Alain Didier Olinga
 Professeur de droit international à l’Institut des relations internationales du Cameroun, Université Yaoundé II
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 Edition: AHRY Volume 1
  Pages: 221 - 243
 Citation: AD Olinga ‘La promotion de la démocratie et d’un ordre constitutionnel de qualité par le système africain des droits fondamentaux: entre acquis et défis’ (2017) 1 Annuaire Africain des Droits de l’Homme 221-243 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2017/v1n1a11
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RÉSUMÉ

Les droits de l’homme ont un programme idéologique, celui de la mise en place, de la consolidation et de la préservation d’une société démocratique. Cette donnée, bien prise en compte notamment par les instances régionales européenne et interaméricaine, a été reçue au niveau africain. Les institutions chargées de la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’homme ont en effet parfaitement compris et intégré cette mission. La Commission de Banjul, puis la Cour d’Arusha, fortement accompagnées en ce sens par les cours des communautés régionales, ont d’ores et déjà engagé une action significative en ce sens, sur le terrain de la démocratie électorale et de la culture démocratique, sur le terrain de la préservation des libertés publiques particulièrement sensibles pour l’Etat de droit, en l’occurrence la liberté d’expression, la liberté de la presse, le procès équitable. La jurisprudence africaine des droits de l’homme est déjà riche de l’affirmation d’un ensemble de principes, relativement stabilisés, qui valent comme des directives générales à destination des Etats parties à la charte de 1981. Ces acquis, cependant, méritent d’être consolidés, car les défis restent nombreux, en ce qui concerne les questions électorale et constitutionnelle. Pour les relever, il faut espérer que les institutions africaines des droits de l’homme sauront tirer tout le parti de la collaboration avec les juridictions des communautés régionales et de la mise à profit de la jurisprudence nationale des Etats africains. Spécifiquement, il faut espérer une mobilisation plus ambitieuse de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Ces défis sont importants, mais largement à la portée des instances africaines.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

Promoting democracy and a high quality constitutional order through the African system of fundamental human rights: achievements and challenges

ABSTRACT: Human rights have an ideological objective, namely, the establishment, consolidation and preservation of democratic societies. This fact, well understood by the European and Inter-American regional bodies, has been adopted in Africa. The institutions responsible for implementing the African Charter on Human and Peoples’ Rights (African Charter) have fully understood and integrated such mission. The Banjul Commission and the Arusha Court, strongly supported by the courts of the regional economic communities, have already taken significant steps in this direction, in the field of electoral democracy and democratic culture, in the field of the preservation of public freedoms that are central to the rule of law, especially freedom of expression, freedom of the press, and fair trial. African human rights jurisprudence is already rich in the affirmation of a set of relatively stable principles, which are valid as general guidelines for States Parties to the African Charter. These achievements, however, should be consolidated, as there are still many challenges with regard to electoral and constitutional issues. In order to overcome these challenges, it is hoped that African human rights institutions will be able to make full use of the collaboration with the courts of the regional communities, and the national jurisprudence of African States. Particularly, one should hope for a more ambitious mobilisation of the African Charter on Democracy, Elections and Governance. These challenges are real, but largely within the reach of African bodies.

MOTS CLÉS: culture démocratique, l’émergence démocratique africaine, consolidation de sociétés démocratiques, Afrique, jurisprudence africaine des droits de l’homme

SOMMAIRE:

1 Introduction  

2 Les principes démocratiques stabilisés dans l’œuvre des organes panafricains de protection des droits de l’homme  panafricains de protection des droits de l’homme  

2.1 La formulation des principes relatifs à la démocratie électorale  

2.2 Les principes relatifs à l’enracinement de l’Etat de droit 228

3 Les défis de l’accompagnement démocratique africain par les organes africains de protection des droits de l’homme   africains de protection des droits de l’homme  

3.1 Questions cruciales de l’émergence démocratique africaine  

3.2 Organiser une meilleure garantie des principes démocratiques devant les mécanismes africains  

4 Conclusion  

 1 INTRODUCTION

Si la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine), à la différence de la Convention européenne des droits de l’homme dédiée à la préservation de l’ordre démocratique européen,1 n’a pas été portée sur ses fonds baptismaux par des régimes démocratiques, il est clair que la stratégie d’accompagnement de l’émergence et de la consolidation de sociétés démocratiques en Afrique ne peut faire l’économie de sa mobilisation volontariste. Une lecture attentive de la Charte de 1981 montre en effet que les mots de ‘démocratie’ et de ‘constitution’ n’y figurent pas. La Charte est une concession à la liberté faite par des Etats préoccupés pour leur plus grande part par le souci de combattre la subversion, terme qui, lui, figure bel et bien dans l’instrument adopté à Nairobi.2 Et pourtant, le temps de la démocratie3 n’a pas épargné l’Afrique, et l’impératif démocratique s’y exprime.4 La décennie 1990, celle des transitions démocratiques en Afrique,5 ainsi que celles qui l’ont suivie, ont vu le développement des instruments africains voués à la formulation des principes démocratiques, d’Etat de droit,6 au point où il ne semble pas excessif d’avancer l’idée de la construction progressive d’un droit international africain de la gouvernance publique démocratique. Dans la foulée, la Commission de Banjul a su saisir le vent de l’histoire, pour faire de la Charte de 1981, le vecteur, le régulateur et le garant d’une gouvernance démocratique des Etats africains, avec une hardiesse jurisprudentielle remarquable, dans le sillage de laquelle semble vouloir s’inscrire la jeune Cour africaine des droits de l’homme et des peuples d’Arusha. Rendre compte des efforts des organes de contrôle de la Charte pour accompagner l’émergence et l’enracinement des ordres démocratiques en Afrique, tel est précisément l’objet de la présente contribution. Elle relève, à cet égard, des éléments de production normative et jurisprudentielle qui peuvent constituer, toutes choses étant égales et avec toute la prudence nécessaire, des acquis contributifs de ces organes de contrôle à la vie démocratique en Afrique. Elle relève, ensuite que de nombreuses lacunes et insuffisances, ou aspects non encore correctement adressés, demeurent et méritent d’être gérés de manière méthodique et durable. Avant d’examiner ces défis, il y a lieu tout d’abord d’exposer les acquis.

2 LES PRINCIPES DEMOCRATIQUES STABILISES DANS L’ŒUVRE DES ORGANES PANAFRICAINS DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

La Commission de Banjul, à travers de nombreuses résolutions, a clairement exprimé son souci pour l’avènement et l’enracinement de la culture des élections sincères et loyales sur le continent africain, de la culture d’alternance politique ou ce qu’elle appelle ‘une culture politique de changement de pouvoir’.7 Elle l’a fait car, à son avis, ‘les élections représentent le seul moyen grâce auquel les peuples peuvent démocratiquement mettre en place leur gouvernement, conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples’.8 Ce travail résolutoire, général ou spécifique à une situation prévalant dans un pays, a eu une suite jurisprudentielle importante, laquelle est aujourd’hui poursuivie, par la jurisprudence naissante de la Cour d’Arusha. Deux grandes tendances sont à mettre en évidence à cet égard. Dans un premier temps, les éléments directement liés à la démocratie électorale ont été progressivement définis. Ces éléments s’emboîtent avec des principes plus larges, relatifs à l’enracinement de l’Etat de droit.

2.1 La formulation des principes relatifs à la démocratie électorale

Les organes africains, en particulier ceux chargés au premier chef du contrôle du respect de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ont eu à connaître de cas relatifs à la démocratie électorale. Dans l’affaire Mamboundou c Gabon,9 vidée par une décision du 24 juillet 2014, la Commission de Banjul a, probablement, énoncé de manière générale ce que l’on peut considérer à ce jour comme la philosophie des organes panafricains des droits de l’homme en matière électorale. Pour la Commission, ‘même si aucun système électoral spécifique n’est applicable à tous les pays de manière indifférente, un processus électoral libre est constitué d’une série d’actes et de critères minimaux’.10 La Commission énumère par la suite ces éléments, considérés comme ‘les plus importants de ces composantes’:11

l’existence d’une loi et d’un système électoral, la transparence dans l’organisation de la gestion des élections, le droit de voter, l’inscription des électeurs, l’éducation civique et l’information des électeurs, la participation des candidats, des partis politiques et des organisations politiques, une campagne électorale au cours de laquelle la protection des droits de l’homme et l’accès libre aux médias sont assurés, un scrutin libre soumis à un contrôle indépendant et dont les résultats sont publiés, et enfin un mécanisme crédible de gestion du contentieux des élections.

