Koffi Arnaud Kpla
Doctorant au Centre de droit international de Nanterre, Université Paris Nanterre (France). Titulaire du Master en droit international public de l’Université de Strasbourg (France) et du Diplôme universitaire Clinique des droits de l’homme de l’Institut international des droits de l’homme de Strasbourg (France).
L’auteur a occupé la fonction d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche en droit public à l’Université de Bordeaux (France)
https://orcid.org/0000-0002-5318-7900
Il adresse ses vifs remerciements au Dr Trésor Makunya pour son appui, à Alex Adou pour son avis, puis à Josée Ouffoué et Sephorah Dicko pour leurs relectures respectives
Edition: AHRY Volume 6
Pages: 63-81
Citation: KA Kpla ‘La notion d’intérêt dans la procédure contentieuse devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2022) 6 Annuaire africain des droits de l’homme 63-81
http://doi.org/10.29053/2523-1367/2022/v6a3
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RÉSUMÉ:
En matière contentieuse, quelques dispositions expresses du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que du Règlement intérieur de la Cour, permettent de définir les conditions d’ordre procédural préalables à la saisine de la Cour. Ces dispositions prévoient également les critères essentiels aux fins d’une intervention dans le cadre d’une affaire en cours. Dans la mise en œuvre de ce droit de saisine et d’intervention, entre en scène la notion d’intérêt. Avec pour objectif de renforcer la position des rédacteurs des textes suscités, parallèlement de pallier les imperfections des observations de certains États, cette contribution met en exergue l’intérêt juridique et le présente comme une notion inopportune au moment de la saisine. En cours d’instance par contre, la participation des acteurs impliqués requiert un intérêt juridique davantage prononcé chez une catégorie d’acteurs, tandis que chez une autre catégorie, l’intérêt peut entraver la bonne marche de la procédure. Même si la jurisprudence de la Cour s’évertue à le faire, l’état actuel de la doctrine ne met pas suffisamment en évidence cette particularité du système de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:
The concept of legal interest in contentious proceedings before the African Court on Human and Peoples’ Rights
ABSTRACT:
In contentious matters, some explicit provisions of the Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the Establishment of an African Court on Human and Peoples’ Rights and the Rules of Procedure of the Court define the procedural preconditions for submitting an application before the Court. These provisions also set out the essential criteria for intervention in a pending case. In the implementation of the right to submit an application and intervention, the concept of legal interest comes into play. With the aim of strengthening the position of the drafters of the African Court’s Protocol and the Rules of the Court, and to compensate for the imperfections of the observations of certain states, this contribution discusses the concept of legal interest. It argues that legal interest is immaterial to the submission of application before the Court. However, during proceedings, the participation certain parties is subjected to their demonstrating they have legal
interest. The rigid application of the concept of legal interest may be a hindrance nonetheless to the participation of a category of parties. Although the Court’s jurisprudence demonstrates the Court’s willingness to ensure broader participation in proceedings, the current state of scholarship does not sufficiently highlight this particularity of the African Court on Human and Peoples’ Rights system.
MOTS-CLÉS: intérêt, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, actio popularis, intervention, partie au litige
2 Les catégories d’intérêt relatives aux parties à la procédure
2.1 L’inexistence formelle de l’intérêt pour agir au profit de la qualité pour agir
2.2 L’évolution de l’intérêt «pour intervenir»: Des seuls États à l’élargissement à «toute personne»
3 Les catégories d’intérêt relatives aux «non-parties» à la procédure
3.1 l’intérêt dans l’abstention anticipée et la récusation des juges
3.2 L’intérêt dans la récusation des témoins et experts
4 Remarques conclusives sur l’attitude singulière de la Cour dans la prise en compte de l’intérêt dans la procédure
1 INTRODUCTION
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour ou la Cour d’Arusha) a rendu à ce jour un nombre important de décisions venues confirmer l’intérêt qu’a suscité sa création, la protection des droits de l’homme ayant été présentée comme son fer de lance.1 Cet objectif de protéger les droits de l’homme2 incombe à la Cour qui s’y attèle en interprétant et en veillant à l’application des textes relatifs aux droits de l’homme en vertu du Protocole le créant.3 La Cour vient ainsi renforcer le mandat de protection de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission)4 pour en permettre une meilleure efficacité.5
Dans la mise en œuvre de ce mandat de protection de la Cour exercé concurremment avec la Commission, la Cour se trouve face à des acteurs qui peuvent avoir un intérêt à faire valoir. L’intérêt ainsi manifesté devra varier, en raison des particularités, d’un acteur à un autre. Aussi, en fonction de chaque acteur, l’intérêt pourrait-il intervenir à chaque étape de l’affaire, soit en gardant sa nature, soit en la modifiant. Cette observation révèle bien, nous semble-t-il, que dans toute affaire, la notion d’intérêt arpente diverses natures. Elle doit s’apprécier aussi bien au regard de l’acteur lui-même, qu’au regard de l’étape ou du moment précis de l’affaire. En outre, l’intérêt peut dépendre de la position ou du rôle de l’acteur dans l’affaire, sans préjudice de sa qualité. De ce fait, un État n’aura pas le(s) même(s) intérêt(s) à faire valoir s’il est défendeur dans une espèce portée contre lui devant la Cour ou s’il agit en tant qu’intervenant. Vraisemblablement, la notion d’intérêt recouvre d’innombrables significations qu’il sera utile d’exploiter en s’appuyant sur toute l’étendue de la jurisprudence de la Cour.
Dans ce continuum, la présente réflexion s’interroge premièrement sur le contenu général de la notion, le texte du Protocole n’en apportant aucune définition. À première vue, l’intérêt désigne un avantage matériel ou moral non juridiquement protégé qu’une situation donnée présente pour une personne.6 C’est l’exemple des considérations humanitaires qui soutiennent ou constituent la base de certaines règles de droit sans former elles-mêmes des règles de droit.7 A ce niveau l’intérêt existant n’a certes pas de caractère juridique, mais comme le souligne Jean Salmon, sa non-juridicité n’implique pas pour autant son délaissement.8 En outre l’intérêt dont se prévaut une personne peut constituer un avantage matériel ou moral juridiquement protégé.9 L’on évoque sur ce point l’«intérêt juridique», c’est-à-dire l’intérêt qui constitue l’élément sur lequel s’appuie tout sujet de droit pour agir en justice.10 En d’autres termes, l’intérêt à agir (ou intérêt pour agir) découle d’un intérêt juridique. Ce faisant, le requérant doit démontrer que «l’action ou l’abstention du défendeur a eu pour effet de porter atteinte à un droit ou à un intérêt juridiquement protégé dont le demandeur était titulaire».11 C’est sans aucun doute une condition importante de recevabilité de l’action en justice consistant dans l’avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par l’autorité judiciaire du mérite de sa prétention.12
On retiendra de l’intérêt à agir qu’il «ouvre» une affaire. Toutefois, l’intérêt juridique peut s’appréhender autrement, notamment lorsque l’affaire est auparavant ouverte. En témoigne l’intérêt que doit démontrer le sujet qui souhaite intervenir dans un différend auquel il n’est pas à l’origine partie. Cet «intérêt juridique en cause»13 intervient comme permettant à l’affaire de connaitre de nouveaux éléments.
