Nyanda Mkamwa Williams
 Titulaire d’un Doctorat en Droit privé (droit de la santé), obtenu en mai 2016 à la Faculté des sciences juridiques et politiques (FSJP) de l’Université de Yaoundé II (Soa – Cameroun),
 Il est actuellement chargé de cours au sein de la même faculté. Il est également titulaire d’un Diplôme professionnel d’expert consultant en droit de l’homme et humanitaire, option: pratique des organisations internationales, obtenu en 2012, au Centre international de formation appliquée en démocratie, développement, ethique et gouvernance (CIFADDEG-Cameroun)
  wnyanda@ yahoo.fr
  https:/orcid.org/000-0003-1902-1023


 Edition: AHRY Volume 6
 Pages: 106-128
 Citation:  NW Mkamwa ‘Les vaccinations obligatoires et les droits de l’homme en Afrique: l’urgence d’un encadrement juridique efficace au sein de l’Union africaine’ (2022) 6 Annuaire africain des droits de l’homme 106-128
 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2022/v6a5
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RÉSUMÉ:

Depuis plusieurs décennies, la vaccination est le mécanisme de prévention le plus répandu des maladies infectieuses. Les vaccins sont des médicaments destinés à prévenir de nombreux risques, afin de permettre à la personne humaine de jouir d’un meilleur état de santé. Dans cette logique de promotion de la santé individuelle et surtout collective, des vaccins sont imposés aux nourrissons, ou aux personnes de tout âge. Dans la quasi-totalité des pays de l’Union africaine, on retrouve des vaccins obligatoires. Pourtant, en vue de la protection du droit à la vie, du droit à l’intégrité physique consacrés par l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le corps humain est inviolable. Toute personne, tout patient, devrait avoir le droit de consentir de manière éclairée, personnellement ou par son représentant, à un médicament, à une thérapie, qu’elle soit préventive ou curative. Dès lors, ces vaccinations obligatoires sont-elles conformes au système de protection des droits humains de l’Union africaine? Avec la persistance de la COVID-19 devenue pandémie mondiale et les nombreux débats controversés au sujet des vaccins proposés contre cette maladie, la question des vaccins obligatoires mérite d’être profondément prise en compte par l’Union africaine, pour une protection optimale des droits humains en Afrique. Si les vaccinations obligatoires constituent des atteintes légitimes mais implicites dans le système de protection des droits humains de l’Union africaine, il est urgent de procéder à un meilleur encadrement juridique de cette pratique, pour une protection plus efficace des droits humains en Afrique. Cette étude s’est appuyée sur la dogmatique juridique, c’est-à-dire l’analyse minutieuse des normes juridiques de l’Union africaine et la casuistique qui permet d’appréhender la mise en œuvre de ces normes pour aboutir à cette conclusion.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

Mandatory vaccinations and human Rights in Africa: the urgent need for an effective legal framework within the African Union

ABSTRACT

For several decades, vaccination has been the most widely used prevention mechanism for infectious diseases. Vaccines are medicines designed to prevent many risks, to enable the human being to enjoy a better state of health. In this logic of promoting individual and especially collective health, vaccines are imposed on infants, or on people of all ages. In almost all the countries of the African Union, vaccines are compulsory. However, in view of the protection of the right to life and the right to physical integrity enshrined in Article 4 of the African Charter on Human and Peoples’ Rights and the African Charter on the Rights and Welfare of the Child, the human body is inviolable. Every person, every patient, should have the right to give informed consent, personally or through their representative, to a medicine or therapy, whether preventive or curative. This situation begs the question whether these compulsory vaccinations are consistent with the African Union’s human rights protection system. With the persistence of COVID-19, which has become a global pandemic, and the many controversial debates about the proposed vaccines against this disease, the issue of mandatory vaccinations deserves to be deeply considered by the African Union, for the optimal protection of human rights in Africa. While compulsory vaccinations are legitimate but implicit infringements of the African Union’s human rights protection system, there is an urgent need for a better legal framework for this practice, for a more effective protection of human rights in Africa. This study relied on doctrinal legal approach based on which it meticulously analysed the legal norms of the African Union, and on a case-by-case analytical approach which allowed it to evaluate the implementation of these norms.

MOTS CLÉS: vaccinations obligatoires, système africain, droits de l’homme, urgence, encadrement juridique efficace, Union africaine

 

SOMMAIRE:

1 Introduction 

2 L’admission implicite des vaccinations obligatoires comme atteintes légitimes aux droits humains au sein de l’Union africaine 

2.1 Les vaccinations obligatoires comme atteintes non arbitraires au principe de l’inviolabilité du corps humain 

2.2  Les vaccinations obligatoires comme instrument de protection de la santé des populations 

3 L’urgence d’un meilleur encadrement juridique des vaccinations obligatoires au sein de l’Union africaine 

3.1  La stricte détermination du contexte du recours aux vaccinations obligatoires 

3.2 Les exigences propres aux vaccins obligatoires et au suivi de la vaccination 

4  Conclusion 

1 INTRODUCTION

Depuis l’invention de la vaccination en 1796,1 le vaccin2 est le mécanisme le plus répandu de prévention des maladies infectieuses. La vaccination est un procédé consistant à inoculer dans un organisme vivant un agent (le vaccin) capable de produire une réaction immunitaire positive contre une maladie infectieuse, qu’elle soit bactérienne ou plus souvent virale.3 Les vaccins sont des produits destinés à protéger l’être humain ou l’animal des maladies graves et souvent mortelles.4 Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un vaccin est  une préparation administrée pour provoquer l’immunité contre une maladie stimulant la production d’un anticorps; les vaccins stimulent le système immunitaire pour créer des anticorps, de la même manière que si ce système immunitaire était exposé à la maladie.5 Toutefois, les vaccins ne sont pas en prin- cipe sensés provoquer la maladie ou exposer le sujet à des risques de complications, parce qu’ils ne renferment que des formes tuées ou atténuées des germes, virus ou bactéries.6 On distingue les vaccins préventifs et les vaccins thérapeutiques. Alors que les vaccins préventifs permettent de prévenir l’apparition d’une maladie d’origine infectieuse, les vaccins thérapeutiques permettent quant à eux d’aider le patient à lutter contre une maladie en cours, notamment un cancer.7 Ainsi, la vaccination, dans la logique du vaccin préventif, est un moyen simple, sûr et efficace de se protéger des maladies dangereuses avant d’être en contact avec ces affections (maladies), car elle utilise les défenses naturelles de l’organisme pour créer une résistance à des infections spécifiques et renforcer le système immunitaire.8

En vue de promouvoir la santé individuelle et surtout collective, des vaccins sont imposés aux nourrissons, ou aux personnes de tout âge. Dans la quasi-totalité des pays de l’Union africaine, il est difficile de ne pas retrouver un vaccin obligatoire. Se soumettre à l’obligation vaccinale (pour des vaccins obligatoires) est devenu une attitude citoyenne.9 Au Cameroun notamment, les vaccins contre la diphtérie, la poliomyélite et le tétanos sont imposés aux nourrissons, et celui contre la fièvre jaune est imposé à toutes les personnes qui désirent entrer et sortir du pays. Le caractère obligatoire de ces vaccinations implique que le consentement du patient ne soit pas requis pour cet acte médical; celui-ci est tenu de se faire vacciner s’il veut bénéficier des avantages dont l’accès est conditionné par ces vaccinations.10 La liberté relative au choix de se faire vacciner ou pas, n’est donc plus reconnue à tous ceux qui veulent se prévaloir des avantages conditionnés par la vaccination. C’est en cela que la vaccination obligatoire se distingue de la vaccination forcée. Cette dernière hypothèse correspond à la situation dans laquelle un vaccin non obligatoire est inoculé à une personne sans son consentement. Pourtant, l’inviolabilité du corps humain est consacrée dans l’optique de la protection du droit à la vie et du droit à l’intégrité physique consacrés par l’article 4 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Charte africaine) du 27 juin 1981, et l’article 5 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de juillet 1990. Toute personne, tout patient, devrait avoir le droit de consentir de manière éclairée, personnellement ou par son représentant, à un médicament, à une thérapie, qu’elle soit préventive ou curative. Dès lors, ces vaccinations obligatoires sont-elles conformes au système africain des droits de l’homme? Car en effet, avec la persistance de la Covid-19 devenue pandémie mondiale et les nombreux débats controversés au sujet des vaccins proposés contre cette maladie, la question des vaccins obligatoires mérite d’être profondément prise en compte par l’Union africaine, pour une protection optimale des droits humains en Afrique.