C’est dire que des principes relativement clairs en la matière ont déjà été énoncés. En tout état de cause, un travail important a été abattu, notamment, contre les pratiques discriminatoires en la matière, de manière à engager une promotion plus conséquente de la culture démocratique, y compris le pluralisme et le rejet des pouvoirs militaires.

2.1.1 La lutte contre les discriminations en matière électorale

Sans refuser aux Etats une marge nationale d’appréciation12 dans l’aménagement de leur règlementation en matière électorale, la Commission de Banjul a tenu à encadrer les prérogatives des Etats, y compris en matière constitutionnelle, pour que cette marge ne couvre pas l’arbitraire. Dans de nombreux Etats, les pouvoirs établis instrumentalisent, notamment, les conditions d’éligibilité dans l’unique objectif d’éliminer politiquement des adversaires. Pour la Commission, ‘ces formes de discriminations sont à la base d’actes de violence et d’une instabilité sociale et économique qui n’ont profité à personne, mais ont plutôt jeté un doute sur la légitimité des élections nationales et sur l’image démocratique de certains Etats’.13 Trois espèces de la Commission peuvent être à cet égard convoquées.

Dans la décision du 7 mai 2001, Legal Resources Foundation c Zambie, était sur la sellette un amendement à la Constitution zambienne en vertu duquel tout candidat à la présidence de la République devrait établir que ses deux parents étaient zambiens par la naissance ou par la descendance, bref qu’il est un ‘autochtone zambien’. Le but principal, peut-être même son unique objectif, était de priver l’ancien président Kenneth Kaunda du droit de prendre part à l’élection présidentielle. La Commission a censuré cet amendement constitutionnel et prié la République de Zambie de prendre les dispositions nécessaires en vue de mettre ses lois et sa constitution en conformité avec la Charte africaine. Ce faisant, la Commission, bien avant l’adoption de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG), mettait en garde contre les manipulations des lois fondamentales dans un but de conservation du pouvoir et d’éviction d’adversaires politiques. Peu importe que les dispositions constitutionnelles querellées, comme c’était le cas en l’espèce, aient été approuvées par le Parlement, après un processus de consultation dans le cadre de la Commission Mwanakatwe. Pour la Commission la justification d’une limitation arbitraire ‘ne peut pas provenir de la seule volonté populaire et, partant, elle ne peut pas être utilisée pour limiter les responsabilités des Etats parties en vertu de la Charte africaine’.14 Finalement, pour le cas de l’ancien président zambien, la Commission se prononce de la manière suivante: ‘des droits dont on a joui 30 années durant ne peuvent pas être retirés de manière si cavalière. Avancer qu’un zambien autochtone est un individu dont les parents sont nés dans ce qui, plus tard, est devenu le territoire souverain de l’Etat de Zambie est, à notre avis, arbitraire’.15

La deuxième espèce dans laquelle la Commission de Banjul affirme sa jurisprudence anti-discrimination est l’affaire Mouvement Ivoirien des droits humains (MIDH) c Côte d’Ivoire,16 du 29 juillet 2008. Etaient sur la sellette les dispositions de la Constitution ivoirienne adoptée par référendum le 23 juillet 2000, dispositions aux sources de la funeste théorie de ‘l’ivoirité’. En particulier, l’article 35 de ce texte énonçait que ‘le Président de la République ... doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes d’origine’. De même, l’article 65 énonçait que le candidat aux fonctions de Président de la République, de président ou de vice-président de l’Assemblée Nationale, ‘doit être ivoirien d’origine et ses deux parents eux-mêmes ivoiriens d’origine, doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne et ne doit s’être jamais prévalu d’une autre nationalité’. Bien que la Constitution ait été approuvée par voie référendaire, la Commission va sanctionner les dispositions problématiques et demander leur révision. Ce faisant, la Commission semble indiquer que la Constitution, même adoptée par voie référendaire, n’exprime légitimement la volonté générale que dans le respect des engagements internationaux de l’Etat relatifs, notamment, aux droits fondamentaux, et que l’argument tiré de l’approbation par le peuple d’un dispositif normatif ostensiblement discriminatoire ne peut suffire à libérer l’Etat de son obligation de ne pas discriminer en vertu de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Dans l’affaire sous examen, la Commission va élaborer sa doctrine en matière de lutte contre les discriminations politiques et électorales, en ces termes: ‘la Commission reconnait le fait que la fonction de Président de la République, de Président et de Vice-Président de l’Assemblée Nationale et d’autres fonctions similaires sont cruciales pour la sécurité d’un pays et qu’il serait imprudent de donner un chèque en blanc à l’accessibilité de ces fonctions. Le fait de placer des restrictions à l’éligibilité à ces fonctions ne constitue pas en soi une violation des droits de l’homme. Toutefois, lorsque ces restrictions sont discriminatoires, déraisonnables et injustifiables, l’objectif qu’elles sont destinées poursuivre sera éclipsé par leur caractère déraisonnable. S’agissant des restrictions posées par les dispositions constitutionnelles querellées, la Commission estime qu’elles sont des restrictions non nécessaire(s) au droit de participer aux fonctions publiques garanti à l’article 13 de la Charte africaine’.17 Ces prises de position sont un coup de semonce général à destination de tous les Etats africains, où les dirigeants sont tentés d’instrumentaliser la Constitution à des fins de discrimination politique.

La troisième espèce jurisprudentielle est l’affaire Modise c Botswana du 6 novembre 2000.18 Le nommé Modise, co-fondateur du Botswana National Front, parti d’opposition, a été déclaré immigré indésirable par le gouvernement du Botswana, déchu de sa citoyenneté botswanaise et expulsé en Afrique du Sud, Etat dans lequel il était né, de parents botswanais. Pour le Botswana, Modise ne pouvait bénéficier que d’une citoyenneté par acquisition et non d’une citoyenneté par naissance, ce qui était lourd de conséquences pour l’exercice de son droit à la participation politique. La Commission demande instamment au gouvernement du Botswana de prendre les mesures appropriées pour reconnaître à Modise sa citoyenneté par la naissance. La Commission invite ainsi l’Etat à avoir une démarche d’ouverture et d’acceptation de la différence d’opinions politiques, toutes choses importantes pour la promotion de la culture démocratique.