Outre l’intérêt non juridique et l’intérêt juridique, la notion d’intérêt peut être liée à la fonction: l’intérêt de la fonction, autrement dit la théorie qui justifie certains privilèges par la nécessité de permettre aux membres d’une mission d’exercer librement leurs fonctions, à l’abri de toute contrainte.14 L’expression se réfère couramment aux agents diplomatiques accrédités dans un État et à l’abri de toute contrainte de la part de cet État.15 Par ailleurs, employée au pluriel, la notion d’intérêt peut enfiler d’autres sens. A ce titre, analysés dans une affaire portée devant une instance juridictionnelle, «les intérêts» concernent exclusivement le fond,16 à la différence de «l’intérêt» qui prend en compte à la fois la procédure et le fond. Définis comme étant liés au revenu, à l’indemnisation du dommage ou encore à la participation de personnes physiques dans des sociétés, les intérêts peuvent être composés, moratoires ou punitifs.17 Toutes ces définitions impliquent in fine une classification: d’une part la notion d’intérêt observée dans la procédure; et d’autre part celle(s) analysée(s) au fond.18 Aux fins de la présente contribution, l’intérêt analysé dans la procédure occupera l’ensemble des réflexions, même s’il sera impossible d’occulter totalement l’intérêt au fond, notamment en raison des rapports qui existent entre ces deux éléments de différenciation.19
Ainsi, en dépit du fait que la Cour tienne compte des intérêts personnels,20 de l’intérêt collectif,21 des intérêts étatiques,22 des conflits d’intérêts des ordres internes,23 de l’intérêt des victimes,24 des intérêts dans la réparation du préjudice causé,25 et de l’intérêt de la justice,26 tous relatifs à l’intérêt au fond et appréciés que dans le cadre d’une démarche in concreto, il appert que l’intérêt dans la procédure s’applique objectivement à tous les sujets. Cette remarque sur l’intérêt dans la procédure permet, de notre point de vue, une approche globale plus satisfaisante de la notion d’intérêt devant la Cour. La procédure devant une instance juridictionnelle désignant ses modalités de saisine,27 et à moins que le requérant ne témoigne d’un manque d’intérêt à poursuivre l’affaire,28 ce sera l’action en justice notre fil conducteur. Quels sont par conséquent les rapports entre l’intérêt et l’action en justice devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples? L’étude s’attache premièrement à présenter les catégories d’intérêt si l’on s’intéresse aux parties au litige. On en déduira une ferme distinction entre l’action en justice principale et l’action en intervention. En second lieu, la présente contribution examine les catégories d’intérêt relatives aux personnes tierces aux parties mais dont le rôle dans la procédure contentieuse est indispensable pour la plupart. L’étude s’achève avec le comportement de la Cour dans sa prise en compte de la notion d’intérêt, en comparaison avec celui d’autres juridictions. A cet effet, la Cour adopte une démarche singulière qu’il nous appartiendra de souligner dans quelques remarques conclusives.
2 LES CATÉGORIES D’INTÉRÊT RELATIVES AUX PARTIES À LA PROCÉDURE
L’expression «partie» pour désigner les «parties au litige» se réfère couramment à «chacune des personnes qui plaident l’une contre l’autre» au cours d’un procès.29 En forçant à peine le trait, on observe la présence de la partie requérante et de la partie défenderesse. Traditionnellement, ces deux «parties» perçues comme telles occupent le vocabulaire des réflexions sur la procédure. L’entité ou la personne intervenante se présente alors comme une «apparition» étrangère au procès. Cette assertion a clairement été la politique de la Cour internationale de justice pour qui l’intervenant n’acquiert pas les droits ni n’est soumis aux obligations qui s’attachent à la qualité de «partie».30 Cependant, dans le droit de la Cour d’Arusha31 l’entité intervenante revêt l’appellation de «partie». Dans son opinion individuelle émise en l’affaire Armand Guéhi c. Tanzanie, la juge Chafika Bensaoula ne manque pas de suivre le concept, en qualifiant la République de Côte d’Ivoire - alors intervenante - de «partie» au procès.32 Sur ce fondement, la présente section évoque les catégories d’intérêt ayant trait à toute personne morale ou physique qui a un intérêt à défendre dans une affaire, qu’elle le fasse à titre principal (en ouverture d’instance) ou à titre subsidiaire (en intervention).
2.1 L’inexistence formelle de l’intérêt pour agir au profit de la qualité pour agir
Dans son opinion dissidente émise en l’affaire Mtikila et autres c. Tanzanie, le juge Fatsah Ouguergouz donnait une précision explicite sur la distinction entre la qualité pour agir et l’intérêt à agir. Tandis que la qualité pour agir relève de la compétence personnelle de la Cour, l’intérêt à agir renvoie à une question de recevabilité.33 Défini comme «l’intérêt juridiquement reconnu ou protégé dont la Cour apprécie souverainement l’existence dans chaque cas d’espèce»,34 l’intérêt pour agir touche à l’action que le requérant engage.35 En revanche, la qualité pour agir relève du pouvoir d’une personne d’ester devant la Cour.36
En vertu du Protocole de Ouagadougou, la compétence contentieuse de la Cour, ratione personae, s’analyse au regard du critère pertinent requis pour le demandeur, qu’est la qualité pour agir. En effet, à la lumière du texte du Protocole, les États parties, la Commission et les Organisations intergouvernementales africaines ont «qualité pour saisir la Cour».37 Les ONG et les individus quant à eux ne bénéficieront de cette prérogative de saisine directe de la Cour qu’à la condition que l’État mis en cause ait répondu à certaines exigences fixées par le Protocole.38 Le Protocole se borne ainsi à fixer les conditions relatives à la qualité des acteurs qui saisissent la Cour, sans prévoir de dispositions sur l’intérêt à agir, ce contrairement à d’autres systèmes régionaux où la qualité de victime prévaut pour ester en justice.39 De la sorte, conformément à l’instrument, l’action en justice principale ou l’ouverture d’une affaire ne relève pas de l’intérêt à agir toutefois préférablement de la qualité pour agir. Les rédacteurs du Protocole se sont en effet délibérément refusés d’insérer dans le texte l’exigence préalable de la qualité de victime, «traduction processuelle de l’intérêt à agir».40 Cette attitude volontaire guide implicitement la Cour vers une large marge d’appréciation de l’intérêt à agir.
