Olivier Baraka Bahoze
 Licencié en Droit, Assistant à la faculté de Droit et Coordonnateur du Club-DIH (Université de Goma 2016), Diplômé du Programme de formation en droit international des Nations unies (Addis-Abeba 2019), Candidat au DES en Droit international public et relations internationales et Chercheur au Centre d’études pour le règlement des différends en Afrique (CERDIA) (Université de Kinshasa 2020). Assistant parlementaire à l’Assemblée nationale de la RDC (2020-2023). Domaines de spécialisation: Droit international (humanitaire, pénal, des droits de l’homme et de l’environnement)
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  https://orcid.org/0000-0002-2980-1296


  L’auteur tient à remercier sincèrement le Dr Trésor Makunya pour son opiniâtreté et ses conseils, sans lesquels la présente serait abandonnée en cours de rédaction. En définitif, je dédie la présente, à titre posthume, à mon grand-père Ntabwiko Misago Barthelémy (1936-2020), témoin des injustices coloniales et parti sans bénéficier d'une quelconque réparation des préjudices subis


 Edition: AHRY Volume 5
 Pages: 279-304
 Citation:  OB Bahoze ‘Effectivité des droits culturels et retour des biens culturels africains pillés sous l’empire colonial: pallier les écarts entre textes et contexte’ (2021) 5 Annuaire africain des droits de l’homme 279-304
 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2025/v5a13
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RÉSUMÉ:

Le présent article s’inspire du thème de l’Union africaine pour l’année 2021 - «Arts, culture et patrimoine: leviers pour l’édification de l’Afrique que nous voulons» - pour aborder la question du retour ou de la restitution des biens culturels africains acquis de façon irrégulière durant les périodes de la colonisation et de l’esclavage. Il part du constat selon lequel le systèm e africain dispose d’un corpus normatif et jurisprudentiel substantiel en matière des droits culturels. Cependant, ses principaux instruments ignorent cependant la question du retour des biens culturels. Cette question trouve un relai favorable dans une mosaïque des textes disparates - qui réglementent le secteur de la culture en général - dont l’émanation institutionnelle est aussi multiple que diversifiée (Union africaine, UNESCO et Assemblée générale des Nations Unies). L’analyse de ces textes permet d’établir un lien de causalité entre retour des biens culturels africains et effectivité des droits culturels. Cet article avance l’hypothèse selon laquelle le retour de ces biens serait non seulement un mode de réparation du crime colonial mais surtout une contribution à l’effectivité des droits culturels. Parlant des blocages qui minent la concrétisation du rapatriement de ces biens, cet article critique le développement d’un certain nationalisme artistique et culturel - consécutif au caractère fragmentaire des politiques étatiques en la matière - générateur d’innombrables impasses. Il préconise en palliatif l’harmonisation des politiques culturelles à l’échelle régionale.

MOTS CLÉS: retour des biens culturels, effectivité des droits, système africain, reconstitution du patrimoine culturel africain, décolonisation et justice culturelle

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

Effectiveness of cultural rights and the return of African cultural property acquired during the colonial era: bridging the gaps between texts and context

Abstract: This article draws on the annual theme of the African Union - ‘Arts, Culture and Heritage: Levers for Building the Africa We Want’ - to address the question related to the return or restitution of African cultural property irregularly acquired during the colonial and slavery regimes. It departs from the assumption that the African human rights system has a consistent normative and jurisprudential fabric on cultural rights. However, its main instruments ignore the issue of the return of cultural property. This question finds a favourable response in a mixture of disparate texts - which regulate the cultural sector in general - whose institutional emanation is as multiple as it is diversified (African Union, UNESCO and United Nations General Assembly). The analysis of these texts allows us to establish a causal link between the return of African cultural goods and the effectiveness of cultural rights. This article puts forward the hypothesis according to which the return of these properties would not only be a mode of reparation for colonial crimes but above all a contribution to the effectiveness of cultural rights. Speaking of the obstacles that undermine the concretisation of the repatriation of the illegally acquired property, this article criticises the development of a certain artistic and cultural nationalism - consecutive to the fragmentary character of the state policies in the matter - generating innumerable impasses. As a palliative, the article advocates for the harmonisation of cultural policies at the regional level.

KEYWORDS: Repatriation of cultural property, effectiveness of rights, African human rights system, reconstitution of African cultural heritage, decolonisation and cultural justice

SOMMAIRE:

1 Introduction  

2 Droits culturels et retour des biens culturels voles a l’afrique: conceptualisation et fondement juridique  

2.1 Clarification conceptuelle  

2.2 La maturation juridique et jurisprudentielle des droits culturels dans le système africain des droits de l’homme  

3 Le retour des biens culturels comme levier de l’effectivite des droits culturels en afrique  

3.1 L’articulation de la restitution en droits: défis, moyens et finalité  

3.2 La restitution des biens sous le prisme d’obligations de l’Etat: en finir avec le décalage entre droit déclaré et réalité sociale vécue?  

4 Conclusion  

1 INTRODUCTION

Contracté récemment, en marge de la mode, le mariage entre droit et culture serait juridiquement contrenature, voire incestueux, s’il n’avait pas donné naissance aux droits culturels. Ce mariage a brisé, dans son articulation, le rituel du péché originel1 qui a tendance à entacher le cadre normatif issu des précédents mariages - conclus entre droit et politique2 d’une part et droit et économie,3 d’autre part. Ces derniers restent marqués par l’empreinte de la rationalité européenne et dont la transposition en Afrique relève du mimétisme normatif.4 En vacillant, dans leur encrage, entre tradition et modernité, les droits culturels ont l’avantage d’éviter cet écueil. En effet, le contenu normatif de l’article 17 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples5 démontre au prix de quel effort les concepteurs de la Charte ont éviter de légiférer au rebours des valeurs traditionnelles et coutumières.

Intrinsèques à l’africanité ces valeurs constituent un trait d’union entre le passé, le présent et le futur. Elles trouvent leur matérialité dans l’art entant que forme expressive du patrimoine culturel et historique. Conscients de cette assertion, les États membres de l’Union africaine ont consacré 2021 année des arts, culture et patrimoine. Ceci ressort du thème annuel censé guider les activités des organes politiques de l’UA.6 Le choix de ce thème, même s’il peut paraître banal, est chargé de significations. Les peuples africains - aussi bien continentaux que diasporiques7 - s’engagent de plus en plus dans le processus de recouvrement de leur patrimoine culturel aliéné durant le passé colonial et esclavagiste. Terrain de prédilection de la nouvelle génération, l’on y voit une volonté assumée de rendre effective la décolonisation des esprits qui semble se perpétuer sur le plan culturel et identitaire.

