’aptitude des juridictions non spécialisées à appliquer et interpréter correctement le droit international des droits de l’homme,91 l’on doit féliciter sa contribution dans la protection des droits de l’homme en Afrique. Elle doit simplement s’inscrire dans la logique d’une interprétation dynamique et cohérente du droit de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

4 CONCLUSION

Dans le cadre de la présente étude, il ressort clairement que les États africains sont encore enclins à garantir effectivement et même efficacement le contrôle juridictionnel des droits de l’homme au plan continental. L’un des principaux défis auxquels est actuellement confrontée la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est sans nul doute la restriction de l’accès à la Cour imposée aux requérants non étatiques par la clause de l’article 34(6) du Protocole. Cette clause constitue une atteinte grave aux d’accès des particuliers. Comme le relevait Mubiala, les rédacteurs du Protocole auraient amorcé une solution notable du droit procédural international des droits de l’homme s’ils avaient pu rendre le système africain progressiste en ce

sens.92Mais malheureusement, la mise en œuvre de la clause de l’article 34(6) handicape sérieusement l’exercice de la fonction juridictionnelle de la Cour dans la mesure où très peu d’États ont souscrit à ladite clause, et par conséquent, seule une petite poignée d’États parties à la Charte peuvent être attraits devant la Cour par les particuliers. Cet article institue un système africain largement dépendant de la volonté des États. Il témoigne le grand fossé qui existe entre l’énoncé de la règle et la garantie judiciaire.93 Cette disposition peut être considérée comme un ‘testeur’ ou ‘une unité de mesure’ qui permet d’expérimenter la dynamique de l’État de droit94 dans le contexte africain de protection des droits de l’homme. Elle est un véritable référentiel qui permet de juger l’effectivité et l’efficacité d’un mécanisme de protection des droits de l’homme.95 Il constitue de ce fait un instrument dont la valeur est reconnue de par le monde pour la vitalité d’un régime de droit au plan interne.96 La présente analyse permet de mieux saisir les raisons de la prudence, voire du scepticisme des États quant à l’avenir, et surtout de voir les défis qui restent à relever afin que la protection des droits de l’homme devienne une réalité dans le contexte africain. La politique juridique extérieure des États en matière de déclarations d'acception de la compétence de la Cour se caractérise par un certain désengagement97 au plan régional. Ainsi, on constate que les organes judiciaires des communautés économiques régionales volent la vedette à la Cour africaine à travers leur œuvre considérable en matière de protection des droits de l’homme. Cette situation est de nature à créer une perturbation dans l’ordre juridique africain où c’est la Cour africaine qui est censée être la plus haute instance en matière de protection des droits humains en Afrique. Plus précisément, l’accès libéral dans ce contexte sous régional aura un impact négatif sur l’effectivité de la Cour africaine mise à dure épreuve par les nombreuses requêtes des individus et des ONG insusceptibles de franchir le cap de ladite Cour.98 En vue de la pleine démocratisation de l’accès direct à la Cour d’Arusha, celle-ci devrait s’inspirer du modèle européen et de celui des organes judiciaires des communautés économiques régionales africaines.

 


1. Le Protocole 11 à la Convention européenne des droits de l’homme adopté le 11 mai 1994 à Strasbourg et entré en vigueur le 1 novembre 1998 a crée une Cour unique et lui a conféré un caractère pleinement juridictionnel au système de la Convention en lui rendant complètement obligatoire à travers la suppression de la clause facultative de juridiction obligatoire. Voir dans ce sens  R Abraham ‘La réforme du contrôle de la Convention européenne des droits de l’homme: le Protocole n°11 à la Convention’ (1994) 40 Annuaire français de droit international 619; D Bribosia ‘Le Protocole n°11 à la Convention européenne des droits de l'homme: une révolution de Palais à Strasbourg?’ (1995) 17 Journal des tribunaux 54.

2. J Salmon (dir) Dictionnaire de droit international public (2001) 303.

3. M Mubiala Le système régional africain de protection des droits de l’homme (2005) 24.

4. W Hoeffner ‘L’accès de l’individu à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2016) 43 Revista Juridica 839.

5. Au mois de décembre 2017, seuls 8 États africains ont fait une telle déclaration (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, Malawi, Tanzanie, Rwanda, Bénin) et seulement 30 États africains ont ratifié le Protocole additionnel à la Charte africaine.