Au regard de cette conception libérale de l’intérêt pour agir, dans ses conclusions sur la compétence et la recevabilité, la Cour est tenue d’évaluer la qualité pour agir de l’acteur qui la saisit, mais elle est souveraine quant à l’obligation de statuer sur l’intérêt à agir du demandeur. Dans l’hypothèse où elle venait à le faire, l’absence de cet intérêt à agir ne devrait constituer de motif de rejet de la demande, au risque que la Cour ne se heurte à une mauvaise application du Protocole.41 Cette règle s’étend au système entier de la Charte, incluant la Commission.42 Au regard de ce système auquel est liée la Cour d’Arusha, l’analyse par celle-ci de l’intérêt à agir s’avère une démarche superfétatoire. En conséquence, la Cour apprécie rarement l’intérêt pour agir du requérant. Ce n’est en réalité que dans quatre affaires qu’elle s’est attelée à le faire,43 ce en répondant à l’exception tirée du défaut de l’intérêt à agir du requérant soulevée par le défendeur.44 Dans la première affaire - l’affaire Sébastien Ajavon c. Bénin - la Cour se limite à rappeler le texte en vigueur, à savoir que l’exigence de l’intérêt à agir du requérant n’est pas prévue dans les instruments qu’elle applique.45 Toutefois, dans le contentieux qui opposait Ali Ben Hassen à la République de Tunisie ainsi que dans l’affaire XYZ c. Bénin (requête 059), la Cour semble accorder à l’intérêt à agir, une attention nouvelle sans la rendre indispensable à la saine. Elle estime ainsi que le demandeur, du fait d’être directement concerné par la question, «il est évident qu’il a un intérêt direct dans la matière».46 Ces deux affaires montrent que la Cour adopte, de façon implicite, un comportement évolutif tendant à apprécier «sommairement» l’intérêt à agir comme le suggérait le juge Fatsah Ouguergouz dans l’affaire Mtikila.47 Plus récemment dans l’affaire Bernard Anbataayela Mornah, la Cour s’est montrée encore plus expressive en ce qui concerne l’intérêt personnel inopportun du requérant pour agir.48 D’ailleurs, en touchant la question du droit à l’autodétermination soulevée dans l’espèce, elle a considéré que vu son importance capitale pour l’ensemble du continent africain, le requérant était directement concerné par la question et qu’il avait à cet égard un intérêt personnel (quoique toujours inopportun) à agir.49
On croirait, dès lors, que l’attitude de la Cour sur la question de l’intérêt à agir est fonction des griefs soulevés par le défendeur. Or, dans l’affaire qui opposait Yogogombaye au Sénégal, alors que l’État défendeur soutenait que le requérant n’avait pas à s’immiscer dans une affaire dont il n’était pas victime,50 la Cour, pour ainsi montrer sa souveraineté en l’espèce, n’avait pas eu besoin de se prononcer sur ce grief.51 Cette attitude confirme la conception libérale de l’intérêt pour agir en ouverture d’instance.
Par ailleurs, «l’intérêt pour agir étant effectivement difficile à dissocier de la qualité pour agir»,52 il n’en demeure pas moins que l’un n’implique pas d’office l’autre. A titre illustratif, on peut noter le problème majeur qui concerne les cas dans lesquels la personne qui saisit la Cour - et qui a qualité pour le faire en vertu du Protocole - n’est potentiellement pas une victime directe des violations alléguées. Comme la Cour a eu à le rappeler, l’exigence de la qualité pour agir au détriment de l’intérêt pour agir «tient compte des difficultés pratiques que les victimes de violations des droits de l’homme peuvent rencontrer pour porter leurs plaintes devant la Cour (...)».53 De manière générale, la Cour affiche clairement sa position sur le point de savoir si le recours actionné devant elle par les individus et les entités est un droit objectif, voire plus, si elle permet une démarche d’actio popularis.
À l’analyse, la Cour permet davantage ce «mécanisme efficace de poursuite des litiges à grande échelle en vue de permettre aux nombreuses victimes incapables de présenter leurs propres réclamations, de le faire en une seule procédure».54 Ainsi, poursuivant un intérêt général, celui de la protection des droits de l’homme sur le continent,55 la Cour encourage la recherche de l’intérêt public des victimes. On relève que l’actio popularis consiste soit pour une personne56 à soumettre une requête auprès d’une juridiction dans l’intérêt d’une communauté à laquelle elle ne fait pas impérativement partie,57 soit pour une entité58 à l’instar d’une ONG à défendre les intérêts d’un ensemble de personnes regroupées via une seule requête déposée auprès de la juridiction. Laquelle démarche a été entreprise par les requérants dans les affaires Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya puis Mornah, de même critiquée par le défendeur dans l’affaire XYZ c. Bénin précitée.59 Dans l’affaire opposant la Commission au Kenya, la requérante invoquait la violation du droit de la communauté Ogiek à parvenir au développement, et à disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles, notamment au sujet du préavis d’expulsion de la forêt de Mau émis par le Kenya à son encontre.60 Bien que n’étant pas portée par les membres de la communauté Ogiek, l’affaire a suivi son cours jusqu’à son arrêt en réparations rendu en 2022.61 Une attitude similaire fut récemment adoptée par la Cour dans l’affaire Mornah, dans l’intérêt public de toute la République arabe sahraouie démocratique (RASD),62 et qui a particulièrement fait l’objet de demandes d’interventions.
2.2 L’évolution de l’intérêt «pour intervenir»: Des seuls États à l’élargissement à «toute personne»
Il convient de noter de prime abord que l’intervention dans le cadre d’une affaire devant la Cour - et devant toute juridiction - est liée aussi bien au fond qu’à la procédure (notamment la recevabilité).63 Cette section vise à mettre en relief l’intérêt requis aux fins d’une démarche procédurale d’intervention auprès de la Cour, du fait de l’évolution des textes et de leur influence sur la jurisprudence. Incident de procédure, l’intervention permet à un tiers initialement non-partie à un procès d’accéder au prétoire d’une juridiction en vue de défendre ses intérêts.64 Aux termes de l’article 5(2) du Protocole, «lorsqu’un État partie estime avoir un intérêt dans une affaire, il peut adresser à la Cour une requête aux fins d’intervention». Une lecture combinée de cette disposition avec l’article 53(2) du Règlement intérieur par intérim de la Cour (Règlement intérimaire) permettait de conclure qu’au moment où le Règlement intérimaire était en vigueur, l’intérêt devait uniquement émaner d’un État. Cet intérêt d’ordre juridique dût être en cause65 pour l’État intervenant. Les [rares] interventions étatiques connues jusqu’ici mettent suffisamment en évidence ce caractère volontaire des États intervenants, reflet dudit intérêt d’ordre juridique en cause.66 En effet, l’intérêt étatique «pour intervenir» traduisait - toute proportion gardée - le choix des rédacteurs du Protocole d’exclure l’intervention forcée au profit de l’intervention volontaire des États.67
Laquelle exigence de la nature étatique de l’entité, seule autorisée à intervenir, fut reprise par l’article 33(2) du Règlement intérimaire, puis rappelée par la majorité des juges dans l’affaire Commission c. Kenya.68 En 2019, ces derniers ont fidèlement traduit la lettre des rédacteurs et des commentateurs du Protocole.69 Toutefois, l’opinion dissidente de la juge Chafika Bensaoula interpelle longuement sur la clarté même du texte de l’article 5 du Protocole qui - nous le rappelons - dispose:
1. Ont qualité pour saisir la Cour:
(b) L’État partie qui a saisi la Commission;
(c) L’État partie contre lequel une plainte a été introduite;
(d) L’État partie dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’homme;
(e) Les organisations intergouvernementales africaines.