Comme l’on devrait s’y attendre, le processus du recouvrement des biens culturels africains, mal acquis sous la colonisation, oppose deux visions inconciliables.8 L’une conservatrice, œuvrant pour un statu quo ante, s’articule d’abord à travers la fin de non-recevoir opposée par certains ‘héritiers légaux’ des anciens colonisateurs aux requêtes émises par les ‘héritiers légitimes’ des victimes de la colonisation allant dans le sens de la restitution. Ensuite, cette vision se dessine maintenant à travers l’adoption des formules nuancées tendant à modifier le statut juridique de ces biens, pour les convertir - en dépit de leur histoire macabre - en «patrimoine commun de l’humanité» au nom de l’universalité et de l’interculturalité. Au fond, cette vision préconise une sorte de libéralisme à sens unique9 et risque de générer un blanchiment des biens culturels mal acquis.

Progressiste, l’autre vision lutte pour l’émergence d’un nouveau paradigme de justice culturelle et raisonne d’une lutte cherchant à faire rapatrier ces biens en faveur des «héritiers légitimes». Même si cette lutte peine à aboutir, son dénouement participera à la connaissance de l’histoire, à l’affermissement des arts et à l’épanouissement de la culture africaine, bref, à l’édification de «l’Afrique que nous voulons».

Au milieu de cette confrontation, le reflexe du juriste serait logiquement de s’interroger sur la place du droit dans le processus de recouvrement des biens culturels africains. Cette question est sujette à quelques ruptures et enjeux - en termes du droit et du règlement des contentieux historiques par les outils légaux et institutionnels en pleine construction - qu’il faut cerner au préalable.

Partant des ruptures, rappelons d’emblée que dans le domaine culturel et artistique, l’apport de l’Afrique au reste du monde est significatif. De nos jours, cette assertion n’est plus facilement remise en cause.10 Les tragédies successives, consécutives au colonialisme,11 eurent malheureusement des répercussions nocives sur l’héritage de l’Afrique dont la performance artistique et culturelle fut pendant longtemps dissipée dans un déni terrifiant. Méconnue par ses propres héritiers, une part non négligeable de cet héritage - déportée durant la période du rapt colonial - demeure enchaîné en dépit des indépendances amorcées depuis les années 50-60.12 D’ordre historique, c’est à ce niveau que se décline la première rupture susceptible de servir de paravent à la compréhension des éléments juridiques qui entourent la question du retour en Afrique des biens culturels susmentionnés.

La deuxième rupture est à chercher dans une approche évolutive de la question. Fuyante, elle est de l’ordre de la contestation d’une domination13 d’un peuple par un autre perpétuée par l’utilisation des outils culturels à des fins hégémoniques.14 Cette rupture se traduit par la lutte pour la libération de l’héritage culturel africain, dont les biens artistiques et œuvres d’art, servant parfois d’objets de culte, transformés depuis en bien marchant dans les musées occidentaux. Poussés par la quête d’une identité culturelle, les peuples africains, postérités des aïeux anciennement colonisés, cherchent à tout prix les voies de sortie pour se défaire du goulot d’étranglement culturel qui sert d’avatar à l’assimilation culturelle incompatible avec tout développement propre, authentique et dépourvu des agrégats du mimétisme. Cette rupture s’inscrit dans une logique de confrontation tenant compte d’un nouveau paradigme en termes de rapport des forces entre anciens colonisateurs et colonisés. Sur papier, ces rapports ne sont plus verticaux mais sont devenus horizontaux mettant sur un même diapason des peuples égaux émanant des entités jouissant d’une égale souveraineté. La compréhension de cette deuxième rupture reste déterminante pour apprivoiser les blocages inhérents au rapatriement des biens culturels africains recelés en occident. Ce retour passe par la coopération internationale et soulève des questions sur les capacités du cadre conventionnel et institutionnel actuel à permettre, en toute égalité, le règlement d’un différend antérieur à son avènement.

Exposées tel qu’elles, les deux ruptures démontrent en elles-seules toute la complexité qu’il y a à aborder juridiquement la question du retour des biens culturels africains volés sous l’empire colonial. Plus complexe davantage quand cette question doit être analysée à l’aune de l’effectivité d’une catégorie des droits, reconnue objectivement aux peuples africains et dont la justiciabilité, possible ou supposée, imposerait aux Etats des obligations positives en termes de protection, de promotion et de réalisation.

Pour ce qui est des enjeux , le retour des biens culturels africains paraît, toutes proportions gardées, comme un pas décisif vers la fin de la colonisation sous ses formes culturelles.15 Relevant désormais des crimes contre l’humanité,16 l’esclavage et le colonialisme ont voulu faire des africains un peuple culturellement déshérité. En effet, la condition servile du peuple nègre en particulier, comme le rappelle Achille Mbembe, «n’aurait pas seulement plongé le sujet nègre dans l’humiliation, l’abaissement et une souffrance sans nom. Ce dernier aurait, quant au fond, subi une expérience de mort civile caractérisée par le déni de dignité, la dispersion et la tourmente de l’exil».17 Cette mort sociale,18 s’il en est une, se manifeste largement à l’échelle de l’identité culturelle dans la mesure où le phénomène colonial a produit, à travers la translocation du patrimoine africain, un effet de coagulation ou d’étouffement de l’expression culturelle des peuples colonisés.19

Le deuxième enjeu, et c’est le corolaire du premier, s’appuierait sur le fait que le recouvrement de l’intégralité des biens culturels faisant partie du patrimoine africain est une forme de réparation des crimes coloniaux tout en étant une condition sine qua non pour garantir l’effectivité des droits culturels, y compris les droits qui leur sont connexes. En effet, le caractère réparateur du retour des biens culturels s’est érigé en doctrine majoritaire au sein de l’Assemblée générale des Nations Unies. Depuis sa troisième résolution, relative à la question du retour des biens culturels, adoptée le 18 décembre 1978.20 De nos jours, cette position vieille de 48 ans, se conforte davantage par la pratique des Etats.21

Plus de 60 ans après les indépendances et quatre décennies après l’éclosion du système africain des droits de l’homme, la question relative au retour dans leur pays d’origine des biens culturels volés durant l’esclavage et la colonisation se pose avec acuité. Au carrefour entre le droit, la politique et la morale,22 cette question n’exaspère pas uniquement les Etats africains.23 Elle concerne tous les peuples du monde qui, d’une manière ou d’une autre, furent déshérités d’une partie de leur patrimoine culturel matériel suite au contact avec l’occident. 24

Néanmoins, il faut marteler ici que les allures globales de ce phénomène semblent pour les moins trompeuses. Il est établi en effet que l’Afrique reste de loin le continent le plus touché. Les expertises majoritaires en la matière convergent à considérer que plus de 90 à 95% des pièces majeures du patrimoine culturel d’Afrique subsaharienne se trouvent hors du continent dans les grands musées occidentaux .25 Certains commentateurs parlent d’ une «déperdition massive par rapport aux autres situations».26 D’autres fustigent un véritable «Mémocide»,27 qui, à en croire van Nijen, «entraîne des répercussions sur le plan culturel, éducatif, identitaire, affectif, politique, matériel,

sociologique, religieux, économique, locale et globale».28 Vu sous cet angle, vouloir en finir avec la négation d’un droit à la culture, corollaire à cet état de choses, s’avère la conséquence de cet enjeu.