2.1.2 La promotion de la culture démocratique

En luttant de manière déterminée contre les législations électorales discriminatoires, les organes chargés de l’application de la Charte visent plus fondamentalement la promotion de la culture démocratique. Cette culture implique la reconnaissance du rôle des partis politiques, sans en faire certes des rouages impératifs du jeu électoral. Dès Jawara c Gambie, 11 mai 2000,19 la Commission de Banjul estime que ‘l’interdiction des partis politiques est une violation du droit des plaignants à la liberté d’association reconnu par l’article 10(1) de la Charte’.20 Deux ans plus tard, dans l’affaire Lawyers for Human Rights c Swaziland,21 la Commission condamne la proclamation du roi Sobhuza III du 12 avril 1973 par laquelle ce dernier abrogeait la Constitution démocratique de 1968, déclarant illégaux les partis politiques, en ces termes: ‘les partis politiques constituent un des moyens par lesquels les citoyens peuvent participer à la gouvernance, soit directement, soit par l’élection des représentants de leur choix. En interdisant la formation des partis politiques, la proclamation du Roi compromet sérieusement la capacité du peuple du Swaziland à participer à la gestion des affaires publiques de son pays, ce qui constitue une violation de l’article 13 de la Charte’.22 Si les partis politiques sont, dans le cadre de la Charte, un maillon important de la vie démocratique, ils ne sont cependant pas un creuset impératif pour la sélection du personnel politique. Il est revenu à la Cour d’Arusha de préciser que le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays énoncé à l’article 13(1) de la Charte est un droit individuel, qui n’est pas sensé uniquement s’exercer avec d’autres individus ou dans le cadre de groupements d’individus, comme les partis politiques. Dans l’affaire Tanganyika Law Society, the Legal and Human Rights Centre c Tanzanie, Mtikila c Tanzanie,23 au delà des considérations liées au contexte propre à l’Etat défendeur, la Cour a formulé une position générale qui vaut bien au-delà de l’affaire examinée, en ces termes: ‘toute loi qui exige du citoyen d’être membre d’un parti politique avant de se présenter aux élections présidentielles, législatives et locales est une mesure inutile, qui porte atteinte au droit du citoyen de participer directement à la vie politique et constitue donc une violation d’un droit’. Cette prise de position générale de la majorité de la Cour a une portée considérable, car elle rend potentiellement condamnable devant la Cour, toute législation étatique hostile à la candidature indépendante ou particulièrement contraignante pour elle.

La culture démocratique implique l’acceptation du verdict des urnes, surtout lorsque les élections ont été crédibles. C’est le sens de la position exprimée par la Commission de Banjul dans l’affaire Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c Nigeria, 31 octobre 1998:24 ‘participer librement à la gestion des affaires publiques implique, entre autres, le droit d’élire un représentant de son choix. Le corollaire évident de ce droit veut que le résultat de la libre expression de la volonté des électeurs soit respecté; autrement le droit de voter librement n’aurait pas de sens. En conséquence, l’annulation des résultats des élections, qui reflétaient le libre choix des électeurs, est une violation de l’article 13(1)’.25 Dans la même espèce, la Commission met l’accent sur l’importance des observateurs indépendants pour la validation du scrutin. Pour la Commission, ‘les critères des éléments essentiels qui constituent des élections libres et justes sont universellement convenus et des observateurs internationaux sont détachés pour veiller à ce qu’ils soient appliqués. Il serait contraire à la logique du droit international qu’un gouvernement ayant un intérêt quelconque concernant une élection, soit le juge ultime chargé de trancher si les élections se sont déroulées conformément aux normes internationales ou pas’.26 L’annulation de l’élection nigériane, pour laquelle Bashorun M KO Abiola avait été donné vainqueur, était le fait du régime militaire de Sani Abacha. Cette précision est utile, car elle explique la position constante de la Commission de Banjul à l’égard des régimes militaires. Déjà dans l’affaire Jawara c Gambie, la Commission relève qu’il est évident que les militaires ont pris le pouvoir par la force, quoique cela se soit passé dans le calme. Ce n’était pas la volonté du peuple qui jusque-là ne connaissait que la voie des urnes comme moyen de désigner ses dirigeants politiques.27 Mais c’est dans l’affaire Media Rights Agenda and Constitutional Rights Project c Nigeria, 31 octobre 1998,28 que la Commission énonce une position générale selon laquelle ‘les régimes militaires se fondent sur une base juridique contestable. Le gouvernement par la force n’est pas en principe compatible avec les droits des peuples à déterminer leur avenir politique’.29 Exit le régime militaire, les organes africains se ruent sur l’objectivation des principes relatifs à l’enracinement de l’Etat de droit.

2.2 Les principes relatifs à l’enracinement de l’Etat de droit

L’Etat de droit est un concept aujourd’hui englobant, dont le référentiel de base est la soumission des institutions de l’Etat et des autorités publiques à la prééminence du droit, ainsi que la garantie des droits et libertés, notamment par une institution judiciaire indépendante. Si la garantie de tous les droits participe, d’une manière ou d’une autre, à la réalisation de l’Etat de droit, deux aspects particuliers méritent d’être mis en évidence ici : d’une part le statut de l’institution judiciaire, d’autre part la protection de la liberté de la presse.

2.2.1 La préservation du statut de l’institution judiciaire

Au regard de l’instrumentalisation dont l’institution judiciaire est souvent l’objet dans les Etats africains, en particulier pour discréditer et éliminer des adversaires politiques, voire pour couvrir du sceau de la légalité et de la régularité des processus électoraux problématiques, une attention particulière doit lui être accordée.

La Commission africaine, par une interprétation et une application combinée des articles 7 et 26 de la Charte, a développé les éléments de ce que l’on peut considérer comme le statut de l’institution judiciaire dans la préservation de l’Etat de droit, du moins au regard de la Charte africaine. Elle a affirmé sa jurisprudence, notamment dans le contexte tourmenté des actes liberticides adoptés au Nigeria sous la présidence de Sani Abacha. Dans l’affaire Civil Liberties Organisation c Nigeria, mars 1995,30 la Commission voit dans l’article 26 de la Charte,31 celui qui traite des institutions qui sont ‘normalement le bastion de la protection des droits de la personne contre les abus de pouvoirs de l’Etat’.32 L’indépendance des tribunaux, en particulier vis-à-vis de la branche exécutive du gouvernement, est donc une nécessité de l’Etat de droit démocratique, ce qui exclue que l’on puisse soustraire purement et simplement certains actes de la puissance publique à tout contrôle juridictionnel. Le principe du contrôle juridictionnel des actes publics doit ainsi remettre en cause non seulement la vieille construction jurisprudentielle française des actes dits de gouvernement, mais aussi les régimes spéciaux d’irresponsabilité de la puissance publique institués par certains Etats. Sur ce dernier point, la position de la Commission a été clairement affirmée dans l’affaire de l’Association des Victimes des violences post-électorales et Interights c Cameroun.33 Dans une autre affaire camerounaise, la Commission est allée jusqu’à remettre en cause l’organisation du Conseil Supérieur de la Magistrature, instance de gestion de la magistrature au Cameroun. En effet, dans l’affaire Gunme et autres c Cameroun,34 mai 2009, la Commission affirme que ‘l’admission par l’Etat défendeur que le Président de la République et le Ministre chargé de la Justice soient respectivement le Président et le Vice-Président du Conseil judiciaire supérieur constitue une preuve manifeste que le judiciaire n’est pas indépendant’.35 La Commission dans sa décision, invite le Cameroun à ‘réformer le Conseil judiciaire supérieur en veillant à ce qu’il soit composé de personnalités autres que le Président de la République, le Ministre de la Justice et les membres de l’Exécutif’, ce qui nécessite en réalité une révision de la Constitution36 et, au-delà, un changement radical de la logique institutionnelle dans laquelle le Président de la République est garant du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, garant en particulier de l’indépendance de la magistrature. En fait au sein de la Commission, il y a plusieurs traditions judiciaires qui se croisent, l’une francophone avec une grande implication du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice, l’autre anglo-saxonne avec une implication a priori moindre de l’exécutif. Toutefois, cette opposition doit être nuancée car, comme la Cour d’Arusha l’a relevé, au sujet de la figure du Procureur dans le cadre judiciaire burkinabé, en dehors des comportements particuliers d’un procureur dans une affaire donnée, ‘on ne saurait dire que l’institution et le profil du procureur dans le système juridique burkinabé, soit en soi et par nature contraire à l’article 7 de la Charte, dès lors que l’existence de cette institution n’affecte pas l’indépendance des juridictions saisies’.37

S’agissant de l’institution judicaire, il y a lieu de mettre en évidence une position de principe de la Commission africaine, en particulier dans le contexte actuel de lutte contre le terrorisme, à savoir l’illégitimité radicale des tribunaux militaires à juger des civils, au regard de leur composition, des relations hiérarchiques et des procédures suivies, toutes choses qui ne peuvent garantir un procès équitable. Dans l’affaire Media Rights Agenda c Nigeria 6 novembre 2000,38 la Commission estime déjà ‘la comparution, le jugement et la condamnation de Malaolu, un civil par un tribunal militaire spécial, présidé par des officiers militaires en activité, qui sont encore régis par le règlement militaire est, sans plus, préjudiciable aux principes fondamentaux du procès équitable’. Pour la Commission, ‘tant la doctrine que la pratique judiciaire s’accordent sur ce que les tribunaux militaires sont des mécanismes disciplinaires créés pour connaitre des infractions de type militaire, prévues par une législation militaire, commises par des membres du personnel militaire et lorsque ceux - ci sont sous l’emprise de la législation militaire. En somme, et même au risque d’une tautologie, la compétence des juridictions militaires est strictement militaire’.39 Cette prise de position générale interpelle l’ensemble des Etats africains ayant retenu ou étendu la compétence ratione personae des juridictions militaires aux civils, afin qu’ils modifient en conséquence leur législation. Cette approche interpellatrice vaut également en ce qui concerne la liberté de la presse.

