Abdoulaye Sylla
 Docteur en droit international public
 Enseignant chercheur à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia-Conakry, avocat au Barreau de Guinée, ancien président des étudiants de cultures africaines de Lyon (AECAL), président des Jeunes chercheurs de l’Académie africaine de la pratique du droit international
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  https://orcid.org/0000-0001-6805-3289


 Edition: AHRY Volume 6
 Pages: 201-226
 Citation:  A Sylla ‘Les réformes du système judiciaire de l’Union africaine: enjeux juridico-institutionnels sur la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ’ (2022) 6 Annuaire africain des droits de l’homme 201-226
 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2022/v6a9
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RÉSUMÉ:

Cette contribution étudie et démontre les raisons pour lesquelles les différents systèmes et modèles de justice - expérimentés, initialement, par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) et, actuellement, par l’Union africaine (UA) - sont fluctuants et instables. En effet, la Charte de l’OUA n’avait pas créé une Cour de justice, mais une Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage, chargée d’arbitrer les différends. Analogique-ment, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 n’avait pas, non plus, institué une Cour, mais la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dont les recommandations ne sont pas contraignantes. Pour combler les lacunes de cette Commission, l’OUA adopta, en 1998, à Ouagadougou, le Protocole instituant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dont les décisions sont, quant à elles, contraignantes. Cependant, entre-temps, l’OUA disparut avant l’entrée en vigueur de cette Cour. De son côté, l’Acte constitutif de l’Union africaine (UA), qui remplaça la Charte de l’OUA en 2000, a prévu sa propre Cour de justice, qui sera instituée, trois ans plus tard, par un protocole adopté à Maputo en 2003. Ainsi, deux cours séparées et spécialisées devaient, parallèlement, exister à l’échelle continentale. Toutefois, pour des raisons de rationalisation, les deux protocoles, instituant respectivement ces deux cours, ont été fusionnés et substitués par le Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008, qui crée la Cour africaine de justice et des droits de l’homme. Mais la structure interne et les compétences de cette future et unique Cour ont finalement été révisées et amendées par le Protocole adopté à Malabo en 2014: une section pénale, compétente pour 14 catégories de crimes, a été insérée au sein de la Cour projetée. Instable et aléatoire, le système judiciaire de l’UA est, à ce jour, incertain dans son ensemble, d’autant plus que les réformes de 2008 et celles de 2014, moins réalistes, suscitent plus de questions qu’elles n’en résolvent. Les méthodes exégétique, positiviste, analytique et historique ont permis de démontrer que ces deux derniers Protocoles réformateurs - respectivement de 2008 et de 2014 - risquent de ne pas entrer en vigueur à cause des incidences et des conséquences normatives et procédurales tant sur le statut, les compétences et la composition de la Cour initiale que sur la protection juridictionnelle des droits de l’homme à l’échelle du continent africain.

 

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

Reforms of the African Union’s judicial system: legal and institutional challenges facing the African Court on Human and Peoples’ Rights

ABSTRACT:

This paper explores and demonstrates why the different systems and models of justice which the Organisation of African Unity (OAU) and the African Union (AU) respectively established are unstable. The OAU Charter did not create a court of justice, but a Mediation, Conciliation and Arbitration Commission to arbitrate disputes. Similarly, the African Charter on Human and Peoples’ Rights did not establish a court of law, but the African Commission on Human and Peoples’ Rights, whose recommendations are not binding. To address issues arising from the non-binding nature of the Commission recommendations, the OAU adopted the Protocol Establishing the African Court on Human and Peoples’ Rights in Ouagadougou in 1998, whose decisions are binding. However, in the meantime, the OAU was replaced by the AU before the Court effective establishment. For its part, the Constitutive Act of the African Union (AU), which replaced the OAU Charter in 2000, provided for its own Court of Justice, which was established three years later by a protocol adopted in Maputo in 2003. Thus, two separate and specialised courts were to exist in parallel at the continental level. For reasons of rationalisation, the two protocols establishing these two courts were merged and replaced by the 2008 Sharm El-Sheikh Protocol, which created the African Court of Justice and Human Rights. The internal structure and competences of this future and unique Court were finally revised and amended by the Protocol adopted in Malabo in 2014: a criminal section, competent for 14 categories of crimes, was inserted within the projected Court. The AU’s judicial system is, to date, unstable and uncertain, especially as the 2008 and less realistic 2014 reforms raise more questions than they resolve. The doctrinal, analytical, and historical methods of legal research have shown that the latter two reforming Protocols - that of 2008 and 2014 respectively - may not enter into force because of the normative and procedural implications and consequences for both the status, competences and composition of the original Court and the judicial protection of human rights across the African continent.

MOTS CLÉS: système judiciaire de l’Union africaine, Cour de justice de l’Union africaine, Cour africaine de justice et des droits de l’homme, protection juridique des droits de l’homme, protection juridictionnelle des droits de l’homme, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

 

SOMMAIRE:

1 Introduction 

2 Les incidences normatives des deux réformes

2.1 L’imbroglio autour du Statut de la Cour africaine de justice: incertitude jusqu’à quand? 

2.2 La pénalisation du droit international africain: le verre à moitié plein à moitié vide 

3 Les incidences juridictionnelles et procédurales des deux réformes 

3.1 De la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à la Section des droits de l’homme: deux éléments de régression 

3.2 L’articulation de la Section pénale de la Cour africaine de justice avec d’autres juridictions pénales 

4 Conclusion 

 

 

1 INTRODUCTION

Fiat justitia ne pereat mundus: «si la justice n’est pas rendue, le monde périra»; alors, sol justitia illutrae nos: «que le soleil de la justice nous illumine».1

Selon un dicton, «qui trop embrasse, mal étreint». Dans la perspective des réformes de la Cour de justice de l’Union africaine (UA), le Protocole de Sharm El-Sheikh, du 1er juillet 2008, portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, et celui du 27 juin 2014, portant amendements au Protocole relatif au Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme (Protocole de Malabo), ont tellement embrassé au point d’étreindre la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine).

En effet, l’Afrique est souvent accusée en matière de violation des droits humains.2 Pourtant, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) s’en était, très tôt, préoccupée en précisant que «la liberté, l’égalité, la justice et la dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des aspirations légitimes des peuples africains».3 L’UA aussi, s’inspirant des principes et valeurs de sa devancière, s’est montrée résolue «à promouvoir et à protéger les droits de l’homme et des peuples, à consolider les institutions et la culture démocratiques, à promouvoir la bonne gouvernance et l’Etat de droit».4

L’Afrique, à l’instar des autres continents, a prévu une protection à la fois juridique et juridictionnelle des «droits humains».5 La protection juridique consiste à élaborer des normes juridiques reconnaissant et/ou consacrant des droits humains. Elle s’est manifestée, à l’échelle continentale, par l’adoption d’un ensemble «d’instruments juridiques»6 dont la Charte africaine des droits l’homme et des peuples du 27 juin 1981 qui en est le pivot.7

Conséquence de la protection juridique des droits humains, la protection juridictionnelle de ces droits, quant à elle, renvoie à l’ensemble des juridictions et aux mécanismes quasi-juridictionnels qui veillent au respect des droits et libertés juridiquement reconnus et/ou consacrés en sanctionnant leur violation. Au plan interne, la protection juridictionnelle des droits humains est essentiellement assurée par les juges constitutionnels, judiciaires et administratifs,8 tandis qu’au plan supranational, la sanction des violations des droits humains est confiée aux juridictions communautaires, continentales et universelles. La Cour de Justice de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)9 et le Tribunal de la Southern African Development Community (SADC),10 par exemple, se sont distingués, en la matière, dans leurs espaces communautaires respectifs. À l’échelle du continent africain, ce sont la Commission africaine des droits de l’homme et des peoples (Commission africaine) et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui garantissent ces droits. La protection juridique étant insuffisante et inefficace sans la protection juridictionnelle des droits humains, et vu que les deux sont complémentaires, les rédacteurs de la Charte ont institué, dans un premier temps, la Commission africaine,11 qui siège à Banjul (Gambie).12 Même si les recommandations de cette Commission ne sont pas contraignantes, sa création prouve néanmoins qu’un système de protection des droits humains doit prévoir «la possibilité pour tout individu de soumettre une réclamation et éventuellement de provoquer une mesure tendant à faire cesser la ou les violations ou à assurer aux victimes une réparation jugée équitable».13

Au cours de l’élaboration de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 1981, différentes suggestions ont été faites concernant ses organes de contrôle: d’aucuns voulaient une pluralité de commissions au sein de l’OUA dont une servirait de mécanisme de contrôle de la Charte, tandis que d’autres tenaient, depuis 1961, à la création d’un organe judiciaire.14 Le choix final porta sur la création d’une commission séparée des autres organes de l’OUA. Cependant, la principale lacune matricielle de celle-ci réside dans le caractère non obligatoire de ses recommandations. Ainsi, l’intérêt à la fois judiciaire et social de cette contribution est qu’au-delà du fait qu’elle analyse l’évolution et l’actualité de la juridictionnalisation de la protection des droits humains en Afrique, elle permet également de savoir comment la création de la Cour africaine a pu combler les lacunes de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