6. C V Nouazi Kemkeng Le recours individuel dans les systèmes régionaux de protection des droits de l’homme. Étude comparative des systèmes africain, européen et interaméricain (2016) thèse de doctorat en Droit Public, Université de Yaoundé II-Soa, inédit 9-10.

7. Idem.

8. Nouazi Kemkeng (n 6) 128.

9. L B De Chazournes & M M Mbengue ‘Article 34 - Ratification’ in M Kamto (dir) La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et le Protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l'homme: commentaire article par article, (2011) 1519.

10. Rapport d'activités de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2016, trentième session ordinaire 22 - 27 janvier 2016, Addis-Abeba (Éthiopie) 6.

11. Sur l’activité judiciaire de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, voir C V Nouazi Kemkeng ‘Le bilan décennal de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2015) 38 Revue semestrielle de droit international de l’Association française pour les Nations Unies - Aix-en-Provence, Presses Universitaires d’Aix-Marseille 169-189; voir aussi G-F Ntwari ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à la croisée des chemins - Bilan des cinq premières années d’activités judiciaires (2009-2014)’ (2015) 102 Revue trimestrielle des droits de l’homme 367, Hoeffner (n 4) 839.

12. T Ondo ‘La jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: entre particularisme et universalité’ (2017) 1 Annuaire africain des droits de l’homme 247.

13. J Kazadi Mpiana ‘La saisine du juge africain des droits de l’homme par les individus et les ONG. Regards critiques sur les premiers arrêts et décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2013) 3 Revue de droit international et de droit comparé 328.

14. Michelot Yogogombaye c. Sénégal, requête 7/2011, Yousef Ababou c. Royaume du Maroc, Daniel Amar & Mulugeta Amare c. Mozambique Airlines & Mozambique, Efoua Mbozo’o Samuel c. Le Parlement Panafricain, Convention Nationale des Syndicats du Secteur de l’Éducation (CONASYSED) c. République du Gabon, Delta International Investments SA, M. AGL de Lang et Mme de Lang c. République d’Afrique du Sud, Emmanuel Joseph Uko c. République d’Afrique du Sud, Timan Amir Adam c. République du Soudan (décision du 30 mars 2012), Ekollo Moundi Alexandre c. République du Nigéria et République du Cameroun, affaire 2/ 2011, Soufiane Abadou c. République algérienne démocratique et populaire (décision du 16 juin 2011), Requête 2/2012, affaire Delta international investments SA, M. AGL De Lange et Mme De Lange c. République Sud-africaine (décision du 30 mars 2012).

15. Opinion individuelle du Juge F Ouguergouz dans l’affaire Michelot Yogogombaye c. République du Sénégal.

16. A D Olinga ‘Pratique de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en 2011’ (2013) 93 Revue trimestrielle des droits de l’homme 129.

17. Paragraphe 9 de la décision du 16 juin 2011, Soufiane Abadou c. République algérienne démocratique et populaire, paragraphe 61 de la décision relative à l’affaire Femi Felana.

18. M Mubiala ‘L’accès de l’individu devant la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples’ in M G Kohen (dir) La promotion de la justice, des droits de l’homme et du règlement des conflits par le droit international (2006) 371. Voir aussi A Koagne Zouapet ‘Les instances judiciaires du système africain de protection et de promotion des droits de l'homme’ in A D Olinga (dir) La protection internationale des droits de l'homme en Afrique. Dynamiques, enjeux et perspectives trente ans après l'adoption de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (2012) 134.

19. L’article 6(3) du Protocole permet à la Cour africaine, si elle le souhaite, de ne pas traiter l’affaire portée à sa connaissance et de la renvoyer devant la Commission africaine. Cette disposition est complétée par l’article 29(5) du Règlement Intérieur de la Cour.

20. Dans son opinion dissidente suite à la décision du renvoi à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Ekollo Moundi Alexandre c. République du Cameroun et République fédérale du Nigéria, Requête 8/2011, para 12.

21. Centre for Human Rights Célébration des 30 ans de la Charte africaine: Un guide sur le système africain des droits de l’homme (2011) 43.