2. Lorsqu’un État partie estime avoir un intérêt dans une affaire, il peut adresser à la Cour une requête aux fins d’intervention.
3. La Cour peut permettre aux individus ainsi qu’aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d’observateur auprès de la Commission d’introduire des requêtes directement devant elle conformément à l’article 34(6) de ce Protocole.
Deux thèses s’opposèrent au sein de la Cour: la première (la thèse majoritaire) soutenait que si les rédacteurs du Protocole reconnaissaient un droit d’intervention aux entités ou personnes autres que les États, ils l’auraient expressément énoncé aux paragraphes 1 et 3 de l’article 5 précité, comme ils l’ont fait au paragraphe 2. La seconde thèse, bien plus souple, est celle de la juge Chafika Bensaoula. Elle a réfuté l’interprétation restrictive de l’article 5, en étendant la sienne au respect des principes défendus par la Charte, à l’essence du texte, à la jurisprudence de la Cour, et au droit comparé.70 Au risque d’empiéter partiellement sur son raisonnement, nous nous étalerons respectivement sur la jurisprudence qu’elle a évoquée et sur l’argument relatif à l’essence du texte. Ainsi se fondant sur l’autorisation d’intervention en qualité d’amicus curiae faite par la Cour en faveur de l’Union panafricaine des avocats (PALU) dans l’affaire Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire et Socialiste, l’honorable juge a estimé que la Cour avait déjà fait droit à la demande d’un tiers non-étatique dans le cadre d’une intervention. Selon la juge, «en faisant droit à la demande de PALU, la Cour reconnait explicitement le droit aux ONG et individus d’intervenir devant elle en qualité d’intervenant».71 Or il nous importe de préciser qu’une distinction doit être établie entre l’intervention au titre de l’article 5 du Protocole de Ouagadougou et l’intervention en qualité d’amicus curiae devant la cour.72 Ensuite s’agissant de l’essence même du texte, la juge Chafika Bensaoula a interprété le droit de «saisine» accordé aux individus et aux ONG comme étant un droit incluant la saisine aux fins d’intervention rendant non nécessaire toute précision relative au droit d’intervention de ces acteurs. À la juge d’ajouter que ce droit d’intervention «ne saurait être exclu» à ces acteurs qui auraient eux-aussi un intérêt à intervenir dans une instance pendante où des droits auraient été ou pourraient être bafoués.
La question qui peut se poser, à cet effet, est relative au sens attribué à la «saisine» de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. L’expression «ont qualité pour saisir la Cour» dans l’article 5(1) du Protocole ne se réfère-t-elle pas à l’action en justice principale plutôt qu’à l’action en justice lato sensu? Les termes combinés des paragraphes 1 et 3 de l’article 5 du Protocole jalonnent notre analyse. Dans un premier temps, quelques entités sont énumérées sur le fondement de leur «qualité» à pouvoir «saisir la Cour». Ce sont la Commission, les États et les organisations intergouvernementales. La lecture du paragraphe 3 permet de déduire de l’idée précédente le mode de saisine auquel fait référence le paragraphe 1. En réalité, s’il est fait précision dans le paragraphe 3 de quelques exigences incontournables permettant aux individus et aux ONG de saisir «directement» la Cour, c’est parce que les termes du paragraphe 1 traduisent la «saisine directe». Et il nous semble inopportun de croire que cette saisine directe de la Cour s’étend à l’intervention , auquel cas les rédacteurs du Protocole n’auraient pas pris soin de citer à nouveau les États dans le paragraphe 2 relatif à l’intervention - les États ayant été auparavant cités au paragraphe 1. Il serait en effet indéniable qu’un État «dont le ressortissant est victime d’une violation des droits de l’homme» dans une affaire ait à tous coups un intérêt à y intervenir.
En définitive, le texte de l’article 5 du Protocole et les termes du Règlement intérieur intérimaire de la Cour, ces derniers tels qu’ils étaient formulés, ne permettaient pas, à notre sens, d’affirmer que l’intervention pouvait s’étendre à une entité ou une personne autre que l’État. Cela étant, on peut reprocher à la combinaison de ces textes un manque de précisions sur le droit à l’intervention. C’est à notre avis pour pallier cette imperfection qu’en 2020 le Règlement intérieur nouveau (le Règlement) de la Cour a modifié les termes du texte intérimaire. En plus de rappeler la règle relative au droit à l’intervention étatique,73 le Règlement indique en sa règle 61(2): «[l]a Cour peut, dans l’intérêt de la justice, autoriser toute personne ayant un intérêt dans une affaire à intervenir». Une clarification qui permettra désormais aux individus et aux ONG de saisir la Cour aux fins d’une intervention,74 quitte à prouver au fond qu’ils ont un intérêt à le faire.
Cette position de la Cour se conforte dans sa jurisprudence récente, dans la mesure où dès lors que la procédure relative à l’intérêt juridique en cause est établie, il faut en connaître la nature. Telle fut la question à résoudre dans l’affaire Mornah, eu égard aux demandes d’intervention du Sahara occidental et de l’île Maurice. Dans ses ordonnances relatives à cette affaire, la Cour a considéré que, pour apprécier l’intérêt d’un intervenant dans une affaire, il fallait se préoccuper de «la nature des questions soulevées dans l’affaire, de l’identité de l’intervenant et de l’incidence potentielle des décisions de la Cour sur l’intervenant et les tierces parties».75 La requête portant sur des questions relatives aux droits et libertés du Peuple de la RASD, la Cour a logiquement conclu que les Sahraouis avaient un intérêt légal à protéger en l’espèce.76 La complexité de la cause revenait en revanche à la demande d’intervention de l’île Maurice. Pour justifier son intérêt en cause dans l’affaire, l’île Maurice s’est appuyée sur son appartenance à l’Union africaine (UA), en second lieu sur son processus de décolonisation inachevé qui, en vertu - prétendait-elle - du caractère erga omnes du droit à l’autodétermination devrait l’autoriser à intervenir dans la requête.77 Sur le premier argument de l’intervenant, la Cour a démontré que la requête du demandeur initial pouvait conduire à rendre une décision dont l’impact sur l’île Maurice et son peuple pouvait être certain.78 Statuant en second lieu sur l’argument relatif à l’appartenance à l’UA, la Cour s’est une nouvelle fois appuyée sur la requête du demandeur initial. Selon la Cour, cette requête, pour le fait de porter sur la contestation d’une décision de l’UA de réintégrer le Maroc encore «colonisateur» du Sahara en son sein - une telle attitude portant atteinte aux principes et valeurs de l’UA - tous les États membres de l’UA pouvaient intervenir dans l’affaire.79 En somme, la Cour a conclu que l’île Maurice avait, au même titre que le Sahara occidental, un intérêt juridique dans l’affaire.80 Si bien qu’au bout du compte, la nature de l’intérêt «pour intervenir» relève de l’appréciation faite par la Cour du cas d’espèce soumis. On peut énumérer à ce titre le critère de l’appartenance à une cause. Un État ou [désormais] toute personne peut intervenir dans une affaire, dans l’intérêt de la justice, si un ou plusieurs intérêts en cause lui appartiennent.