Pour corriger les lacunes de la Commission et rigidifier le contrôle de la Charte en vue d’une meilleure protection des droits humains, il a été envisagé de créer la Cour africaine dont les décisions seront contraignantes à l’égard des Etats parties.15 Toutefois, la création de cette Cour a rencontré et rencontre encore de nombreux obstacles: certains États sont sceptiques à son égard,16 tandis que d’autres la voit comme une menace contre leur souveraineté.17 D’ailleurs, ceux-ci considèrent le concept des «droits de l’homme» comme un héritage de la domination coloniale. Raison pour laquelle l’institutionnalisation d’une Cour chargée du contrôle juridictionnel des droits humains fut reléguée au second plan voire rejetée pendant longtemps. Le contentieux des droits humains, selon Christof Heyns, était « regardé comme contraire à la mentalité africaine». De plus, la notion de souveraineté joue encore un rôle important sur le continent - «souvent comme écran de protection pour les dirigeants ayant peu de considération pour les droits de l’homme».18

La création de la Cour africaine n’avait pas prospéré lors de l’écriture de la Charte en 1981: seule la Commission africaine a été prévue.19 C’est seulement en 1998 que le Protocole de Ougadougou, issu d’un processus initié depuis 1993, concrétisa la création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples,20 dotée de compétences contentieuse et consultative.21 Cependant, depuis sa création en 1998, cette Cour évolue en dents de scie dans une incertitude totale. Avec les différentes réformes dont elle a fait l’objet respectivement en 2008 et en 2014, la Cour africaine ne cesse de changer, théoriquement, de couleur et de configuration à l’image d’un caméléon. Gardons à l’esprit que les réformes du système judiciaire de l’UA désignent l’ensemble des mesures et des conventions internationales adoptées par ses Etats membres pour restructurer et remodeler la Cour africaine instituée par le Protocole de Ouagadougou de 1998 et la Cour de justice de l’UA créée par le Protocole de Maputo de 2003.

En juillet 2004, pour des raisons d’ordre humain et financier, le Sommet de l’UA adopta une résolution relative à la fusion de la Cour africaine et de la Cour de justice de l’UA en une seule juridiction.22 C’est ainsi que le Protocole de Sharm El-Sheikh (Egypte) a été adopté, le 1er juillet 2008, pour créer la Cour africaine de Justice et des droits de l’homme (Cour africaine de justice).23 Un peu plus tard, le Protocole de Malabo du 27 juin 2014 aussi y a apporté une plus-value en élargissant les compétences de cette unique cour à la matière pénale.

Ces deux réformes sont tellement préoccupantes pour le devenir et l’avenir de la Cour africaine que certains auteurs et juges, dont Rafâa Ben Achour, souhaitent que les deux Protocoles réformateurs n’entrent jamais en vigueur.24 Dès lors, quel est l’impact réel et/ou potentiel des deux réformes sur la Cour africaine et quels sont les obstacles à la fusion des deux Cours?

Concernant les réformes de l’UA, en général, et celles de la Cour africaine, en particulier, deux visions, non contradictoires, émergent sur le continent: la rationalisation et la spécialisation. La finalité de la doctrine de la rationalisation, prônée, entre autres, par l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, et l’actuel président du Rwanda, Paul Kagamé, vise l’autonomie financière et l’efficacité du système de l’UA. Quant à la doctrine de la spécialisation à laquelle nous adhérons, soutenue entre autres, par Rafâa Ben Achour, elle consiste à rendre l’UA efficace en évitant l’engorgement et la paralysie de ses organes centraux. Dans l’un et l’autre cas, il faut une gestion rationnelle des ressources humaines et financières et, surtout, une volonté politique ferme des États aux services des citoyens et des peuples africains.

Pour présenter l’impact réel et/ou potentiel des deux réformes susmentionnées, il serait judicieux d’analyser - dans une approche critique - leurs implications juridiques (2) et juridictionnelles (3) en vue de savoir si elles protègent mieux ou moins les droits humains en Afrique.

2 LES INCIDENCES NORMATIVES DES DEUX RÉFORMES

Le Protocole de Sharm El-Sheikh (Egypte) du 1er juillet 2008 et celui de Malabo (Guinée équatoriale) du 27 juin 2014 produiraient non seulement un impact important sur des normes voire sur l’«ordre juridique international africain»25 antérieurement établi, mais aussi, ils provoqueraient un imbroglio (une confusion) autour du Statut des juridictions chargées de faire respecter cet ordre. Le premier, le Protocole de Sharm El-Sheikh, à lui seul, a abrogé et remplacé le Protocole de Ouagadougou de 1998 relatif à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, et le Protocole de Maputo (Mozambique) fixant le Statut de la Cour de Justice de l’UA ainsi que les dispositions de l’Acte constitutif de l’UA relatives à la Cour de Justice (2.1).26 Le second, le Protocole de Malabo de 2014, quant à lui, a amendé le Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008 en élargissant la compétence ratione materiae de la Cour africaine de justice: la pénalisation du droit international africain (2.2).

2.1 L’imbroglio autour du Statut de la Cour africaine de justice: incertitude jusqu’à quand?

La Charte de l’OUA n’avait pas créé une cour de justice parmi ses quatre principaux organes qui sont: la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, le Conseil des ministres, le Secrétariat général et la Commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage.27 C’est cette Commission qui était chargée d’arbitrer les différends qui opposaient les États membres de l’OUA.28 Entre temps, l’OUA engage, en 1993, un processus de mise en place d’une cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Cette Cour a vu le jour en 1998 avec à l’adoption du Protocole de Ouagadougou, mais sa matérialisation a pris du temps, car elle n’a rendu sa première décision qu’en 2009.29 En se substituant à la Charte de l’OUA en 2000, l’Acte constitutif de l’UA a, quant à lui, prévu une cour de justice parmi ses principaux organes.30 Les statuts, la composition et les pouvoirs de ladite Cour ont été définis dans le Protocole y afférent,31 adopté à Maputo en 2003.32 Un an plus tard, et parallèlement, le Protocole de Ouagadougou relatif à la Cour africaine entra en vigueur le 25 janvier 2004.33 Celle-ci avait uniquement pour objet de renforcer le mécanisme de supervision de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.34 A contrario, le Sommet de l’UA, tenu à la même année (2004), proposa de fusionner les deux cours parallèles.35 Ce qui fut fait en 2008, car le Protocole de Sharm El-Sheikh abrogea à la fois le Protocole créant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole de Maputo relatif à la Cour de Justice de l’UA.36

Cette fusion enclenche naturellement une période de transition qui s’étend jusqu’à l’entrée en vigueur du Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008. Cette transition devait prendre fin à la date de l’élection des juges de la Cour africaine de justice et les anciens juges, notamment ceux de la Cour africaine, devaient rester en fonction jusqu’à la prestation de serment des juges nouvellement élus de la Cour africaine de justice.37 Les affaires pendantes devant la Cour africaine, dont l’examen n’est pas encore achevé à la date d’entrée en vigueur du Protocole de 2008, seraient transmises à la Section des droits de l’homme de la Cour africaine de justice.38 Ces affaires devraient être examinées conformément aux dispositions du Protocole qui créa la Cour africaine.39 Quatorze ans après, la période de transition n’est toujours pas arrivée à son terme. Ce qui fait que la perplexité reste de mise concernant le Statut de la Cour africaine qui ne connait que des vicissitudes.40 Jusqu’à présent, le Protocole de Sharm El-Sheikh n’est pas opérationnel à cause du nombre insuffisant de «ratification»41 exigé pour son entrée en vigueur. D’ailleurs, ce Protocole, non en vigueur, a été amendé, à son tour, par le Protocole de Malabo de 2014.42

Certes un traité peut être amendé par accord entre les parties.43 On sait que le terme «amender» signifie modifier un texte ou un propos en vue de l’améliorer,44 mais à quel moment intervient le processus d’amendement d’un texte international? L’amendement des traités multilatéraux est régi par la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats du 23 mai 1969 qui dispose en ces termes:

[t]oute proposition tendant à amender un traité multilatéral dans les relations entre toutes les parties doit être notifiée à tous les Etats contractants, et chacun d’eux est en droit de prendre part: a) A la décision sur la suite à donner à cette proposition; b) A la négociation et à la conclusion de tout accord ayant pour objet d’amender le traité. 3. Tout Etat ayant qualité pour devenir partie au traité a également qualité pour devenir partie au traité tel qu’il est amendé. 4. L’accord portant amendement ne lie pas les Etats qui sont déjà parties au traité et qui ne deviennent pas parties à cet accord; l’alinéa b du paragraphe 4 de l’article 30 s’applique à l’égard de ces Etats. 5. Tout Etat qui devient partie au traité après l’entrée en vigueur de l’accord portant amendement est, faute d’avoir exprimé une intention différente, considéré comme étant: a) Partie au traité tel qu’il est amendé; et b) Partie au traité non amendé au regard de toute partie au traité qui n’est pas liée par l’accord portant amendement.45