22. Association Juristes d’Afrique pour la bonne gouvernance c. République de Côte d’Ivoire, Requête 6/2011.

23. Article 30(f) du Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme.

24. J Kazadi Mpiana ‘La saisine du juge africain des droits de l’homme par les individus et les ONG. Regards critiques sur les premiers arrêts et décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2013) 3 Revue de droit international et de droit comparé 326.

25. M Aldjima Namountougou ‘La saisine du juge international africain des droits de l’homme’ (2011) 86 Revue trimestrielle des droits de l’homme 278.

26. J D Boukongou ‘Le système africain de protection des droits de l’homme’ in JD Boukongou (dir) Protection des droits de l’homme en Afrique (2007) 146.

27. R Ranjeva ‘La juridiction internationale et l’Afrique’ in J Du Bois De Gaudusson & G Conac (dirs) La justice en Afrique (1990) 156 numéro spécial Afrique contemporaine 284.

28. Idem. 285.

29. LB De Chazournes & MM Mbengue ‘Article 34 - Ratification’ in M Kamto (dir) La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et le Protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l'homme: commentaire article par article (2011) 1519.

30. Aldjima Namountougou (n 25) 266.

31. A D Olinga ‘L’État devant le prétoire international: considérations générales et situation du Cameroun’ in A D Olinga (dir) Le Cameroun et le prétoire international (2015) 12.

32. Gharbi ‘Le statut des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice’ (2002) 432 Les Cahiers de droit.

33. M Kamto ‘La volonté de l’État en droit international’ (2004) 310  Recueil des cours de l’Académie de droit international de la haye  384.

34. F Gharbi ‘Le déclin des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice’ (2002) 433 Les Cahiers de droit 471.

35. Hoeffner (n 4) 839.

36. Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, requête 3/2014 (arrêt sur la compétence du 3 juin 2016) para 56-59.

37. Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, para 68 arrêt sur la compétence.

38. L’article 58 de la CEDH dispose que:

Une Haute Partie contractante ne peut dénoncer la présente Convention qu’après l’expiration d’un délai de cinq ans à partir de la date d’entrée en vigueur de la Convention à son égard et moyennant un préavis de six mois, donné par une notification adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, qui en informe les autres Parties contractantes (...).

39. Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, ordonnance en indication de mesures provisoires (18 mars 2016).

40. Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, arrêt sur la compétence (3 juin 2016).

41. V. la position officielle du Conseiller juridique de l’Union africaine reproduite in Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, opinion dissidente du juge F Ouguergouz, para 14.

42. Para 60 arrêt sur la compétence (3 juin 2016).

43. Para 60 arrêt sur la compétence (3 juin 2016).

44. L’article 78 de la CADH ne dispose que

1. Les États parties peuvent dénoncer la présente Convention à l'expiration d'un délai de cinq ans à partir de la date de son entrée en vigueur, moyennant un préavis d'un an, adressé au Secrétaire général de l'Organisation, qui doit en informer les autres États parties. 2. Cette dénonciation ne déliera pas l'État partie intéressé des obligations énoncées dans la présente Convention en ce qui concerne tout fait pouvant constituer une violation de ces obligations qui aurait été commis par ledit État antérieurement à la date de la prise d'effet de la dénonciation.

45. Icher Bronstein c Pérou CIADH para 24 (b).

46. Ingabire Victoire Umuhoza c République du Rwanda Para 68 arrêt rendu sur la compétence (3 juin 2016).

47. F Gharbi (n 34) 488.

48. Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), CIJ Rec. (1984) 169, 215, CIJ Rec. (1985) 3 et suiv. CIJ Rec. (1986) 14 et suiv.

49. Hoeffner (n 4) 843.

50. Nouazi Kemkeng (n 6) 143.

51. G Niyungeko ‘La problématique de l’accès des particuliers à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples en matière contentieuse’ (2013) Liberae cogitationes-Liber amicorum Marc Bossuyt, Intersentia Publishers 481-498, voir aussi M Aldjima Namountougou (n 10) 261-294, J-L Atangana Amougou ‘Avancées et limites du système africain de protection des droits de l’homme: la naissance de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2003) 3 Revue de droits fondamentaux 176-178.