2.2.2 La protection de la liberté de la presse

Que ce soit à l’occasion de l’examen de la condition de recevabilité relative à la prohibition des termes outrageants et insultants, ou plus directement à l’occasion de l’examen des communications mettant en jeu l’article 9 de la Charte, les organes chargés du contrôle du respect de la Charte ont bâti un régime protecteur de la liberté d’expression, y compris la liberté de presse, la protection des journalistes. L’examen de la condition de recevabilité de l’article 56(3) de la Charte, au-delà de l’aspect procédural qu’est la recevabilité, a été en effet utilisé pour bâtir un équilibre entre liberté d’expression et respect de l’ordre public.40 Ainsi, dans l’affaire 293/2004, Zimbabwe Lawyers for Human Rights & Institute for Rights and Development c Zimbabwé, mai 2008, au paragraphe 47 de sa décision, la Commission de Banjul énonce de manière générale qu’ ‘il doit y avoir un équilibre entre le droit de s’exprimer librement et le devoir de protéger les institutions étatiques en vue de s’assurer que, tout en décourageant le langage injurieux, la Commission africaine ne viole pas ou n’entrave pas en même temps la jouissance des autres droits garantis par la Charte africaine, notamment le droit à la liberté d’expression’.

Dans le groupe d’affaires 140/94, 141/94 et 145/95, Constitutional Rights Project, Civil Liberties Organisation et Media Rights Agenda c Nigeria, la Commission de Banjul déclare de manière générale que ‘la liberté d’expression est un droit fondamental et vital pour l’épanouissement de la personne et de sa conscience politique, ainsi que sa participation à la direction des affaires politiques de son pays. Aux termes de la Charte Africaine, ce droit comprend le droit de recevoir des informations et celui d’exprimer ses opinions’.41 Il convient de relever avec emphase le lien que la Commission établit entre la liberté d’expression, le développement de la conscience politique des citoyens et la participation conséquente de ceux-ci à la direction des affaires politiques de leur pays. Ce lien doit rendre la Commission, et la Cour d’Arusha, plus vigilantes sur les démarches des Etats, pendant les élections, consistant à priver les citoyens de tout accès aux moyens modernes de communication que constituent les réseaux sociaux. Il est à espérer que la Commission de Banjul diligentera une résolution sur la liberté d’expression et les NTIC, de même qu’elle finalisera l’étude sur la liberté d’expression en rapport avec les élections. Dans la même affaire nigériane sus évoquée, la Commission a pu déclarer que ‘le droit de recevoir des informations est absolu : l’article 9 ne prévoit aucune dérogation, quel que soit le sujet des informations ou opinions et quelle que soit la situation politique du pays’.42 La formule peut sembler excessive, mais plus avant dans sa décision, la Commission reconnait elle-même que si les limitations à ce droit, comme à tout autre du reste, ne doivent pas conduire à le rendre illusoire, le principe même des limitations ne souffre aucune contestation, ce qui relativise le caractère ‘absolu’ du droit43 précédemment affirmé.

Les organes africains ont pris sur eux d’assurer la protection des journalistes contre les empiètements injustifiés dans l’exercice de leurs fonctions ou contre les représailles vis-à-vis de leur personne. Dans l’affaire Jawara c Gambie, la Commission de Banjul déclare que ‘l’intimidation, l’arrestation ou la détention des journalistes pour des articles publiés ou des questions posées privent non seulement les journalistes de leurs droits d’expression et de diffusion de leur opinion, mais aussi le public de son droit à l’information’.44 La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a, pour sa part, apporté une contribution décisive à la protection des journalistes, en prenant position sur la question controversée de la ‘dépénalisation des délits de presse’, dans son arrêt du 5 décembre 2014 en l’affaire Lohé Issa Konaté c Burkina Faso. Lohé avait signé dans un journal du pays, l’Ouragan, deux articles particulièrement critiques contre le Procureur du Faso. Il a été poursuivi pour diffamation, injures publiques et outrage à magistrat, jugé, condamné à douze mois d’emprisonnement, à des amendes et dommages-intérêts, le journal l’Ouragan étant suspendu de parution pour six mois, entre autres peines. Pour la Cour d’Arusha, les dispositions du Code Pénal burkinabé sur la base desquelles Lohé a été condamné à une peine privative de liberté ‘ne sont pas compatibles avec les prescriptions de l’article 9 de la Charte et de l’article 19 du Pacte’.45 De manière générale, de l’avis de la juridiction africaine, ‘hormis des circonstances graves et très exceptionnelles en particulier l’apologie de crimes internationaux, l’incitation publique à la haine, à la discrimination ou à la violence ou les menaces à l’égard d’une personne ou d’un ensemble de personnes, en raison de critères spécifiques tels que la race, la couleur, la religion ou l’origine nationale, la Cour considère que les infractions aux lois relatives à la liberté d’expression et de presse ne sauraient être sanctionnées par des peines privatives de liberté sans être contraires aux dispositions de la Charte’.46 En clair, la peine privative de liberté pour les journalistes n’est pas exclue, mais elle doit être exceptionnelle, pour des infractions particulièrement graves. Il y a là une directive générale qui devrait inspirer la révision de nombreuses législations relatives à la communication sociale en Afrique. Il est compréhensible, devant un énoncé d’une telle audace, que l’on ait pu écrire que ‘with this approach, the Court already applies siginificantly standards than Germany, for example, in terms of the admissible statutory nature of relevant criminal provisions’.47

En somme, bien que la démocratie et l’Etat de droit n’aient pas été explicitement évoqués dans la Charte de 1981, la Commission et la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples sont, patiemment et résolument, en train d’en faire des instruments au service de l’émergence d’un ordre démocratique régional africain. Toutefois, si les acquis, jurisprudentiels notamment, sont à saluer, les défis restent importants sur le chemin de la consolidation, avec l’aide des instances africaines des droits de l’homme, des jeunes expériences démocratiques africaines.

3 LES DEFIS DE L’ACCOMPAGNEMENT DEMOCRATIQUE AFRICAIN PAR LES ORGANES AFRICAINS DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Les organes africains chargés de la mise en œuvre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sont résolument invités à accompagner, par une politique jurisprudentielle volontariste, mais techniquement rigoureuse, les espoirs des sociétés africaines vers des régimes de droit,48 vers des sociétés démocratiques, respectueuses du pluralisme, garantes de la tolérance et vivifiées par une culture d’ouverture et de consensus. En d’autres termes, ils doivent faire de la Charte africaine le socle de la réalisation et de la préservation de la qualité de l’ordre constitutionnel et démocratique au sein des Etats africains parties. A cet égard, plusieurs questions cruciales doivent être adressées, de même que les instruments africains dédiés à la démocratie telle que la CADEG doivent connaître un traitement processuel conséquent, l’exemple des juridictions des communautés économiques régionales pouvant à cet égard être hautement instructif.