La question qui nous intrigue désormais est de savoir si on peut amender, réviser ou modifier un projet de traité conformément à la Convention de Vienne ou bien les dispositions de cette Convention, applicables en la matière, ne concernent que les traités déjà en vigueur. En droit constitutionnel, c’est le pouvoir constituant dérivé qui est habilité à amender, modifier ou réviser la Constitution. Cette procédure ne peut être enclenchée qu’après l’entrée en vigueur de la Constitution. En ce sens, on peut dire que l’écriture d’un texte juridique obéit à deux étapes. Ce sont la phase de l’écriture du projet de texte initial et celle de sa révision ou de son amendement: la première phase est antérieure à la seconde et, inversement, la seconde est postérieure à la première. En d’autres termes, l’étape de l’élaboration d’un projet de texte - se situant en amont - intervient a priori, tandis que l’étape de sa révision, de sa modification ou de son amendement est censée intervenir en aval ou a posteriori. Tel est l’esprit et la logique de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui prévoit trois catégories d’Etats parties. D’abord, ce sont les «Etats parties»46 au texte initial qui constituent la première catégorie, parce qu’ils ont ratifié le traité en forme solennelle.47 Ensuite, les Etats parties au texte amendé, après son entrée en vigueur, représentent la deuxième catégorie. Enfin, les Etats parties à la fois au texte initial ainsi qu’au texte amendé forment la troisième catégorie de ce triptyque.48

En l’espèce, on peut affirmer que l’amendement du Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008 (qui a fusionné la Cour de justice de l’UA et la Cour africaine) par le Protocole de Malabo de 2014, ne respecte pas, à ce stade, les deux phases de l’écriture d’un texte juridique à savoir la phase de l’élaboration du texte initial et la phase de la révision de celui-ci. Deux raisons peuvent être avancées à cet effet. La première se focalise sur la non-entrée en vigueur du Protocole de 2008 amendé en 2014. La seconde raison est que le Protocole de Malabo - qui a amendé celui de 2008 - aussi n’est toujours pas entrée en vigueur. Donc, dans l’un et l’autre cas, de nos jours, on se trouve encore dans la phase initiale qui concerne l’écriture ou l’élaboration du projet de texte appelé à devenir un traité, car le quorum requis pour l’entrée en vigueur de chacun des deux Protocoles n’est pas atteint. Il est prévu que ce dernier Protocole entrera en vigueur 30 jours après que 15 États aient déposé leurs instruments de ratification.49 Ainsi, à ce stade, l’objectif est d’avoir le nombre de ratifications nécessaire à l’entrée en vigueur du Protocole de 2014. Ce qui signifie qu’on n’a pas encore la première catégorie d’Etats parties. En conséquence, l’amendement «proprement dit» n’est censé intervenir qu’a posteriori, c’est-à-dire après la ratification du Protocole par, au moins, 15 Etats.50

Trois hypothèses découlent de ce processus d’amendement de 2014. La première consiste à soutenir que la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats ne régit pas l’amendement, a priori, d’un projet de traité, c’est-à-dire avant son entrée en vigueur (le cas du Protocole de 2008 non en vigueur). La deuxième hypothèse pourrait conduire certains à penser que l’amendement du projet de Protocole de 2008 par le Projet de Protocole de 2014 est contraire à l’esprit et à la logique de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre États. La troisième hypothèse signifierait qu’il y a un vide juridique sur l’amendement et la révision des projets de textes internationaux avant leur entrée en vigueur.

Depuis l’adoption du Protocole de Malabo de 2014, il est, dorénavant, question de créer une cour africaine de justice et des droits de l’homme et des peuples (Cour africaine de justice et des droits de l’homme)51 dotée de compétences importantes en matière pénale,52 même si de nombreuses incertitudes subsistent relativement à une future entrée en vigueur du texte en question.

2.2 La pénalisation du droit international africain: le verre à moitié plein et à moitié vide

Deux raisons essentielles ont conduit à l’élargissement de la compétence ratione materiae de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme à la matière pénale.53 La première est relative au bras de fer qui exista, à un moment donné, entre l’Afrique et la Cour pénale internationale (CPI) qui a poursuivi, au moins, quatre chefs d’Etats africains.54 La seconde est liée au refus de l’UA d’extrader l’ancien président tchadien, Hissène Habré, vers la Belgique55 et, surtout, son désir de fonder une alternative juridiction pénale africaine. Lors de cette affaire (Hissène Habré), l’UA a posé le principe de compétence régionale avant de confier le dossier Hissène Habré au Sénégal.56 Les difficultés rencontrées par le Sénégal pour juger Hissène Habré - accusé d’avoir commis de crimes internationaux pendant qu’il était au pouvoir au Tchad de 1982 à 1990 - ont conduit à la mise en place d’une juridiction pénale mixte: les chambres extraordinaires africaines.57

Cependant, pour ne pas continuer à créer de juridictions pénales ad hoc et, surtout, pour éviter la CPI, les Africains ont commencé à réfléchir à la création d’une section pénale permanente au sein de la Cour africaine de justice.58 La Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de l’UA a pris la décision 213 (XII) de 2009 demandant à la Commission de ladite Union d’étudier la possibilité d’étendre la compétence de la Cour africaine de justice à la matière pénale. La Commission de l’UA (CUA) a, à son tour, sollicité l’Union panafricaine des avocats à cet effet. Sur la base du rapport de cette Union panafricaine des avocats,59 la Commission organisa une série de rencontres respectivement en 2010 et en 2012. La première (rencontre), qui eut lieu en août 2010 à Midrand (Afrique du Sud), proposa d’amender le Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008 relatif à la Cour africaine de justice. Ce projet d’amendement fut étudié en mai 2012 par des experts gouvernementaux à Addis-Abéba. L’adoption de cet amendement, initialement prévue en juillet 2012, fut retardée à cause du veto de l’Egypte qui voulait avoir une définition claire sur la notion de «changement anticonstitutionnel de gouvernement».60 Il a fallu attendre le Sommet de l’UA de Malabo de 2014 pour que le Projet d’amendement soit adopté en l’absence de l’Egypte, suspendue à cause du coup d’état orchestré par le président Abdel Fattah -Al- Sissi en juillet 2013.

Dès lors, la nouvelle Cour africaine de justice et des droits de l’homme et des peuples est composée de trois sections:61 la section des affaires générales, la section des droits de l’homme et des peuples et la section du droit international pénal».62 Sur le plan ratione temporis, la section du droit international pénal - qui ne sera opérationnelle qu’après l’entrée en vigueur du Protocole de Malabo de 2014 incorporant le Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme63 - est composée, à son tour, de trois chambres64 (la chambre préliminaire, la chambre de première instance et la chambre d’appel):65 d’où la pénalisation du droit international africain qui s’explique par l’adoption des normes internationales africaines incriminant des comportements et prévoyant des mécanismes de répression de ces incriminations. Elle peut être perçue comme un verre à moitié plein et à moitié vide, c’est-à-dire qu’elle suscite à la fois optimisme et pessimisme.

La compétence «ratione materiae»66 de la Section du droit international pénal couvre 14 infractions pénales à savoir:67 le «génocide»,68 les «crimes contre l’humanité»,69 les «crimes de guerre»,70 le «crime relatif aux changements anticonstitutionnels de gouvernement»,71 la «piraterie»,72 le «terrorisme»,73 le «mercenariat»,74 la «corruption»,75 le «blanchiment d’argent»,76 la «traite des personnes»,77 le «trafic de drogues»,78 le «trafic illicite de déchets dangereux»,79 l’«exploitation illicite des ressources naturelles»80 et le «crime d’agression».81 De plus, la compétence ratione personae de la Section pénale s’étend à la fois aux «individus»82 et aux personnes morales (à l’exception des États). Ce qui signifie que la Section peut, pénalement, poursuivre des entreprises impliquées dans la commission de crimes internationaux. Mieux encore, la responsabilité des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques qui sont les auteurs ou les complices des mêmes crimes.83 Ces nombreuses incriminations et l’élargissement du champ de la compétence personnelle de la Section pénale de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme aux personnes morales donnent l’impression que les présumés auteurs et complices de ces infractions et crimes internationaux n’échapperont plus à la justice internationale pénale africaine.

Par contre, l’espoir suscité par ces multiples incriminations s’estompe et se transforme en pessimisme avec la clause d’immunité selon laquelle aucune procédure pénale ne doit être engagée contre un chef d’État ou de gouvernement de l’UA en fonction, ainsi que «toute personne agissant ou habilitée à agir en cette qualité ou tout autre haut responsable public en raison de ses fonctions».84 Ainsi, si l’immunité est non invocable devant la CPI,85 elle reste une règle d’or devant la Section pénale de la Cour. Cette clause d’immunité est un couteau à double tranchant. D’un côté, elle constitue un message tacite adressé à la CPI qui ne cesse de lancer des mandats d’arrêts contre des dirigeants africains. De l’autre côté, au-delà de l’impunité qu’elle pourrait entrainer, la clause d’immunité risque de générer des dictateurs en Afrique. En effet, pour éviter d’être pénalement poursuivis par la Section pénale de la Cour, les dirigeants présumés responsables de crimes internationaux pourraient se maintenir, aussi longtemps que possible, au pouvoir. De plus, bien que les changements anticonstitutionnels de gouvernement soient désormais incriminés, on se demande néanmoins à quel moment les auteurs de tels crimes peuvent être poursuivis? Une fois devenus de facto ou de jure de hauts dignitaires de leurs Etats, les putchistes seront-ils couverts par la clause d’immunité pendant qu’ils exercent des fonctions étatiques? Doit-on poursuivre un président ayant pris le pouvoir de manière anticonstitutionnelle juste après la fin de son mandat ou la passation du pouvoir aux autorités civiles? Si oui, un tel président accepterait-il de rendre le pouvoir en sachant qu’il sera juste poursuivi?