Ainsi, à travers la dogmatique juridique, c’est-à-dire l’analyse minutieuse des normes juridiques de l’Union africaine, et la casuistique qui permet d’appréhender la mise en œuvre de ces normes, l’on peut constater que si les vaccinations obligatoires constituent des atteintes légitimes mais implicites aux droits humains dans le système africain des droits de l’homme (2), il est urgent de procéder à un meilleur encadrement juridique de cette pratique, pour une protection plus efficace des droits humains en Afrique (3).

2 L’ADMISSION IMPLICITE DES VACCINATIONS OBLIGATOIRES COMME ATTEINTES LÉGITIMES AUX DROITS HUMAINS AU SEIN DE L’UNION AFRICAINE

Au plan international, la possibilité pour l’État de porter atteinte au droit au consentement du patient, dans le seul but de protéger la vie d’un individu ou d’un groupe d’individus, est clairement consacrée par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) du 16 décembre 1966. Selon ledit pacte, «les Etats devront prendre les mesures nécessaires pour assurer la prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques», afin de garantir le droit à la santé individuelle.11 La prophylaxie c’est la prévention de la maladie.12 Dans l’expression «mesures nécessaires», l’on peut bien ranger les vaccinations obligatoires.

Dans le système africain des droits de l’homme, une telle affirmation se devine seulement, parce qu’elle est juste sous-entendue. Malgré l’absence du caractère explicite de cette consécration, l’on peut affirmer que les vaccinations obligatoires dans le système de l’UA sont envisagées et admises comme des atteintes non arbitraires au principe de l’inviolabilité du corps humain. Elles sont également envisagées comme des instruments de protection de la santé des populations.

2.1 Les vaccinations obligatoires comme atteintes non arbitraires au principe de l’inviolabilité du corps humain

«La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit», dispose l’article 4 de la Charte africaine. La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant précise quant à elle que: «dans toute action concernant un enfant, entreprise par une quelconque personne ou autorité, l’intérêt supérieur de l’enfant sera la considération primordiale»;13  «tout enfant a droit à la vie...»;14 «les États parties à la présente Charte assurent, dans toute la mesure du possible, la survie, la protection et le développement de l’enfant».15 Ces différentes dispositions nous donnent de comprendre que l’UA ne s’oppose pas aux vaccinations obligatoires aussi longtemps qu’elles constituent des atteintes «non arbitraires» c’est-à-dire des atteintes justifiées à l’inviolabilité du corps humain. De même lorsque ces vaccinations sont justifiées par «l’intérêt supérieur de l’enfant», lorsqu’elles ont pour objectif d’assurer «la survie, la protection et le développement» de l’enfant, les vaccinations obligatoires sont admises. L’on peut ainsi se trouver en toute légalité en présence d’une vaccination en l’absence du consentement du patient; à condition que celle-ci soit faite dans l’intérêt de celui-ci.

2.1.1 Une vaccination en l’absence du seul consentement du patient

L’intérêt des vaccinations obligatoires réside dans le fait que le consentement du patient ou de son représentant, relatif au choix de se faire vacciner ou pas, n’est pas requis avant que l’acte médical soit posé. La vaccination en tant qu’acte de prévention, est un acte médical car, l’acte médical est «l’ensemble des activités humaines, techniques et scientifiques exercées par une personne qui réunit les conditions d’exercice de la médecine et ayant pour but, la prévention, la guérison ou le soulagement des maladies et des infirmités qui atteignent l’être humain».16 Bien que l’on puisse convenir avec Amnesty International que: «toute règle de vaccination obligatoire doit être conforme aux droits humains»,17 l’absence de consentement préalable dans le cadre d’une vaccination obligatoire n’est pas synonyme de violation totale des droits humains des patients. Le patient, comme le malade18 jouit des autres droits fondamentaux qui lui sont reconnus. Ainsi, il a droit au respect de sa dignité notamment au respect de sa vie privée, la protection de son secret médical, d’être traité avec humanité pendant l’accomplissement de l’acte de vaccination, d’obtenir des informations relatives au vaccin qui lui est imposé. Le patient a le droit de connaître l’affection c’est-à-dire la maladie que l’on entend prévenir à travers le vaccin, la durée du vaccin, le nombre de doses, les éventuels effets indésirables, les contre-indications. Toutefois, ces informations ne sont pas sensées permettre au patient de fournir un consentement éclairé, mais de lui permettre juste de comprendre l’acte médical posé sur sa personne. Si elles avaient pour objectif de permettre au patient de donner un consentement éclairé, cela voudrait dire que la vaccination dont il est question n’est plus obligatoire, mais qu’elle est conditionnée par l’accord préalable du patient. Par conséquent, dès lors que les conditions d’un consentement éclairé ne sont pas réunies, le patient peut choisir de ne pas se faire vacciner et toujours prétendre aux services dont l’accès est conditionné par cette vaccination.

De même, le respect de la dignité du patient dont le consentement ou celui de son représentant, relatif au choix de se faire vacciner ou pas, n’est pas requis pour un acte médical donné en l’occurrence la vaccination, ne saurait justifier qu’il subisse des douleurs injustifiées à l’occasion de l’inoculation du vaccin du fait, par exemple, de l’incompétence du professionnel de santé. L’absence de consentement ne s’applique qu’au vaccin et rien qu’au vaccin concerné. A titre d’exemple, l’on ne saurait profiter du caractère obligatoire d’un vaccin, pour inoculer plusieurs autres vaccins non obligatoires à un patient.

Mais il convient de noter que cette absence de consentement peut constituer une porte ouverte à tous les abus, portant de ce fait atteinte à l’intégrité physique et même morale du patient. C’est la raison pour laquelle l’article 4 de la Charte africaine précise qu’il s’agit seulement des limites non arbitraires qui sont admises à l’intégrité physique. L’on doit rester dans l’étendue de la limite consacrée par la loi, au cas contraire cette action deviendra arbitraire et par conséquent, illégale. La responsabilité de l’État peut bien évidemment être engagée du seul fait du caractère arbitraire d’une atteinte à un droit fondamental. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, lorsqu’elle est saisie, n’hésite pas à retenir la responsabilité de l’État et octroyer même une réparation aux victimes de restriction arbitraire, c’est-à-dire injustifiée. Elle a déjà eu l’occasion de le faire en cas d’atteinte au droit au procès équitable,19 ou encore à la liberté d’expression.20 Elle n’hésitera certainement pas à le faire lorsqu’il s’agira d’une atteinte à la vie du fait d’une vaccination obligatoire.

C’est le lieu de rappeler que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est investie entre autres du mandat de faire respecter l’ensemble des textes relevant du droit africain des droits de l’homme.21 La violation des dispositions de l’article 4 de la Charte africaine est une cause de saisine valable de cette juridiction. Cette saisine peut être faite directement par les États ou les organisations internationales, mais également par les individus et les organisations non-gouvernementales (ONG) ayant qualité d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, à condition bien-sûr, dans ce dernier cas, que l’État partie ait souscrit à la déclaration prévue par l’article 34(6) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples du 10 juin 1998 (protocole de Ouagadougou).22

Par conséquent, quand bien même il s’agira d’une atteinte non arbitraire, en l’occurrence une vaccination imposée mais justifiée, le patient dont l’État aura fait la déclaration aux termes de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou, pourra saisir la Cour dès lors qu’il parvient à démontrer à celle-ci dès sa saisine, le préjudice subi du fait de cette vaccination obligatoire. Il pourra également le faire lorsqu’il estime que la vaccination faite sans le consentement préalable du patient, ne concourt pas à la protection de ses intérêts.

