Têtêvi Didier Prince-Agbodjan
LLM (Lomé), LLM (Lyon), PhD (Grenoble)
Lecturer and Researcher (Integral Development, Ecology, Ethics), UR Confluence: Sciences and Humanities - EA No. 1598; Pedagogical Director (Human Rights Institute of Lyon, Catholic University of Lyon)
https://orcid.org/0000-0003-2451-5714
Bienvenu Criss-Dess Dongar
LLM (Lyon and Grenoble)
Ph.D Candidate and Researcher (EDIEC - CDI - EA No. 4185 and UNESCO Chair in Memory, Cultures and Interculturality)
https://orcid.org/0000-0001-9581-2666
Nouwagnon Olivier Afogo
LLM (Abomey-Calavi), LLM (Lyon and Grenoble)
LLD candidate and Researcher (Lyon and Montreal)
https://orcid.org/0000-0003-1149-9639
Edition: AHRY Volume 6
Pages: 323-342
Citation: TD Prince-Agbodjan, B Criss-Dess Dongar & NO Afogo ‘Le retrait du consentement des États à l’office de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: déni du droit d’accès des citoyens à la justice régionale? Le cas Glory Cyriaque Hossou et un autre c. Bénin’ (2022) 6 Annuaire africain des droits de l’homme 323-342
http://doi.org/10.29053/2523-1367/2022/v6a14
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RÉSUMÉ:
Le présent commentaire est un examen de l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Glory Cyriaque Hossou et un autre c. Bénin, relative au retrait du consentement de l’État du Bénin à l’office de la Cour. Cet examen discute l’arrêt à l’aune du principe de droit acquis, droit fondamental au recours à la juridiction régionale africaine des droits de l’homme et des peuples. De façon pratique, il est question de la pertinence légistique de la règle du consentement de l’État et de son retrait. Le contrôle juridictionnel de l’application des droits fondamentaux consacrés par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et les instruments juridiques additionnels ou autres instruments internationaux de droits humains auxquels les États parties ont adhéré est conditionné au consentement préalable des États à l’office de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, aux termes de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou. S’il est juridiquement licite que les États acceptent ou non l’office de la Cour, il n’en demeure pas moins que le retrait du consentement de l’État peut être interrogé quant aux effets sur le droit fondamental acquis au recours juridictionnel reconnu par la Charte africaine. Ainsi, il semble pertinent de s’interroger sur le sens et la portée juridique de la clause facultative d’acceptation de la compétence de la Cour. Peut-on envisager une interprétation alternative du droit de l’État de retirer son consentement à l’office de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, au nom de l’effectivité du contrôle juridictionnel des droits humains en Afrique?
TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:
The withdrawal of state consent to the optional jurisdiction of the African Court on Human and Peoples’ Rights: a denial of citizens’ right of access to regional justice? A review of the case Glory Cyriaque Hossou and Another v Benin
Abstract:
This commentary reviews the judgment of the African Court on Human and Peoples’ Rights in Glory Cyriaque Hossou and Another v Benin, concerning the withdrawal of Benin’s declaration made under article 34(6) of the African Court’s Protocol. The commentary discusses the judgment in the light of the principle of acquired right, a fundamental right to approach the African regional court on human and peoples’ rights. In practical terms, it discusses the legal relevance of the state consent rule and its withdrawal under the Protocol. The exercise of the African Court’s power to enforce fundamental rights enshrined in the African Charter on Human and Peoples’ Rights and relevant legal instruments or international human rights instruments to which states are parties is subjected to their prior consent pursuant to article 34(6) of the African Court’s Protocol. While it is legally permissible for states to accept or not the Court’s jurisdiction, the withdrawal of state consent can be questioned due to its adverse effects on the acquired fundamental right to legal remedy recognised by the African Charter. It seems relevant to question the meaning and legal scope of the rule enshrined under article 34(6) of the Protocol. Can an alternative interpretation of the right of the state to withdraw its declaration 34(6) be envisaged, in the name of the effectiveness of continental protection of human rights in Africa?
MOTS CLÉS: Protocole de Ouagadougou, Bénin, retrait de consentement, droits acquis, accès au juge régional, éthique
2 La réaffirmation de la licéité du retrait du consentement a la compétence contentieuse de la cour africaine: entre conformité au droit et banalisation du droit d’accès au juge
2.1 La validité du retrait du consentement à l’office du juge régional africain en vertu du droit international général
2.2 La conformité du retrait du consentement de l’État béninois à l’objet et au but du Protocole de Ouagadougou
3 La pertinence opératoire de l’article 34(6) du protocole de ouagadougou pour la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux
3.1 Les révocations cumulées du consentement à l’office du juge africain des droits de l’homme: menace à la «viabilité institutionnelle» de la Cour d’Arusha?
3.2 Analyse éthique des effets du retrait de consentement à l’office du juge régional africain
1 INTRODUCTION
Fondamental dans sa dimension tant objective que subjective,1 l’accès à la justice est «le premier des droits procéduraux»2 dans la mesure où il confère à son titulaire le «pouvoir d’accomplir un acte juridique, la demande, qui obligera le juge à se prononcer sur le fond de la prétention qu’elle fait valoir [...]».3 Cela étant, le consentement à la compétence contentieuse des cours et tribunaux internationaux est incontestablement une caractéristique essentielle de l’ordre juridique international.4 Cette règle que d’aucuns érigent en «droit strictement personnel des États»5 est l’une des nombreuses formes d’expression de la souveraineté des États. C’est sans doute dans le même ordre d’idées que Mubiala, dès l’entrée en fonction de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cour d’Arusha),6 soutenait que le consentement à la compétence de celle-ci constitue la condition sine qua non d’activation du contrôle juridictionnel des droits garantis par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine) et les autres instruments pertinents de droits fondamentaux.7 En réalité, dans le système africain de protection des droits fondamentaux, ce consentement est donné dès lors qu’un État ratifie le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Protocole de Ouagadougou), à la seule exception des requêtes individuelles et celles portées par les organisations non-gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine).8 Dans ces deux cas de figure, les articles 5(3) et 34(6) du Protocole de Ouagadougou, tel un deuxième verrou,9 conditionnent la saisine directe de la Cour à une déclaration spéciale des États établissant la compétence de cette dernière à examiner les différends qui les opposent à toute personne se trouvant sous leur juridiction nationale. De plus, un État peut, par convention ou par une déclaration spéciale, circonscrire son consentement, y compris à l’occasion d’une requête dirigée contre lui.10
En tout état de cause, si le caractère discrétionnaire de ladite déclaration n’est pas discuté, la possibilité pour les États de la retirer par la suite emporte des conséquences qui peuvent se révéler préjudiciables à la finalité protectrice des droits fondamentaux. Sachant que ladite déclaration a pour effet de créer pour le compte des individus des droits subjectifs et d’établir, à l’égard des États qui l’ont faite, la compétence ratione personae de la Cour, le caractère discrétionnaire de l’acte de retrait ne permet-il pas finalement de générer une insécurité juridique en matière d’effectivité du contrôle juridictionnel de la violation des droits humains? Telle est la question posée en substance dans la requête introduite au greffe de la Cour d’Arusha, le 7 mai 2020, par Glory Cyriaque Hossou et Landry Angelo Adelakoun contre la République du Bénin, État dont ils sont les nationaux.