Un autre élément, qui pourrait générer du scepticisme, concerne la définition élastique de la notion de «changement anticonstitutionnel de gouvernement».86 Selon le Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme et des peuples, la notion désigne (1) tout putsch contre un gouvernement démocratiquement élu; (2) le refus d’un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti politique ou au candidat vainqueur des élections (présidentielles et /ou législatives) libres, justes et régulières; (3) tout amendement ou toute révision de la Constitution non conformes aux principes démocratiques, (4) toute modification des lois électorales durant les six mois précédents les élections sans le consentement de la majorité des acteurs politiques, (5) tout recours au mercenariat et (6) toute intervention de dissidents rebelles pour renverser un régime démocratique élu.87 En réalité, quand on applique ces six volets de la définition du «changement anticonstitutionnel de gouvernement», on se demande quels États sur le continent africain seront exemptés. A partir du moment où la révision des «intangibilités constitutionnelles» est devenue une pratique répandue en Afrique, quelles dispositions de la Constitution seront à l’abri. Étant donné que les États africains sont peu orthodoxes en la matière, notre principale préoccupation est de savoir si les dirigeants, qui se retrouvent dans cette définition, accepteraient de ratifier le Protocole de Malabo de 2014.88

À ce stade, tout porte à croire que l’incrimination des coups d’états pourrait impacter voire retarder la ratification et l’entrée en vigueur du Protocole de Malabo.89 Et si ce Protocole entre en vigueur dans un futur proche, la question des changements anticonstitutionnels de gouverne-ment et la clause d’immunité pourraient paralyser, partiellement et temporairement, les activités de la Section pénale qui risque de poursuivre uniquement des personnes appartenant soit aux groupes rebelles ou soit aux partis politiques d’opposition. Ce qui revient à dire que les incidences du Protocole, sur le plan judiciaire ou juridictionnel, sont inévitables.

3 LES INCIDENCES JURIDICTIONNELLES ET PROCÉDURALES DES DEUX RÉFORMES

Le Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008 fusionnant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et la Cour de Justice de l’«UA»90 au sein de la Cour africaine de justice91 et le Protocole de Malabo du 27 juin 2014 élargissant la compétence de cette nouvelle Cour aux affaires «pénales»92 ont également réformé l’ordre juridictionnel africain antérieur.93 Si le Protocole de Malabo de 2014 entre en vigueur, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples correspondrait, désormais, à la Section des droits de l’homme de la Cour africaine de justice,94 tandis que la Cour de justice de l’UA se transformerait en Section des affaires générales. Le remplacement de cette dernière juridiction par la Section des affaires générales signifie deux choses: soit l’UA ne prend pas beaucoup d’actes juridiques pouvant générer du contentieux administratif de l’UA, du contentieux de la constitutionalité/conventionalité de l’Acte constitutif de l’UA ou, par extension, le contentieux en rapport avec d’autres textes internationaux intra-africains; soit l’État de droit (continental) n’est pas garanti au sein de l’UA. Pourtant, une juridiction à part entière, constituant un des organes principaux de l’UA, aurait pu s’en occuper de manière séparée et indépendante.

Deux autres situations restent plus inquiétantes. D’un côté, la réduction de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples - pour une rationalité de la gestion des ressources humaines et financières - à une simple «section de la Cour africaine de justice»95 peut être perçue comme une avancée pour les économistes et rationalistes. Quant à ceux qui se soucient du sort et du respect des droits de l’homme sur le continent, ils considèrent, à juste titre, cette transformation de la Cour africaine comme un recul en matière de protection juridictionnelle des droits humains en Afrique (3.1). De l’autre côté, la création de la Section pénale provoquerait un sérieux problème d’articulation (intra et extra muros) avec d’autres structures et/ou juridictions partageant ses domaines de compétences (3.2).

3.1 De la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à la Section des droits de l’homme: deux éléments de régression

En 2008, le Protocole de Sharm El-Sheikh a prévu 16 juges (ressortissants des Etats parties)96 devant siéger au sein de la Cour africaine de justice, composée de deux sections ayant chacune le même nombre de juges: la Section des affaires générales était constituée de huit juges et la Section des droits de l’homme devait, également, avoir huit juges.97 La première est saisie de toute affaire introduite en vertu de l’article 28 du Statut de la Cour,98 à l’exception des questions de droits de l’homme et/ou des peuples qui relèvent de la compétence de la seconde Section.99 Ce passage de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à la Section des droits de l’homme laisse entrevoir, au moins, deux éléments de régression concernant la protection des droits humains en Afrique.

En effet, la dénomination de l’«ancienne» Cour africaine des droits de l’homme et des peuples était fidèle au contenu binaire (droits de l’homme/droits des peuples) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981.100 Mais le Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008 avait omis la partie relative aux droits des «peuples»,101 car le titre dudit Protocole se limite, simplement, aux droits de l’homme. L’intitulé de la Section des droits de l’homme aussi ne l’avait pas repris non plus.102 Or, la consécration des «droits des peuples», dans le titre et dans le corps de la Charte africaine de 1981, est le fruit d’une longue lutte panafricaine. Outre son originalité, elle reflète la pensée des pères des indépendances africaines. Au demeurant, la dénomination de la Section «des droits de l’homme» pouvait donner l’impression qu’elle n’était plus compétente en ce qui concerne les «droits des peuples» ou que ceux-ci ne pouvaient plus être invoqués devant cette section. D’aucuns auraient pu se demander s’il s’agissait là d’une révision déguisée voire tacite de la Charte africaine des droits de l’homme et «des peuples» ou une désapprobation «des droits des peuples africains». Cependant, si la notion «droits des peuples» a été omise en la forme, elle rentre, quand même, dans la compétence ratione materiae de la Section des droits de l’homme qui devait se prononcée sur:

l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l’homme, auxquels sont parties les Etats concernés; d) toute question de droit international.103

D’ailleurs, cette omission a été corrigée, à juste titre, car la nomenclature de la Cour africaine de justice a changé, à nouveau, en 2014, avec l’adoption du Protocole de Malabo qui dispose en ces termes: la «Cour africaine de Justice et des droits de l’homme » de 2008 est supprimée et remplacée par la «Cour africaine de justice et des droits de l’homme et des peuples».104 La Section des droits de l’homme de 2008 a également été mise en harmonie avec cette dernière dénomination de la Cour, dans la mesure où son appellation - «Section des droits de l’homme et des peuples»105 - prend en compte le contenu binaire de la Charte. Étant donné que l’originalité de Charte africaine de 1981, par rapport aux autres instruments régionaux de protection des droits de l’homme, réside dans le fait qu’elle a consacré, de manière contraignante, les droits des peuples, alors, ceux-ci doivent constituer la marque du droit international africain des droits de l’homme. Cette marque, étant le signe distinctif de ce droit africain, est à préserver.

Le deuxième élément de régression porte sur le nombre insuffisant de juges qui siégeront au sein des différentes sections de ladite Cour. La Cour africaine instituée par le Protocole de Ouagadougou de 1998 est composée de 11 juges, encore en fonction. Par contre, ce nombre s’est manifestement et progressivement rétréci. D’abord, le Protocole de 2008 a été le premier texte à réduire, expressis verbis, le nombre des juges devant siéger au sein de la Section des droits de l’homme à huit.106 Au lieu de maintenir ces huit juges, déjà insuffisants, le Protocole de Malabo de 2014 n’a prévu que cinq juges pour la Section des droits de l’homme et des peuples. Il s’agit là d’un manifeste nivellement vers le bas, dans la mesure où on se demande si l’énorme travail des 11 juges, initialement prévus par le Protocole de Ouagadougou, peut être effectué par les cinq juges prévus par le Protocole de Malabo de 2014. En effet, tout porte à croire que cette Section des droits de l’homme et des peuples sera débordée par le nombre des requêtes qu’elle aura à traiter. On n’a qu’à voir le volume des quatre recueils de jurisprudence de la Cour africaine pour s’en convaincre,107 sans oublier le nombre d’affaires pendantes ou en cours de traitement. De 2008 à 2021, les statistiques montrent que la Cour africaine a reçu 334 requêtes et rendu 257 décisions dont 131 arrêts, 15 avis consultatifs et 26 ordonnances.108

Il ressort de ce qui précède que si on maintient la Section des droits de l’homme avec sa composition actuelle (cinq juges), les conséquences seront lourdes pour la section en particulier et pour les droits de l’homme en Afrique en général. Dans un premier temps, outre l’augmentation des requêtes qui alourdit l’énorme tâche des juges, le délai de traitement des requêtes risque d’être trop long et, dans un second temps, les justiciables risquent d’abandonner la procédure et de bouder la section qui sera finalement décriée. Restreindre la saisine de la Cour ne constitue pas la solution idéale. D’ailleurs, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) regrette «que le Statut de la nouvelle Cour africaine de justice et des droits de l’homme n’autorise les ONGs et les individus à saisir directement la Cour que moyennant autorisation préalable des États. Cette condition restreint considérablement la portée de la protection accordée et empêche de lutter efficacement contre l’impunité sur le continent africain».109 Or il n’y a pas d’Etat de droit au plan national ni d’«état de droit» supranational sans une protection juridictionnelle efficace des droits humains. Donc, l’Afrique a besoin d’une cour en mesure de garantir les droits humains sur le continent en assurant leur protection juridictionnelle à l’image de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Si l’institutionnalisation de l’Etat vise la protection des personnes et leurs biens, alors toute institutionnalisation d’un collège d’Etats, telle que l’UA, doit garder cela à l’esprit.