2.1.2 Une vaccination dans l’intérêt du patient

Le caractère obligatoire d’un vaccin est apprécié en fonction du «bénéfice» qu’il procure au patient. C’est ce rapport risque-bénéfice qui permet d’apprécier l’efficacité d’un vaccin et le cas échéant, permet de légitimer son caractère obligatoire. Un acte médical doit pouvoir se justifier par son utilité thérapeutique.23 La déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale (AMM relative aux principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains) dispose ainsi au sujet de la recherche médicale, que: «dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être du sujet».24 Le bien-être du sujet, du patient, doit pouvoir primer sur les autres intérêts; c’est dans le même sens que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, consacre la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, lorsqu’elle dispose en son article 4(1) que: «dans toute action concernant un enfant, entreprise par une quelconque personne ou autorité, l’intérêt supérieur de l’enfant sera la considération primordiale».

La notion «d’intérêt supérieur de l’enfant» est d’une grande portée dans l’analyse des vaccinations obligatoires dans le système africain des droits de l’homme. Les nombreux vaccins imposés aux enfants en bas âge dans plusieurs pays de l’UA, trouvent nécessairement leur fondement dans la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Qu’il s’agisse des vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, ou encore celui de la tuberculose, la poliomyélite, tous ces vaccins ont pour rôle de protéger la santé infantile en Afrique. A titre d’illustration, l’UNICEF affirme qu’au cours de ces dernières décennies, les vaccins ont contribué à réduire considérablement la charge de la morbidité des maladies de l’enfance à l’échelle mondiale.25 Grâce à la vaccination continue-t-il, «plus d’enfants que jamais mènent à présent une vie dépourvue de maladies évitables par la vaccination».26 L’on peut ainsi comprendre pourquoi, à titre de droit comparé, la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a pu affirmer que l’obligation de vacciner les tout petits enfants relevait d’une obligation légale, dans la mesure où ces vaccinations concourent à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, en l’occurrence son droit à la santé, son droit à la vie.27 Dans cette affaire, les «enfants requérants» de la République Tchèque ont saisi la CrEDH aux fins de constater la violation de leur droit fondamental à l’instruction, et surtout de leur droit au respect de la vie privée (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)). Ces derniers contestaient l’annulation de leur inscription à l’école maternelle, faute d’avoir satisfait à l’obligation légale de vaccination, ou de ne l’avoir pas fait selon le calendrier prévu par la loi tchèque. L’école maternelle leur exigeait de se faire vacciner contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, les infections à Haemophilus influenzae de type b, la poliomyélite, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons et la rubéole et - pour les enfants présentant des indications spécifiques - les infections à pneumocoque comme le prévoit le droit positif de la République Tchèque.28 Les cinq requérants souhaitaient obtenir de la Cour, le constat de la violation des droits humains par la loi tchèque ayant rendu tous ces vaccins obligatoires. Mais la CrEDH a jugé que les mesures dont se plaignaient les requérants, évaluées dans le contexte du régime national, se situent dans un rapport de proportionnalité raisonnable avec les buts légitimes poursuivis par l’État tchèque à travers l’obligation vaccinale.29 Les mesures prises par l’État tchèque concouraient donc à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Rappelons à toutes fins utiles que cette notion trouve ses origines dans la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.30 En l’espèce, la CrEDH a pris le soin de rappeler que l’intérêt supérieur des enfants doit primer dans toutes les décisions qui les concernent. En matière de vaccination notamment, l’objectif doit être de veiller à ce que tout enfant soit protégé contre les maladies graves par la vaccination ou par l’immunité de groupe.31 La politique de l’État tchèque est par conséquent conforme à l’intérieur supérieur de l’enfant, cela d’autant plus que la vaccination concernant ces différentes maladies sont estimées sûres et efficaces par la communauté scientifique.32 Mieux encore, la CrEDH a jugé à la majorité, 16 voix contre une, que cette atteinte au droit à la vie privée, ou encore au droit à l’instruction, était proportionnelle aux intérêts protégés. Elle note ainsi que l’amende administrative infligée aux requérants (parents des enfants) du fait du refus de la vaccination, n’était pas excessive et que, «bien que la non admission des enfants requérants à l’école maternelle ait impliqué pour eux la perte d’une occasion cruciale de développer leur personnalité, il s’agissait d’une mesure préventive plutôt que punitive dont les effets ont été limités dans le temps, le statut vaccinal des enfants n’ayant pas eu d’incidence sur leur admission à l’école élémentaire lorsqu’ils ont atteint l’âge de la scolarité obligatoire».33 La proportionnalité de cette atteinte légitime aux droits fondamentaux de ces enfants, s’illustre également par le fait que, cette obligation vaccinale n’est pas imposée aux enfants présentant des indications médicales spécifiques.34  

Si la question des vaccinations obligatoires n’a pas encore été soumise à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, il n’en demeure pas moins que ce raisonnement de la CrEDH puisse être également celui de celle-ci. Les vaccins obligatoires exigés aux parents pour leurs enfants, admis au sein des pays de l’UA, témoignent à suffisance de la validité du raisonnement de la CrEDH au sein de l’UA. Parce que ces vaccins protègent la vie, l’on ne saurait permettre qu’ils dépendent essentiellement de la volonté des patients, au risque de se trouver dans une situation où, le droit à la vie auquel concourent ces vaccins, est mis à mal par la liberté de se faire vacciner ou pas. La liberté individuelle de se faire vacciner ou pas n’étant pas une liberté absolue; elle ne saurait être source d’atteinte au droit à la vie de son titulaire, ou encore justifier une atteinte au droit à la santé de l’ensemble de la société. Contrairement à l’État tchèque qui prévoit une amende afin de contraindre les parents à faire vacciner leurs enfants, dans l’UA une telle pratique est très peu courante. La proportionnalité de l’atteinte aux droits fondamentaux due aux vaccinations obligatoires des enfants en bas âge, est véritablement proportionnelle à l’intérêt que l’on voudrait préserver, à savoir l’intérêt général à travers une immunité collective.

2.2 Les vaccinations obligatoires comme instrument de protection de la santé des populations

Après avoir affirmé que toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle est capable d’atteindre,35 la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dispose en son article 16(2) que: «Les Etats parties à la présente Charte s’engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l’assistance médicale en cas de maladie». Dans un arrêt interprétatif,36 la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a donné un contenu à une formule similaire, qu’elle avait précédemment utilisée dans l’un de ses arrêts.37 En effet, il était question pour la Cour africaine de donner la signification des termes: «toutes les mesures nécessaires», qu’elle exigeait de la Tanzanie qui s’était rendue coupable de la violation du droit au procès équitable du sieur Thomas. En l’espèce, la Cour africaine affirme que:38

La forme la plus appropriée de redressement pour une violation du droit à un procès équitable consiste à faire en sorte que la victime se retrouve dans la situation qui aurait été sienne, si les violations constatées n’avaient pas été commises. Pour y parvenir, la République-Unie de Tanzanie a deux possibilités: soit réexaminer l’affaire dans le respect des règles du procès équitable, soit prendre toutes les mesures requises pour s’assurer que le sieur Thomas se retrouve dans la situation qui était sienne avant lesdites violations.

Ce raisonnement de la Cour africaine s’inspire de l’article 27(1) du Protocole de Ouagadougou, qu’elle a pris le soin de citer. Au terme de cette disposition: «Lorsqu’elle estime qu’il y a eu une violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation» Autrement-dit, l’expression «mesures nécessaires» s’apprécie in concreto, cependant elle renvoie aux stratégies efficaces permettant l’atteinte de l’objectif escompté.