Il résulte des faits de l’espèce que les requérants contestent la légalité de la décision du 25 mars 2020 par laquelle l’État défendeur notifiait au Président de la Commission de l’Union africaine, le retrait de sa déclaration de reconnaissance de la compétence de la Cour pour les requêtes individuelles et celles émanant des organisations non gouvernementales africaines dirigées contre lui, déclaration du 8 février 2016. Dans le cadre de la demande des mesures conservatoires à laquelle la Cour n’a pas fait droit, les requérants prétendent que l’État béninois, par l’acte de retrait, contrevient à la Charte africaine et aux instruments subséquents relatifs aux droits humains, en ce sens qu’il
empêche ses citoyens d’accéder directement au système judiciaire régional pour y intenter une action en justice et demander réparation pour préjudice subi au sein de leur système interne, ce qui constitue une régression des droits.11
La question est donc posée de savoir si le retrait de la déclaration préalable de reconnaissance de la compétence de la Cour d’Arusha, par l’État défendeur, est ou non conforme à la Charte africaine, au Protocole de Ouagadougou et aux autres instruments relatifs aux droits humains ratifiés.
À l’issue de l’examen de l’affaire, au fond, la Cour, par 10 voix contre celle de la Juge Chafika Bensaoula, s’est déclarée incompétente au motif que les États sont en droit de retirer, à tout moment, la déclaration préalable de compétence en vertu de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou.12
Rappelons que la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer, de manière incidente, sur cette question dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda.13 Dans cette affaire, le requérant et l’amicus curiae étaient d’avis qu’en l’absence de dispositions expresses prévoyant le retrait de la déclaration préalable à la compétence de la Cour, l’État défendeur était en droit de mettre fin à ses engagements en vertu de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou, à la seule condition de respecter un «délai raisonnable» que la Cour avait fixé à 12 mois, à compter de la date de notification de l’acte de retrait.14 Dans le cas d’espèce, l’argument supplémentaire avancé par l’amicus curiae, et qui constitue l’objet de l’arrêt ici commenté, n’est pas véritablement tranché par la Cour. En effet, la Coalition pour une Cour africaine efficace faisait observer que dès qu’elle est faite, la déclaration relative à l’acceptation de la compétence de la Cour crée à la charge de l’État des obligations internationales de portée juridique de telle sorte qu’il ne peut être admis des modifications ultérieures incompatibles avec l’objet et le but du Protocole de Ouagadougou.15
En considérant que l’acte de retrait prive les citoyens de l’exercice de leur droit acquis d’accès à la justice continentale, les requérants Glory Cyriaque Hossou et Landry Angelo Adelakoun sont persuadés que la dénonciation de la déclaration facultative établissant la compétence contentieuse de la Cour africaine est contraire au but et à l’objet du Protocole de Ouagadougou. Pour sa part, la Cour africaine a majoritairement réaffirmé une approche strictement volontariste16 basée sur les caractères facultatif et unilatéral de la déclaration établissant sa compétence.17
Partant des vives controverses doctrinales suscitées par la faculté et l’unilatéralité de la déclaration de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou,18 force est de constater que la position de la Cour dans cette affaire relance à nouveaux frais le débat. Quoique la Cour réaffirme la licéité du retrait de ladite déclaration, sa démarche explicative semble s’apparenter à une banalisation du droit d’accès au juge continental (2). À cela, il faut ajouter le débat sur le bien-fondé juridique de la dénonciation par l’État de la déclaration de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou qui, en plus de menacer la «viabilité institutionnelle» de la Cour africaine, en appelle plus profondément à des considérations éthiques. En tout état de cause, dans un environnement de transitions démocratiques ardues, de coups d’État et de guerres civiles à répétition - des situations en tous points favorables à la violation systématique et/ou systémique, des droits fondamentaux - l’accès à la Cour africaine, en l’occurrence par les moyens prévus par l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou, ne devrait plus être apprécié seulement à l’aune du consensualisme étatique. Il doit davantage s’imprégner des nécessités sociales et des valeurs juridiques et éthiques qui, en réalité, sont consubstantielles à la fonction juridictionnelle de la Cour (3).
2 LA RÉAFFIRMATION DE LA LICÉITÉ DU RETRAIT DU CONSENTEMENT A LA COMPÉTENCE CONTENTIEUSE DE LA COUR AFRICAINE: ENTRE CONFORMITÉ AU DROIT ET BANALISATION DU DROIT D’ACCÈS AU JUGE
La réaffirmation du volontarisme étatique dans l’ouverture de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples aux acteurs non étatiques, précisément aux individus et aux organisations bénéficiant d’un statut d’observateur auprès de la Commission africaine, est la conséquence de l’adhésion des États au positivisme juridique. Cette doctrine invite le juge africain à statuer conformément au droit en vigueur, et ce, sans préjudice de la volonté de l’État en cause. Ainsi dit, aucun État ne peut se voir opposer une obligation à laquelle il n’a pas souscrit. C’est sans nul doute ce qui justifie la position volontariste du juge africain réaffirmée dans l’affaire Glory Cyriaque Hossou et Landry Angelo Adelakoun c. Bénin (2.1). Partant, la Cour a jugé que le retrait par le Bénin de sa déclaration au sens de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou est conforme au droit y relatif (2.2).
2.1 La validité du retrait du consentement à l’office du juge régional africain en vertu du droit international général
La validité du retrait du consentement à la compétence de la Cour africaine, en vertu des articles 5(3) et 34(6) du Protocole de Ouagadougou, est appréciée à la lumière des règles de droit international qui régissent la reconnaissance de la compétence des juridictions internationales et celle de la souveraineté des États, notamment à travers la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. La reconnaissance de la compétence des juridictions internationales est le prolongement de la reconnaissance de la souveraineté des États car, le consentement étatique à la compétence des cours et tribunaux internationaux est l’une des formes d’expression de la souveraineté des États. De ce point de vue, le droit a toujours accordé une protection assez particulière aux États, comparés aux autres sujets et acteurs du droit international, en raison, d’une part, de la portée normative du principe de la souveraineté et, d’autre part, du volontarisme juridique dominant sur la scène de la société internationale.19 En particulier, l’obsession des États africains pour la préservation de leur souveraineté est telle qu’ils ont longtemps été réticents à l’idée même d’instituer une Cour africaine20 et, à plus forte raison, à celle d’en être les justiciables, surtout depuis que celle-ci est devenue opérationnelle.