Force est de constater que ce recul programmé de la protection des droits humains à l’échelle du continent africain est la conséquence de la création, en 2014, de la Section du droit international pénal à laquelle on a affecté six juges sur les 16 prévus par le Protocole de Malabo. Ce nombre aussi est lamentablement insuffisant et paradoxal.110 D’un côté, le Protocole de 2014 trouve nécessaire de juger 14 différents crimes internationaux, et, de l’autre côté, il ne met que six juges à la disposition de la Section pénale pour faire face à cette large pénalisation du droit international africain que certains qualifient d’«outrancière».111 Là aussi, une autre boîte de Pandore s’ouvre ne serait-ce qu’en se posant la question de savoir comment la Section du droit international pénal va-t-elle s’articuler avec les autres juridictions pénales étatiques et internationales à compétence universelles?

3.2 L’articulation de la Section pénale de la Cour africaine de justice avec d’autres juridictions pénales

Cette question sera examinée sous un angle purement procédural, car la création de la Section du droit international pénal, au sein de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, «pose le problème de coexistence avec des instances de justice pénale créées avant elle».112 Prima faciae, la question semble être réglée dans la mesure où la Section pénale n’exerce qu’une «compétence complémentaire»113 à celle des juridictions pénales nationales et, éventuellement, à celle des juridictions des communautés économiques quand cela est prévu, expressément, par ces communautés.114 Ce qui signifie que la Section pénale (ou la Cour) est incompétente tant qu’une affaire est sous investigation, enquête ou a déjà fait l’objet de poursuite d’un Etat compétent en la matière.115 Par contre, quand le(s) État(s) compétent(s) refuse(nt) d’engager des poursuites ou lorsqu’il(s) est/sont incapable(s) de le faire, la Section pénale peut mettre sa juridiction en œuvre à cet effet. Dans ce cas, le principe «non bis in idem»116 doit être respecté.

A contrario, la question du conflit de compétence n’est pas totalement réglée en ce sens que, sur le plan ratione materiae, la Section pénale et la CPI sont toutes les deux compétentes pour traiter d’au moins quatre catégories de crimes internationaux: le «génocide»,117 l’«agression»,118 les «crimes de guerre»119 et les «crimes contre l’humanité».120 Elles ne sont pas des juridictions ad hoc étant donné qu’elles sont instituées pour fonctionner de manière permanente. Le Protocole de Malabo de 2014 n’a rien prévu sur la future relation de ces deux juridictions. La CPI a une compétence universelle tandis que la Section pénale africaine a une compétence régionale. La compétence universelle de la CPI se justifie par trois choses. D’abord cette juridiction n’est pas réservée à une seule région du monde comme c’est le cas de la Section pénale de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme. Ensuite, sa compétence universelle est consacrée, expressis verbis, par le Statut de Rome de 1998. Les Etats parties étaient déterminés «dans l’intérêt des générations présentes et futures, à créer une cour pénale internationale permanente et indépendante reliée au système des Nations Unies, ayant compétence à l’égard des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale».121 Enfin, l’interdiction de la commission de crimes internationaux, qui entrent dans le champ matériel de la CPI, relève du jus cogens. Donc, même si la philosophie qui sous-tend la création de la Section pénale de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme est d’éviter que les présumés criminels internationaux africains,122 notamment les chefs d’Etat et de gouvernement, soient traduits devant la CPI, rien n’empêche celle-ci de les poursuivre, surtout quand ces poursuites sont exigées par le Conseil de sécurité de l’ONU.

De surcroît, sur le plan ratione personae, plusieurs Etats africains ont déjà ratifié le Statut de Rome, texte fondateur de la CPI. Ces mêmes Etats sont également concernés par la ratification du Protocole de Malabo de 2014. Ainsi, dans la mise en œuvre de leurs compétences complémentaires respectives, la Section pénale et la CPI risquent, potentiellement, d’être confrontées à un conflit positif de compétence.123 Ce conflit ne se limite pas à la relation entre la CPI et la Section pénale de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme parce qu’un État (non africain), partie au Statut de Rome, peut, en vertu de sa compétence universelle et sur le fondement du principe aut judicare aut dedere, se saisir des crimes internationaux commis en Afrique.124 En effet, les crimes internationaux - qualifiés de crimes graves - font partie des normes impératives du droit international qui s’appliquent, en théorie, à tous ses sujets internationaux. En contrepartie, la violation de ces normes devrait générer un intérêt pour agir «erga omnes»125 en faveur de chacun d’eux.126 C’est dans cette optique que la République démocratique du Congo soutenait en 2006 «que l’article 66 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 prévoit la compétence de la Cour pour régler les différends nés de la violation de normes impératives (jus cogens) en matière de droits de l’homme, telles que reflétées dans un certain nombre d’instruments internationaux».127 Pour notre part, le jus cogens, pour garder sa teneur juridique,128 doit produire ses effets tant sur le fond que sur la forme.129 La juridiction universelle des États habilite chacun d’eux à engager des poursuites pénales à l’encontre des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes dont la nature est réputée toucher l’ensemble de la communauté internationale, et aucun consentement n’est requis de la part d’aucun autre État ou juridiction internationale. C’est en ce sens que la répression universelle ou l’universalité du droit de punir est défini comme faculté accordée aux tribunaux répressifs de tous les États pour connaître d’un crime commis par un individu quelconque, en quelque pays que ce soit.

On comprend qu’au total, quatre catégories de juridictions pénales pourraient poursuivre le génocide, l’agression, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Afrique à savoir: les juridictions pénales de l’Etat territorial ou celle de l’Etat de nationalité des victimes et/ou des présumés criminels internationaux, la Section pénale de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme en vertu de sa compétence de complémentarité, la CPI sur le fondement de sa compétence complémentaire et les juridictions d’un autre Etat partie au Statut de Rome et/ou au Protocole de Malabo de 2014 (compétence universelle des Etats parties au Statut de Rome de 1998 et/ou au Protocole de Malabo de 2014). On sait que la mise en œuvre de la compétence universelle revient aux États et à la CPI. Donc, la poursuite des criminels internationaux africains par la Section pénale de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme empêchera-t-il la CPI et les autres Etats non africains de mettre leur compétence universelle en œuvre à l’égard de ces mêmes criminels?

Un autre problème auquel la Section pénal risque d’être sérieusement confrontée concerne les «amnisties». Le terme «amnistie» est une sorte de pardon légal qui éteint l’action publique, efface les peines déjà prononcées et empêche des éventuelles poursuites contre les présumés coupables de crimes nationaux et/ou internationaux. Au Mali, par exemple, le fondement du pouvoir réside dans la Constitution. Ainsi, «[t]out coup d’état ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien».130 Cependant, pour se mettre à l’abri des poursuites judiciaires, les différents et successifs putschistes maliens ont toujours proposé ou adopté des lois d’amnisties. Dans une telle situation, quelle doit être l’attitude de la Section internationale pénale: sera-t-elle liée par les lois d’amnisties ou bien doit-elle poursuivre les crimes internationaux qui ont été effacés au plan national?