52. Ondo (n12) 247.

53. C Bahati Bahalaokwibuye Les recours individuels dans le système interafricain de contrôle: la coexistence de la Cour africaine et des juridictions des communautés économiques régionales, Mémoire de Licence en droit, Université Catholique de Bukavu (2011) http://www.memoireonline.com

54. J du Bois de Gaudusson ‘La justice en Afrique: nouveaux défis, nouveaux acteurs Introduction thématique’ https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2014--2-page-13.htm 19.

55. Hoeffner (n 4) 839.

56. L’on note néanmoins que les idéologies de certains groupes d'États restent hostiles à l’acceptation de la justice des droits de l’homme à l’instar de la Cour de justice de la CEMAC qui est compétente pour examiner les litiges découlant des violations du droit communautaire par un État membre de la CEMAC, institution ou organe de la Communauté et ceux liés à la réparation des dommages causés par les institutions de la CEMAC, ses organes ou employés dans l’accomplissement de leurs fonctions. Dans ce contexte, il n’y a pas encore un pays qui a autorisé les requêtes individuelles devant la Cour africaine.

57. S T Ebobrah ‘Complémentarité entre la Cour africaine et les organes judiciaires des communautés économiques régionales en Afrique’ (2014) Guide de complémentarité dans le système africain de protection des droits de l’homme 49-82

58. Art 4 du Traité de la CEDEAO.

59. Art 6 du Traité de la CAE.

60. G-F Ntwari ‘La Cour de justice de la CEDEAO, l’émergence progressive d’une Cour régionale des droits de l’homme en Afrique de l’Ouest’ (2013) 11 Journal du Centre de Droit International 9. Voir aussi G Aivo ‘La contribution de la Cour de justice de la CEDEAO à la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’homme’ (du 5 au 7 novembre 2012) Communication au Colloque international de Pretoria (Afrique du Sud) portant sur la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

61. Protocole supplémentaire amendant le préambule et les articles 1, 2, 9 et 30 du Protocole relatif à la Cour de justice de la Communauté (19 janvier 2005) Doc. A/SP.1/01/05 Accra.

62. A-K Diop ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme’ (2014) 55 Les Cahiers de droit 553.

63. A D Olinga ‘La première décision au fond de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2014) 6 La revue des droits de l’homme http://revdh.revues.org/953 (consulté le 5 mars 2015).

64. États relevant de la compétence de la Cour de Justice de la CEDEAO: Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo.

65. Et au moment où cette contribution est achevée en fin 2018, il faut noter que la Gambie a également souscrit à ladite déclaration le 23 novembre 2018.

66.

66. A D Olinga ‘Remarques prospectives sur l’interaction entre la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et les juridictions des communautés économiques régionales dans la garantie des droits de l’homme en Afrique’ (2013) 96 Juridis périodique 116.

67. J Kazadi Mpiana La position du droit international dans l’ordre juridique congolais et l’application de ses normes Droit et sciences politiques, Thèse de Doctorat en Droit international et européen (2012) 239,  voir aussi Bahati Bahalaokwibuye (n 53).

68. Louis Fick William Campbell et autres c. Zimbabwe, (28 novembre 2008) & (5 juin 2009) Case SADC (T) 01/2010, 143.

69. Acte de la Conférence des Chefs d’États et de gouvernement (2010/2011) Campbell et autres c. Zimbabwe, Case SADC (T) 01/2010.

70. Voir Olinga (n 67) 115-128. Voir aussi Bahati Bahalaokwibuye (n 53).

71. L’article 9(4) du Protocole additionnel et l’article 4(g) du Traité révisé de 1993 donnent à la Cour de justice de la CEDEAO compétence explicite pour connaître des cas de violations des droits de l'Homme commises par un État Partie. Depuis 2005, la Cour de justice de la CEDEAO traite une vingtaine de plaintes annuellement. Le Tribunal de l’EAC a également une compétence implicite pour connaître des cas relatifs à l'interprétation et l'application du Traité (art 23 du Traité) qui engage (art 6(d)) les États à respecter les principes fondamentaux, parmi lesquels les droits garantis par la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples. L'Article 27(2) prévoit qu'un Protocole pourrait être adopté pour donner une plus large compétence à la Cour, notamment en matière de droits de l'Homme.

72. CA Odinkalu ‘Complémentarité, compétition ou contradiction: la relation entre la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et les Cours Économiques Régionales en Afrique Australe et de l‘Est’  Communication présentée à la Conférence des États d’Afrique Australe et de l’Est sur le Protocole établissant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Gaborone, Botswana, 9-10 décembre 2003, inédit, l http:/www.africancourtcoalition.org/content files/files/chidiSurlaComplementarite.doc 1- 9.