3.1 Questions cruciales de l’émergence démocratique africaine

Deux aspects doivent être pris à bras le corps par les organes de suivi de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, sur le terrain de la protection devant la Commission et la Cour, ce qui dépend de l’initiative des plaideurs, et aussi sur le terrain de la promotion, que la Commission peut actionner proprio motu. Il s’agit, d’une part, de la question électorale et, d’autre part, de la question constitutionnelle, deux aspects du reste intimement liés, les controverses autour de la Constitution ayant généralement pour enjeu la dévolution subséquente du pouvoir politique par le jeu électoral. En dépit de la souveraineté des Etats et du principe de l’autonomie constitutionnelle, ces questions ne sont pas soustraites par nature au droit international en général,49 au droit international des droits et libertés en particulier.50

3.1.1 La question électorale

Au regard de l’abondance des controverses relatives à la qualité, ou plutôt à la mauvaise qualité, des scrutins sur le continent, il peut sembler étrange que le contentieux en matière électorale devant la Commission de Banjul et la Cour d’Arusha soit presque nul. Le droit à la participation politique électorale est à ce jour, quantitativement, l’un des parents pauvres du contentieux africain des droits de l’homme. Or, la Commission et la Cour ont un rôle crucial à jouer pour faire asseoir en Afrique une culture des élections démocratiques, une culture d’acceptation du verdict des urnes, une culture d’alternance pacifique des hommes et des partis au pouvoir politique et au gouvernement de l’Etat. Elles doivent œuvrer résolument dans le sens de l’intégrité, de la sincérité et de la loyauté des élections. Ainsi il leur faut prêter une attention au mode de fabrication de la règle électorale, selon qu’il reflète le consensus minimal de la classe politique ou non, selon que cette fabrication intervient à la veille des élections ou non. Il faut ensuite veiller au contenu de la loi électorale, notamment si elle ne contient pas des éléments de discrimination, en ce qui concerne l’éligibilité, la constitution de l’électorat, les circonscriptions électorales, les modes de scrutin, l’accès aux médias, le financement des élections, la possibilité de contester les éléments du scrutin dans le cadre d’un procès équitable, entre autres. Si les Etats, en la matière, ont une marge d’appréciation liée à la diversité des trajectoires historiques et des contextes politiques et sociologiques nationaux, il est clair que l’on doit veiller, en s’inspirant de l’orientation de l’ordre conventionnel européen des droits de l’homme,51 à la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix des élus, y compris le Président de la République,52 élément du droit à la libre participation politique du citoyen. La Commission de Banjul, à notre sens, devrait prendre l’initiative d’une résolution thématique à vocation normative sur le droit à la participation politique, même si la Cour a déjà vu dans l’Observation générale 25 du Comité des droits de l’homme une ‘déclaration faisant autorité sur l’interprétation de l’article 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).’53 Cela ne dispense pas les instances africaines d’un travail de définition autonome ou d’une démarche contextuée en la matière.

Les organes africains doivent, par ailleurs, s’intéresser au fonctionnement des commissions électorales ou, plus largement, des organismes électoraux. En effet, l’expérience de maints Etats africains montre que les organismes électoraux, loin d’être des rouages indépendants, neutres et impartiaux, brillent plutôt par leur posture partiale, partisane, généralement au profit des pouvoirs en place. Les éléments qui peuvent intéresser les instances africaines en rapport avec ces organismes électoraux sont, entre autres: leur composition, le mode de désignation et le statut de leurs membres, leurs compétences et pouvoirs, leurs moyens d’action y compris leur mode de financement. De même que le droit international des droits de l’homme consacre le droit de toute personne d’être jugée par un tribunal indépendant et impartial, de même faut-il considérer que les exigences d’indépen-dance, d’impartialité, de neutralité et d’intégrité des organismes électoraux devraient être considérées comme des éléments essentiels du droit du citoyen à la libre participation politique. Dès lors, les questions relatives à ces organismes ne sauraient être soustraites au champ des droits de l’homme, et à l’examen des instances africaines compétentes. A cet égard, si l’on ne peut que s’étonner de la faiblesse du contentieux relatif à la matière électorale devant la Commission de Banjul et la Cour d’Arusha, il faut saluer l’inauguration à Arusha d’une jurisprudence audacieuse, avec l’arrêt du 18 novembre 2016 en l’affaire Actions pour la protection des droits de l’homme (APDH) c Côte d’Ivoire. Certes la Cour n’a pas fait sienne, telle quelle, la formule de la requérante évoquée au paragraphe 108 de son arrêt, à savoir ‘le droit qu’ont les citoyens d’avoir des organes électoraux nationaux indépendants et impartiaux ’, elle a donné des éléments concrets devant orienter l’appréciation de la compatibilité du statut d’un organisme électoral avec les instruments de droits de l’homme dont elle assure le contrôle du respect. Ainsi, à l’indépendance institutionnelle énoncée au plan des principes dans le texte de création, l’organe électoral doit ‘être composé selon la loi de façon à garantir son impartialité et à être perçu comme tel’;54 pour cela, ‘pour qu’un tel organe puisse rassurer le public sur sa capacité à organiser des élections transparentes, libres et justes, sa composition doit être équilibrée’.55 Cet équilibre, à la lecture des développements subséquents de la Cour, dépend de la représentation respective du ‘pouvoir en place’ et de ‘l’opposition’ et les conséquences qui en découlent en termes de ‘situation plus avantageuse’ des candidats d’un bord par rapport à ceux d’un autre. Il est évident que les données de l’affaire examinée ont influencé l’analyse du principe d’équilibre effectuée par la Cour. Cela n’exclut pas que, à l’avenir, la Cour puisse s’appuyer sur d’autres considérations, notamment le genre, l’âge, la ventilation des catégories socio professionnelles, pour examiner la variable d’équilibre. Au-delà de l’aspect contentieux, il est envisageable que les attributaires de la saisine en matière consultative puissent activer cette procédure pour faire vérifier systématiquement par la Commission ou la Cour la conformité des procédures et dispositions relatives aux élections à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et aux autres instruments juridiques internationaux applicables devant ces instances. Bien que les énoncés qui découleraient de telles démarches ne soient pas obligatoires, leur accumulation ne manquerait pas de constituer une somme tenant lieu de directive d’interprétation et, par conséquent, de faire jurisprudence.

Les mécanismes africains doivent se montrer ouverts à l’examen des questions touchant au contentieux électoral, soit au titre du droit à un procès équitable, soit au titre du droit à la participation politique. La faiblesse quantitative du contentieux international africain des droits de l’homme relatif au contentieux national des élections étonne l’observateur et l’analyste du système africain des droits de l’homme, au regard des crises post-électorales liées à de graves dysfonctionnements des procédures relatives au contentieux des élections. Dans ce décor encore peu fourni, il faut cependant mettre en exergue l’affaire Pierre Mamboundou c Gabon déjà citée, dans laquelle la Commission de Banjul a examiné la question de la gestion du contentieux électoral. Il est vrai que l’Etat visé n’a pas été condamné, mais cela n’a pas empêché la Commission d’énoncer que

les normes relatives aux élections (...) consacrent le principe de crédibilité des organes chargés du contentieux électoral comme un critère central de transparence des élections. Notamment, un contentieux électoral crédible inclut la possibilité pour toute partie prenante intéressée de saisir les institutions compétentes pour contester la légalité de l’organe de contrôle des résultats et la régularité des actes posés par ledit organe.56

En fait, en saisissant de manière plus dynamique la matière électorale, les mécanismes panafricains œuvreraient à la consécration, dans le système africain, d’un véritable droit aux élections ainsi qu’à l’émergence de standards africains de l’intégrité et de la loyauté des élections, gages d’un ordre constitutionnel de qualité.

3.1.2 La question constitutionnelle

L’infortune dans laquelle se trouve aujourd’hui, dans de nombreux Etats africains, la norme constitutionnelle, est l’une des causes des soubresauts socio-politiques porteurs de graves violations de droits fondamentaux, des droits civiques et politiques et des droits civils.