Cette question est très délicate. Si pour les autorités nationales, les crimes en cause ont été amnistiés ou réglés par le mécanisme de la «justice transitionnelle»,131 elles pourraient refuser de coopérer avec la justice pénale internationale. Alors que pour la justice internationale, si les crimes internationaux ne sont pas sévèrement punis, ils risquent d’être perpétrés par d’autres criminels au sein ou en dehors de l’État concerné. Selon Paolo Benvenuti, la question d’amnistie avait été soulevée lors de la Conférence de Rome de 1998 relative à la CPI, mais elle a été délibérément éludée (esquivée).132 Selon lui, si une juridiction pénale nationale ne fonctionne pas en raison d’une amnistie liée à des crimes relevant de la compétence de la CPI, ces crimes doivent être traités conformément aux règles ordinaires concernant la recevabilité des affaires devant la juridiction de la CPI. Par conséquent, les crimes relevant de la compétence de la Cour appellent le Procureur à agir par le biais d’enquêtes et de poursuites.133

Par contre, le non-respect des «amnisties» par le juge international pénal pourrait être incompatible avec la justice transitionnelle - perçue comme l’ensemble des processus et des mécanismes associés à la tentative d’une société de faire face à l’héritage d’abus passés à grande échelle, afin d’engager la responsabilité des présumés coupables, de servir la justice et de parvenir à la réconciliation - car cela suppose que la justice transitionnelle ne doit pas accepter les amnisties qui sont liées aux principaux crimes relevant du droit international. Cette conception est confirmée par certains documents de l’ONU publiés dans le domaine de la justice transitionnelle. En effet, l’ONU soutient aussi bien la justice internationale pénale que la justice transitionnelle. Mais dans les deux rapports soumis par le Secrétaire général, à la demande du Conseil de sécurité, sur l’État de droit et la justice transitionnelle dans les sociétés en conflit ou post-conflits (2004 et 2011), il existe un rejet clair des amnisties liées au génocide, aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité. Ainsi, dans la conclusion et les recommandations du rapport de 2011, par exemple, il est souligné la nécessité de «s’assurer que les accords de paix, les résolutions et les mandats du Conseil de sécurité [...] ont rejeté toute approbation de l’amnistie pour le génocide, les crimes de guerre, ou les crimes de droit international contenus dans certaines conventions internationales très importantes: la Convention sur le génocide (1948), les quatre Conventions de Genève (1949), la Convention des Nations Unies sur la torture (1984)».

Le Comité international de la Croix Rouge (CICR), quant à lui, soutient qu’aujourd’hui la poursuite des crimes les plus graves a acquis la valeur d’une obligation de droit international coutumier. C’est-à-dire que la pratique des États, établie comme norme de droit international coutumier applicable tant dans les conflits armés internationaux que non internationaux, oblige les États d’enquêter sur les crimes de guerre qui auraient été commis par leurs ressortissants ou leurs forces armées, ou sur leur territoire et, le cas échéant, de poursuivre les suspects. Ce qui revient à dire que les amnisties sont interdites en ce qui concerne les crimes internationaux. En conséquence, les États doivent poursuivre les criminels internationaux ou les extrader, ils ne peuvent pas se soustraire à cette obligation internationale en adoptant des lois d’amnistie quelle que soit la justification. Luis Miguel Gutiérrez Ramirez a bien résumé cette thèse en ces termes: «compte tenu de l’influence du droit international pénal et du droit international des droits de l’homme, la justice transitionnelle est passée d’un modèle dans lequel les lois d’amnisties étaient privilégiées, ayant comme conséquence directe l’impunité, à un modèle dans lequel les sociétés doivent garantir les droits des victimes».134

Pour notre part, le conflit de compétence entre la Section pénale de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme et les juridictions pénales nationales peut être tranché de deux façons. La première solution consiste à régler la question en amont, c’est-à-dire a priori, avant même qu’un tribunal ou une cour n’exerce sa compétence sur une affaire donnée. Pour ce faire, il s’agira d’insérer dans le Protocole de Malabo de 2014, à travers un amendement ou une révision, qu’au cas où la Section internationale pénale se saisit d’une affaire, les tribunaux pénaux nationaux doivent se dessaisir de cette affaire au profit la juridiction supranationale. Ce qui correspond, en quelque sorte, au principe de la primauté du droit international sur le droit interne. C’est cette solution que les rédacteurs des Statuts des Tribunaux pénaux internationaux respectivement pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ont adopté en prévoyant la primauté de la compétence de ces deux juridictions sur celle des juridictions nationales.135

L’autre façon de résoudre cet éventuel conflit de compétence, qui pourrait intervenir entre la juridiction pénale continentale et ses homologues nationales, se passe en aval, après qu’une procédure pénale ait été enclenchée. Le juge international pénal pourrait opposer où évoquer le caractère impératif et intangible du «jus cogens»136 contre les autorités ou juridictions nationales, parce qu’il est établi que la plupart des crimes internationaux (universels) entrent dans le champ du jus cogens. Or les normes de jus cogens universelles doivent être respectées erga omnes, en tout temps et en tout lieu. Donc, la Section internationale pénale africaine est censée, si le Protocole entre en vigueur, poursuivre les crimes internationaux (amnistiés ou non) commis en Afrique ou par des Africains, car il s’agit de normes impératives et transcendantales.137 Par contre, si un État ne ratifie pas le Protocole de Malabo de 2014, peut-il être lié par le contenu de ce futur texte international africain. On sait qu’au plan universel, le Conseil de sécurité des Nations Unies peut demander au Procureur de la CPI d’ouvrir une enquête contre les ressortissants d’un État non-partie au Statut de Rome de 1998.138 Est-il nécessaire de prévoir un tel mécanisme en Afrique en vue de lutter contre l’impunité? Dans l’affirmative, quel organe jouerait un tel rôle?139

4 CONCLUSION

L’avenir et le devenir de la Cour africaine sont en question parce qu’une incertitude quasi-totale plane sur le Statut de cette juridiction. D’un côté, les États africains tiennent coûte que coûte à modifier son texte fondateur initial, en l’occurrence le Protocole de Ouagadougou de 1998, en vue de mettre en place une et unique juridiction continentale à compétence générale dénommée Cour africaine de justice et des droits de l’homme et des peuples. De l’autre côté et, paradoxalement, aucun des deux Protocoles - qu’ils ont adoptés, à cet effet, respectivement en 2008 et en 2014 - n’a recueilli le nombre de ratifications requis pour entrer en vigueur. On se retrouve ainsi avec un verre à moitié plein (espoir) et à moitié vide (pessimisme), dans la mesure où en dépit de l’abrogation du Protocole de Ouagadougou de 1998 par le Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008, la Cour africaine continue toujours de fonctionner.

Théoriquement, après avoir analysé les deux protocoles réformateurs, l’on se rend compte qu’ils créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Sur le plan de la composition de la Cour ainsi que de la protection des droits humains, par exemple, on est passé de 11 juges en 1998 à huit en 2008, puis à cinq juges en 2014. Au lieu qu’on avance avec l’amendement qui consiste à améliorer le texte, on a plutôt reculé. Quant à la Section du droit international pénal - à cause de laquelle tout cet imbroglio est arrivé, malgré sa création dans l’intention d’échapper à la CPI, elle n’est cependant pas opérationnelle pour le moment. Et même si elle l’était, les présumés criminels africains ne sauraient se mettre à l’abri de la compétence «universelle» et complémentaire de la CPI, sauf si les États parties au Statut de Rome acceptent de faire valoir leur compétence universelle en la matière. Enfin, la Section des affaires générales aussi, censée assurer la relève de la Cour de Justice de l’UA, se trouve dans la même situation de statuquo car elle attend - à son tour et tout comme les deux autres Sections - l’entrée en vigueur du Protocole de Malabo de 2014 qui amenda celui de 2008.

Donc, la principale question qui reste en suspens est de savoir si la Cour africaine va survivre aux réformes successives intervenues avec l’adoption du Protocole de Sharm El-Sheikh et celui de Malabo?

 

 


1. Cette maxime latine ‘sol justitia illutrae nos’ est mentionnée sur le sol à l’entrée de la Cour internationale de Justice. Nous l’avons découverte, aimée et mémorisée en 2018 - lors de notre visite au sein de cette juridiction mondiale - parce que nous souhaitons ‘que le soleil de la justice illumine’ le monde, y compris l’Afrique, confrontée à beaucoup de problèmes en matière de justice.

2. SN Tall Droit du contentieux international africain: jurisprudences et théorie générale des différends africains (2018) 281.

3. Charte de l’OUA du 25 mai 1963, Préambule, para 2.

4. Acte constitutif de l’UA adopté à Lomé le 11 juillet 2000, Préambule.

5. Dans notre entendement, les expressions ‘droits humains’ et ‘droits de l’homme’ sont interchangeables.

6. Ce sont, entre autres, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de 1990, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme de 2003, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2007.

7. R Murray The African Charter on Human and Peoples’ Rights: a commentary (2019) 2-3.

8. T Holo ‘Leçon inaugurale: la Constitution’ in O Narey (dir) La Constitution. Actes du Séminaire scientifique tenu à Niamey du 24 au 26 octobre 2018 (2018) 41.

9. Article 10(d) du Protocole additionnel (A/SP.1/01/05), adopté à Accra le 19 janvier 2005, portant amendement du préambule, des articles 1er, 2, 9, 22 et 30 du protocole (A/P1/7/91) relatif à la Cour de justice de la CEDEAO.

10. Affaire Mike Campbell (Pvt) Ltd et autres c. Zimbabwe SADC (T) (affaire no 2/2007, 28-11-2008).

11. R Murray The African Charter on Human and Peoples’ Rights. A commentary (2019) 1: ‘the African Commission on Human and Peoples’ Rights (African Commission), created under the 1981 African Charter on Human and Peoples’ Rights, began operating in 1987.’

12. Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981, art. 30.

13. Holo (n 8) 41.

14. L’idée de créer un organe judiciaire remonte à la ‘Loi dite de Lagos’: une déclaration adoptée à la suite de la Conférence des Juristes africains réunis à Lagos du 3 au 7 janvier 1961 sur le thème de la ‘Primauté du droit’.