Au regard du système africain des droits de l’homme quel lien de causalité peut-on établir entre restitution des biens culturels africains et effectivité du droit à une vie culturelle? Autrement dit, en quoi ou à quelles conditions le retour des biens culturels africains contribue-t-il à l’effectivité des droits culturels? Telle est la question principale autour de laquelle tournera la présente réflexion.

Un problème d’ordre méthodologique est à mentionner dès le départ. La question du retour des biens culturels africains - en dépit du fait qu’elle soit juridiquement soutenue par un éventail des normes aussi bien sur le plan international que régional - paraît pour le moins complexe. Au-delà de ses dimensions historiques, politiques, sociologiques et philosophiques, l’aspect juridique qui la caractérise admet à son tour d’innombrables passions en termes d’identité, de mémoire, de souveraineté et de nationalisme culturels. Pour un chercheur africain, le principal défi sera de parvenir à se hisser en commentateur impartial. L’objet du présent article n’est pas donc de revenir de manière exhaustive sur les aspects politiques, diplomatiques et historiques de la question. Non seulement les études abondent dans ce sens,29 cela nous paraît surtout pécher par prétention dans un cadre aussi réduit. Nous nous contenterons uniquement d’analyser - dans une approche à la fois dogmatique, critique et empirique - le cadre normatif dédié à la question du retour des biens culturels dans le système africain (partie 2) avant de savoir en quoi et sous quelles conditions le retour de ces biens contribuera à l’effectivité des droits culturels en Afrique (partie 3). On proposera enfin des pistes de solution à l’échelle régionale en guise de conclusion (partie 4).

2 DROITS CULTURELS ET RETOUR DES BIENS CULTURELS VOLES A L’AFRIQUE: CONCEPTUALISATION ET FONDEMENT JURIDIQUE

Parler de l’effectivité des droits culturels passe préalablement par la clarification de certains concepts. Nous allons d’abord préciser ce que nous entendons par culture, patrimoine culturel, bien culturel et droits culturels (partie 2.1). Cette approche conceptuelle permettra de cerner ensuite l’interprétation et l’applicabilité à cette question des sources conventionnelles du système africain relatives aux droits culturels (partie 2.2).

2.1 Clarification conceptuelle

D’entrée de jeu, il faut avouer que le triptyque conceptuel culture, patrimoine culturel et bien culturels est notoirement polysémique. On peut croire à une facilité définitionnelle à première vue, mais qui s’éclipse rapidement, quand on tente de proposer une définition de quelque nature que ce soit. En plus, l’éclipse d’une définition conventionnelle, unanimement admise, paraît consécutive à la pluralité des sources consacrées au domaine culturel.

Sur le plan universel, les deux premières conventions adoptées dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) - portant successivement sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels 30 et la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel31 - ne portent aucune définition du concept culture.

C’est de la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles pour le développement32 connue sous le nom de Mondiacult, tenue en 1982 à Mexico, que nous devons l’une des premières définitions selon laquelle:

La culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. 33

Sur le plan africain, parlant des réalités de la culture africaine, le Manifeste culturel panafricain renseigne que «la culture, c’est la totalité de l’outillage matériel et immatériel, œuvres d’art, savoir et savoir-faire, langues, modes de pensée, comportements et expériences accumulées par le peuple dans son effort de libération pour dominer la nature et édifier une société toujours meilleure».34

Aux côtés de ces définitions disparates, il existe une définition jurisprudentielle, très englobante émanant de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Commission Africaine des Droit de l’Homme et des Peuples c. Kenya. Pour la Cour: 35

[...] la culture doit être appréhendée dans son sens le plus large qui recouvre le mode de vie d’un groupe particulier dans son ensemble, notamment ses langues, ses symboles comme les modes vestimentaires et de construction d’abris, les activités économiques qu’il mène, la production des moyens de subsistance, les rituels tels que la manière particulière dont le groupe règle les problèmes et pratique les cérémonies spirituelles, son identification à ses propres héros ou modèles et les valeurs communes à ses membres qui reflètent la singularité et la personnalité du groupe.

Pour ce qui est du patrimoine culturel, le Manifeste culturel panafricain de 1969 reprend ce concept à trois reprises sans pour autant le définir. A son tour la Charte culturelle africaine de 1976 reste muette au sujet de ce qu’il faut entendre par patrimoine culturel. Par ailleurs, dans son Chapitre VIII consacré à la protection du patrimoine culturel africain, la Charte se contente de dire que «[l]e patrimoine culturel africain doit être protégé sur le plan juridique et le plan pratique dans les conditions énoncées par les instruments internationaux en vigueur et selon les meilleures normes applicables dans ce domaine».36 Ce même écueil est perceptible dans la Charte de la renaissance culturelle de l’Afrique de 2006. Cet instrument, non encore en vigueur, reprend à 10 reprises le concept «patrimoine culturel» - auquel il accole soit le préfixe ‘matériel et immatériel’, soit l’adjectif ‘africain’ voire le qualificatif ‘naturel’ - tout en entretenant cependant l’ambiguïté autour de sa définition.

Il en découle à cet effet que la définition serait à rechercher dans des sources subsidiaires voire internationales. En effet, en droit international le concept «patrimoine culturel» cache une notion plurielle.37 Matériel ou immatériel, africain ou naturel, cette notion est un terrain de prédilection de l’UNESCO. La Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel adoptée le 16 novembre 1972, ne définit pas concrètement le concept «patrimoine culturel». Son article 1er n’en donne que les éléments constitutifs. Entre autres

les monuments: œuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science, − les ensembles: groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science, − les sites: œuvres de l’homme ou œuvres conjuguées de l’homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique.