Ces «mesures nécessaires» attendues des États en vue de protéger la santé publique peuvent être des vaccinations obligatoires. Celles-ci s’inscrivent en effet, dans le cadre des obligations minimales essentielles des États relatives à l’effectivité du droit à la santé des populations, telles que le précisent les principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques sociaux et culturels consacrés dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Selon lesdits principes, les obligations de l’Etat consistent en la matière à «assurer l’immunisation universelle contre les maladies infectieuses majeures, prendre des mesures pour prévenir, traiter et contrôler les maladies épidémiques et endémiques».39 Les vaccinations obligatoires consacrent et réitèrent ainsi la primauté de l’intérêt général sur l’intérêt individuel, et attestent que les vaccinations obligatoires constituent des instruments efficaces dans la prévention des atteintes à la santé publique.

2.2.1 La primauté de l’intérêt général sur les intérêts individuels

La notion d’intérêt général est régulièrement utilisée en droit, sans que l’on puisse en donner une véritable définition. Désignée sous les vocables «intérêt public», «utilité publique», «utilité générale», la notion d’intérêt général peut être définie comme l’ensemble des besoins de la population.40 Il ne s’agit donc pas d’une notion exclusivement juridique, car les besoins de la population ne relèvent pas seulement des sciences juridiques. Cette notion se veut ambivalente dans la mesure où, elle fait appel à la fois à la politique et au droit.41 En fonction de la délimitation géographique de la population, l’intérêt général peut être local, national, régional ou communautaire.42 C’est une notion transversale qui a le mérite d’être un instrument efficace pour la protection des droits fondamentaux.43 La protection de l’intérêt général est le fondement de la légalité et de la légitimité des atteintes aux droits fondamentaux. Le législateur doit pouvoir justifier la restriction apportée aux droits fondamentaux d’un ou de plusieurs individus par la poursuite d’un objectif d’intérêt général.44 C’est la raison pour laquelle la notion d’intérêt général est censée désigner l’ordre public, «l’intérêt du peuple, ou bien la priorité des décisions administratives sur les intérêts privés, sectoriels, les droits individuels et les contrats entre particuliers».45 La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de l’UA, dans les Principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine, désigne l’intérêt général par la notion «d’intérêt public», qu’elle définit comme «le bien-être commun ou le bien-être général de la population».46 

En consacrant l’obligation positive mise au passif des États dans la protection de la santé des populations, la Charte africaine consacre la primauté des droits fondamentaux de la collectivité sur ceux de l’individu à plus d’un titre. Le bien-être du peuple, qu’il s’agisse du «peuple-État», «peuple-population» ou du «peuple-dominé»,47 est prioritaire par rapport à celui des individus. La santé des populations prime sur la santé individuelle. En vue de protéger la santé des populations, certains droits fondamentaux peuvent légitimement faire l’objet de violation notamment le choix de se faire vacciner ou pas, avec pour conséquence la perte de tous les avantages conditionnés par ladite vaccination. La Charte africaine dispose clairement à cet effet en son article 27(2) que: «Les droits et les libertés de chaque personne s’exercent dans le respect du droit d’autrui, de la sécurité collective, de la morale et de l’intérêt commun».  La sécurité collective, ou encore l’intérêt commun, l’intérêt général deviennent des fondements, qui ont le mérite de justifier l’existence des vaccinations obligatoires dans le système africain des droits de l’homme.

Si l’occasion n’a pas encore été offerte à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples de réitérer la suprématie de l’intérêt général sur les intérêts individuels, en l’état actuel du droit africain des droits de l’homme et des peuples, l’on peut valablement affirmer cela en prenant appui sur l’article 27(2) de la Charte africaine sus cité. Cette primauté de l’intérêt général est valable tant au sein des États membres qu’au niveau communautaire. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples traduit cette réalité par le contenu qu’elle donne au principe de proportionnalité dans la mise en œuvre des droits sociaux et culturels en Afrique. Selon ce principe, il est question «de trouver un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les besoins de protection des droits fondamentaux des individus».48

La Commission africaine peut valablement adopter des résolutions pour clarifier la nature et/ou la portée des droits et obligations, et ces résolutions peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux de certains individus, parce qu’elles concourent à l’atteinte d’un objectif d’intérêt général. C’est ce qu’illustre la Résolution sur les droits de l’homme et des peuples en tant que pilier central d’une réponse réussie au Covid-19 et du redressement de ses impacts sociopolitiques.49 Le port obligatoire du masque est retenu par la Commission africaine, comme l’une des principales mesures de prévention de la maladie en cette période de pandémie. Selon cette résolution, les États parties sont appelés à veiller au respect du droit à la vie et à la santé de leurs populations, notamment en veillant à ce que la priorité soit accordée

... à des interventions mesurées en matière de santé publique, notamment le port obligatoire du masque, l’installation des postes de lavage et de désinfection des mains dans des lieux publics, la désinfection des lieux publics, l’organisation de rassemblement dans les espaces ouverts, l’observation des règles de distanciation physiques dans le cadre des activités économiques.50

Au-delà du seul port du masque, l’obligation de lavage de mains dans les espaces publics ou encore celle de distanciation physique, sont autant de restrictions apportées aux libertés fondamentales individuelles, qui se justifient pourtant par la nécessité de préserver l’intérêt général, la nécessité de préserver la santé publique. Bien que cette résolution ne consacre pas les vaccinations obligatoires comme moyens de prévention de la Covid-19 en Afrique, il n’en demeure pas moins que le mécanisme de la vaccination obligatoire est un outil très important dans la prévention des atteintes à la santé publique.

2.2.2 Les vaccinations obligatoires, instrument efficace de prévention des atteintes à la santé publique

La Résolution 449 de la Commission africaine des droits de l’homme sus citée n’avait pas besoin de consacrer la vaccination obligatoire comme mesure de prévention de la Covid-19 en Afrique, pour que l’on puisse attester de la légitimité de ladite vaccination, comme solution à cette pandémie. En effet, selon ladite Commission, les États ont comme obligations essentielles minimales dans la mise en œuvre du droit à la santé en leur sein d’«assurer l’immunisation universelle contre les maladies infectieuses majeures; prendre des mesures pour prévenir, traiter et contrôler les maladies épidémiques et endémiques».51  Les dispositions de l’article 16(2) de la Charte africaine qui autorisent et exigent même aux Etats le recours aux «mesures nécessaires» afin de prévenir les atteintes à la santé des populations, intègrent déjà le mécanisme de la vaccination obligatoire. Mais il ne s’agit pas d’un mécanisme de prévention passe-partout. Dans l’expression «mesures nécessaires» l’on perçoit l’idée selon laquelle, ces mesures doivent être proportionnelles au risque sanitaire auquel sont exposées les populations, conformément au principe de proportionnalité dans la mise en œuvre des droits économiques sociaux et culturels en Afrique. Cela étant, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples laisse ainsi implicitement à l’appréciation de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi qu’à la Commission africaine, à l’occasion d’un probable contentieux relatif à la validité des mesures instituant la vaccination obligatoire, l’appréciation de la vaccination obligatoire en tant que mesure nécessaire dans la prévention de la Covid-19 ou de toute maladie constituant une menace pour la santé publique.