15. C Heyns ‘Le rôle de la future Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ in JF Flauss & E Lambert-Abdelgawad (dirs) L’application nationale de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (2004) 239.

16. Il s’agit surtout des Etats qui n’ont pas déposé leur déclaration facultative de compétence afin de ‘permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes directement devant la Cour conformément à l’article 34(6) de ce Protocole. En effet, l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou de 1998 dispose qu’ ‘[à] tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’État doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l’article 5(3) intéressant un Etat partie qui n’a pas fait une telle déclaration’. Sur les 33 États parties au Protocole de Ouagadougou, seuls huit États (le Burkina Faso, la Gambie, le Ghana, la Guinée-Bissau, le Mali, le Malawi, le Niger et la Tunisie) ont fait cette déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour: la grande majorité est encore réticente à cet égard.

17. Les États qui ont retiré leur déclaration facultative de compétence verraient la Cour comme une menace contre leur souveraineté: le Rwanda, la Tanzanie, la Côte d’Ivoire et le Bénin.

18. Heyns (n 15) 236.

19. Heyns (n 15) 238.

20. La création de la Cour est prévue par le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 9 juin 1998, adopté lors du Sommet de l’OUA tenu à Ouagadougou du 8 au 10 juin 1998.

21. Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 9 juin 1998, art 3 et 4.

22. L’idée de fusionner ces deux Cours fut émise par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UA sur l’initiative de l’ex-président nigérian, Olusegun Obasanjo, lors du Sommet d’Addis Abeba (Ethiopie) en juillet 2004.

23. Protocole portant Statut de la Cour africaine de Justice et des droits de l’homme de 2008.

24. Le juge Rafâa Ben Achour a exprimé ce souhait lors de la conférence organisée en 2021 (en ligne), par l’Académie africaine de la pratique du droit international, à l’occasion de la présentation du livre Les 3 Cours régionales des droits de l’homme de Laurence Burgorgue-Larsen.

25. Nous entendons par ordre juridique international africain, l’ensemble des règles juridiques applicables à l’échelle du continent africain, à la fois dans le cadre du droit de l’UA et du droit des droits de l’homme.

26. Les références faites à la ‘Cour de Justice’ dans l’Acte constitutif de l’Union africaine se lisent désormais comme des références à la Cour africaine de Justice et des droits de l’homme instituée par l’article 2 du Protocole de Sharm El-Sheikh (Egypte) du 1er juillet 2008. Voir l’article 3 dudit Protocole.

27. Charte de l’OUA du 25 mai 1963, art VII.

28. Charte de l’OUA du 25 mai 1963, art XIX.

29. Michelot Yogogombaye c. Sénégal (compétence) (15 décembre 2009) 1 RJCA 1.

30. Les organes de l’UA sont: la Conférence de l’Union, le Conseil exécutif, le Parlement panafricain, la Cour de justice, la Commission, le Comité des Représentant permanents, les Comités techniques spécialisés, le Conseil économique, social et culturel, les institutions financières. Voir l’Acte constitutif de l’UA adopté à Lomé le 11 juillet 2000.

31. Protocole portant Cour de Justice de l’UA adopté par la deuxième session ordinaire de la Conférence de l’Union tenue à Maputo le 11 juillet 2003, art 18.

32. Protocole portant Cour de Justice de l’UA adopté par la deuxième session ordinaire de la Conférence de l’Union tenue à Maputo le 11 juillet 2003.

33. Heyns (n 15) 235.

34. Selon l’article 2 du Protocole de Ouagadougou de 1998, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples complète la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans ses fonctions de protection de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

35. BK Tsibo An Assessment of the Malabo Protocol on Impunity in Africa (2018) 5.

36. Protocole de Sharm El-Sheikh (Egypte) de 2008, art 1: ‘[l]e Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou (Burkina Faso) et entré en vigueur le 25 janvier 2004, et le Protocole de la Cour de justice de l’Union africaine, adopté le 11 juillet 2003 à Maputo (Mozambique), sont remplacés par le présent Protocole et le Statut y annexé qui en fait partie intégrante, sous réserve des dispositions des articles 5, 7 et 9 du présent Protocole’.

37. Art 4.

38. Art 5.

39. Art 5.

40. A Sall L’émotion et la raison. L’Afrique face à la justice internationale (2020) 133.

41. L’expression ‘ratification s’entend de l’acte international [...] par lequel un Etat établit sur le plan international son consentement à être lié par un traité’. Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats de 1969, art 2, 1(b).

42. La question est de savoir si on peut parler de ‘révision’ ou d’‘amendement’ concernant un texte international non encore en vigueur. La réponse serait négative parce qu’avant son entrée en vigueur un texte ‘juridique’ reste en état de projet. En l’espèce, le Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008 exige une quinzaine de ratifications pour son entrée en vigueur. Etant donné que ce quorum n’avait pas été atteint en 2014, on pourrait dire que c’est le projet de Protocole de 2008 qui a été retravaillé et ajusté en 2014: Protocole de Malabo.

43. Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats du 23 mai 1969, art 39.

44. Un propos, par exemple, n’est amendé qu’après être exprimé - à l’oral ou sur papier - par son auteur: il ne peut l’être a priori.

45. Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats du 23 mai 1969, Partie IV: Amendement et modification des traités.

46. Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats du 23 mai 1969, art 2, 1(g): l’expression ‘État partie’ ‘s’entend d’un État qui a consenti à être lié par le traité et à l’égard duquel le traité est en vigueur’.

47. Les États qui ont simplement participé et paraphé le projet de traité initial mais ne l’ont pas ratifié sont appelés ‘États contractants’. Cette expression ‘Etat contractant’ s’entend d’un Etat qui a consenti à être lié par le traité, que le traité soit entré en vigueur ou non’. Voir l’article 2, 1(f) de la Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats du 23 mai 1969.

48. Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats du 23 mai 1969, Partie IV: Amendement et modification des traités.

49. Protocole de Malabo de 2014, art 11.

50. Il est à préciser que sur les 55 États du continent africain, seulement 15 ont signé le Protocole de Malabo de 2014 amendant le Protocole de 2008 et aucune ratification à ce jour.

51. Protocole de Malabo du 27 juin 2014, art 1(5) et art 8.

52. Protocole de Malabo, art 16.

53. La pénalisation du droit international africain, selon Mutoy Mubiala, ‘est le résultat d’un processus laborieux, en rapport étroit avec les conflits qui ont surgi, d’une part, entre l’Union africaine et la CPI à propos de sa focalisation sur l’Afrique et, d’autre part, entre l’Union africaine et l’Union européenne, sur l’usage abusif de la compétence universelle par les tribunaux de certains Etats membres de cette dernière à l’égards des Africains, en général, et de leurs leaders en particuliers’. M. Mubiala ‘Chronique de droit pénal de l’Union africaine: l’élargissement du mandat de la Cour africaine de Justice et des droits de l’homme aux affaires de droit international pénal’ (2014) 85(3/4) Revue internationale de droit pénal 750.

54. Il s’agit du président Uhuru Kenyatta du Kenya et son vice-président William Ruto, du président Omar El Bechir du Soudan, du président Kadafi de la Libye et du président Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire.

55. Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, Rec. 2012.

56. Mubiala (n 53) 749.

57. Mubiala (n 53) 749

58. Voir le Protocole de Malabo du 27 juin 2014.

59. Union africaine ‘Rapport de l’étude sur les implications de l’élargissement du mandat de la Cour africaine de Justice et des droits de l’homme pour juger les crimes graves de portée internationale (préparée par l’Union Panafricaine des Avocats)’, Doc. Legal/ACHPR-PAP/2 (2010) 33-34

60. En effet, issu d’une révolution populaire, le Gouvernement egyptien dirigé par le président Mohamed Morsi ne voulait pas que la définition de la notion de ‘changement anticonstitutionnel de gouvernement’ intègre les révolutions populaires débouchant sur un changement de régime.

61. Protocole portant amendement au Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme de 2014, Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme et des peuples, art. 16: Structure de la Cour, point 1.

62. Protocole portant amendement au Protocole portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme de 2014, Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme et des peuples, art 1: définitions.

63. Art 46E.

64. Art 1(2).

65. Les pouvoirs et attributions de ces trois chambres sont définis à l’article 19 bis du Statut de la Cour de 2014.

66. H Gueldich ‘La future Cour de justice et des droits de l’homme: de la pertinence normative aux considérations pratiques’ in J-B Harelimana & C Maia (dirs) 20 ans du Statut de la CPI: l’œuvre africaine dans la pénalisation du droit international (2018).

67. Protocole de Malabo de 2014, Statut de la Cour africaine de justice, art 28A.

68. Protocole de Malabo, art 28B.

69. Art 28C.

70. Art 28D.

71. Art 28E.

72. Art 28F.

73. Art 28G.

74. Art 28H.

75. Art 28I.

76. Art 28I bis.

77. Art 28J.

78. Art 28K.

79. Art 28L.

80. Art 28L bis.

81. Art 28M.

82. Toute personne qui commet un crime prévu par le Statut de la Cour africaine de justice en sera tenue personnellement responsable. Le Protocole de Malabo de 2014, Statut de la Cour africaine de justice, art 46B: Responsabilité Individuelle.