Le même problème de définition se remarque pour le concept bien culturel. L ’article 28 de la Charte culturelle africaine ne se contente que de citer en vrac quelques éléments susceptibles de constituer ce qu’il faut entendre par bien culturel. Cette disposition parle des archives, des objets d’art et d’archéologie .38

L’article premier de la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels de 1970 ne définit pas non plus le concept bien culturel. Il ne se limite d’en préciser les éléments constitutifs.39 C’est la Convention de l’Institut international pour l’unification du droit privé (Unidroit) - adoptée le 24 juin 1995 à Rome sous les auspices de l’UNESCO qui en donne la teneur. A son article 2, elle entend par biens culturels, «[...] les biens qui, à titre religieux ou profane, revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science et qui appartiennent à l’une des catégories énumérées dans l’annexe à la présente Convention». Avant cette convention, la protection des biens culturels a fait l’objet d’une convention dès le 14 mai 1954.40 C’est la convention de La Haye sur la protection des biens culturels en cas de conflits armés qui définira pour la première fois la notion de «biens culturels» à son article 1er.41

Pour ce qui est des «droits culturels», une observation mérite d’être faite d’entrée de jeu. En dépit du développement des instruments relatifs aux droits de l’homme, les instruments particuliers portant sur les droits culturels sont rares, la tendance en vogue étant de mélanger ces droits avec les droits économiques et sociaux. Les textes qui portent directement sur les droits culturels sont encore à l’étape déclarative. Ces textes ne définissent pas ce qu’il faut entendre par droits culturels. En effet, il s’agit de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle du 2 novembre 2001 ainsi que la Déclaration de Fribourg sur les droits culturels du 7 mai 2005. L’article 5 de la première Déclaration intitulée ‘Les droits culturels, cadre propice à la diversité culturelle’ ne fait que situer la place des droits culturels dans les droits de l’homme42 pendant que la deuxième Déclaration ne donne que les matières sur lesquelles portent ces droits.43

Vu sous l’angle du retour des biens culturels africains, par droits culturels nous entendons principalement le droit à une vie culturelle et les droits qui lui sont connexes. Il s’agira entre autres du droit à l’identité culturelle, droit de jouir de son héritage culturel, droit à la formation et l’information sur son passé historique et culturel, droit à l’éducation qui respecte son identité culturelle, droit de pratiquer librement la religion de sa culture (culte ancestral), droit à la justice culturelle, droit des peuples à disposer de leurs biens culturels et le droit à l’autodétermination culturelle. A notre entendement, toutes ces composantes font un tout constitué des agrégats indissociables que nous qualifierons génériquement de «droits culturels». Penchons-nous maintenant sur leur conception juridique en Afrique, pour cerner le degré de conventionalité de la question relative au retour des biens culturels volés sous la colonisation.

2.2 La maturation juridique et jurisprudentielle des droits culturels dans le système africain des droits de l’homme

La conception juridique des droits culturels en Afrique n’est pas récente. Elle émane des textes variés sur le plan international44 et régional45 (2.2.1), et est confortée au fur et à mesure par la jurisprudence des organes africains chargés de surveiller la mise en œuvre les droits de l’homme (2.2.2). L’analyse des textes ainsi que de la jurisprudence en la matière permettra de savoir en quoi et sous quelles conditions le retour des biens culturels africains contribuera à l’effectivité des droits culturels en Afrique (3).

2.2.1 Les droits culturels dans le système africain des droits de l’homme et des peuples

Dans l’itinéraire du système africain des droits de l’homme la culture et l’éducation constituent deux faces d’une même médaille. En effet, dès la création de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), les États membres s’étaient convenus - pour atteindre les objectifs de l’Organisation46 - de coordonner et harmoniser leurs politiques générales, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la culture.47 Avec le passage de l’OUA à l’Union africaine (UA), la culture a pris une place de leitmotiv dans la promotion du développement durable ainsi que l’intégration des économies africaines entant que l’un des objectifs principaux de l’UA.48 Cette promotion devra se cristalliser aux plans économique, social et culturel.

Au niveau international, le droit de participer à la vie culturelle de la communauté est prévu par l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme49 et à l’article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels.50 Outre le système européen de type individualiste - qui, dès le départ a nourri des méfiances injustifiées à l’égard des droits que la doctrine majoritaire occidentale renvoie dans la ‘deuxième catégorie’ - le système américain, à travers l’article 14 du Protocole de San Salvador51 et le système africain par le biais de l’ar ticle 17 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples consacrent le droit de participer à la vie culturelle.52

Ce cadre juridique, pour le moins général, est renforcé par une panoplie des conventions sectorielles. L’avènement de ces dernières a été dicté, dès le début de l’OUA, par le besoin d’utiliser le domaine de la culture et de l’éducation comme instrument pour atteindre les objectifs de l’Organisation.

C’est dans cette perspective qu’en 1969, le Symposium du premier Festival culturel panafricain, organisé à Alger sous l’égide de l’OUA, adopta le Manifeste culturel panafricain. Dépourvu de la force contraignante, ce manifeste a une portée politique et idéologique indéniable qui tient non seulement à sa philosophie revendicative mais surtout à son engagement en faveur de la totale décolonisation culturelle des peuples africains. A cet effet, le paragraphe 5 du Préambule de ce Manifeste rappelle sans atermoiements qu’

il y a nécessité d’un retour aux sources de nos valeurs, non pour nous y enfermer, mais plutôt pour opérer un inventaire critique, afin d’éliminer les éléments devenus caducs et inhibiteurs, les éléments étrangers aberrants et aliénateurs introduits par le colonialisme, et retenir de cet inventaire les éléments encore valables les actualiser et les faire déboucher sur le moderne et l’universel.

Par ailleurs, le Manifeste rappelle le rôle de la culture africaine dans la lutte de la libération et de l’unité africaine ainsi que son rôle dans le développement économique et social de l’Afrique. Pour ainsi dire, de l’avis du Manifeste, la culture africaine a joué un rôle capital dans l’effectivité du droit des peuples africains à disposer d’eux-mêmes tout comme l’affermissement de leur droit au développement.

Pour ce qui est de la restitution des biens faisant partie du patrimoine culturel africains pillés sous l’empire colonial, le Manifeste suggère d’«[e]ngager toutes les démarches nécessaires, y inclus par l’intermédiaire des institutions internationales, pour récupérer les objets d’art et les archives pillés par les puissances coloniales, prendre les mesures nécessaires pour arrêter l’hémorragie des biens culturels qui quittent le continent africain».53

En 1976, convaincus du fait que tout peuple a le droit imprescriptible à organiser sa vie culturelle en fonction de ses idéaux politiques, économiques, sociaux, philosophiques et spirituels,54 les chefs d’État et de gouvernement de l’OUA ont tenu leur Assemblée ordinaire à Port-Louis, capitale de Maurice. De ces assises fut adoptée la Charte culturelle pour l’Afrique. Traité à part entière, cet instrument compte déjà 35 ratifications à ces jours.55 Cette Charte vise, à en croire ses objectifs, à «a) libérer les peuples africains des conditions socio-culturelles qui entravent leur développement pour recréer et entretenir le sens et la volonté de développement; b) réhabiliter, restaurer, sauvegarder, promouvoir le patrimoine culturel africain; c) affirmer la dignité de l’homme africain et les fondements populaires de sa culture; d) combattre et éliminer toutes les formes d’aliénation, d’oppression et de domination culturelle partout en Afrique, notamment dans les pays encore sous domination coloniale et raciste dont l’apartheid; e) favoriser la coopération culturelle entre les Etats africains en vue du renforcement de l’unité africaine».56