Dans l’affaire ici commentée, l’État défendeur fait prévaloir son statut d’entité souveraine au regard du droit international et prétend, en s’appuyant sur l’opinion individuelle du Juge Fatsah Ouguergouz dans l’affaire Michelot Yogogombaye c. Sénégal,21 qu’il ne peut, à ce titre, être indéfiniment lié par les obligations qui découlent de sa déclaration en vertu de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou.22 Aussi opportuniste qu’elle puisse paraître, cette stratégie de défense était incontestablement la plus indiquée, dans la mesure où elle repose sur la souveraineté des États, un principe fondateur du droit international, bien ancré dans la pratique des États et auquel juges et arbitres internationaux attachent une importance sans faille.23 La Cour internationale de Justice, sans équivoque, a toujours considéré qu’elle ne peut statuer sur la licéité d’un comportement de l’État, y compris en cas de violation d’un droit opposable erga omnes, sans que celui-ci ait préalablement exprimé son consentement à sa juridiction, consentement assorti ou non de limites précises.24 Il en est ainsi, car «les déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour sont des engagements facultatifs, de caractère unilatéral, que les États
ont toute liberté de souscrire ou de ne pas souscrire [...]».25 La Cour d’Arusha a tenu le même raisonnement, entre autres, dans l’affaire Amir Adam Timan c. République du Soudan.26 Elle rappelle dans la présente affaire concernant le Bénin que les caractères facultatif et unilatéral du retrait d’une telle déclaration dérivent du principe de la souveraineté des États.27 Il faut croire que la Cour africaine ne pouvait, sur cette seule base, tenir le raisonnement contraire, au risque d’être en désaccord tant avec sa propre jurisprudence28 qu’avec le droit international positif.
Ce qui est pour le moins superficiel, c’est que la juridiction africaine des droits humains considère que la déclaration préalable à sa compétence en vertu de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou est similaire aux dispositions organisant la reconnaissance de la compétence des autres juridictions internationales, en l’occurrence la Cour internationale de Justice, la Cour européenne des droits de l’homme (avant l’entrée en vigueur du Protocole No. 11) et la Cour interaméricaine des droits de l’homme.29 Un tel raisonnement semble occulter, ou du moins, minimiser le caractère particulier du mécanisme africain de protection des droits humains. En réalité, et nous convenons une fois encore avec l’opinion individuelle du Juge Fatsah Ouguergouz dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, que la déclaration, au sens de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou, s’intéresse particulièrement à l’accès des individus et des organisations non gouvernementales à la Cour d’Arusha, contrairement à celle des autres juridictions auxquelles la Cour se réfère.30 En ce qui concerne la Cour internationale de Justice, la déclaration prévue à l’article 36(2) de son Statut «ouvre la possibilité d’un rapport juridictionnel avec les autres États qui ont [consenti à la compétence de la Cour] et constitue, [à l’égard de ceux qui ne l’ont pas encore fait,] une offre permanente».31 Par ailleurs, on pourrait penser, à première vue, que les déclarations à la compétence des juridictions européennes, avant l’adoption du Protocole No. 11, et interaméricaine sont similaires à celles du système judiciaire africain des droits humains. Il est vrai que les systèmes africain et interaméricain des droits humains instaurent un deuxième niveau de verrouillage en vue de permettre aux requêtes individuelles d’accéder aux deux juridictions régionales. Toutefois, contrairement au système africain qui permet un accès direct des individus et des organisations non gouvernementales à la Cour africaine, la Cour interaméricaine n’est compétente qu’à l’égard des seules pétitions à elle transmises par la Commission interaméricaine et impliquant les États ayant préalablement reconnu la compétence de la Cour. De même, au niveau européen, avant l’adoption du Protocole No. 11,32 les individus, les organisations non gouvernementales et les groupes de particuliers pouvaient saisir directement, non la Cour européenne des droits de l’homme, mais la désormais «défunte» Commission européenne. Du reste, comme le résume excellemment le Juge Ouguergouz,
[e]n prévoyant un droit de saisine facultatif de la Cour africaine au bénéfice des individus et organisations non-gouvernementales, le système africain de protection des droits de l’homme se situe ainsi à mi-chemin entre le système interaméricain, où l’individu n’a pas le droit de saisir la Cour interaméricaine, et le système européen actuel dans lequel l’individu a un accès direct et automatique à la Cour européenne.33
Au total, l’analyse comparée avec les autres systèmes de protection des droits humains nous fait constater que le droit d’accès des individus et des ONGs à la Cour d’Arusha s’inscrit dans une particularité procédurale qui a manifestement été sous-estimée par la Cour, dans l’évaluation des effets du retrait de la déclaration du Protocole de Ouagadougou. Ainsi, s’est-elle gardée, en l’occurrence, de répondre très clairement à la question de savoir si l’acte en cause est ou non constitutif d’une régression des droits. Il est quelque peu regrettable que la Cour n’ait tiré aucune conséquence juridique dans ce sens. S’il est certainement illusoire d’espérer qu’elle parvienne à une égalité parfaite entre la portée normative du droit d’accès au système juridictionnel africain des droits de l’homme et l’importance en droit international du consentement des États à la compétence du juge africain, l’approche strictement volontariste adoptée par la voix majoritaire de la Cour est attentatoire au droit des individus et des ONGs d’accéder au système africain des droits de l’homme. Concrètement, une telle position est contradictoire avec les principes cardinaux de l’État de droit que sont la primauté du droit, une société démocratique, les limitations des droits fondamentaux conditionnées par la poursuite d’un but légitime et assorti de proportionnalité pour ne pas rendre les droits de l’homme et des peuples illusoires. Quoiqu’il en soit, la simple proclamation des droits serait illusoire, si on n’assure pas les conditions matérielles qui permettent à l’individu de jouir pleinement de ces droits.34
Enfin, par rapport aux dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, la Cour africaine rappelle que l’acte de retrait revêt un caractère unilatéral détachable du Protocole de Ouagadougou dans la mesure où aucune disposition de celui-ci ne s’y réfère.35 Par conséquent, en vertu du droit international positif, l’appréciation de la validité du retrait de la déclaration spéciale prévue à la disposition ci-dessus évoquée échappe aux mailles de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Il nous paraît tout de même pertinent, eu égard à la particularité procédurale du droit d’accès à la justice régionale, d’apprécier l’acte de retrait par rapport au but et à l’objet du Protocole de Ouagadougou instituant la Cour d’Arusha.
2.2 La conformité du retrait du consentement de l’État béninois à l’objet et au but du Protocole de Ouagadougou
La conformité ou non du retrait de la Déclaration béninoise à l’objet et au but du Protocole de Ouagadougou peut s’analyser, aussi bien au regard de l’effectivité du droit d’accès au mécanisme de contrôle juridictionnel des droits fondamentaux qu’à la lumière des motifs justifiant l’acte de retrait. À cela, il faut ajouter les considérations relatives à la nature de l’obligation qui résulte de l’article 34(6) dudit Protocole.