83. Art 46C.

84. Art 46A bis.

85. Statut de Rome de 1998, art 27(1) et (2): ‘1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine. 2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne’.

86. Protocole de Malabo du 27 juin 2014, Statut de la Cour africaine de justice, art 28E.

87. Art 28E.

88. Il est quasiment devenu une coutume pour les organisations internationales, comme l’UA et la CEDEAO, de condamner toutes les prises de pouvoirs anticonstitutionnelles.

89. Le Mali, le Tchad, la République de Guinée, l’Egypte, le Soudan, l’Algérie et autres, ayant des gouvernements issus de coups d’État ou des situations controversées, risquent de ne pas ratifier le Protocole de Malabo à court terme.

90. Report on the Proposed Recommendations for the Institutional Reform of the African Union (29 January 2021) 12: ‘[t]he African Union is a complex organisation comprising dozens of entities. For example, there are eight Commission Directories and 31 departments and offices, alongside 11 African Union organs, 31 specialised technical agencies (STAs), and some 20 high-level committees’.

91. Protocole de Sharm El-Sheikh de 2008, articles 1, 2 et 3.

92. Protocole de Malabo du 27 juin 2014, art 28.

93. Initialement, l’ordre juridictionnel, à l’échelle du continent, était fondé la dualité et la spécialité juridictionnelles: d’une part, il y a la Commission et la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples et, d’autre part, il y a la Cour de Justice de l’UA.

94. Protocole de Malabo du 27 juin 2014, art 7.

95. Art 7.

96. Protocole de Sharm El-Sheikh du 1er juillet 2008 portant Statut de la Cour africaine de justice et des droits de l’homme, art 3.

97. Ibid, art. 16.

98. Cet article 28 est relatif à la compétence ratione materiae de la Section des affaires générales de la Cour africaine de justice de 2008: ‘[l]a compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires et à tous les différends d’ordre juridique qui lui seront soumis conformément au présent Statut et ayant pour objet: a) l’interprétation et l’application de l’Acte Constitutif; b) l’interprétation, l’application ou la validité des autres traités de l’Union et de tous les instruments juridiques dérivés adoptés dans le cadre de l’Union ou de l’Organisation de l’unité africaine; c) l’interprétation et l’application de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme ou de tout autre instrument juridique relatif aux droits de l’homme, auxquels sont parties les Etats concernés; d) toute question de droit international; e) tous actes, décisions, règlements et directives des organes de l’Union; f) toutes questions prévues dans tout autre accord que les Etats parties pourraient conclure entre eux, ou avec l’Union et qui donne compétence à la Cour; g) l’existence de tout fait qui, s’il est établi, constituerait la violation d’une obligation envers un Etat partie ou l’Union; h) la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international’.

99. Art 17.

100. En 2018, lors de son cours, à l’Académie de droit international de La Haye, sur le droit international africain, le juge Fatsah Ouguergouz affirma qu’on doit la partie «droits des peuples» inscrite dans la Charte de 1981 au président guinéen Ahmed Sekou Touré qui tenait beaucoup à cette notion, d’autant plus que c’est sur le fondement du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes que les peuples coloniaux accédèrent à l’indépendance. Donc, c’est probablement, la raison pour laquelle le Président Ahmed Sekou Touré, de la République de Guinée, avait conditionné la signature de la Charte africaine des droits de l’homme à la prise en compte, par les rédacteurs de la Charte, des droits des peuples.

101. Ce Protocole est intitulé comme suit: ‘Protocole portant Statut de la Cour africaine de Justice et des droits de l’homme’.

102. Protocole de Sharm El-Sheikh du 1er juillet 2008, Statut de la Cour africaine de justice, art 16.

103. Statut de la Cour africaine de justice, article 17 et article 28C.

104. Protocole de Malabo du 27 juin 2014, art 8(1).

105. Art 17(2).

106. L’article 16 du Statut de la Cour africaine de justice, annexé au Protocole de Sharm El-Sheikh du 1er juillet 2008, dispose en ces termes: ‘[l]a Cour siège en deux (2) Sections: la Section des Affaires générales composée de huit (8) juges et la Section des droits de l’homme composée de huit (8) juges’.

107. Voir les recueils de jurisprudence de la Cour africaine, volumes 1, 2, 3 et 4.

108. Toutes ces données sont disponibles et consultables sur le site de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

109. FIDH ‘L’UA adopte le Protocole sur la Cour africaine de justice et des droits de l’homme’ (28 juillet 2008) https://www.fidh.org/fr/plaidoyer-international/union-africaine/cour-africaine-des-droits-de-l-homme-et-des-peuples/L-UA-adopte-le-Protocole-sur-la (consulté le 11 janvier 2022).

110. Amnesty International Protocole de Malabo: incidences juridiques et institutionnelles de la Cour africaine issue d’une fusion et à compétence élargie (2016) 28.

111. Sall (n 40) 134.

112. Sall (n 40) 134.

113 Selon le Dictionnaire de droit international publié en 2001, sous la direction de George Abi-Saab, la ‘complémentarité’, terme purement procédural, est le ‘caractère accessoire d’un tribunal pénal international par rapport à celle des juridictions pénales nationales’. La compétence de complémentarité n’intervient que lorsque les juridictions nationales sont défaillantes dans l’exercice de leur

113. compétence ou lorsque le ‘délai raisonnable’ est dépassé. Cependant, l’une des lacunes du droit international pénal réside dans le fait qu’il n’a pas prévu et défini la notion de ‘délai raisonnable’. Ce qui fait que certains procès en rapport avec les crimes internationaux trainent anormalement dans certains États.

114. Protocole de Malabo du 27 juin 2014, Statut de la Cour africaine de justice, art 46H(1).

115. Art 46H(2).

116. Art 46I.

117. Statut de la CPI du 17 juillet 1998, art 6.

118. M Ouedraogo Le crime d’agression en droit international contemporain, Thèse de doctorat soutenue le 23 juillet 2021 devant les Université Thomas Sankara (Burkina Faso) et l’Université de Séville (Espagne).

119. Statut de la CPI du 17 juillet 1998, art. 8.

120. Statut de Rome relatif à la CPI du 17 juillet 1998, art 5.

121. Statut de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, préambule.

122. Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, Rec. 2012.

123. On parle de conflit positif de compétence lorsque deux ou plusieurs juridictions se déclarent compétentes pour connaître d’une même affaire.

124. Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, Rec. 2012.

125. Le jus cogens et l’erga omnes génèrent des ‘obligations [...] envers la communauté internationale dans son ensemble [...]. Par leur nature même, [ces obligations] concernent tous les Etats. Vu l’importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés; les obligations dont il s’agit sont des obligations erga omnes. Ces obligations découlent par exemple, dans le droit international contemporain, de la mise hors la loi des actes d’agression et du génocide mais aussi des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l’esclavage et la discrimination raciale’. Voir Affaire Barcelona Traction (Belgique c. Espagne), CIJ, arrêt du 5 février 1970, Rec. 1970, para 33-34.

126. A Sylla ‘La constitutionnalisation du droit international pénal’ (2018) https://www.sfdi.org/wpcontent/uploads/2018/03/RJC-2017-SYLLA.pdf (consulté le 11 janvier 2023).

127. Affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt du 3 février 2006, Rec. 2006, para 1.

128. Le premier effet juridique du jus cogens réside dans son applicabilité erga omnes. Vouloir l’assujettir au respect des règles de formes, c’est ouvrir une échappatoire pour certains sujets de droit prônant la doctrine volontariste.

129. Sylla (n 126).

130. Constitution malienne du 25 février 1992, para 3.

131. Voir A Barahona de Brito, P Aguilar, C González-Enríquez The politics of memory: transitional justice in democratizing societies (2001); K Ambos, J Large, M Wierda Building a future on peace and justice: studies on transitional justice, peace and development. The Nuremberg Declaration on Peace and Justice (2009).

132. P Benvenuti ‘Transitional justice and impunity’ (2014) International Studies Journal 120.

133. Benvenuti (n 132) 120.

134. LM Gutiérrez Ramirez ‘La constitutionnalisation de la justice transitionnelle’ (2015) 34 Revista Derecho del Estado (2015) 119.

135. Voir les Statuts respectifs de ces deux juridictions ad hoc, art 8.

136. Selon l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, le jus cogens est ‘une norme impérative du droit international général acceptée et reconnue par la communauté internationale [...] dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général du même caractère’. Ainsi, tout traité ou toute loi contraire au jus cogens est nul.

137. Malheureusement, certains crimes internationaux sont punis parce qu’ils constituent des normes de jus cogens, tandis que d’autres crimes dorment tranquillement dans le nid de l’impunité.

138. Ce cas de figure n’arrive que ‘si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies’. Voir Statut de Rome de 1998, art 13(b).

139. En réalité, plusieurs questions restent à régler pour avoir une juridiction ou un système juridictionnel fiable en Afrique. Si ce projet de création d’une juridiction pénale africaine est perçue, par certains, comme une avancée, les questions qu’il suscite - et non encore réglées - laissent d’autres personnes dubitatives.