Pour ce qui est du sort des biens culturels pillés en Afrique, la Charte de Port-Louis s’inscrit dans une logique protectionniste pour le moins rétroactive. Par son article 28, la Charte oblige les Etats à prendre les dispositions pour mettre fin au pillage des biens culturels africains et obtenir que ces biens culturels, notamment les archives, les objets d’art et d’archéologie, dont l’Afrique a été spoliée, lui soient restitués. Cette disposition encourage les Etats à coopérer pour ce faire en ce sens qu’ils devront appuyer les efforts déployés par l’UNESCO et prendre toutes autres initiatives pour assurer l’application des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le retour ou la restitution des œuvres d’art enlevées à leurs pays d’origine.57

Adoptée en 2006 à Khartoum, la Charte de la renaissance culturelle africaine est venue - à en croire les dispositions de son article 1er - remplacer la Charte culturelle de l’Afrique de 1976. Cette Charte n’est pas encore entrée en vigueur faute des ratifications exigées.58

Dans son Chapitre 5 relatif à la protection du patrimoine culturel africain, cet instrument pose aux articles 26, 27 et 28 les principes autour de la restitution des biens faisant partie du patrimoine africain pillé sous la colonisation. Les articles 26 et 27 font de la restitution des biens culturels africains pillés une obligation positive - à la fois des moyens et de résultats - à la charge des Etats-parties. En effet, dans ces articles le législateur régional utilise le verbe ‘devoir’ qui sous-entend une obligation de résultat et non ‘pouvoir’ qui sous-entendrait une action à mener dans les limites du possible.59

L’article 28 quant à lui, oblige les Etats concernés par le retour des biens culturels volés à mettre en place les conditions physiques et environnementales appropriées à la sauvegarde et à la protection des documents et archives historiques restitués. Cette disposition semble endosser un peu le discours réfractaire du type paternaliste60 devenu un argument derrière lequel se cachent des héritiers occidentaux - à travers une sorte de moralité tardive et centrée sur le matériel - afin d’opiner que toutes les conditions ne sont pas réunies pour que les Etats africains soient capables d’accueillir les biens à restituer.61 Encore une fois, cet argument n’a pas à être érigé en condition sine qua non, ou du moins en préalable en amont de toute restitution. Le caractère comique d’une telle position est tellement saisissant quand on sait que ces biens ont été volés de quelque part62 et qu’on sait a fortiori que le problème de leur conservation ne s’est jamais posé avant la colonisation.

L’analyse du cadre normatif relatif au retour des biens culturels africains démontre que les principaux instruments des droits de l’homme du système africain demeurent muets sur la question. Seuls les instruments sectoriels, internationaux et résolutoires consacrés à la culture - relevant généralement du soft law - prévoient des fragments dans ce sens. D’où, la difficulté de situer la réglementation du retour des biens culturels dans le droit positif issu du système africain des droits de l’homme. Ce retour ne serait ainsi qu’un de plusieurs facteurs - proches ou lointains - susceptibles de contribuer à l’effectivité des droits culturels. En conséquence, tout porte à croire qu’un droit au patrimoine culturel africain, en tant que droit subjectif, demeure juridiquement d’une positivité éclipsée. Analysons dans la partie qui suit les décisions ayant trait aux droits culturels rendues par les organes de mise en œuvre du système africain des droits de l’homme.

2.2.2 Quelques repères jurisprudentiels

Dans la jurisprudence des organes de mise en œuvre du système africain des droits de l’homme, la question relative aux droits culturels a été examinée devant la Commission et la Cour africaines dans deux affaires de référence.

La première, l’affaire Centre for Minority Rights Development (Kenya) et Minority Rights Group International (au nom de Endorois Welfare Council) c. Kenya (affaire Endorois), porte sur la violation présumée de l’article 17(2) & 17(3) de la Charte africaine.63 Il a été fait état de violations résultant du déplacement des membres de la Communauté Endorois, un peuple autochtone, de leur terre ancestrale, le défaut de leur dédommagement adéquat pour la perte de leurs biens, la perturbation de leurs activités pastorales communautaires et les violations du droit de pratiquer leur religion et leur culture, ainsi que la perturbation du processus de développement global de la Communauté Endorois.64 Les plaignants allèguent que «les droits culturels des Endorois ont été violés doublement: Premièrement, la communauté a subi des restrictions systématiques à l’accès aux sites culturels et deuxièmement, les droits culturels de la communauté ont été violés par les dommages graves causés par les autorités kenyanes à leur vie pastorale».65 La Commission a donné gain de cause aux plaignants en concluant qu’ «[e]n forçant la communauté à vivre sur des terres semi arides sans accès aux plantes médicinales et autres ressources vitales pour la santé de leurs bétails, l’Etat défendeur a créé une menace grave à la vie pastorale des Endorois. Elle convient que toute essence du droit des Endorois à la culture a été refusée, rendant illusoire le droit à toutes intentions ou buts».66

En 2017, la Cour africaine a rendu au fond un arrêt dans l’affaire opposant la Commission africaine au Kenya récidiviste. Pendante devant la Commission depuis 2009, dans cette affaire il s’est agi encore une fois de l’expulsion d’une communauté autochtone, les Ogiek, d’une zone forestière du Kenya, la forêt de Mau, laquelle expulsion a affecté le mode de vie traditionnel des Ogiek. Après avoir été saisie de la requête par la Commission, la Cour a rendu une ordonnance de mesures provisoires portant sur les transactions foncières dans ladite zone forestière,67 et quatre ans après, une décision au fond a été rendue.68 En l’occurrence, «[l]a requérante affirme que les droits culturels des Ogiek ont été violés par l’État défendeur du fait qu’il a limité leur accès à la forêt de Mau qui héberge leurs sites culturels. Selon la requérante, les démarches qu’ils ont entreprises pour accéder à leurs terres historiques à des fins culturelles se sont heurtées à des mesures d’intimidation et à des détentions. En outre, les autorités kényanes ont imposé de sérieuses restrictions à leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs, après les avoir expulsés de force de la forêt de Mau».69 La Cour a conclu «[...] que le défendeur a violé les droits culturels de la population Ogiek en l’expulsant de la forêt de Mau, l’empêchant ainsi de pratiquer ses activités culturelles, contrairement à l’article 17(2) et (3) de la Charte».70