73. H Onoria ‘Lucus standi of individuals and non state entities before régional economic integration judicial bodies’ (2010) African Journal of International ad Comparative Law 143-169.

74. Hoeffner  (n 4) 839.

75. El Hadji Omar Diop ‘L’ordre juridique interne des organisations d’intégration africaine’ (2017) Afrilex.

76. Kazadi Mpiana (n 24) 352.

77. Olinga (n 67) 121.

78. La première affaire traitée par la Cour date de 2004. Cet arrêt, Olajide Afolabi c. Federal Republic of Nigeria a mis en exergue la nécessité d'élargir la saisine de la Cour aux requérants individuels. La Cour peut donc être saisie depuis 2005 par tout ressortissant d'un des États-membres, en cas de violation des protocoles, décisions, traités ou conventions adoptés par la CEDEAO. Voir D D'Allivy Kelly ‘Le juge africain est entré dans l’Histoire (Cour de justice de la CEDEAO, 27 octobre 2008, Hadijatou Mani Koraou c. Niger)’ (2009) CPDH http://combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/2009/05/10/le-juge-africain-est-entre-dans-lhistoire-cour-de-justice-de-la-cedeao-par-delphine-dallivy-kelly/ (consulté 1 octobre 2016), voir aussi Horace S. Adjolohoun ‘The ECOWAS court as a human rights promoter? Assessing five years’ impact of the Koraou slavery judgment’ (2013) 31 Netherlands Quarterly of Human Rights 342.

79. Cour de Justice de la CEDEAO, Hadijatou Mani Koraou c. République du Niger, requête ECW/CCJ/APP/0808, arrêt ECW/CCJ/JUD/06/08, 27 octobre 2008, (2008) African Human Rights Law Reports 182 (2008, ECOWAS) at 186-188, para 36-45.

80. Voir par exemple Dame Hadijatou Mani Koraou c. la République du Niger, Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ECW/CCJ/JUD/06/08; Hissein Habré c. République du Sénégal, Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ECW/CCJ/JUD/06/10 Simone Ehivetet Michel Gbagbo c. République de Côte d’Ivoire, Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ECW/CCJ/JUD/03/13.

81. M Mubiala ‘Vers la création d’une Cour mondiale des droits de l’homme?’ (2013) 96 Revue trimestrielle des droits de l’homme 801.

82. A-K Diop ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme’ (2014) 55 Les Cahiers de droit 552.

83. À l’exception du Tribunal de la SADC.

84. C Bahati Bahalaokwibuye (n 53).

85. Ebobrah (n 57) 75.

86. A D Olinga ‘Les droits de l’homme peuvent -ils soustraire un ex-dictateur à la justice? L’affaire Hissène Habré devant la CEDEAO. Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, Hissène Habré c. Sénégal, 18 novembre 2010’ (2011) 87 Revue trimestrielle des droits de l’homme 736.

87. M Mubiala ‘Vers la création d’une Cour mondiale des droits de l’homme?’  (2013) 96  Revue trimestrielle des droits de l’homme 801.

88. Ebobrah (n 57) 66.

89. N Lavranos ‘Regulating competing jurisdiction among international and tribunal’ (2008) 68 Zeitschrift für ausländisches öffentliches recht und völkerrecht 575 ( www.zaoerv.de )

90. Bahati Bahalaokwibuye (n 53).

91. Olinga (n 88) 736.

92. M Mubiala ‘Contribution à l’étude comparative des mécanismes régionaux africain, américain et européen de protection des droits de l’homme’ (1997) 9 Revue africaine de droit international det comparé 49-50.

93. G Niyungeko ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: défis et perspectives’ (2009) 79 Revue trimestrielle des droits de l’homme 734.

94. Voir Nouazi Kemkeng (n 6) 406.

95. Idem.

96. A D Olinga ‘Le Cameroun et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ in J-L Atangana Amougou (dir) Le Cameroun et le droit international. Colloque des cinquantenaires de l’indépendance et de la réunification du Cameroun (2014) 82.

97. Gharbi (n 34) 483.

98. Kazadi Mpiana (n 13) 352.