Selon la Cour d’Arusha, la Déclaration béninoise est conforme au droit en vigueur. De l’avis du juge africain, «en tant qu’acte unilatéral, la déclaration est un acte détachable du Protocole et peut, de ce fait, être retirée, sans que cela entraîne un retrait ou une dénonciation du Protocole».36 Cela suppose que le retrait par l’État défendeur de sa Déclaration faite au titre de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou n’a aucune incidence sur les droits protégés dans la Charte africaine ainsi que dans les instruments additionnels. Concrètement, cela revient à dire que les États parties à la Charte africaine et aux protocoles additionnels sont libres de donner et de retirer leur consentement à la compétence contentieuse de la Cour africaine, l’exercice de la liberté de retrait ne portant pas atteinte à la substance des droits protégés dans les instruments juridiques concernés. À ce propos, Frumer soutient la thèse selon laquelle la situation de l’État qui retire sa Déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour est similaire à celle d’un État n’ayant jamais accepté ladite juridiction.37 Tout de même, cette position est discutable. En réalité, une analyse conséquentialiste nous amène à considérer que la situation d’un État qui a retiré sa déclaration d’acceptation de la compétence contentieuse de la Cour est différente de celle d’un État qui n’a jamais accepté la compétence de la Cour. À la différence du premier qui, par l’acte de retrait, contribue incontestablement à une régression des droits fondamentaux, le second, n’ayant jamais fait la Déclaration visée à l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou, n’a fondamentalement créé aucun droit subjectif au profit des citoyens et des ONGs et ne peut donc être l’auteur d’une décision dont la substance porterait atteinte aux droits protégés dans la Charte.
Qu’en est-il de l’hypothèse où le caractère discrétionnaire de la décision d’accepter la compétence contentieuse de la Cour ou de celle de la révoquer a été exploité de manière abusive? S’il est vrai que ni la Charte africaine et moins encore le Protocole de Ouagadougou ne prévoient aucune clause de dénonciation, il n’en demeure pas moins que la Cour africaine a développé une jurisprudence constante sur la licéité du retrait de la Déclaration prévue à l’article 34(6) avec le droit régional africain.38 La technique de la dénonciation, il faut le souligner avec Helfer, est employée dans des circonstances très variées qui manifestement ne sont pas liées à la politique généralisée de désengagement ou à une hostilité de principe à tout lien conventionnel.39 En l’espèce, la révocation de la Déclaration du 8 février 2016 par laquelle le Bénin permettait aux individus et aux ONGs de saisir directement la Cour africaine40 serait liée aux «immixtions et intrusions fâcheuses de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples» dans les affaires internes de l’État défendeur, occasionnant «une grave perturbation de l’ordre juridique interne et l’instauration d’une véritable insécurité juridique en tout point préjudiciable à la nécessaire attractivité économique des États parties».41 Concrètement, l’État béninois reproche à la Cour d’avoir prononcé, le 14 février 2020, une ordonnance qui a pour effet
[l]a suspension de l’exécution d’un jugement d’adjudication rendue par le tribunal de commerce de Cotonou, dans une affaire qui opposait des personnes privées, opérateurs économiques, dans le cadre d’une procédure ordinaire de recouvrement de créance par voie de saisie immobilière en application des dispositions du traité de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) dont le Bénin est partie alors même que le débiteur a pu exercer les recours ouverts devant les juridictions nationale et communautaire que sont la Cour d’appel de Cotonou et la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA).42
En comparaison avec les précédents ivoirien, rwandais et tanzanien, il y a lieu de souligner que l’acte de retrait de la déclaration béninoise est, pour le moins, plus élaboré, tout au moins dans sa forme et sans préjudice des critiques potentielles qui peuvent être formulées sur le caractère objectif des motifs qui le sous-tendent. En tout état de cause, le retrait est un acte de souveraineté, conforme au droit international.
Cela étant, on peut apprécier l’acte de retrait sous l’angle de la nature de l’obligation qui découle pour les États de ladite déclaration.43 Étant donné qu’aucune disposition du Protocole de Ouagadougou ne définit les critères d’évaluation de la nature de l’obligation qui résulte de l’article 34(6), on ne peut se résoudre à la caractériser sans se livrer, en amont, aux commentaires qui s’imposent. Théoriquement, les obligations de comportement ou de moyens sont celles qui exigent du débiteur d’apporter ses soins et ses capacités en vue d’atteindre un but44, contrairement aux obligations de résultat qui doivent être exécutées inconditionnellement. Selon Demaria, la distinction entre les deux résulte du fait que
[l’]objet de la violation de l’obligation de résultat réside dans la démonstration que le résultat avéré est différent de celui attendu [tandis que celui de l’obligation de comportement] réside dans la démonstration que le comportement de l’État se situe en dessous de ce qui était attendu de lui.45
Ainsi, par la première, «l’État s’engage à atteindre un résultat» alors que par la deuxième, l’État s’engage à «[...] apporter soins et diligence pour atteindre un but, mais sans le garantir»;46 la distinction entre les deux pouvant s’avérer, en pratique, laborieuse.47 À travers le préambule du Protocole de Ouagadougou, les États parties se disent être «fermement convaincus»48 que la garantie de la promotion et de la protection «des droits de l’homme et des peuples, des libertés et des devoirs»49 passe nécessairement par l’institution d’un mécanisme de contrôle juridictionnel, en l’occurrence la Cour africaine. Partant, la réalisation de ces buts et le caractère objectif des traités de droits de l’homme ne font-ils pas finalement peser sur les États une obligation de comportement et de résultat? En effet, si l’on prend appui sur la
substance même de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou,50 ce serait un non-sens que de ne pas y voir une obligation de comportement, précisément celle de rendre effectif l’accès direct des individus et des ONGs à la Cour. La seule marge de manœuvre laissée à l’appréciation des États est celle de choisir librement le moment approprié au dépôt de la déclaration. En outre, alors que ladite déclaration crée des droits subjectifs aux profits des particuliers et des ONGs, sa révocation constitue non seulement une régression de certains droits garantis par la Charte,51 mais aussi un manquement à l’obligation de résultat, celle d’empêcher le déni de justice et l’impunité en cas de violation de droits considérés comme fondamentaux dans l’ordre juridique africain qui se veut culturellement spécifique. Mieux, le simple fait qu’un Protocole additionnel à la Charte africaine ait prévu une telle restriction constitue en soi une régression des droits fondamentaux; la Charte africaine n’ayant, à l’origine, conditionné l’accès direct des individus à l’office de la Commission que par la seule ratification du traité par les États africains. À ce propos, il est important de rappeler que la philosophie et les conceptions particulières revendiquées à l’adoption de la Charte et affichées dès son article 1er consacrent des obligations directes de reconnaissance et de protection.
Du reste, la Cour considère que le retrait du consentement des États à sa compétence est «un droit reconnu aux États».52 Il va sans dire que le caractère abusif ou non de la décision de révocation de la Déclaration visée à l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou reste toujours latent dans la jurisprudence de la Cour africaine.53 Eu égard à la neutralisation des libertés et droits fondamentaux indispensables au bon fonctionnement de la démocratie et à la recrudescence des régimes autoritaires et tyranniques sur le continent,54 Il nous semble pour le moins urgent de s’interroger sur la pertinence opératoire de la clause contenue à l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou.