La position de la Cour dans cette affaire nous paraît édifiante à deux niveaux. D’abord, la Cour n’a pas validé l’argument relatif au caractère évolutif de la culture qui impacterait l’effectivité des droits culturels, tout en rejetant, ensuite, l’argument du requérant fondé sur les restrictions d’un droit des minorités au nom de l’intérêt commun. En effet, l’argument du Kenya selon lequel «les Ogiek ont évolué et que leur mode de vie a tellement changé au fil du temps qu’ils ont perdu leur identité culturelle distinctive»71 n’a pas remporté la conviction des juges. De l’avis de la Cour: «[...] le défendeur n’a pas démontré à suffisance que cette évolution et cette transformation alléguées du mode de vie des Ogiek ont totalement effacé leur spécificité culturelle. La Cour souligne à cet égard que l’immobilisme ou la pérennité d’un mode de vie statique ne peut être considéré comme un élément essentiel de la culture ou de la spécificité culturelle.72 Par ailleurs, la Cour n’a pas été convaincue par l’argument du Kenya selon lequel «les mesures d’expulsion avaient été prises dans l’intérêt commun afin de préserver l’environnement naturel du complexe forestier de Mau».73 Elle releva à contrario que l’article 17 de la Charte ne prévoit pas d’exceptions aux droits culturels. Toute restriction à ces droits doit donc tenir compte de l’article 27 de la Charte.74

Sans verser dans des analogies dangereuses en rupture d’avec la question sous examen, il est possible de remarquer que l’argument selon lequel, par la force de la mondialisation qui aurait entrainé une certaine uniformisation culturelle faisant perdre aux africains leur culture - cette dernière s’étant fondue dans un moule de l’universalité - ne tient plus débout. Un colonisateur de mauvaise foi peut se cacher derrière pareil argument pour faire valoir le fait que la culture des peuples africains a évolué et donc son patrimoine culturel fait jadis partie du patrimoine commun de l’humanité pour ainsi dire que sa restitution a déjà perdu à la fois son intérêt, son importance ainsi que son actualité. Une fois de plus, pareil argument manque d’assise logique en fait comme en droit. Il validerait par ailleurs un discours d’assimilation culturelle déconnecté du vrai enjeu relatif au retour des biens culturels spoliés: la décolonisation des esprits.

Dans une approche prospective, penchons-nous maintenant sur les retombées du retour des biens culturels africains en termes de participation à l’effectivité des droits culturels en Afrique.

3 LE RETOUR DES BIENS CULTURELS COMME LEVIER DE L’EFFECTIVITE DES DROITS CULTURELS EN AFRIQUE

En quoi ou à quelles conditions le retour des biens culturels africains peut contribuer à l’effectivité des droits culturels? La réponse à cette question nous semble déterminante pour établir le lien de cause à effet entre retour des biens et effectivité des droits. Cependant, elle paraît de l’ordre des spéculations car en ce moment il n’est pas aisé de présager avec certitude l’impact redouté que le retour de ces biens aura sur l’affermissement et l’effectivité des droits culturels en Afrique. On tentera d’y répondre à deux temps. D’abord envisager l’articulation de la restitution en droits subjectifs (partie 3.1), ensuite l’entrevoir sous le prisme du devoir des Etats (partie 3.2).

3.1 L’articulation de la restitution en droits: défis, moyens et finalité

L’une des innovations de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples75 réside dans l’élargissement du cercle des destinataires des droits qu’elle opère. Partant des individus à la collectivité, en passant par les peuples africains, le système africain privilégie une approche multiple pour ce qui est de destinataires primaires des droits qu’il consacre. Ce qui implique que l’effectivité des droits culturels s’apparente à l’aptitude de ces ‘créanciers des droits’ susmentionnés d’en exercer la faculté de jouissance. Ici, il sera donc question de cerner d’abord les défis, avant de savoir ensuite par quels moyens la restitution de biens culturels africains peut s’articuler en droits pour satisfaire une finalité bien déterminée, à savoir, participer à l’effectivité des droits culturels en Afrique.

Dans le cas d’espèce, pour ce qui est de défis, on notera d’abord la difficulté induite par la situation juridique actuelle des biens culturels africains pillés sous la colonisation. En effet, avec le temps, ces biens, meubles par leur nature, sont passés d’une main à une autre, quittant des collections privées vers les collections publiques - brouillant partiellement toute traçabilité - faisant des personnes qui détiennent légalement la propriété de ces biens ‘acquéreurs de bonne foi’, complexifiant d’avantage la perspective de leur retour. Ensuite, s’ajoute une panoplie des techniques juridiques auxquelles s’accrochent les anciennes métropoles. «L’indisponibilité, l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité [...] visant à protéger, mais également à contrôler la circulation de certains biens qui se distinguent par leur valeur artistique ou historique»,76 sont autant des blocages, postérieurs au rapt, qui impactent négativement le processus de rapatriement de ces biens. A ceci s’ajoute le changement radical des circonstances géographiques. A qui restitue-t-on? Les chefferies d’hier, auxquelles ces biens ont été arrachés, sont-elles les Etats d’aujourd’hui? Il en découle ainsi un vaste chantier dont la matérialisation exacerbe et interpelle sur les réelles capacités des parties prenantes à être à la hauteur du défi.77 Ce chantier passe par l’identification, le déclassement et le rapatriement des biens culturels susmentionnés. Ces opérations sont malheureusement à la traine. Victime de la lourdeur diplomatique à l’échelon bilatéral, elles demandent - pour produire d’effets escomptés - des moyens supplémentaires en termes de flexibilité et d’innovation. En fait, l’un des échecs de la coopération internationale en matière de restitution des biens culturels volés réside non seulement dans la non-rétroactivité du cadre conventionnel, mais aussi, dans l’existence d’obligations pécuniaires que les Etats requérants doivent assumer pour compenser les éventuelles pertes découlant du vide matériel consécutif au rapatriement d’un bien. Cela ressort de certaines clauses que regorge l’article 7 de la convention de l’UNESCO de 1970.78 Appliquées en l’espèce, ces clauses semblent immorales dans le sens où elles mettraient à la charge des victimes d’une injustice passée des obligations pécuniaires pour leur propre réparation. Les Etats africains, dont un plus grand nombre fait partie de la catégorie d’Etat en développement, n’ont pas souvent des moyens, et ont d’autres problèmes urgents plus pressants que le retour des biens culturels.