Il n’en demeure pas moins que la vaccination obligatoire se veut très efficace dans la prévention des atteintes à la santé publique. Parce qu’elle a le mérite de créer une immunité collective, la vaccination obligatoire peut permettre à toute la population de résister à une maladie pourtant infectieuse. Les vaccins imposés dans le cadre de la circulation des hommes et des femmes d’un pays à un autre, ont également le mérite de protéger les pays d’accueil de certaines maladies très peu connues par leur climat et par conséquent, certainement dangereuses pour leur population. A titre d’illustration, le vaccin contre la fièvre jaune, encore appelé vaccin antiamarile, exigé à toute personne qui part du Cameroun ou qui désire séjourner en terre camerounaise, se veut obligatoire dans l’intérêt non seulement de l’étranger qui séjourne au Cameroun, mais également pour la population du pays étranger dans lequel un résidant camerounais est appelé à séjourner. Ce résident camerounais ne pourra pas leur transmettre la maladie, et les étrangers séjournant au Cameroun, ne pourront pas contracter la maladie. La fièvre jaune est une maladie virale qui se transmet notamment par les piqures de moustiques. Il s’agit d’une infection extrêmement mortelle présente dans les pays tropicaux d’Afrique et d’Amérique du Nord. Le vaccin doit être pris au moins 10 jours avant le voyage, pour que l’immunité soit acquise.52

L’Etat du Cameroun recommande aussi plusieurs autres vaccins aux étrangers désirant séjourner sur son territoire. Il s’agit du vaccin contre l’hépatite A, le paludisme, la rage, la typhoïde.53 De même les nombreux vaccins exigés aux enfants en bas âge avant leur admission à la crèche ou à l’école maternelle permettent de prévenir les infections entre nourrissons, ou entre des jeunes enfants. Si l’on se limite à la protection de la liberté individuelle de se faire vacciner ou pas, cela voudrait dire que la santé des autres jeunes enfants est sacrifiée au profit du droit d’un seul ou de certains individus, comme l’a constaté à juste titre la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Vavricka susmentionnée. Or, l’exigence de ces vaccins à tous les autres enfants crée un environnement sain à la crèche ou à l’école maternelle. On parvient ainsi à concilier parfaitement le droit à l’éducation et le droit à la santé; le droit à l’éducation en toute sécurité sanitaire.

La nécessité des vaccinations obligatoires n’est donc plus à démontrer. Le système africain des droits de l’homme en a tenu compte, même si l’on attend que la Cour africaine le réitère cela dans sa jurisprudence. Toutefois, il faut reconnaître que la consécration des vaccinations obligatoires comme atteintes justifiées aux droits de l’homme en Afrique, se veut sommaire et implicite; il devient donc urgent de procéder à un meilleur encadrement juridique desdites vaccinations en Afrique.

3 L’URGENCE D’UN MEILLEUR ENCADREMENT JURIDIQUE DES VACCINATIONS OBLIGATOIRES AU SEIN DE L’UNION AFRICAINE

La conformité implicite des mesures de vaccination obligatoire à la Charte africaine pourrait ne pas encourager les États membres de l’UA à légiférer de manière claire et précise sur la question des vaccinations obligatoires. Elle pourrait ne pas également encourager les populations des États à se soumettre aux obligations vaccinales en vigueur en leur sein. La forte réticence à l’endroit des différents vaccins contre la Covid-19 en Afrique pourrait trouver certaines de ses raisons dans l’absence de précisions relatives aux vaccinations obligatoires dans le système de protection des droits humains de l’UA. L’urgence de la définition du régime juridique des vaccinations obligatoires en Afrique constitue un réel défi pour l’UA. Ce régime juridique devra d’une part définir de manière claire et précise le contexte justifiant le recours aux vaccinations obligatoires, les exigences relatives aux vaccins et au suivi de la vaccination devront également faire l’objet d’une véritable précision, d’autre part.

3.1 La stricte détermination du contexte du recours aux vaccinations obligatoires

Parce qu’elles constituent une exception au principe du consentement du patient à tout acte médical, le recours aux vaccinations obligatoires ne devrait pas être la règle, mais l’exception. La préservation de ce caractère d’exception exige que le contexte sanitaire justifie aisément l’obligation vaccinale envisagée. En outre, il faudra absolument que les populations cibles aient été suffisamment édifiées sur la nécessité de la vaccination obligatoire.

3.1.1 Les périodes de nécessité et d’urgence sanitaires

Bien que la situation d’urgence sanitaire ne figure pas dans les dispositions de la Charte africaine,54 ce que nous qualifions de «nécessité» ou «d’urgence sanitaire» n’échappe pas en réalité à l’esprit des dispositions de la Charte africaine. En effet, ces expressions renvoient aux situations dans lesquelles l’on ne se trouve pas dans un état d’urgence sanitaire, mais pendant lesquelles, il est indispensable de recourir aux vaccinations obligatoires, le cas échéant, pour protéger l’intérêt général. Cela peut être assimilé à un ordre public sanitaire en période classique, c’est-à-dire en l’absence de toute épidémie ou pandémie. La «nécessité sanitaire» s’inscrit dans une logique de prévention des affections connues. Ainsi, des vaccins obligatoires peuvent être exigés aux nourrissons sur le fondement de la nécessité sanitaire lorsqu’il est démontré qu’en l’absence de ce vaccin, le risque de contracter une maladie donnée est très élevé chez les nourrissons ou les enfants en bas âges. Une ou plusieurs vaccinations peuvent être imposées également à des personnes fortement prédisposées à contracter une maladie pouvant leur ôter la vie, au cas où elles ne se feraient pas vacciner. C’est le cas notamment des professionnels de santé. Par exemple, les personnes résidant en occident et désirant séjourner dans les zones tropicales africaines, devraient ainsi, au nom de la «nécessité sanitaire», se faire vacciner contre des maladies tropicales particulièrement dangereuses telles que la fièvre jaune.55 L’OMS s’est évertuée à prendre en considération cette réalité en mettant sur pied un carnet de vaccination exigé de la part de chaque voyageur. Ledit carnet ne devrait pas contenir les mêmes vaccins, mais devrait contenir obligatoirement seulement les vaccins contre des maladies jugées particulièrement néfastes pour les organismes humains n’ayant pas l’habitude de vivre dans le lieu de séjour envisagé. Au sein d’un pays, des vaccins peuvent être obligatoires pour certains adultes, notamment aux femmes enceintes lorsqu’il est prouvé qu’en l’absence de ce vaccin, sa vie ou celle du fœtus/embryon est sérieusement mise en danger. Tout dépend des spécificités du contexte sanitaire du pays concerné. Dans cette hypothèse, la nécessité sanitaire concourt ainsi à la préservation de la santé du patient, mais également à celle du reste de la société lorsqu’il s’agit d’une maladie contagieuse. Généralement, ces vaccinations sont présentées comme «systématiques recommandées» pour emprunter l’expression de l’OMS,56 mais l’on s’aperçoit de leur caractère obligatoire lorsqu’on constate que l’accès à l’école, aux frontières est soumis au fait d’avoir satisfait à l’obligation vaccinale y relative. Cependant nous n’approuvons pas cette formulation implicite du caractère obligatoire de certaines vaccinations. L’UA devrait définir clairement les vaccinations obligatoires, les présenter comme telles et inviter les États membres à en faire autant en leur sein.

Toutefois en période de crise sanitaire, c’est-à-dire en présence d’évènements qui affectent la santé d’un grand nombre,57 l’on peut se trouver dans une situation d’état d’urgence sanitaire. C’est une situation d’exception dans laquelle le gouvernement est autorisé à mettre à mal certains droits et libertés en vue de préserver la paix et la sécurité des populations et de leurs biens, ceci en accordant aux autorités civiles des pouvoirs étendus.58 L’état d’urgence sanitaire est donc une situation d’exception qui exige de la part de l’État de restreindre et/ou de déroger à certains droits et libertés de la personne en vue de protéger la santé publique. L’état d’urgence sanitaire peut s’appliquer à seulement une partie du territoire national lorsque l’épidémie est contenue dans un espace géographique précis. Parmi ces mesures restrictives des droits et libertés fondamentaux, l’État peut imposer des vaccinations comme ce fut le cas dans plusieurs pays européens pendant la pandémie de la Covid-19.59 L’urgence sanitaire n’est pas que nationale, elle peut être également internationale, c’est le cas notamment lorsque l’OMS déclare une situation d’urgence sanitaire comme ce fut le cas avec la Covid 19 le 31 décembre 2019.

Qu’il s’agisse de l’état d’urgence sanitaire ou d’une situation d’urgence sanitaire internationale, étant donné qu’il s’agit des cas d’exception, il faut que l’on se trouve dans une véritable situation dans laquelle la population est exposée à un ou plusieurs risques sanitaires ne faisant l’objet d’aucun doute. C’est pourquoi, les populations cibles de la vaccination obligatoire envisagée méritent d’être informées de la situation qui prévaut et de l’opportunité des mesures prises par l’État pour y faire face.