Ce faisant, sans préciser au préalable le contenu exact à attribuer à la «nature de l’affaire», la position de la Cour visant à faire dépendre l’intérêt pour intervenir de la nature de l’affaire peut constituer à bien des égards une «fondamentalisation» dangereuse de l’interêt pour intervenir.
Au terme de cette section, les «parties» s’opposent les unes contre les autres en confrontant leurs intérêts respectifs. De manière plus avancée, dans l’hypothèse où la requête est portée par une personne/entité au nom d’une ou de plusieurs victimes, l’intérêt de la personne/entité, même s’il n’est pas recherché, naît de celui des victimes. De la sorte, la victime se présente comme une «partie» fusionnée à la partie qui porte son intérêt devant la Cour. Tel fut partiellement l’argument soulevé par l’État défendeur dans l’affaire Commission c. Kenya.81 De manière différenciée, la Cour avait estimé que les requérants initiaux qui avaient saisi la commission en qualité de «victimes» n’étaient pas «parties» au procès intenté par la Commission (en leur nom) devant la Cour.82 Toutefois dans la prise en compte de l’intérêt, il est certain que les victimes et les plaignants agissant au nom des victimes soutiennent une cause commune.
3 LES CATÉGORIES D’INTÉRÊT RELATIVES AUX «NON-PARTIES» À LA PROCÉDURE
Le bon déroulement d’une procédure devant une juridiction requiert que l’intérêt n’engendre pas de conflits. Autant l’intérêt incite à une action ou à une intervention, le conflit d’intérêt doit entrainer une abstention anticipée (abstention avant l’affaire) ou une récusation83 (abstention au moment de l’affaire) des personnes intervenant dans la procédure sans en être parties. Constitue un conflit d’intérêts «toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction»,84 en l’occurrence, la fonction du juge au sein de la Cour. Si l’influence de l’exercice indépendant et impartial du juge peut entraîner sa récusation,85 voire son abstention anticipée, l’influence de l’exercice objectif du juge, en plus d’entraîner sa propre récusation,86 peut conduire à la récusation des témoins et experts.
3.1 L’intérêt dans l’abstention anticipée et la récusation des juges
En ce qui concerne la récusation du juge, l’article 22 du Protocole dispose qu’ «[a]u cas où un juge possède la nationalité d’un État partie à une affaire, il se récuse».87 Cette attitude s’apparente à une «abstention volontaire du juge»88 qui exclut toute demande de récusation de la part des parties. A ce titre, le lien de nationalité intervient comme étant la traduction de l’intérêt en cause. En effet, la nationalité peut créer entre le juge et les parties un lien dont la conséquence pourra être pour le juge de favoriser l’État défendeur. De plus, le Règlement prévoit qu’un juge doit s’abstenir de siéger dans une affaire si l’État qui l’a nominé pour l’élection des juges y est partie.89 Ainsi, conscient qu’il a un intérêt dans une affaire, le juge se récuse. Ces dispositions évoquent des critères essentiellement liés à l’appartenance à une cause liant le juge à l’État défendeur. En effet, l’État de nationalité ou l’État qui nomine un juge à la Commission de l’Union africaine peut exercer sur ce juge, une fois élu, une influence de nature à enfreindre la garantie d’indépendance et d’impartialité de la Cour. Le juge lui-même est susceptible, en raison de sa nationalité, de son patriotisme, ou des liens officiels avec tout État, de considérer les intérêts nationaux au fond de l’affaire, au détriment de la nécessité objective de garantir l’indépendance et l’impartialité de la Cour. Il convient de reconnaître toutefois que cette présomption est sans préjudice de l’intégrité et de l’honnêteté du juge. C’est d’ailleurs, de notre point de vue, pour cette énième raison que le Protocole ne prévoit que la récusation volontaire du juge.
Outre ces critères d’exclusion liant le juge à l’État défendeur, d’autres critères établis par le Règlement de la Cour s’intéressent aux rapports entre le juge et toute personne agissant pour le compte d’une des parties. En effet:90
Aucun juge ne peut participer à l’examen d’une affaire:
(a) s’il est intervenu antérieurement dans celle-ci, comme agent, conseil, ou avocat de l’une des parties, membre d’un tribunal national ou international, d’une commission d’enquête, ou à tout autre titre;
(b) s’il a un intérêt personnel dans cette affaire, du fait par exemple d’un lien conjugal ou parental, d’un autre lien de proche parenté, d’un lien personnel ou professionnel étroit, ou d’un lien de subordination avec l’une quelconque des parties;
(c) s’il a exprimé en public, par le truchement des médias, par écrit, par des actions publiques ou par tout autre moyen, des opinions qui sont objectivement de nature à nuire à son impartialité;
(d) si, pour quelque autre raison que ce soit, son indépendance ou son impartialité peut légitimement être mises en doute.
L’intérêt du juge dans une affaire s’étend donc à tout rapport officiel de ce dernier avec une des parties, du fait de son action, du lien naturel ou établi qu’il peut avoir avec une personne appartenant à une partie, ou de tout autre élément pouvant entraver son indépendance ou son impartialité.
Il convient enfin de noter que l’intention d’éviter tout conflit d’intérêts relatif à la fonction du juge s’analyse également en amont d’une affaire. L’abstention anticipée s’ajoute en toute logique à la récusation en tant qu’attitude du juge liée au conflit d’intérêt. La règle 5 du Règlement, notamment, prévoit des incompatibilités absolues de nature à atteindre l’exigence d’indépendance et d’impartialité du juge. En effet les juges de la Cour ne peuvent exercer des fonctions politiques, administratives ou de conseiller juridique de tout gouvernement.91 Ils ont par ailleurs l’obligation de déclarer à la Cour toute activité pouvant constituer une source d’incompatibilité.92 C’est ainsi à juste titre que démissionnait le juge Rafââ Ben Achour de son poste de conseiller à la Présidence de la République de Tunisie dès sa nomination en tant que juge de la Cour.93
En conséquence, l’abstention anticipée et la récusation des juges de la Cour apparaissent comme des garanties d’indépendance et d’impartialité. L’indépendance et l’impartialité du juge doivent être des conditions cumulatives en vue de dégager tout conflit d’intérêt à lui relatifs dans la procédure. Tout bien considéré, un juge peut être indépendant mais partial, et inversement. Dans l’affaire Actions pour la Protection des Droits de l’Homme c. Côte d’Ivoire, une nette distinction fut établie entre l’indépendance et l’impartialité d’un point de vue général94 et d’un point de vue particulier relativement aux juges.95 Un juge est indépendant s’il ne dépend «d’aucune autre autorité que la sienne propre»96 et impartial s’il n’a pas de «partis pris, de préjugés ou de conflit d’intérêts».97 À tel point que l’indépendance du juge relève des incompatibilités susmentionnées prévues à la règle 5(2) du Règlement, tandis que l’impartialité du juge lui interdit, comme le dispose la règle 9(4) du Règlement, de siéger dans des affaires où il pourrait exister un conflit d’intérêt d’ordre personnel, matériel ou autre.98 On retiendra de ce qui précède que l’abstention anticipée et la récusation du juge sont des actions volontaires de ce dernier, en présence de situations mettant en péril son indépendance et son impartialité.