Alors que la CADEG affirme de manière emphatique le principe de la prééminence de la norme constitutionnelle,57 la réalité dans plusieurs Etats montre une logique de manipulation de la Constitution contraire à ce principe. Certes, de par le droit international, la souveraineté de l’Etat induit son autonomie en ce qui concerne la définition des contours de son ordre constitutionnel. Même, a-t-on pu penser, il y aurait une indifférence du droit international, du droit international des droits de l’homme quant à l’orientation du régime politique et constitutionnel de l’Etat.58 Toutefois, il faut relever que, dans l’ordre international, la formule des révolutionnaires français contenue dans l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen,59 suivant laquelle toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée n’a pas de constitution, tend à devoir être retenue. Du point de vue des droits de l’homme, trois aspects relatifs à la Constitution méritent une attention particulière: la fabrication de la norme constitutionnelle, le contenu de la norme constitutionnelle, le contentieux de la norme constitutionnelle.

Les modalités de fabrication de la norme de nature ou de valeur constitutionnelle, dans toute la mesure où elle n’emprunte pas la voie de la sédimentation prétorienne, doivent être respectueuses du droit des citoyens à la participation politique. Ces modalités impliquent l’association des diverses composantes politiques de la nation à la discussion constitutionnelle, l’implication des institutions nationales compétentes, y compris les parlements et les juridictions constitutionnelles, l’implication le cas échéant du peuple par voie référendaire dans le processus. Le processus d’élaboration et de révision de la loi fondamentale doit être consensuel, participatif, ouvert et transparent, recueillant l’assentiment du peuple ou de ses représentants légitimes, pour être conforme au droit des citoyens à la libre participation politique prévu par les instruments des droits de l’homme. Toute démarche ayant trait à la Constitution qui, au plan méthodologique, exclue tout processus réellement participatif et inclusif, limite le débat et les possibilités d’amendement du projet de texte concerné, rejette ou biaise le processus référendaire, doit être considérée comme une violation du droit à la libre participation politique des citoyens. La Constitution des droits de l’homme est une Constitution dont on a eu le temps suffisant de discuter les termes et le contenu, une Constitution pour l’élaboration de laquelle l’on a eu recours à un processus ouvert et inclusif. Le droit des droits de l’homme certes à cet égard, ne peut prétendre imposer un carcan méthodologique uniforme aux Etats. Toutefois, l’essentiel est que les procédures et méthodes utilisées soient garantes de la réelle, large et libre expression de l’opinion du peuple ou des institutions légitimes sur la norme constitutionnelle à adopter ou à réviser.

Le droit international des droits de l’homme ne peut se désintéresser de la substance et du contenu de la norme constitutionnelle. Une constitution est plus qu’un cadre formel, et l’on ne peut en avoir qu’une vision instrumentale. Elle a également et surtout une dimension substantive. En effet, le principe de la prééminence ou de la suprématie de l’ordre constitutionnel serait vidé de sens, et pourrait même devenir un danger, si une attention particulière n’était pas accordée à la substance de l’ordre constitutionnel dont il faut précisément garantir la suprématie. Une grande différence existe en effet entre la Constitution formelle, éventuellement problématique voire liberticide que l’on peut malgré tout invoquer comme la loi fondamentale, à respecter, et la Constitution substantielle qui peut conduire à refuser à celle-ci le titre même de Constitution. Du point de vue des droits de l’homme, toute constitution qui de manière générale n’énonce pas les droits et n’aménage pas les modalités de leur garantie, et de manière spécifique n’aménage pas la participation politique et civique libre des citoyens, n’en est pas véritablement une. La qualité de l’ordre constitutionnel, sous le prisme des droits fondamentaux, n’est pas une affaire d’enveloppe servant d’enseigne décorative à un ordre politique non libéral et non démocratique; elle est liée à une substance matérielle, à des arrangements procéduraux et à des montages institutionnels tendus, tous, vers l’organisation de la liberté, la préservation de la dignité, la réalisation du bien-être et l’aménagement de la participation des citoyens à la vie de la cité. Plus un ordre constitutionnel tend vers cet idéal commun à atteindre60 par les nations, plus sa qualité augmente, la perfection absolue étant naturellement difficile à atteindre en la matière. La matière des droits de l’homme opère ainsi, tel le levain dans la pâte, à la manière d’un aiguillon permanent de la qualité de l’ordre constitutionnel, d’un régulateur et d’un facteur d’amélioration constante dudit ordre.

Enfin, le droit international des droits de l’homme ne peut se désintéresser du contentieux national relatif à la norme constitutionnelle. En d’autres termes, d’une manière générale, et plus spécifiquement encore pour des sociétés démocratiques en voie d’émergence, comme celles d’Afrique, le contentieux des règles constitutionnelles doit être réfléchi par les droits fondamentaux des citoyens, au premier rang desquels le droit à la libre participation politique. A cet égard, l’on peut s’interroger sur le certificat de conformité aux droits de l’homme que l’on peut décerner aux jurisprudences constitutionnelles récentes au Burundi (arrêt 4 mai 2015 de la Cour Constitutionnelle du Burundi), au Congo,61 en RDC, pour ne prendre que ces exemples. Dans les deux premiers cas, il s’est agi de lever le verrou de la limitation des mandats par une révision constitutionnelle menée dans des conditions politiques et procédurales hautement questionnables. Si la même préoccupation existe en RDC, l’on n’y a pas encore procédé formellement à une révision de la Constitution. Dans son arrêt du 8 août 2015, rendu sur saisine de la commission électorale nationale indépendante (CENI), la Cour constitutionnelle a constaté ‘un cas de force majeure, irrésistible et insurmontable qui motive la commission électorale nationale indépendante à adapter son calendrier électoral’, un cas de force majeure empêchant la Commission d’organiser les élections dans les délais prévus par la loi. Dans toutes ces hypothèses, la justice constitutionnelle était parfaitement consciente d’avoir été sollicitée pour revêtir la volonté politique de ne pas se soumettre à la règle constitutionnelle existante, souvent relativement plus consensuelle, du vernis de la régularité constitutionnelle.62 Autrement dit, les juridictions constitutionnelles, de par leur statut et l’autorité constitutionnelle de leurs énoncés, ont imposé à l’ensemble de la nation la volonté d’une partie de celle-ci, voire d’un individu ou d’un groupe d’individus de ne pas respecter la constitution. Au nom de quoi, dès lors, ceux qui sont chargés de veiller au respect par tous de la Constitution, à commencer par les juges constitutionnels eux-mêmes, pourraient-ils exiger des autres de la respecter scrupuleusement, y compris l’autorité de leurs décisions qui ne se fonde que sur ladite constitution, alors même qu’ils en organisent les conditions de non respect et de violation par certains? Telle est la question, grave, de théorie constitutionnelle, que le fonctionnement récent de certaines juridictions constitutionnelles africaines soulève, lorsque les gardiens de l’autorité de la norme constitutionnelle en sont les premiers fossoyeurs, lorsqu’ils légitiment l’oppression politique en la drapant des apparences de la constitutionnalité, ouvrant la voie à la résistance à l’oppression, droit naturel en vertu de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en France, même si sa consécration en droit international des droits de l’homme n’est pas acquise.

Face à ces défis particuliers, il est clair que la garantie des principes démocratiques, en tant qu’éléments au cœur de la participation politique des citoyens, doit faire l’objet d’une attention accrue des instances africaines.

3.2 Organiser une meilleure garantie des principes démocratiques devant les mécanismes africains

Le prétoire international africain est appelé à être un cadre important de promotion et de protection des principes démocratiques et d’Etat de droit en Afrique. L’exemple en est déjà donné par les juridictions des communautés économiques régionales. Il mériterait d’être suivi et densifié par les mécanismes dédiés à la garantie spécifique des droits de l’homme en Afrique.