3.1.2 L’information claire et précise des populations cibles sur la nécessité et/ou l’urgence de la vaccination envisagée

La situation d’urgence sanitaire ne saurait justifier l’atteinte à tous les droits fondamentaux des populations. Si leur droit de consentir à la vaccination est aliéné au profit de la protection de la santé publique, elles jouissent toujours du droit fondamental d’être informées de manière claire et précise sur le contexte qui impose le recours à la vaccination obligatoire, et même sur le contenu de ladite vaccination. Amnesty international martèle ainsi que toute règle de vaccination obligatoire doit être conforme aux droits humains.60 Une règle de vaccination obligatoire doit, soutient-elle, poursuivre un but spécifique, fondée sur des données scientifiques avérées et les groupes humains concernés doivent être consultés. L’obligation vaccinale doit être nécessaire, proportionnée et raisonnable pour atteindre ce but, la règle de vaccination doit avoir un champ et une durée d’application limités pour atteindre ce but spécifique et légitime. Cette règle ne doit pas avoir d’effet discriminatoire en particulier sur les groupes ayant déjà subi une discrimination historique et structurelle. La règle d’obligation vaccinale doit être soumise à un examen après une certaine périodicité, afin d’en évaluer l’efficacité et le cas échéant, afin de permettre que l’obligation vaccinale soit levée. Cette règle doit enfin être élaborée de manière à être suffisamment claire et précise.61 Ces différentes recommandations protectrices des droits humains exigent ainsi que l’État soit tenu à une obligation d’information spécifique à l’endroit des personnes ou des catégories de personnes, astreintes à l’obligation vaccinale humaine.

L’information ainsi requise doit être claire, précise et continue. La clarté attendue exige que l’information soit accessible, c’est-à-dire qu’elle doit être transmise dans une langue parfaitement comprise par la cible et dans un registre de langue adapté au niveau de compréhension de celle-ci. Si la population cible ne s’exprime pas dans une langue officielle, l’on ne doit pas hésiter à recourir à un interprète. Les modes de transmission doivent également tenir compte des difficultés auxquelles sont confrontés les malvoyants, les malentendants. La précision qui doit caractériser cette information exige que l’on fasse comprendre aux populations cibles en quoi la vaccination est la solution la plus efficace contre la maladie combattue; tous les risques connus inhérents à la maladie pour les personnes non vaccinées, le nombre de doses de vaccin à prendre pour être immunisé, le canal d’administration du vaccin, tous les effets indésirables connus du vaccin. Le caractère continu de l’information voudrait que toute nouvelle information obtenue au sujet du vaccin après son administration soit portée à la connaissance de la population cible, lorsque cette information est susceptible de les intéresser d’une quelconque façon. Il peut s’agir d’un nouvel effet indésirable, d’une maladie découlant de ce vaccin. Cette dernière information doit être donnée aux populations cibles même si elle peut être source d’une indemnisation/réparation intégrale lorsqu’il est prouvé le lien de causalité entre le vaccin concerné et ladite maladie. L’État doit pouvoir compléter l’information transmise aux populations cibles en leur garantissant la réparation de tout préjudice dû à cette vaccination. Lorsque les cibles d’un vaccin ou des vaccins obligatoires sont des mineurs ou des majeurs incapables, ces informations doivent être transmises à leurs représentants légaux.

La garantie de réparation offerte par l’État a pour effet d’encourager les populations cibles ou les individus à adhérer en toute quiétude à la vaccination obligatoire. La réticence des populations à l’endroit des vaccinations obligatoires est généralement due à la crainte des préjudices médicaux (affections iatrogènes) qui peuvent en découler. La garantie de réparation de ces préjudices doit être exigée par l’UA, afin qu’elle figure de manière explicite dans les législations des États membres, sur les vaccinations obligatoires. Satisfaire à toutes ces exigences a le double effet d’exiger de l’État une attitude responsable; celui-ci ne pourra recourir aux vaccinations obligatoires que de manière ultime, au regard de toutes les obligations mises à son passif dans ce sillage. Le second effet est de faciliter le contrôle de l’opportunité du recours aux vaccinations obligatoires par les juridictions de l’État membre et même par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

Certes toutes ces informations requises peuvent avoir l’effet contraire de dissuader les populations à accepter la vaccination imposée, cependant, si l’État a pu leur fournir toutes ces informations, les réticences à l’endroit de ces vaccinations réduiront considérablement.

Pour plus de garantie de réparation des préjudices médicaux pouvant découler de ces vaccinations, l’on peut exiger de la part de chaque État de mettre sur pied un régime d’indemnisation, et non un régime de responsabilité relativement aux vaccinations obligatoires. Le régime d’indemnisation se veut plus avantageux dans la mesure où, à travers la création d’un fonds de garantie/d’indemnisation destiné à la réparation intégrale des préjudices issus des vaccinations imposées, les victimes des effets indésirables des vaccins imposés seront épargnées des péripéties liées au procès, qu’impose le régime de responsabilité.62 Nous nous inspirons ainsi du Code de santé publique français, qui prévoit en son article L3111-9 que l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est l’organe compétent pour indemniser les victimes des vaccinations obligatoires pour les préjudices subis de ce fait.63 Après avoir procédé à toute investigation nécessaire sans qu’on puisse lui opposer le secret professionnel, le directeur de l’ONIAM procède à l’offre d’indemnisation adressée à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit.64 Cette offre indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice nonobstant l’absence de consolidation desdits préjudices, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit.65 L’acceptation d’office de l’offre d’indemnisation par la victime vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil français.66

La transposition de ce mécanisme au sein des États membres de l’UA est tout à fait possible étant donné que l’ONIAM en France, est financé par la solidarité nationale. Les États africains peuvent par conséquent instituer chacun en leur sein un mécanisme de solidarité nationale qui est chargé d’indemniser les victimes des préjudices issus des vaccinations obligatoires. Toutefois, il est important de préciser que la procédure d’indemnisation devra être allégée pour les victimes tant dans sa durée que dans les actes de procédures à accomplir.

Mais au-delà de cette garantie d’indemnisation, le vaccin à administrer doit au préalable réunir des qualités nécessaires de son efficacité, et la vaccination doit toujours être perçue comme un acte médical devant absolument faire l’objet d’un suivi.

3.2 Les exigences propres aux vaccins obligatoires et au suivi de la vaccination

Le vaccin est un produit de santé; à ce titre, il doit appartenir à la grande famille des données acquises de la science. Mais cela n’exclut pas le fait que la ou les personnes ayant reçu le vaccin obligatoire doivent obligatoirement bénéficier d’un suivi post vaccinal.