3.2 L’intérêt dans la récusation des témoins et experts
En ce qui concerne la récusation des témoins et experts a contrario, le déclenchement de l’action dépend de l’une des parties,99 quoique l’importance des conditions tenant à l’indépendance et à l’impartialité demeure partiellement. Dans l’affaire Peter Joseph Chacha c. Tanzanie, il avait été posé le problème de la récusation d’un témoin-expert du requérant. Cette demande de récusation faite par le défendeur, d’un point de vue de l’intérêt, soulevait à notre avis deux difficultés: la première porte sur l’intérêt même du témoin-expert dans l’affaire, et la seconde tient à la double qualité de l’individu présenté à la fois comme témoin et expert. Au sujet de la première difficulté, pour s’opposer à l’exception préliminaire du défendeur qui estimait que le témoin-expert avait un intérêt direct dans l’affaire, le requérant avait soutenu qu’aucune preuve n’avait été établie que ledit témoin-expert avait une relation d’intérêt dans l’affaire.100 La Cour, dans sa décision sur la demande de récusation, et s’appuyant principalement sur la qualité d’expert du témoin-expert, avait souligné qu’elle attendait de tout expert des principales qualités dont l’indépendance et l’impartialité.101 Elle a dû conclure, sans revenir sur ces qualités, qu’elle n’avait aucune obligation d’accueillir le témoin-expert. Relativement à la seconde difficulté, l’opinion dissidente des juges Sophia Akuffo, Nwanwuri Thompson et Ben Kioko a rappelé que l’individu proposé par la partie requérante était à la fois expert et témoin. En conséquence l’analyse sur sa seule qualité d’expert ne suffisait pas pour se prononcer sur la récusation. Ainsi fallait-il se pencher sur sa qualité de témoin.102 Pour ce faire, selon les juges dissidents, la Cour aurait dû entendre le «témoignage» de l’expert au fond.103 Par ailleurs, à l’occasion d’un raisonnement sur d’autres témoins appelés dans l’espèce, les juges dissidents ont considéré que l’intérêt direct du témoin dans une affaire est un critère essentiel au bon déroulement de la procédure.104 Pour cause, ce dernier fournit davantage d’éléments sur les violations alléguées et leurs conséquences. C’est à ce propos que les juges dissidents citent la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui crée un lien étroit entre les qualités de victime et de témoin, en ce sens que le «témoignage de la victime» a «une portée unique, la victime étant la seule personne qui peut fournir les informations nécessaires».105
Cela dit, le Règlement de la Cour est venu apporter des corrections au Règlement intérimaire avec la confirmation du fait que l’intérêt dans une affaire est une source de disqualification de l’expert, ladite règle ne s’appliquant pas au témoin. En effet, la règle 56 du Règlement ajoute les mentions «en toute indépendance et en toute impartialité»106 uniquement au sujet de la qualité requise pour l’expert; là où le Règlement intérimaire, pour la même cause, ne faisait aucune distinction.107 En définitive, l’intérêt de l’expert dans une affaire est plus susceptible de créer des conflits d’intérêt. En revanche l’intérêt du témoin doit être davantage recherché.
4 REMARQUES CONCLUSIVES SUR L’ATTITUDE SINGULIÈRE DE LA COUR DANS LA PRISE EN COMPTE DE L’INTÉRÊT DANS LA PROCÉDURE
Au terme de cette étude, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est «assujettie» à la Charte, au Protocole, et au Règlement. En vue d’affirmer sa compétence matérielle, la Cour s’évertue à appliquer termes pour termes ses instruments de procédure. Cette attitude se matérialise au même degré quand il s’agit d’apprécier sa compétence personnelle et la recevabilité des affaires. Comme le montre sa jurisprudence, la Cour traduit fidèlement les exigences des instruments relatifs aux règles de procédure. Tout d’abord elle écarte l’intérêt personnel à agir comme le lui proposent implicitement le Protocole et le Règlement. À cet égard, elle ne pose aucun critère à remplir pour atteindre cet intérêt. Autrement dit, la qualité de victime présumée n’est pas requise pour saisir la Cour en ouverture d’instance.108 Il s’agit là d’une attitude volontaire de la Cour qui consiste à se limiter aux termes des instruments de procédure. Pourtant, plusieurs auteurs s’accordent à dire que l’intérêt à agir possède un rôle fondamental en droit procédural109 comme l’exprime d’ailleurs l’adage «pas d’intérêt, pas d’action». Pour ainsi dire, la Cour adopte une démarche toute particulière et originale dans la prise en compte de l’intérêt en ce qui concerne l’action en justice principale. Sur ce, «en dépit de quelques éléments de base classique qui les réunit»,110 la Cour se montre différente de la Cour interaméricaine des droits de l’homme111 et de la Cour européenne des droits de l’homme,112 même si cette dernière commence de plus en plus à reconnaître la qualité pour agir aux entités non-victimes dans certaines circonstances [très] exceptionnelles.113 En effet, si dans les trois systèmes «la procédure des requêtes étatiques fonctionne à la manière d’une actio popularis»,114 l’intérêt public des communautés recherché à travers les requêtes non étatiques dans le système de la Cour africaine se diffère de l’intérêt personnel non étatique recherché dans les deux autres systèmes.
Néanmoins, l’évolution à venir de la jurisprudence de la Cour implicitement annoncée par la règle 61(2) de son Règlement intérieur agrée le rapprochement de la Cour vers la doctrine des Cours sœurs.115 Cette singularité «partagée» tient en sus au caractère volontaire retenu parmi les critères de l’intérêt pour intervenir. De même, l’intérêt pris en compte à propos des juges, témoins et experts, relevant des critères cumulatifs d’indépendance et d’impartialité à atteindre ou non, épouse celui des autres juridictions internationales.116 À la différence près, la récusation des juges et des experts pour conflits d’intérêt est davantage affirmée par la Cour africaine en ce sens qu’elle pose formellement les critères (l’indépendance et l’impartialité) que les autres Cours n’identifient pas expressément.
In fine la singularité de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans la prise en compte de l’intérêt est essentiellement marquée par l’inexistence de l’intérêt personnel à agir en ouverture d’instance.
1. M Kamto ‘Introduction générale’ in M Kamto (dir) La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: commentaire article par article (2011) 18-31.
2. https://www.african-court.org/wpafc/information-de-base/?lang=fr#strategic (source consultée le 5 septembre 2022).
3. Art 3(1) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
4. Art 2 du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
5. TM Makunya & S Bitagirwa ‘La compétence consultative de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: entre restrictions organiques et limitations matérielles’ in EB Bope & M Mubiala (eds) La République démocratique du Congo et le système africain de protection des droits de l’homme (2021) 87-88.