3.2.1 L’exemple encourageant des juridictions des communautés économiques régionales

Les juridictions des communautés économiques régionales africaines ont déjà ouvert la voie d’une garantie crédible des droits fondamentaux en général, des droits relatifs à la participation politique en particulier. Cela est vrai de la plupart de ces juridictions, même si l’exemple de la Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est particulièrement éloquent. Cette dernière, prenant appui sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, sur le PIDCP et surtout sur le Protocole de la CEDEAO de 2005 relatif à la démocratie, a déjà produit une intéressante jurisprudence. L’exemple le plus récent dans ce sens est l’arrêt rendu le 13 juillet 2015 (arrêt n° ECW/CCJ/APP/19/15) en l’affaire Congrès pour la démocratie et le Progrès (CDP) et autres contre l’Etat du Burkina Faso, suite à l’adoption le 7 avril 2015 d’un nouveau code électoral frappant d’inéligibilité, notamment, ‘toutes les personnes ayant soutenu un changement anticonstitutionnel qui porte atteinte au principe de l’alternance démocratique, notamment au principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels ayant conduit à une insurrection ou à toute autre forme de soulèvement ’. Face à une telle législation, la Cour d’Abuja va énoncer une position qui devrait pouvoir être reprise par tous les autres mécanismes africains, en ces termes:

si (donc) le principe de l’autonomie constitutionnelle et politique des Etats implique sans conteste que ceux - ci aient la latitude de déterminer le régime et les institutions politiques de leur choix, et d’adopter les lois qu’ils veulent, cette liberté doit être exercée en conformité avec les engagements que ces Etats ont souscrits en la matière.

Pour la Cour, ‘interdire de candidature toute organisation ou personne ayant été politiquement proche du régime défait mais n’ayant commis aucune infraction particulière, revient, pour la Cour, à instituer une sorte de délit d’opinion qui est évidemment inacceptable’. En conclusion, la Cour estime que le Code électoral du Burkina Faso, tel que modifié par la loi n° 005-2015/ CNT du 07 avril 2015 ‘est une violation du droit de libre participation aux élections’. Le Burkina Faso, comme on le sait, s’est rebellé contre cette décision et ne l’a pas appliquée. Cela, pour regrettable que ce soit sur le terrain du respect des sentences internationales par les Etats qui s’y sont préalablement engagés, importe finalement peu. Ce qui est remarquable, c’est l’audace du juge international qui n’hésite pas, malgré la sensibilité et même le caractère éruptif du contexte national, à dire froidement le droit, à apprécier sans état d’âme la conformité d’un texte national porteur de discrimination sur le terrain de la participation politique avec les principes démocratiques intégrés dans l’ordre juridique communautaire de la CEDEAO. Cette posture doit pouvoir inspirer d’autres instances africaines, comme la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples l’a déjà fait dans sa première décision au fond rendue contre la Tanzanie.63 Il est du reste remarquable que, devant la Cour d’Abuja comme devant la Cour d’Arusha, une référence explicite et appuyée a été faite à l’Observation générale 25 du Comité des droits de l’homme relative au droit à la libre participation politique. Si cette référence a déjà intégré l’ordre régional africain, sans préjudice de la possibilité de définir une version contextuée du droit à la libre participation politique, une mobilisation plus conséquente doit être faite des instruments juridiques africains relatifs à la démocratie devant les mécanismes africains des droits de l’homme.

3.2.2 L’action résolue attendue des mécanismes africains des droits de l’homme

Les développements précédents ont déjà mis en exergue l’action de la Commission et de la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples en faveur de la promotion des principes démocratiques sur le continent, à travers leur activité contentieuse. Si cette action est à saluer, elle mérite d’être amplifiée. Cette amplification peut être effectuée par une mobilisation conséquente de la CADEG devant ces instances.64 Cet instrument, dans une large mesure, développe l’article 13(1) de la CADHP relatif au droit des citoyens à la libre participation politique. Il doit pouvoir être invoqué directement par les plaideurs devant ces instances, ce d’autant plus que celles-ci sont visées parmi les mécanismes de suivi de la CADEG.65 L’on doit ainsi s’attendre à un contentieux abondant à Arusha et à Banjul au sujet des changements anti constitutionnels de gouvernement au sens de l’article 23 paragraphes évoquées par la CADEG. L’espoir, à cet égard, est d’autant plus fondé que la Cour d’Arusha a, d’ores et déjà, tranché la question du statut de la CADEG en tant qu’instrument des droits de l’homme, dans l’arrêt du 16 novembre 2016 rendu en l’affaire Actions pour la protection des droits de l’homme (APDH) c Côte d’Ivoire. Après avoir, au paragraphe 57 de son arrêt, précisé la notion juridique d’instrument des droits de l’homme,66 la Cour conclut au paragraphe 65 que la CADEG en est bien un ‘au sens de l’article 3 du Protocole’ et qu’elle a, en conséquence, compétence pour l’interpréter et la faire respecter. C’est notamment sur la base de la CADEG, en son article 17, que la Cour a considéré que l’organe électoral ivoirien, de par son manque d’indépendance et d’équilibre, affectait le droit pour chaque citoyen ivoirien de participer librement à la direction des affaires publiques de son pays.

La Commission et la Cour africaines doivent pouvoir s’appuyer sur les instruments régionaux relatifs aux principes démocratiques et aux élections, dans toute la mesure où ils lient l’Etat concerné. Ainsi, le Protocole de 2005 de la CEDEAO peut parfaitement être mobilisé, en même temps que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, à l’effet de garantir les droits électoraux et politiques, dès lors qu’un Etat membre de la CEDEAO serait concerné par une communication ou requête.67 Il en est de même, des textes des autres communautés économiques régionales, et même des textes et pratiques nationaux, lorsque ceux-ci offrent un standard élevé de protection des principes démocratiques. A cet égard, la Commission et la Cour africaines de droits de l’homme et des peuples pourraient, par exemple, s’inspirer utilement de la ‘décision’ en matière consultative du Conseil constitutionnel du Sénégal du 12 février 2016. Dans cette très intéressante espèce, la haute juridiction sénégalaise a précisé les modalités d’application dans le temps des lois de révision ayant une incidence sur la durée d’un mandat électif en cours. Le Conseil a formulé deux propositions que, à l’occasion, les organes chargés de la mise en œuvre de la Charte de 1981 pourraient reprendre à leur compte et en faire des directives d’application générale par tous les Etats africains. D’abord, que ‘le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle’. Par ailleurs, ‘ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à l’occasion de changements de majorité, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée’. La Cour d’Arusha, qui aurait pu se prononcer sur un cas de révision constitutionnelle dans l’affaire Nyamwasa et autres c Rwanda, n’a même pas pu ordonner des mesures conservatoires tendant à empêcher la révision de l’ancien article 101 de la Constitution. Dans son ordonnance du 17 mars 2017, elle constate que, le référendum ayant eu lieu le 15 décembre 2015, la demande a été dépassée par les événements, est devenue sans objet et est rejetée en conséquence. Il n’est pas déraisonnable de penser que dans une autre affaire la Cour pourra ordonner de telles mesures.

4 CONCLUSION

La finalité de la démarche ambitieuse, consciemment assumée, attendue de la Commission et de la Cour, dans le sillage des évolutions d’ores et déjà tracées, est de faire émerger, progressivement mais résolument, un standard africain de société démocratique,68 dont les instances africaines et nationales seraient les garantes. La tâche, immense et de longue haleine, n’est évidemment pas aisée. Elle est, cependant, nécessaire et à la portée des mécanismes africains.

 


1. S de Coqueray ‘La Convention européenne des droits de l’homme et le droit des élections: entre patrimoine européen et suprématie étatique’ (2016) Constitutions 557.

2. Article 23(2)(a) et (b) contient une référence claire aux activités subversives que les Etats s’engagent à interdire sur leur territoire respectif. Sur cette disposition, voir le commentaire de H Ascensio ‘Article 23’ in M Kamto (ed) La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole s’y rapportant relatif à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (2011) 599-625.