3.2.1 Un vaccin de qualité scientifique incontestée

La vaccination n’est pas un essai clinique; selon la loi-type de l’UA sur la réglementation des produits médicaux, un essai clinique est: «toute étude systématique des produits pharmaceutiques sur des sujets humains, que ce soit chez les patients ou d’autres volontaires, afin de découvrir ou de vérifier les effets des, et/ou d’identifier tout effet indésirable des produits de recherche et/ou d’étudier l’absorption, la distribution, le métabolisme et l’excrétion des produits dans le but de s’assurer de leur efficacité et de leur sécurité».67 Dès lors, il est indispensable que le vaccin, fut-il obligatoire, recommandé ou simplement suggéré, soit suffisamment éprouvé selon les techniques scientifiques conventionnelles, avant d’être administré à un être humain. Comme le dispose la loi-type de l’UA sur la réglementation des produits médicaux: «toute demande d’autorisation de commerciali-sation des produits médicaux doit être soumise au chef de l’Agence/Autorité à l’aide d’un formulaire réglementaire et doit être accompagnée des renseignements prescrits, des échantillons des produits médicaux pertinents, des renseignements sur une personne technique qualifiée et les frais de dossier prescrits».68 «L’Agence/Autorité donne son approbation pour un produit médical si elle est convaincue; a) qu’il est approprié pour le but recherché en termes de qualité, de sécurité et d’efficacité; et b) que l’autorisation de mise sur le marché est d’utilité publique».69

Les notions de sécurité et d’efficacité permettent de réitérer l’idée selon laquelle, l’on ne devrait pas se fonder sur le motif d’une vaccination obligatoire pour procéder à des essais cliniques déguisés. En outre, la sécurité de la personne et l’efficacité du vaccin ne doivent jamais être sacrifiés, même en période d’urgence sanitaire. Toute précipitation dans l’octroi de l’autorisation de commercialisation ou de mise en circulation d’un vaccin fut-il obligatoire doit être fortement condamnée par l’UA afin de contraindre les États africains à plus de rigueur dans le recours aux vaccinations obligatoires même en période d’urgence sanitaire nationale. Toute vaccination obligatoire faite lorsque le ou les vaccins n’ont pas suffisamment été éprouvés par les protocoles établis à cet effet, doit être qualifiée d’essai clinique déguisé et donner lieu à des sanctions.

Nous ne perdons pas de vue que l’on peut se trouver dans une situation d’extrême urgence sanitaire, comme ce fut le cas pour la Covid-19 courant l’année 2020 et 2021. A titre exceptionnel des vaccins aux effets avérés mais non suffisamment éprouvés peuvent être mis à la disposition des populations, non pas de manière obligatoire, mais volontaire. Une information de qualité devra leur être fournie afin de leur permettre de donner un consentement intègre ou non à ce vaccin. Nous serons ainsi très loin du mécanisme des vaccinations obligatoires, et la responsabilité de l’État ne pourra pas être engagée en cas de préjudices médicaux issus de cette vaccination, parce que le consentement donné en connaissance de cause, légalise et légitime l’atteinte à l’intégrité physique du patient. Ce raisonnement s’inspire des dispositions de la déclaration d’Helsinki relative à l’expérimentation thérapeutique70 à la seule différence que nous préconisons ici que le consentement du patient doit absolument être au préalable obtenu. Le suivi post vaccinal se veut également une exigence absolue.

3.2.2 Un suivi médical obligatoire des populations vaccinées

Au regard des éventuelles affections iatrogènes pouvant découler du vaccin, le système de vaccination de manière général, et le système de vaccination obligatoire de l’UA doit faire du suivi post vaccinal, une exigence absolue. La loi-type de l’UA sur la réglementation des produits médicaux en son article 16, consacre cette obligation mise au passif des États membres, en exigeant de leur part de procéder à une pharmacovigilance. Elle consiste à exiger de la part de l’institution en charge de la mise en circulation des médicaments de fournir des rapports périodiques portant sur le suivi et l’analyse des effets ou des événements indésirables issus de ces vaccins.71 Cette pharma-covigilance permettra au-delà des autres sanctions administratives, de procéder au retrait du vaccin dont les effets indésirables sont de plus en plus connus et par conséquent permettra aussi la prise en charge des victimes de ces préjudices médicaux. Mais ce que nous préconisons va bien au-delà de la pharmacovigilance ; elle est commune à tout produit de santé. La pharmacovigilance peut s’avérer suffisante pour les vaccinations purement volontaires, mais insuffisante pour les vaccinations obligatoires.

Lorsque la vaccination est obligatoire ou recommandée, le suivi post vaccinal doit être une obligation. Le patient ayant reçu le vaccin doit pouvoir obtenir une date de rendez-vous le jour même de la vaccination. Ce rendez-vous devra intervenir après un délai considérable qui permettra d’apprécier la réception du vaccin par l’organisme du patient; ce sera l’occasion pour le professionnel de santé qui reçoit le patient de l’ausculter et de l’aider à découvrir les affections iatrogènes découlant du vaccin, le cas échéant. Cela aura le mérite de faciliter la prise en charge de ces affections iatrogènes par l’État, et de permettre l’indemnisation systématique, pour les préjudices médicaux subis. L’importance de rendez-vous post vaccinal devra clairement être donnée aux patients; et pour les y contraindre, le respect de ce rendez-vous post-vaccinal doit constituer la condition préalable de la prise en charge des affections iatrogènes issues de la vaccination et de l’indemnisation de la ou des victimes. Il est important de préciser que cette prise en charge se veut très importante parce que les patients peuvent développer de graves affections iatrogènes exigeant des soins médicaux très coûteux, pouvant s’étendre sur une longue durée, ou durant toute la vie. Le vaccin étant un produit santé qui n’échappe pas à l’omniprésence de l’aléa thérapeutique.72 Une vaccination obligatoire ou recommandée dont le vaccin a été suffisamment éprouvé, peut toujours donner lieu à des affections iatrogènes. Les populations cibles doivent être fortement encouragées à comprendre cette triste réalité afin d’adopter une attitude conséquente.

4 CONCLUSION

Il est possible de régir de manière efficiente les vaccinations obligatoires au sein de l’UA. C’est une urgence qui n’est plus à démontrer lorsqu’on sait que le système actuel de consécration quasi implicite de la possibilité de recourir aux vaccinations obligatoire en Afrique, peut être source d’une grande insécurité juridique. La crise sanitaire due à la Covid-19 nous a donné de nous apercevoir que la question des vaccinations obligatoires devrait aussi intéresser les dirigeants africains. Les vaccinations obligatoires ne méritent pas d’être combattues au nom du respect des droits humains, mais elles devraient être minutieusement encadrées afin qu’elles ne soient pas ou plus instrumentalisées, dans la mesure où elles concourent parfaitement à la justiciabilité du droit à la santé en Afrique, en période exceptionnelle. Cela étant, l’exception ne saurait devenir la règle. Le recours aux vaccinations obligatoires doit demeurer une exception, dans la mesure où le principe en la matière demeure la vaccination soumise au consentement éclairé du patient. Les États africains sont ainsi appelés à s’approprier le débat autour des vaccinations obligatoires, à s’inspirer des avancées recensées dans ce sillage sous d’autres cieux, pour développer un régime juridique applicable à la vaccination obligatoire adapté à leur contexte socioéconomique.

Ces États ne devront toutefois pas perdre de vue leur responsabilité inhérente à toute vaccination imposée; ce qui leur permettra d’apprécier la profondeur de la question des vaccinations obligatoires, et de ne pas se laisser être la proie d’un phénomène de suivisme. L’UA semble l’institution la plus indiquée pour mener cette réflexion, afin que la promotion et la protection des droits de l’homme en général et du droit à la santé en Afrique, soit une réalité incontestée, tant en période normale, qu’en période de crise sanitaire.

 
 

1. C’est au Dr Edouard Jenner que l’on attribue l’invention de la vaccination. En 1796 ce médecin inocule pour la toute première fois à un enfant de huit ans du pus prélevé sur une trayeuse de vache atteinte d’une maladie infectieuse des bovidés, la vaccine (voir à ce sujet: P Segur ‘Sur la licéité d’une obligation vaccinale anti-covid’ (2021) 20 Revue des droits et des libertés fondamentaux 6. Dr Edouard Jenner découvrait ainsi que l’on pouvait protéger les êtres humains contre la variole en leur inoculant la vaccine, une maladie habituellement rencontrée chez les bovins et identique à la variole et pourtant bénigne chez l’homme.

2. Le vaccin a été inventé par Louis Pasteur en 1877.

3. C Thomsen Encyclopédie, Vocabulaire médical (2018) ‘Vaccin/Vaccination/Vaccine’.

4. Unicef ‘Tout ce que vous devez savoir sur les vaccins, les principales questions que se posent les parents sur la vaccination’ https://www.unicef.org/fr/vaccination/foire-aux-questions-parents-vaccins (consulté le 8 juin 2022).

5. OMS ‘Vaccins et vaccination: qu’est-ce que la vaccination’ https://www.who.int/fr/health-topics/vaccines-and-immunization (consulté le 8 juin 2022).