Pour ce qui est de moyens, on cherchera aussi à savoir les procédés à mettre en place pour articuler la restitution en droits subjectifs, l’objectif étant de préconiser une approche avant-gardiste faisant de la restitution un droit à part entière susceptible de justiciabilité. Des moyens à la fois légaux et institutionnels supplémentaires peuvent être mobilisés en faveur de cette question. Pour ce qui est des moyens légaux, l’article 5(a) de la Convention de l’UNESCO de 1970 demande aux Etats de contribuer à l’élaboration des projets de textes législatifs et réglementaires en vue de lutter contre le trafic illicite des biens culturels. La lecture parallèle des articles 2(1)79 et 5 de cette convention fait de la coopération internationale un outil indispensable pour la lutte contre le trafic illicite des biens culturels sans relever clairement les implications de telles dispositions sur la restitution des biens pillés antérieurement à son entrée en vigueur. Avec ces 141 ratifications,80 ouvertes aux Etats africains et européens, cette Convention peut être utilisée pour donner effet utile à la quête de restitution des biens culturels africains. Sauf que peu d’Etats-parties se sont acquittés de l’obligation de légiférer à l’interne. Et puis, étant postérieure à l’époque coloniale, elle n’est pas d’application rétroactive. D’où, l’impossibilité de résoudre un problème passé avec un cadre légal présent. L’option, non encore expérimentée à notre connaissance, est le recours aux institutions régionales pour ce faire. Leur action ne peut cependant se limiter que dans un cadre purement consultatif tendant à clarifier le contenu des droits culturels et le rôle des Etats en faveur du recouvrement des biens culturels africains éparpillés dans le monde. Ce qui ne s’est jamais réalisé. Pourtant, cette option devrait être le premier acte à poser dans le processus d’articulation de la restitution en droit.

Quant à la finalité, elle s’inscrit dans une approche purement utilitariste; à savoir, la contribution des biens faisant parties du patrimoine culturel africain à l’effectivité des droits culturels. A cet effet, le droit de participer à une vie culturelle, le droit à l’éducation, la liberté des cultes - tels que consacrés par le système africain - sont restés pendant longtemps assujettis à une certaine extraversion due à l’absence des outils nécessaires à leur libre épanouissement. De ce qui précède, la restitution s’avère en soi un droit pour les africains, ayant droit des biens culturels pillés. La non-restitution de ces derniers pérennise une injustice mettant en cause l’œuvre des indépendances. Elle jette aussi un discrédit sur le degré de civilisation de certains Etats qui s’accrochent à garder jalousement les preuves macabres de leur passé criminel. Ces Etats demeurent par ailleurs complice de la violation des droits culturels en Afrique par le fait de non-rapatriement des biens susceptibles de contribuer à leur effectivité.

Le retour des biens culturels africains est une question d’autodétermination culturelle s’imposant aussi bien aux Etats qu’aux individus. Reste maintenant à savoir si ce retour permettra d’en finir avec le décalage entre droit consacré et réalités vécues.

3.2 La restitution des biens sous le prisme d’obligations de l’Etat: en finir avec le décalage entre droit déclaré et réalité sociale vécue?

A l’échelle des destinataires secondaires - les Etats africains débiteurs des droits culturels - chargés de leur mise en œuvre interne, l’effectivité fait écho à un concept évaluatif de la réception et de la mise en œuvre des normes juridiques.81 L’effectivité dont il est question s’apprécie à travers «[...] des écarts entre le droit en vigueur et la réalité sociale qu’il est censé ordonner [...]».82 Ceci, dans la mesure où, toute convention des droits de l’homme, à l’instar de la Charte africaine, a pour but - pour emprunter les mots de la Cour européenne des droits de l’homme, «[...] de protéger les droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs».83 Nous avons, dans les développements précédents,84 précisé qu’en matière de droits culturels, le système africain est suffisamment en avance en normes et jurisprudence, le principal problème serait au niveau de l’effectivité interne, et donc, à travers la mise en œuvre par les Etats.

Ainsi, la question qui se posera à ce niveau sera de savoir à quel seuil les Etats mettent en œuvre les droits culturels en général85 et, particulièrement, en quoi le retour des biens culturels africains leur aiderait à s’acquitter de leur obligation de respecter et de faire respecter les droits culturels des peuples africains conformément aux prescrits de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples,86 ainsi que les dispositions de la charte de la renaissance culturelle.87 Encore une fois, il faut l’avouer, on ne peut pas prédire avec exactitude l’apport des biens culturels aux capacités étatiques de garantir un plein effet aux droits culturels. Ceci, non seulement parce qu’on est en face des biens dont l’antériorité au système contemporain de protection des droits de l’homme est manifeste, mais surtout, du fait même que la question de ces biens, on l’a déjà dit, n’a aucune référence légale dans les principaux instruments dédiés aux droits de l’homme en Afrique.

Cependant, la non restitution des biens culturels à l’Afrique est de nature à affecter les Etats dans leur capacité de donner plein effet aux droits culturels en raison de leur caractère intergénérationnel. Ces droits s’opèrent par la transmission d’un héritage, à la fois matériel et immatériel, d’une génération à une autre. Dans ses dimensions économiques, ils supposent aussi la restauration du patrimoine culturel et le développement de l’industrie artistique et touristique. L’absence prolongée des biens volés à l’Afrique est un enrichissement sans cause pour leurs détenteurs, une sorte d’évasion des capitaux indispensables pour les héritiers légitimes.

L’article 17(3) de la Charte africaine ne met-il pas à la charge de l’Etat le devoir de promotion et de protection de la morale et des valeurs culturelles de la communauté? Les captations des biens culturels de l’Afrique par l’occident colonisateur est une injustice historique qui a causé la rupture de l’équilibre interculturel, condition préalable de l’universalisme.88 Aussi, par leur essence, les droits culturels sont à la fois de jouissance individuelle et d’exercice collectif. S’adressant plus à la communauté qu’à l’individu, l’exercice de ces droits consacre un droit des peuples à l’autodétermination culturelle. Poussé à l’extrême, ce dernier concerne directement l’Etat qui, tout en s’identifiant aux peuples s’exprime à son nom.89 Dans ce sens, le retour des biens culturels permettra aussi à l’Etat de canaliser sa politique culturelle en fonction de son passé culturel. Ce qui facilitera la création des conditions juridiques et matérielles susceptibles de planter un environnement favorable à l’effectivité des droits culturels et d’en finir avec le décalage entre droits consacrés et réalité vécue.