18. Sur la classification, lire avec intérêt V Barbé et autres La notion d’intérêt(s) en droit (2020) 182.
19. Ce sont en réalité les intérêts en jeu (destinés au fond) qui incitent les parties à la naissance d’un contentieux juridictionnel ne prenant sa forme classique que lorsque l’intérêt dans la procédure aura été suffisamment évalué.
21. Voir par exemple Demande d’avis consultatif par le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (avis consultatif) (2014) 1 RJCA 755 paras 85-86; Christopher Mtikila et autres c. Tanzanie (fond) (2013) 1 RJCA 34 paras 106.1-112; Femi Falana c. Union africaine (compétence) (2012) 1 RJCA 121 para 30; Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (fond) (2014) 1 RJCA 324 paras 133-134 et 143; Mohamed Abubakari c. Tanzanie (fond) (2016) 1 RJCA 624 para 147; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya (fond) (2017) 2 RJCA 9 paras 129-130; Umohoza c. Rwanda (fond) (2017) 2 RJCA 171 paras 139-140; Ajavon (n 20) para 265; Emile Touray et autres c. Gambie 026/2020 arrêt exceptions préliminaires 24 mars 2022 para 42.
23. Voir par exemple Abubakari (n 21) paras 5, 61, 107 et suivants; Actions pour la Protection des Droits de l’Homme c. Côte d’Ivoire (fond) (2016) 1 RJCA 697 para 117; Mohamed Abubakari c. Tanzanie (interprétation) (2017) 2 RJCA 140 para 7; Woyome c. Ghana (fond et réparations) (2019) 3 RJCA 245 paras 8, 15 et suivants.
24. Voir par exemple Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Libye (fond) (2016) 1 RJCA 158 para 50.
25. Voir par exemple Christopher Mtikila c. Tanzanie (réparations) (2014) 1 RJCA 74 para 29; Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso (réparations) (2015) 1 RJCA 265 paras 19 et suivants; Mohamed Abubakari c. Tanzanie (réparations) (2019) 3 RJCA 349 para 26; Mgosi Mwita Makungu c. Tanzanie 006/2016 arrêt réparations 23 juin 2022 paras 19 et suivants.
26. Voir par exemple Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Libye (mesures provisoires) (2011) 1 RJCA 18 para 10; Peter Joseph Chacha c. Tanzanie (recevabilité) (2014) 1 RJCA 413 para 57; et pratiquement toutes les affaires devant la Cour.
28. Voir par exemple Chrysanthe Rutabingwa c. Rwanda(radiation) (2014) 1 RJCA 480 para 13; Le Collectif des anciens travailleurs du laboratoire Australian Laboratories Services, ALS-Bamako (Morila) c. Mali (radiation) (2016) 1 RJCA 689 para 28(iv).
30. CIJ Différend frontalier, terrestre, insulaire et maritime (Salvador c. Honduras), arrêt, Recueil (1990) 134, paras 98 et 135-136, para 102.
31. À l’instar du Règlement intérieur actuel de la Cour, qui au titre de ses définitions (règle 1(u)), entend par «parties» les requérants, les défendeurs et les intervenants.
32. Armand Guéhi c. Tanzanie, Intervention, 7 décembre 2018, Req. 001/2015 (Opinion individuelle de la juge Chafika Bensaoula) para 4.
33. Mtikila (Opinion dissidente du juge Fatsah Ouguergouz) paras 24-27. Certes, même si l’intérêt pour agir n’est pas formellement retenu au titre des conditions strictes de recevabilité des affaires devant la Cour.
37. Art 5(1) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
38. Voir Art 34(6) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
39. Art 34 de la Convention européenne des droits de l’homme; art 10 du Protocole additionnel A/SP/01.05 du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). À ce titre la Cour de justice de la CEDEAO relève «d’un système particulier régional africain des droits de l’homme» qui exige des plaignants qu’ils aient un intérêt direct dans l’affaire, le rappelle la Cour d’Arusha dans Sébastien Ajavon c. Bénin (fond) (2021) para 48.
41. Nous en voulons pour preuve l’attitude de la Cour à chaque fois qu’elle est sollicitée à cet effet, voir n 43.
42. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication 277/2003 Brian Spilg et autres c. Botswana, paras 73-85; Voir aussi Ajavon (fond) (2019) (Opinion individuelle du juge Niyungeko) qui affirme en note infrapaginale jointe au para 11: «[L]’on sait à cet égard que dans le système de la charte, le requérant n’est pas requis de prouver un intérêt personnel pour avoir un locus standi»; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communications 25/89, 47/90, 56/91, 100/9, Comité des Avocats pour les droits de l’homme, Union Interafricaine des Droits de l’Homme, Les Témoins de Jehovah (WTOAT) c. Zaïre, para 51.
43. Bernard Mornah c. République du Bénin et autres (fond) (2022) paras 120-121; Ali Ben Hassen c. Tunisie (fond) (2021) para 38; Ajavon (n 40) para 76-77; XYZ c. Bénin (fond) (2020) Req. 059/2019 paras 54-58.
44. Mornah (n 43) paras 101-103; Hassen (n 43) paras 31 à 36; Ajavon (n 40) paras 73-75; XYZ (n 43) paras 52-53.
54. W Aceves ‘Actio popularis? The class action in international law’ (2003) University of Chicago legal forum 354; Cela n’exclut pas le fait que plusieurs requêtes soient émises à la fois, dans le cadre de l’actio popularis, ainsi l’a rappelé la Cour dans XYZ (n 43) para 44.
56. K Mbaye ‘L’intérêt pour agir devant la Cour internationale de justice’ (2020-2021) 209 Cours de l’académie de droit international de la Haye 318.
57. Voir l’exemple de la requête de Bernard Mornah (pourtant ressortissant ghanéen) au nom de la République sahraouie, reçue par la Cour.
61. Voir Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya (réparation) 23 juin 2022.
62. Le 22 septembre 2022, de par son arrêt ‘historique’ et sans précédent à l’échelle du Continent africain, la Cour défend le droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple sahraoui. En conséquence, juge la Cour, tous les États ont l’obligation internationale d’aider les peuples opprimés dans leur lutte pour la liberté. La Cour affirme ici de manière ferme son attachement à l’actio popularis. A l’origine de l’affaire, une requête introduite par le ressortissant ghanéen Mornah contre la République du bénin et d’autres États. Le requérant alléguait que les États défendeurs n’avaient pas protégé la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance de la République sahraouie.
66. Voir Armand Guéhi c. Tanzanie, demande d’intervention de la République de Côte d’Ivoire, Req. 001/2015; Bernard Anbataaleya Mornah c. Bénin, demandes d’intervention du Sahara occidental et de l’île Maurice, Req. 001/2020 et Req. 002/2020.
67. Pour une lecture approfondie sur la distinction entre l’intervention volontaire et l’intervention forcée, voir les développements de P Kenfack ‘Introduction générale’ in M Kamto (dir) La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: commentaire article par article (2011) 1275-1276.
68. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya (intervention) (2019) 3 RJCA 430 para 9.