3 LA PERTINENCE OPÉRATOIRE DE L’ARTICLE 34(6) DU PROTOCOLE DE OUAGADOUGOU POUR LA GARANTIE JURIDICTIONNELLE DES DROITS FONDAMENTAUX
Traiter de la pertinence légistique de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou invite à se soustraire d’une approche théorique pure au profit d’une démarche pragmatique de l’accès au mécanisme juridictionnel de garantie des droits fondamentaux de portée continentale.55 En effet, il semble évident que l’exigence d’effectivité du mécanisme de garantie collective s’oppose à toute possibilité de retrait pur et simple de la déclaration d’acceptation de compétence obligatoire de la Cour africaine.56 En raison de la trajectoire jurisprudentielle de la Cour à ce propos, il serait judicieux d’évaluer les effets de cette disposition quant à la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux. À cet effet, nous examinerons dans un premier temps, les effets des révocations cumulées de la Déclaration visée à l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou sur la «viabilité institutionnelle» de la Cour d’Arusha avant d’interroger les aspects éthiques du dispositif portant faculté de reconnaissance de l’office du juge par les États.
3.1 Les révocations cumulées du consentement à l’office du juge africain des droits de l’homme: menace à la «viabilité institutionnelle» de la Cour d’Arusha?
Dans l’affaire Femi Falana c. Union africaine, la clause facultative de reconnaissance de la compétence contentieuse de la Cour africaine a suscité une opinion dissidente des juges Akuffo, Ngoepe et Thompson. Ces derniers soutenaient que «la protection des droits de l’homme est trop importante pour être laissée aux caprices d’une telle solution théorique».57 Les deux affaires ont pour point commun le fait d’aborder la question de la pertinence opératoire de la Déclaration visée à l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou. L’argument constant de la Cour, suivant lequel la décision de révocation de la compétence contentieuse à son office est un acte unilatéral qui échappe à l’application de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, relève d’un raisonnement logique. Il n’en demeure pas moins que la révocation revient inéluctablement à priver directement les personnes placées sous la juridiction de l’État béninois du principal mécanisme contentieux de protection des droits fondamentaux en Afrique. À juste titre, l’on ne saurait réfuter la thèse suivant laquelle l’objectif du Protocole de Ouagadougou est de «donner effet à la protection des droits de l’homme, y compris, naturellement, les droits des individus».58 C’est pourquoi nous convenons avec Matsumoto que la Cour devrait
se garder de suivre le discours des démagogues et des oligarques [certains dirigeants], et de confondre comme ils le souhaitent leur dérive autoritaire et l’aspiration démocratique réelle des citoyens, des associations et des syndicats.59
Le retrait de la Déclaration précitée n’affecte pas seulement la substance des droits et libertés,60 mais aussi le mécanisme juridictionnel de contrôle des engagements substantiels de l’État.61 D’ailleurs, la Cour d’Arusha a pleinement conscience que l’effectivité de son mandat judiciaire dépend, non seulement de la ratification du Protocole de Ouagadougou, mais surtout du dépôt de la déclaration spéciale prévue à l’article 34(6) dudit Protocole, permettant l’accès direct des individus et des ONGs à son office. Après les retraits du Rwanda en 2016, de la Tanzanie en 2019, du Bénin et de la Côte d’Ivoire en 2020, à présent, seuls huit États sur 32 parties au Protocole de Ouagadougou ont déposé leurs déclarations, dont le Niger et la Guinée Bissau qui ont déposé les leurs en 2021.62 À ce rythme, affirmait déjà la Cour, il y a de cela une décennie, «c’est tout le système de protection judiciaire des droits de l’homme à l’échelle continentale, incarné par la Cour, qui serait gravement compromis».63 La révocation du consentement à la compétence juridictionnelle de la Cour africaine, si elle s’inscrit dans un caractère opaque, serait un recours de confort au service négatif de la régression des libertés fondamentales, déjà fragiles et expliquerait le fait que les citoyens perdent chaque jour davantage la fragile confiance accordée aux autorités étatiques64 et à l’Union africaine.65 En effet, pour Matsumoto, «si les citoyens, la société civile et les parlementaires contestent la toute-puissance de l’exécutif en la matière, [c’est parce que] l’exécutif lui-même refuse presque toujours de partager son pouvoir de déterminer le contenu des traités et d’engager l’État, donc sa population, à le respecter».66 Comme l’a si bien fait observer Lauterpacht, «the duties and rights of States are the duties and rights of men who comprise them».67 D’ailleurs, dans l’affaire Atabong Denis Atemnkeng c. Union africaine, le requérant soutenait à bon droit que l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou est contraire à l’Acte constitutif de l’Union africaine et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et constitue de ce fait, une entrave à la justice et à l’état de droit, car il favorise l’impunité et empêche une frange de la population africaine d’accéder à la justice.68
De ce qui précède, nous sommes d’avis avec la doctrine africaine que le retrait de la Déclaration spéciale de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou est une menace pour la «viabilité institutionnelle» de la Cour.69 Non seulement l’acte de retrait limite davantage la juri-diction de la Cour et l’empêche de déployer son plein potentiel, mais bien plus encore, le désengagement de l’État participe à l’abandon des victimes au bon vouloir des justices nationales, au risque de potentielles violations des droits de l’homme et peuples dans les contextes autres que ceux des États de droit.70 Une objection acceptable serait de considérer que les citoyens béninois peuvent agir devant le juge sous-régional des droits de l’homme dans la même proximité régionale. Toutefois, cet argument manquerait de cohérence institutionnelle quant à l’ambition portée par l’Organisation continentale de construire une union panafricaine des citoyens et peuples africains, dimension collective et de solidarité inscrite dans les attendus majeurs de l’ensemble des instruments intergouvernementaux africains.
En tout état de cause, la révocation du consentement étatique à la compétence juridictionnelle d’un organe de contrôle de traité des droits de l’homme ne peut relever que du seul ressort du pouvoir exécutif eu égard au caractère objectif des traités de droit de l’homme. Toutefois, de la même manière que l’adhésion audit traité requiert un vote affirmatif de la représentation nationale, la décision d’un État de révoquer la Déclaration visée à l’article 34(6) devrait faire l’objet d’une plus large discussion au niveau interne, avec un avis qualifié ou peut-être une décision à une certaine majorité qualifiée. À défaut, la volonté des bénéficiaires pourrait être recueillie directement par voie de référendum. En effet, «un peuple ou une convention citoyenne a toujours le droit de changer d’avis sur l’ensemble des questions politiques et l’État, dans le cadre duquel un tel peuple ou une telle convention citoyenne s’exprime, doit [...] toujours avoir la possibilité de dénoncer ou de réviser un traité».71
Au-delà de la menace à la viabilité institutionnelle de la Cour, les décisions de retrait de la Déclaration spéciale de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou et les impasses y relatives, interrogent les aspects éthiques du dispositif portant faculté de reconnaissance de l’office du juge par les États.