3. G Hermet ‘Le temps de la démocratie’ (1991) 128 Revue internationale des sciences sociales 265.

4. AD Olinga ‘L’impératif démocratique dans l’ordre régional africain’ (1998) 6 Revue de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples 57-80.

5. AD Olinga ‘L’Afrique en quête d’une technique d’enracinement de la démocratie constitutionnelle’ in M Kamto (ed) L’Afrique dans un monde en mutation. Dynamiques internes, marginalisation internationale? (2010) 165-189.

6. A titre d’exemple on peut citer: l’Acte constitutif de l’Union africaine; la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance; la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption; la Charte africaine sur les valeurs et les principes du service public et de l’administration.

7. Résolution sur les élections en Afrique adoptée lors de la 13ème session extraordinaire de la Commission, février 2013.

8. Résolution sur le processus électoral et la gouvernance participative, adoptée lors de la 19ème session ordinaire de la Commission, du 26 mars au 4 avril 1996 à Ouagadougou.

9. Communication 320/06.

10. Para 48.

11. Para 49.

12. AD Olinga & C Picheral ‘La théorie de la marge d’appréciation dans la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme’ (1995) 24 Revue trimestrielle des droits de l’homme 567-604.

13. Legal Resources Foundation c Zambie, Communication 211/98, 7 mai 2001.

14. Para 70 de la décision.

15. Para 71.

16. Communication 246/02.

17. Para 86.

18. Communication 17/93.

19. Communications 147/95 et 149/96.

20. Para 68.

21. Communication 251/2002.

22. Para 63; Pour un commentaire de cette décision, voir AD Olinga ‘Vers un contentieux objectif à Banjul? L’affaire Lawyers for Human Rights contre Royaume de Swaziland devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2007) 1 Revue juridique et politique des Etats Francophones 29-52.

23. Requête 9/2011 et 11/2011.

24. Communication 102/93.

25. Para 50.

26. Para 49.

27. Para 73.

28. Communication 105/93.

29. Para 80.

30. Communication 129/94.

31. Article 26: ‘les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l’indépendance des tribunaux et de permettre l’établissement et le perfectionnement d’institutions nationales appropriées chargées de la promotion et de la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte’.

32. Para 15 de la décision.

33. Communication 272/03, décision du 25 novembre 2009.

34. Communication 266/2003.

35. Para 211.

36. Le Conseil supérieur de la magistrature est, en effet, évoqué à l’article 37 alinéa 3 de la Constitution, notamment.

37. Voir Zongo c Burkina Faso, affaire 13/2011, arrêt du 28 mars 2014, par 126.

38. Communication 224/98.

39. Titanji Duga Ernest (pour le compte de Chéonomu Martin et autres) c Cameroun, Affaire 287/04, mars 2014, paragraphe 61.

40. Voir AD Olinga ‘La condition de recevabilité relative à l’interdiction des termes outrageants et insultants dans la jurisprudence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2012) 92 Juridis Périodique, Revue de droit et de science politique 99-106.

41. Para 36 de la décision.

42. Para 38.

43. Sur le traitement de la liberté d’expression par la Commission africaine, par comparaison avec l’approche de la Cour européenne des droits de l’homme, voir notre article ‘Les emprunts normatifs de la Commission africaine aux systèmes européen et interaméricain des droits de l’homme’ (2005) 62 Revue trimestrielle des droits de l’homme 532-534.

44. Para 65.

45. Le Pacte auquel il est fait référence est le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

46. Para 165 de l’arrêt.

47. M Loffelmann ‘Recent jurisprudence of the African Court on Human and Peoples’ Rights. Developments 2014 to 2016’ (2016) German Cooperation/GIZ 34.

48. La formule ‘régime de droit’ est tirée du préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

49. M Kathia ‘Droit international et démocratie’ (2007/4) 220, in Diogène 36-48; voir aussi J Tajadura Tejada ‘La doctrine de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’interdiction des parties politiques’ (2012/2) 90 Revue française de droit constitutionnel 339-371; X Souvignet ‘Le modèle politique de la Cour européenne des droits de l’homme: du pouvoir du peuple à la souveraineté du sujet’ (2010) 5 Jurisdoctoria 41-60; V Fabre-Alibert ‘La notion de ‘société démocratique’ dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme’ (1998) Revue trimestrielle des droits de l’homme 465-496.

50. Y Lecuyer ‘Le droit à des élections libres’ (2014) Conseil de l’Europe.

51. Voir M Levinet ‘Droit constitutionnel et Convention européenne des droits de l’homme. La confirmation de l’autonomie des Etats en matière de choix des systèmes électoraux. Brèves réflexions sur l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Yumak et Sadak c Turquie (Gr.Ch. 8 juillet 2008)’ (2009) 78 Revue Française de Droit Constitutionnel 423-430.

52. Voir B Duarte ‘Le Chef de l’Etat: un ‘corps législatif’ au sens de l’article 3 du protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l’homme?’ (2009) 79 Revue française de droit constitutionnel 477-511.

53. Tanganyika Law Society and The Legal and Human Rights Centre et Mtikila c Tanzanie, Requête 9 & 11/2011, 14 juin 2013, para 107-3.

54. Para 123.

55. Para 125.

56. Para 67.

57. L’article 2(2) énonce l’objectif de ‘promouvoir et renforcer l’adhésion au principe de l’Etat de droit fondé sur le respect et la suprématie de la Constitution et de l’ordre constitutionnel dans l’organisation politique constitutionnel dans l’organisation politique des Etats parties’.

58. Le Pr Philippe Weckel évoque ‘le principe d’indifférence du droit international à l’égard des questions constitutionnelles’. Voir ‘Présentation’ in R Adjovi (ed) Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. L’affaire Mtikila c Tanzanie. Dossier du pôle Afrique de Sentinelle, 2013, 3. A contrario, voir SM Kienou ‘L’incidence du droit régional africain sur le droit constitutionnel des Etats francophones d’Afrique de l’Ouest’ (2017/2) 110 Revue française de droit constitutionnel 413-436.

59. Pour un commentaire de cette disposition, voir P Albertini in G Conac, M Debene & G Teboul (dirs) La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Histoire, analyse et commentaires (1993) 331-342.

60. Formule empruntée au préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

61. Avis n° 002-ACC-SVC/15 du 17 septembre 2015 sur le fondement juridique de l’initiative du referendum en vue de l’évolution des institutions de la République. S’en tenant à une approche essentiellement formaliste de son office, la Cour constitutionnelle du Congo énoncera que ‘l’évolution des institutions de la République est, de toute évidence, au sens de l’article précité de la loi électorale, une question d’intérêt national sur laquelle le peuple peut être consulté, directement, par voie de référendum’, ouvrant la voie à la suppression de la limitation constitutionnelle des mandats présidentiels alors consacrée dans la loi fondamentale et empêchant une nouvelle candidature du président sortant.

62. Voir JI Senou ‘Le nouvel avatar démocratique en Afrique: l’obsession du second mandat’ (2016) Revue française de droit constitutionnel 633-652.

63. AD Olinga ‘La première décision au fond de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2014) 6 Revue des droits de l’homme, Revue du centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux.

64. AD Olinga ‘La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Une présentation générale’ (2013) Revue Camerounaise d’études internationales 107-118.

65. Voir à cet égard l’article 45(c) de la CADEG.

66. Cela, en ces termes: ‘pour déterminer si une convention est un instrument des droits de l’homme, la Cour considère qu’il y a lieu de se rapporter principalement à l’objet de ladite convention. Un tel objet est décliné soit par une énonciation expresse des droits subjectifs au profit des individus ou groupe d’individus, soit par la prescription à l’égard des Etats d’obligations impliquant la jouissance conséquente des droits’.

67. Cela était du reste le cas dans l’affaire APDH c Côte d’Ivoire devant la Cour d’Arusha.

68. Voir G Bombela Mosoua ‘Le standard africain de société démocratique’ (2008) Mémoire de DEA en droit public international et communautaire. Faculté des Sciences juridiques et politiques. Université de Yaoundé II.