6. OMS (n 6).

7. Psychomédia Lexique: psychologie et santé (2020).

8. OMS (n 6) 3.

9. Segur (n 1) 2.

10. Il s’agit notamment de l’inscription dans des écoles maternelles pour les enfants.

11. Art 12.

12. Thomsen (n 3) 3.

13. Art 4(1).

14. Art 5(1).

15. Art 5(2).

16. B Glorion ‘Qu’est-ce qu’un acte médical?’ in Médecine relation malade-patient, https://www.universalis.fr/encyclopedie/medecine-relation-malade-medecin/1-qu-est-ce-qu-un-acte-medical/ (consulté le 8 juin 2022).

17. Amnesty international ‘Maurice: toute règle de vaccination obligatoire doit être conforme aux droits humains’, Déclaration publique, 1 septembre 2021, 1, https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/09 (consulté le 10 juin 2022).

18. En effet, le malade est celui qui souffre d’une affection et séjourne dans une structure sanitaire pour retrouver la guérison. Le patient quant à lui, est celui qui, ne souffrant pas d’une quelconque affection, se retrouve dans une structure sanitaire pour bénéficier d’un acte médical, notamment un acte de prévention de la maladie tel que la vaccination.

19. Voir à ce sujet: Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Libye (fond) (3 juin 2016) 1 RJCA 158; Ayants droit feus Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema dit Ablasse, Ernest Zongo et Blaise Ilboudo et Mouvement Burkinabé des droits de l’homme et des peuples c. Burkina Faso (fond) (28 mars 2014) 1 RJCA 226.

20. Lohe Issa Konaté c. Burkina Faso (fond) (5 décembre 2014) 1 RJCA 324; Lohe Issa Konaté c. Burkina Faso (réparation) (3 juin 2016) 1 RJCA 358.

21. Selon l’article 3(1) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples du 10 juin 1998: ‘La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les Etats concernés’.

22. Aux termes de l’article 34(6) du Protocole de Ouagadougou: ‘A tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l’État doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l’article 5(3) du présent protocole (requêtes des individus et des ONG)’. La Cour ne reçoit aucune requête en application de cette disposition intéressant un État partie qui n’a fait une telle déclaration. 

23. JP Demarez ‘Déclaration d’Helsinki, origine, contenu et perspectives’, La lettre du pharmacologue (2000) 14(8) 163 https://www.edimark.fr/Front/frontpost/getfiles/4389 (consulté le 12 juin 2022).

24. Déclaration d’Helsinki de l’AMM relative aux principes éthiques applicables aux recherches médicales sur des sujets humains de juin 1864, principe 5.

25. Unicef (en français: Fonds des nations unies pour l’enfance), ‘Conférence ministérielle sur la vaccination en Afrique, tenir la promesse: assurer la vaccination pour tous en Afrique’, obtenu sur le site https://www.afro.who.int/sites/default/files/2017-06/Immunization (consulté le 22 juin 2022) 5.

26. UNICEF (n 25).

27. CEDH No. 47621/13 du 08 avril 2021, Vavricka et autres c. République tchèque, inédit.

28. CEDH ‘Questions-réponses sur l’arrêt Vavricka et autres c. République Tchèque’, Service de Presse, 4 août 2021.

29. CEDH (n 28).

30. Voir également à ce sujet: CEDH, Rapport annuel 2021, Conseil d’Europe-CEDH, 2022, 32, obtenu sur le site: https://www.echr.coe.int/Documents/Annual_report_2021_FRA, consulté le 14 juin 2022.

31. CEDH, Grande Chambre, ‘Arrêt relatif au refus de la vaccination infantile obligatoire: Vavricka et autres c. République Tchèque’, jurisprudences, obtenu sur le site: https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php, (consulté le 11 octobre 2022).

32. CEDH (n 32), para 7.

33. Vavricka, para 10.

34. Vavricka, para 9.

35. Art 16(1) de la Charte africaine.

36. Thomas c. République-Unie de Tanzanie (arrêt interprétatif) (2017) 2 RJCA 131.

37. Thomas c. République-Unie de Tanzanie (fond) (2015) 1 RJCA 482.

38. Thomas c. République-Unie de Tanzanie (n 37). La Cour africaine a donné la même interprétation dans un autre arrêt Aboubakari c. Tanzanie (arrêt interprétatif) (2017) 2 RJCA 140.

39. Paragraphe 67(1) & (d).

40. D Truchet ‘La notion d’intérêt général: le point de vue d’un professeur de droit’, (2017) 58(1) Legicom 5 -11.

41. G Merland ‘L’intérêt général, instrument efficace de protection des droits fondamentaux ?’ (2004) 16 Cahiers du Conseil Constitutionnel 1.

42. Truchet (n 40) 1.

43. Merland (n 42).

44. Merland (n 42) 3.

45. P Cretois & S Roza ‘De l’intérêt général: introduction’ Astérion, Philosophie, histoires des idées, pensée politique, No 17/2017, mis en ligne le 20 novembre 2017 (consulté le 12 juillet 2022).

46. Principes et lignes directrices sur la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, confère première partie (Interprétation (h)).

47. AB Fall ‘Charte africaine des droits de l’homme et des peuples: entre universalisme et régionalisme’ (2009) 129(2) Pouvoirs 77-100.

48. Principes et lignes directrices (n 46); confère première partie (Interprétation (g)).

49. Commission africaine, Res. 449 (LXVI) 2020.

50. Art 1(a) de la Charte africaine, Res. 449 (LXVI) 2020.

51. Principes et lignes directrices (n 46); confère quatrième partie (droit à la santé).

52. Toutes ces informations sont obtenues sur le site https://www.rapidevisa.fr/Cameroun/vaccin-voyage-cameroun.html, consulté le 12 juillet 2022. (‘Voir les formalités Cameroun et commander un visa’).

53. Confère n 52.

54. OB Bahoze ‘Le système africain des droits de l’homme face à l’état d’urgence sanitaire due à la Covid-19’ (2020) 4 Annuaire africain des droits de l’homme 60-82.

55. Institut Pasteur ‘La fièvre jaune’ https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/preparer-son-voyage/cameroun (consulté le 6 octobre 2022).

56. Confère OMS Vaccination systématiques recommandées, novembre 2021, 12, obtenu sur le site: https://cdn.who.int/media/docs/default-source/immunization /tables/immunization-routine-table1-fr., consulté le 6 octobre 2022.

57. Les crises sanitaires se traduisent toujours par une augmentation des indicateurs de mortalité ou de morbidité.

58. S Guinchard & T Debard (dirs) Lexique des termes juridiques (2017-2018), voir ‘Etat d’urgence’.

59. Il s’agit notamment de l’Autriche, le Vatican, l’Allemagne, et la Grèce.

60. Amnesty International (Déclaration publique) (n 18).

61. Amnesty International (Déclaration publique) (n 18) 2. Toutes ces recomman-dations y sont contenues.

62. Voir à ce sujet: G Viney ‘L’avenir des régimes d’indemnisation sans égard à la responsabilité’ (1998) 39 (2/3) Les cahiers du droit 287-301.

63. Ledit article dispose que:  ‘Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions pratiquées au présent chapitre, est assurée par l’Office National d’Indemnisation des Accident Médicaux, des affections iatrogènes nosocomiales ... au titre de la solidarité nationale’.

64. Art L3111 (1 et 2) du Code de santé publique français.

65. Art L3111(3) du Code de santé publique français.

66. Art L3111(4) du Code de santé publique français.

67. Cette loi-type est l’œuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique et de l’AMRH (African Medicines Regulatory Harmonisation).

68. Art 13(1).

69. Art 13(4).

70. Demarez (n 23) 163.

71. Alinéa 1(b).

72. WN Mkamwa La réparation du préjudice médical à l’aune de droits fondamentaux (2016) Thèse de doctorat, Université de Yaoundé II Soa 6.