3.2 Analyse éthique des effets du retrait de consentement à l’office du juge régional africain
Le juge Fitzmaurice, pendant son office à la Cour européenne des droits de l’homme, avait écrit dans une opinion séparée que «la cour ne connait pas l’éthique, mais du droit», exprimant le point de vue positiviste que le juge trouve dans les textes juridiques, toutes les solutions aux problèmes juridiques sans avoir à se préoccuper d’éthique.72 Or, Bonbled et Ringelheim font constater que les juges européens, dans leur œuvre interprétative, ont «recours à des arguments d’ordre éthique».73 Ces derniers englobent, entre autres, des considérations d’ordre général, notamment des idéaux et des valeurs de la communauté qui permettent de «renforcer [...] la protection accordée par la Convention [européenne des droits de l’homme] aux individus»;74 éclairant de ce fait le sens et la portée des droits fondamentaux. Concrètement, ces idéaux et valeurs constituent des cadres référentiels d’interprétation supplémentaires aux sources conventionnelles relatives aux droits de l’homme. Les juges européens des droits de l’homme invoquent, d’après les analyses jurisprudentielle de Husson, les valeurs de dignité, liberté, justice, prééminence du droit, pluralisme et démocratie.75 De façon générale, la Déclaration universelle des droits de l’homme, tirant les conséquences de la Seconde Guerre mondiale, consacre dans son préambule, la nécessité d’«un régime de droit»76 pour la protection des droits de l’homme. Ce principe constitue un antécédent indispensable à toute société démocratique afin que les citoyens ne soient contraints de recourir, par défaut, «à la révolte contre la tyrannie et l’oppression».77 En effet, l’État de droit recommande que la souveraineté de l’État, en démocratie, soit l’expression de la souveraineté des peuples, à travers l’exercice du droit des citoyens de participer à la gestion de la chose publique.78 La participation est aussi gage d’équilibre entre les intérêts citoyens contradictoires et fonde le caractère transparent, éclairé et durable des décisions prises par les institutions publiques, ce qui renforce l’efficacité des actions publiques. La durabilité, engagement à long terme, permet de soutenir le caractère réel, non illusoire ou non opportuniste de la participation des citoyens et organisations de la société civile, ces dernières ayant un «rôle légitime et vital»79 dans une société démocratique.
Fort de ce qui précède, il y a lieu de se poser des questions éthiques quant à la légitimité du retrait du consentement de l’État à l’office de la juridiction africaine des droits de l’homme. Le dilemme éthique à considérer est celui de la recherche d’équilibre entre la sécurité juridique liée au régime de droit et la gestion gouvernementale des affaires publiques, celle-ci pouvant être intéressée, opportuniste, voire arbitraire et, de toute façon, inscrite dans une certaine temporalité liée au moment gouvernemental. De plus, pour l’effectivité des droits de l’homme, face aux limites liées au caractère conjoncturel des majorités qui se font et se défont dans les péripéties politiques, il est nécessaire de disposer de garantie du droit de participer aux affaires publiques,
en prenant les mesures nécessaires pour accéder aux instruments internationaux et régionaux pertinents relatifs aux droits de l’homme ou les ratifier, et accepter les procédures de communications individuelles qui y sont associées.80
Le cadre juridique, témoin d’un régime de droit, comprend nécessairement le droit aux recours utiles, recours censés être disponibles et accessibles en cas de violation des droits indivisibles de l’homme. Le droit aux recours utiles s’étend aux recours disponibles aux niveaux régional et international81 et c’est sur ce point que les requérants se heurtent à l’obstacle imposé aux citoyens par l’État, du fait du retrait de consentement, exercice unilatéral de la souveraineté d’un gouvernement. En effet, dans son opinion dissidente, la juge Bensaoula insiste sur le fait que l’acte de retrait de la déclaration de compétence n’a pas expressément été consacré par le Protocole de Ouagadougou et que, dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, la Cour africaine avait déjà ouvert un précédent, en reconnaissant aux États ledit droit de retrait.
Le droit au retrait ne pourrait-il pas être concilié avec les droits subjectifs acquis d’accès au juge, par nécessité de sécurité juridique? La décision étudiée, dans sa pente positiviste, reste impuissante à offrir un certain recul par rapport au principe de la protection des droits acquis, en particulier en matière de droits fondamentaux et de droit de participer à la gestion des affaires publiques. Dans cette veine, la protection des droits acquis aurait permis, d’une part, de reconnaître la compétence matérielle du juge régional pour examiner en quoi le retrait, en l’espèce, par ses modalités d’exercice, porte, ou non, atteinte au droit de participer à la gestion des affaires publiques, à travers un cadre juridique propre à un régime de droit, cadre juridique censé permettre l’accès au recours régional utile en cas de violation de droits de l’homme. Le juge africain pourrait-il, dans une interprétation substantielle de la «dignité» des personnes et des peuples ou des «obligations positives» évoquées par la Charte africaine, assujettir la mise en œuvre du droit du retrait des États, à des conditions de sécurité juridique et de protection des droits fondamentaux acquis (tautologie de circonstance au demeurant!)? Si dans l’Affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, la condition de préavis a été consacrée, à titre prétorien, aux fins de protéger les droits fondamentaux garantis, cette dynamique d’interprétation nous semble éthiquement constructive pour éviter que les droits fondamentaux ne soient arbitrairement limités, voire supprimés, par un acte unilatéral d’un gouvernement. Les droits fondamentaux étant conçus pour protéger les individus contre toutes interventions arbitraires de l’État, la Cour jouerait parfaitement son rôle de garantie, en établissant, de façon casuistique, des conditions, de forme et de fond, d’exercice et de mise en œuvre du droit des États à retirer la Déclaration de reconnaissance de l’office de la Cour régionale africaine des droits de l’homme et des peuples. Les conditions de fond pourraient, dans le cas présent, intéresser les indicateurs liés aux obligations fondamentales de comportement et/ou de résultat (ci-dessus évoqués). Elles peuvent porter sur les indices de diligence démocratique et raisonnable, les modes et conditions qualitatives de la prise de décision de retrait, y compris les modes d’adoption et/ou de vote (vote affirmatif de la représentation nationale, referendum ou autre), les modalités de participation et consultation des citoyens et des organes de la société civile, avec les quorums et majorités requises, etc. Les conditions de fond seraient également à mettre en lien avec l’obligation fondamentale de non-régression, y compris du droit à la sécurité juridique et à l’accès au recours utile d’ordre juridictionnel et régional.