70. Voir l’opinion dissidente de la juge Chafika Bensaoula dans l’affaire Commission c. Kenya relative aux demandes d’intervention de Wilson Bargetuny et autres et Peter Rono et autres para 3.
72. La recevabilité de l’intervention de certaines ONG dans les affaires Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Libye, Konaté c. Burkina Faso, et Umuhoza c. Rwanda s’inscrivait en effet dans l’optique de les considérer comme des amis de la Cour (amicus curiae) et non comme des tiers-intervenants au titre des instruments de procédure de la Cour. Les systèmes européen (Art 36(2) de la Convention européenne des droits de l’homme) et interaméricain (Art 48 du Règlement de la Cour interaméricaine des droits de l’homme) tendent à relier les deux notions d’amicus curiae et de tierce-intervention en raison du fait que la tierce intervention est mutatis mutandis permise à toute personne y compris les amici curie. Cette simplicité s’étendra sans doute au système de la Cour africaine vu l’extension de la saisine de la Cour en qualité de tiers-intervenant à ‘toute personne’ y compris les amici curiae.
74. Comme le souligne le juge Blaise Tchikaya dans son opinion individuelle relative aux demandes d’interventions du Sahara occidental et de l’île Maurice dans l’affaire Mornah para 23. Toutefois ce dernier, à juste titre, s’interroge sur l’utilité de cette extension du droit d’intervention aux sujets de droit si l’on veut s’en tenir à l’esprit du Protocole para 35.
76. La même réflexion guide la Cour dans Armand Guéhi c. Tanzanie (fond et réparations) (2018) para 12; Voir à ce propos A Oulepo ‘l’affaire Armand Guéhi c. Tanzanie et la question du droit à l’assistance consulaire: l’intrusion d’une nouvelle préoccupation dans le corpus juridique des droits de l’homme en Afrique’ (2019) 3 Annuaire africain des droits de l’homme 487-489. C Anyangwe ‘Le pouvoir normatif du droit à l’autodétermination en vertu de la charte africaine et du principe d’intégrité territoriale: Valeurs concurrentes de la dignité humaine et de la stabilité du système’ (2018) 2 Annuaire africain des droits de l’homme 70-71;
79. Mornah (n 75) paras 20-21; Lire aussi avec intérêt TM Makunya ‘Decisions of the African Court on Human ans Peoples’ Rights during 2020: Trends and lessons (2021) 21 African Human Rights Law Journal 1251-1253.
81. Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (n 21) para 56; Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. Kenya (fond) (2022) para 33.
83. Selon le dictionnaire de droit international public de Jean Salmon, constitue une récusation toute possibilité offerte lors d’un procès d’écarter un juge, un témoin ou un expert (2001) 954.
84. https://www.courdecassation.fr/publications/actes-de-colloque/la-deontologie-des-magistrats-de-lordre-judiciaire-la-declaration/la-definition-du-conflit-dinterets (source consultée le 23 septembre 2022).
85. J Kom ‘introduction générale’ in M Kamto (dir) La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples: commentaire article par article (2011) 1415-1416.
87. L’idée étant de rendre une justice équitable et puisant probablement sa source dans l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme: ‘Toute personne a droit en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un Tribunal indépendant et impartial qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle’.
95. Actions pour la Protection des Droits de l’Homme (Opinion dissidente du juge Fatsah Ouguergouz) paras 15-24.
96. Actions pour la Protection des Droits de l’Homme (Opinion dissidente du juge Fatsah Ouguergouz) para 16.
97. Actions pour la Protection des Droits de l’Homme (Opinion dissidente du juge Fatsah Ouguergouz) para 16.
98. Actions pour la Protection des Droits de l’Homme (Opinion dissidente du juge Fatsah Ouguergouz) para 16.
99 Selon la règle 56(5) du Règlement, [l]a Cour se prononce sur toute contestation née à l’occasion de la récusation d’un témoin ou d’un expert. La règle 55(1) du Règlement quant à elle prévoit sur l’intervention des témoins et experts, que la Cour peut, soit proprio motu soit à la demande d’une partie, se procurer tous les
99. éléments de preuve qu’elle estime aptes à l’éclairer sur les faits de la cause. Une lecture combinée de ces deux dispositions permet d’en dégager le caractère forcé de la récusation, pouvant émaner des parties.
102. Chacha (n 26) (Opinion dissidente conjointe des juges Sophia Akuffo, Nwanwuri Thompson, et Ben Kioko) paras 44-49.
104. Chacha (recevabilité), Opinion des juges Sophia Akuffo, Nwanwuri Thompson et Ben Kiokio, para 54.
105. Suarez Rosero c. Equateur (fond), Cour interaméricaine des droits de l’homme, 12 novembre 1997, Série C, No 35, para 32; Voir aussi Loayza Tamayo c. Peru (Réparations, 1998), para 73.
108. En ce sens, la Cour rejoint la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui dans sa communication Malawi African association c. Mauritanie affirmait: ‘Les auteurs d’une communication ne doivent pas forcément être les victimes ou des membres de leurs familles. Cette caractéristique reflète une sensibilité aux difficultés pratiques que peuvent rencontrer les individus dans les pays où les droits de l’homme sont violés. Les voies de recours nationales ou internationales peuvent ne pas être accessibles aux victimes elles-mêmes ou peuvent s’avérer dangereuses à suivre’; Voir aussi M Namountougou ‘La saisine du juge international africain des droits de l’homme’ (2011) 86 Revue trimestrielle des droits de l’homme 261, 287 ; A-K Diop ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou le miroir stendhalien du système africain de protection des droits de l’homme’ (2014) Les cahiers du droit 55, 530-555, 538; F Ouguergouz ‘La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples - Gros plan sur le premier organe judiciaire africain à vocation continentale’ (2006) 52 Annuaire français de droit international 213-240, 229-230.
110. L-B Larsen Les 3 Cours régionales des droits de l’homme in context: la justice qui n’allait pas de soi (2020) 18.
111. Notamment dans le fait que les individus n’aient pas d’accès direct à la Cour interaméricaine bien que l’intérêt à agir ne leur soit pas imposé par la Commission interaméricaine qui peut recevoir leurs plaintes.
112. Art 34 de la Convention européenne des droits de l’homme; Voir aussi Ilhan c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, Grande chambre, 27 juin 2000, 22277/93 para 52 et Aksu c. Turquie, Cour européenne des droits de l’homme, grande Chambre, 15 mars 2012, 4149/04 et 41029/04, para 51; Le Mailloux c. France, Cour européenne des droits de l’homme, 5 novembre 2020, paras 10-11.
113. Voir par exemple Lonel Garcea c. Roumanie, Cour européenne des droits de l’homme, 24 mars 2015, 2959/11, para 43-45; Kondrulin c. Russie, Cour européenne des droits de l’homme, 20 septembre 2016, 12987/15, paras 31-33.
114. F Voeffray L’actio popularis ou la défense de l’intérêt collectif devant les juridictions internationale, disponible sur https://books-openedition-org.faraway.parisnanterre.fr/iheid/1206 (source consultée le 24 septembre 2022) paras 53 et 85.