L’option de la dynamique interprétative, tout en étant intéressante à court terme, ne dispense pas de se poser la question structurelle et légistique de la provision juridique de la clause formelle d’acceptation de la compétence de la Cour (l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou). D’un point de vue légistique, cette clause appelle un réexamen général en lien avec la conception authentique du droit régional africain des droits de l’homme et des peuples, consacrant des obligations fondamentales positives explicites et directes de pleine reconnaissance et de garantie à la charge des États et au bénéfice des droits de l’homme et des peuples.82
4 CONCLUSION
L’interprétation littérale par la Cour de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou provoque une régression du droit d’accès à la justice régionale et constitue, par ailleurs, une menace certaine pour l’effectivité globale de sa fonction juridictionnelle. L’affaire Glory Cyriaque Hossou et un autre c. Bénin révèle les insuffisances des garanties de sécurité juridique posées par la Cour dans sa jurisprudence antérieure, en l’occurrence l’entrée en vigueur de l’acte de retrait après l’expiration d’un délai de douze mois et la préservation des requêtes en cours avant la décision de retrait. Dans ce sens, l’opinion dissidente de la Juge Bensaoula a le mérite de relever que la démarche adoptée par la Cour d’Arusha dans cette affaire, quoique cohérente, n’intègre pas suffisamment les effets juridiques du droit fondamental acquis des citoyens d’accès à la justice africaine, dans une éthique communautaire de bien commun régional ou dans la perspective de la promotion d’un ordre public panafricain.
1. MH Renaut ‘L’accès à la justice dans la perspective de l’histoire du droit’ (2000) 78(3) Revue historique de droit français et étranger (1922) 476-477.
2. J Andriantsimbazovina ‘L’accès à la justice au sein des droits de l’homme’ (2016) Le droit d’accès à la justice en matière d’environnement http://books. openedition.org/putc/1010 (consulté le 3 juillet 2022); la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples le considère, à juste titre, comme une déclinaison du droit à un recours effectif. Voir para C-b(1) Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique (2003).
4. Sur la notion d’ordre juridique international, lire PM Dupuy ‘L’unité de l’ordre juridique international’ (2003) 297 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 9- 489; P Ziccardi ‘Les caractères de l’ordre juridique international’ (1958) 95 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 263-405; E Tourme-Jouannet ‘Le droit international comme ordre juridique’ in E Tourme-Jouannet (dir) Le droit international (2016) 25-68; D Alland ‘De l’ordre juridique international’ (2002) 1(35) Droits 79-102.
5. C Marquet ‘Le consentement étatique à la compétence des juridictions internationales’ (2019), thèse de doctorat, Université de Genève 31.
6. A van der Mei ‘The new African Court on Human and Peoples’ Rights: towards an effective human rights protection mechanism for Africa?’ (2005) 18(1) Leiden Journal of International Law 113-129; GJ Naldi ‘Observations on the rules of the African Court on Human and Peoples’ Rights’ (2014) 14(2) African Human Rights Law Journal 367.
7. CVN Kemkeng ‘La déclaration de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou dans le système africain des droits de l’homme: entre régressions continentales et progressions régionales’ (2018) 2 Annuaire africain des droits de l’homme 181; M Mubiala ‘L’accès de l’individu à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ in M Cohen (dir) Promoting Justice, Human Rights and Conflict Resolution through International Law/La promotion de la justice, des droits de l’homme et du règlement des conflits par le droit international (2007) 369-378.
8. Demande d’avis consultatif par la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (avis consultatif) (2017) 2 RJCA 615 para 25.
9. M Khamis La Cour africaine des droits de l’homme: quelles restrictions à l’accès à la justice? (2018) Mémoire de maîtrise en droit, Droit international public, Université de Montréal 5; SH Adjolohoun ‘A crisis of design and judicial practice? Curbing state disengagement from the African Court on Human and Peoples’ Rights’ (2020) 20 African Human Rights Law Journal 2.
10. Ce fut clairement l’intention de l’État défendeur dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda (compétence) (2014) 1 RJCA 585. Voir également l’avis du juge Fatsah Ouguergouz dans son opinion individuelle dans l’affaire Michelot Yogogombaye c. Sénégal (compétence) (2009) 1 RJCA 1, para 29.
14. Umuhoza (n 10) aux paras 38-41. À la différence de l’affaire Glory Cyriaque Hossou et un autre c. Bénin dans laquelle la requête est directement dirigée contre la licéité de l’acte de retrait, dans l’affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, l’État défendeur avait retiré sa déclaration à la suite de la saisine de la Cour par le requérant, dans le but, prétendait-il, de réviser sa position. En conséquence, le Rwanda avait sollicité de la Cour, la suspension de la procédure en cours concernant la condamnation successive de la demanderesse à huit ans puis à 15 ans de prison par la Haute cour et la Cour suprême de l’État défendeur.
16. K Kouame & JE Tiehi ‘Le Civexit ou le retrait par la Côte d’Ivoire de sa déclaration d’acceptation de compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: un pas en avant, deux pas en arrière’ (2022) Revue des droits de l’homme 4.
18. SH Adjolohoun (n 9) 18; Voir également, Kemkeng (n 7); W Hoeffner ‘L’accès de l’individu à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2016) 2 Revista Juridica 825-83.
19. M Kamto ‘La volonté de l’État en droit international’ (2004) 310 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 23; C Dominicé ‘La société internationale à la recherche de son équilibre (2014) 370 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 31.
20. J Matringe ‘Les politiques juridiques des États africains à l’égard de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ in F Couveinhes Matsumoto & R Nollez-Goldbach (dirs) Les États face aux juridictions internationales: une analyse des politiques étatiques relatives aux juges internationaux (2019) 192.
21. Hossou (n 17) para 19; Référence à l’Opinion individuelle du Juge Fatsah Ouguergouz dans l’affaire Michelot Yogogombaye c. Sénégal (compétence) (2009) 1 RJCA 1.
23. CF Amerasinghe Jurisdiction of international tribunals (2002) 70; M Kamto ‘La volonté́ de l’État en droit international’ (2004) 310 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 384.
24. Affaire de l’or monétaire pris à Rome en 1943 (question préliminaire), Arrêt du 15 juin 1954, CIJ Recueil (1954) 19; Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, CIJ Recueil (1998) 432, para 46; Timor oriental (Portugal c. Australie), Arrêt, CIJ Recueil (1995) 90, paras 28-29, 34-35; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Arrêt, CIJ Recueil (2005) 168, para 197. Pour la portée juridique de ces affaires, voir B Tchikaya Mémento de la jurisprudence: droit international public (2017) 75.
25. Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, CIJ Recueil (1998) 432, para 55; en référence à sa jurisprudence dans l’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, CIJ Recueil (1984) 418, para 59.
27. Glory Cyriaque Hossou et un autre c. République du Bénin (compétence) (2021) para 33; Sur l’identification des actes unilatéraux dans l’ordre juridique international, lire O Barsalou ‘Les actes unilatéraux étatiques en droit international public: observations sur quelques incertitudes théoriques et pratiques’ (2007) 44 Canadian Yearbook of International Law/Annuaire canadien de droit international 397.
31. Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, CIJ Recueil 1998, 432, para 46.
32. Art 34 du Protocole à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention.
33. Ouguergouz (n 21), para 12; Pour aller plus loin, lire L Hennebel & H Tigroudja Traité du droit international des droits de l’homme (2018) 315; 380.
34. TM Makunya ‘Decisions of the African Court on Human and Peoples’ Rights during 2020: trends and lessons’ (2021) 21 African Human Rights Law Journal 1235-1237.
37. P Frumer ‘La dénonciation des traités régionaux de protection des droits de l’homme. Un état des lieux’ in F Couveinhes Matsumoto & R Nollez-Goldbach (dirs) Les États face aux juridictions internationales: une analyse des politiques étatiques relatives aux juges internationaux (2022) 187.
40. Pour lire la Déclaration du Bénin au titre de l’article 34(6), voir le lien suivant: https://www.african-court.org/wpafc/wp-content/uploads/2020/10/Benin-Declaration.pdf (consulté le 24 septembre 2022).
41. Ministère des affaires étrangères et de la coopération, Correspondence 216/MAEC/AM/SP-C, 24 mars 2020. https://www.african-court.org/wpafc/wp-content/uploads/2020/10/Withdrawal-Benin.pdf (consulté le 24 septembre 2022).
43. SB Traoré ‘Commentaire Affaire Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, Requête 003/2014’ in A Soma & S Dabiré (dirs) Commentaire des grands arrêts de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (2022) 39.
45. T Demaria ‘Obligations de comportement et obligations de résultat dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice’ (2021) 58 Canadian Yearbook of International Law/Annuaire canadien de droit international 377.
46. T Demaria (n 45) 376; Voir également J Combacau ‘Obligations de résultat et obligations de comportement: quelques questions et pas de réponse’ in D Bardonnet et autres (dirs) Le droit international, unité et diversité: mélanges offerts à Paul Reuter (1981) 194.
47. T Demaria (n 45) 363; PM Dupuy ‘Le fait générateur de la responsabilité internationale des États’ (1984) 188 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 47.
48. Para 8 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
50. Aux termes de cette disposition, ‘l’État doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3)’ (nous soulignons). Le choix du verbe devoir par les rédacteurs du Protocole de Ouagadougou nous amène à conclure qu’il s’agit non pas d’une option, mais bien au contraire, d’une obligation ou à tout le moins, d’un objectif sans lequel, le Protocole n’aura aucun sens.
51. Pour aller plus loin sur l’obligation de comportement, lire T Demaria ‘Obligations de comportement et obligations de résultat dans la jurisprudence de la Cour internationale de Justice’ (2021) 58 Canadian Yearbook of International Law/Annuaire canadien de droit international 362-381; Combacau (n 46) 181-204.
53. F Matsumoto ‘De quoi les dénonciations contemporaines sont-elles de nom? Une approche démocratique des pratiques de dénonciation et de règles relatives à la dénonciation’ in FC Matsumoto et R Nollez-Goldbach (dirs) Les États face aux juridictions internationales: une analyse des politiques étatiques relatives aux juges internationaux (2022) 9.
55. Pour aller plus loin sur la théorie classique du droit international au sujet de l’accès de l’individu aux juridictions internationales, lire B Taxil L’individu, entre ordre interne et ordre international: recherches sur la personnalité juridique internationale (2005), thèse, Université de Paris I 785; M Kamto ‘L’accès de l’individu à la justice internationale ou le droit international au service de l’homme’ in M Kamto & Y Tyagi (dirs) The access of individuals to international justice/L’accès de l’individu à la justice internationale (2019) 3-53; J Spiropoulos ‘L’individu et le droit international’ (1929) 30 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 195-269; P Reuter ‘Quelques remarques sur la situation juridique des particuliers en droit international public’ in C Rousseau (dir) Mélanges Georges Scelle: la technique et les principes du droit public (1950) 535-552; G Sperduti ‘L’individu et le droit international’ (1956) 90 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 733-849; J Barberis ‘Nouvelles questions concernant la personnalité juridique internationale’ (1983) 179 Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye 145-187; C Dominicé ‘L’émergence de l’individu en droit international public’ in J Belhumeur & L Condorelli (dirs) L’ordre juridique international entre tradition et innovation (1997) 109-124; PM Dupuy ‘L’individu et le droit international, Théorie des droits de l’homme et fondements du droit international’ (1987) 32 Archives de philosophie du droit 119-133.
57. Femi Falana c. Union africaine (compétence) (2012) 1 RJCA 121, Opinion dissidente des juges Sophia AB Akuffo, Bernard M Ngoepe & Elsie N Thompson, para 8-4. Disponible en ligne:https://www.african-court.org/cpmt/storage/app/uploads/public/5f4/e32/d31/5f4e32d314edc690184636.pdf (consulté le 7 nov-embre 2022).
59. Matsumoto (n 53) 21. Les crochets à l’intérieur de la citation sont de nous. Nous précisons [certains dirigeants].
60. Substance dont les différentes catégories sont indissociables, tant dans leur conception que dans leur mise en œuvre, par les principes d’indivisibilité et d’interdépendance des droits de l’homme; MJ Redor-Fichot ‘L’indivisibilité des droits de l’homme’ (2009) 7 Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux 75-86; E Decaux ‘Universalité, indivisibilité et interdépendance des droits de l’homme: les principes et leur application’ (2018) 17 Droits fondamentaux 2-12.
62 EX.CL/1323(XL), Rapport d’activité de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, 40e session ordinaire 20 janvier - 3 février 2022 Addis-Abeba,
62. Éthiopie, para 9. Pour un état des lieux des Déclarations d’acceptation de la compétence contentieuse de la Cour pour des requêtes introduites par les individus et les ONGs ayant un statut d’observateur auprès de la Commission africaine, voir https://www.african-court.org/wpafc/declarations/?lang=fr.
63. Cour africaine, Rapport annuel d’activité de la Cour pour l’exercice 2012, 24, para 119; pour en savoir plus, voir Khamis (n 9) 104.
65. A propos, l’Organisation panafricaine est parfois perçue comme un syndicat des chefs d’États et de gouvernements qui se couvrent mutuellement au détriment des intérêts et droits fondamentaux des peuples africains. Alors qu’ils se montrent toujours incapables de défendre avec abnégation la cause des peuples africains, ils seraient, a contrario, prompts à tout pour défendre leurs propres intérêts, lorsque ceux-ci viennent à être menacés soit par un mouvement de contestation interne soit par une pression militaire. À titre illustratif, et sur le recours aux sanctions, notamment dans le cas des sanctions imposées contre la junte malienne dont les effets sont pour le moins graves sur la protection des droits fondamentaux, voir https://www.lesoir.be/247470/article/2019-09-13/lunion-africaine-est-un-syndi cat-de-chefs-detat-qui-se-couvrent-mutuellement (consulté le 6 octobre 2022).
72. N Bonbled & J Ringelheim ‘La traduction des discours éthiques dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme’ in A Bailleux, Y Cartuyvels, H Dumont & F Ost (dirs) Traduction et droits européens: enjeux d’une rencontre. Hommage au recteur Michel Van de Kerchove (2009) para 1-6.
75. C Husson Droit international des droits de l’homme et valeurs. Le recours aux valeurs dans la jurisprudence des organes spécialisés (2012) 12
78. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966, art 25; Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme Directives à l’intention des États sur la mise en œuvre effective du droit de participer aux affaires publiques, 2018, GuidelinesRightParticipatePublicAffairs_web_FR.pdf (ohchr. org); Observation générale 25 (1996) du Comité des droits de l’Homme.