Il faut mentionner que le traitement de la question de restitution est abandonné à chaque Etat pris individuellement. S’est imposée ainsi une sorte de non-ingérence, presqu’une démission, des instances régionales qui justifie partiellement pourquoi les instruments africains dédiés à la culture peinent à être ratifiés massivement. Un déficit en termes d’un front commun pour la culture est à décrier. Une fragmentation des politiques culturelles nationales s’en suive, chaque Etat se perdant dans des labyrinthes complexes de négociations, consécutives à la coopération bilatérale, s’inscrivant plus dans une posture de continuité de la dialectique conflictuelle post-coloniale qu’à des rapports sincèrement amicaux. En l’espèce, c’est la RDC contre la Belgique,90 le Nigéria et le Bénin respectivement contre la Grande Bretagne et la France,91 l’Ethiopie contre l’Italie,92 la Namibie contre l’Allemagne;93 le Mali,94 le Sénégal, le Burkina, le Cameroun, la Cote d’Ivoire contre la France;95 bref, chaque Etat mène son batail à vase clos et en ordre dispersé. Ce qui prolonge dans le temps l’avènement du rapatriement massif et définitif de ces biens, une question pourtant devenue d’ordre existentiel. Le défi à ce niveau serait dans la capacité des Etats africains à harmoniser leurs politiques culturelles.

4 CONCLUSION

«La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme lorsqu’il a tout oublié» disait Eduard Hierrot. Priver à quelqu’un sa culture revient à le condamner à l’amnésie de lui-même. Le mot culture «comporte deux sens. L’un, en mouvement désigne le processus par lequel un esprit se forme, par l’éducation mais aussi par expérience, à l’autonomie du jugement. L’autre, statique, désigne un ensemble figé de contenus de savoir dont le nombre et la nature sont fixés par l’état d’une civilisation».96 La présente réflexion revisite ce concept, d’un point de vue juridique, en tenant compte de ce double sens.

Comme cela a été démontré dès le départ, contrairement aux mariages mariages entre droit et politique et droit et économie, le mariage entre droit et culture a suivi un itinéraire à part faisant des droits culturels une entité normative rebelle à l’occidentalisation des droits de l’homme. Consacrés à l’article 17 de la Charte africaine, les droits culturels - articulés autour du droit à l’éducation, du droit de prendre part à la vie culturelle de la Communauté ainsi que la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la communauté - voguent entre tradition et modernité. Ces droits connectent l’héritage du passé au présent et s’érigent en gage de la communicabilité de cet héritage à l’avenir. A cet effet, la question relative à l’effectivité des droits culturels et celle touchant au retour des biens culturels africains pillés sous la période coloniale sont indissociables. Pour ainsi dire, quand ce retour paraît hypothétique, l’effectivité de certains droits culturels le devient tout autant.

La non-restitution des biens faisant partie du patrimoine culturel africain pillé sous la colonisation participe-t-elle à une violation persistante des droits culturels en Afrique? Sans approfondir la question dans ses dimensions historiques, politiques, philosophiques et diplomatiques, nous avons essayé de revisiter l’arsenal juridique dédié aux aspects culturels afin d’établir un lien de causalité entre retour de ces biens et effectivité des droits culturels. Trois observations d’ordre théorique, pratique et prospectif peuvent être faites à ce niveau.

Théoriquement, la question du retour des biens culturels n’est pas directement traitée par les principaux instruments du système africain de protection des droits de l’homme, rendant le lien entre droit et culture complexe à apprivoiser. C’est sous l’angle de la protection du patrimoine culturel qu’apparaisse une panoplie des normes sectorielles dédiées à la culture dans son ensemble émanant des diverses institutions. L’analyse de l’effet utile de ces textes permet d’établir un lien de causalité entre restitution des biens africains pillés sous le colonialisme et effectivité des droits culturels. La principale problématique à ce niveau reste de savoir par quel mécanisme le système africain peut contribuer à normaliser cet état de cause, en régissant entre autres des situations passées intégrant un élément d’extranéité et qui, au-delà des frontières africaines, ne relèvent pas de la nature relationnelle débiteur-créancier à l’image des rapports verticaux Etat-individus - comme cela est le cas en matière des droits de l’homme - mais plutôt, relèverait des rapports horizontaux notoirement diplomatiques entre souverainetés (Etat à Etat).

Pratiquement cependant, il y a un certain décalage entre les prévisions légales et la réalité sociale du fait des incohérences qui affecteraient la mise en œuvre de ces textes. Non seulement quand ils émanent d’une initiative régionale ils souffrent, à l’instar de la Charte de la renaissance culturelle africaine, du défaut de ratification par les Etats, mais aussi, quand ils relèvent de l’international ils ne se limitent qu’à l’étape déclarative. Véritable champs d’expérimentation du soft law, le domaine culturel dans son paradigme juridique actuel ne permet pas aux Etats de s’armer des textes à portée contraignante pour soutenir leurs efforts diplomatiques et rendre le retour des biens culturels africains une réalité. Aussi, la mobilisation des toutes les ressources disponibles par les Etats - afin de rapatrier ces biens dans l’optique de reconstituer le patrimoine culturel africain saccagé suite au colonialisme - souffre d’un déficit en terme de volonté.

Prospectivement, il serait souhaitable d’envisager la mesure dans laquelle régionaliser cette quête. Car de plusieurs politiques culturelles des Etats africains découlent une certaine fragmentation. Il sied de remarquer qu’en dépit des avancées qu’on peut se féliciter sur le plan normatif, le cadre institutionnel spécial est quasi-inexistant. C’est depuis 2008 qu’il a été créé, sous les auspices de l’UNESCO, un comité international pour la promotion du retour des biens culturels à leur pays d’origine ou leur restitution en cas d’appropriation illégale. A notre connaissance, une structure de cette nature n’existe pas au niveau régional alors que l’Afrique reste de loin le continent le plus touché par ce phénomène. Nous voyons en sa création un pas décisif vers la canalisation ou l’harmonisation des politiques culturelles au niveau régional ainsi qu’un bon début pour une diplomatie culturelle à l’échelle africaine, indispensable pour un panafricanisme culturel actualisé.


1. M Blay Dictionnaire des concepts philosophiques (2006) 601. Chez le chrétien, le concept péché originel est celui commis par Adam et Eve et fondateur des souffrances de l’humanité. Par extension, il fait allusion au ‘vice, défaut d’une doctrine, d’une société, d’une organisation qui remonte à sa fondation’.

2. Pour ce qui est du droit et de la politique, voir B Leoni ‘Droit et politique’ in C Lottieri (dir) Law, liberty and the competitive market (2009) extrait disponible sur http://www.libinst.ch/publications/IL-Leoni-Droit-Politique.pdf (consulté le 23 novembre 2021); G Dubé ‘Le rapport entre la politique et le droit dans l’ordre international (1963) 5(2) Les cahiers de droit 47-56; P Noreau ‘Le droit comme vecteur politique de la citoyenneté. Cadre d’analyse pour l’étude des rapports collectifs entre majorité et minorités’ in M Coutu et al (dirs) Droits fondamentaux et citoyenneté: une citoyenneté fragmentée, illimitée, illisoire? (2000) 325-339.

3. I Mingashang & JPS Bigira (dirs) Du droit à l’économie et de l’économie au droit (2019) 1-695; B Frydman ‘Les nouveaux rapports entres droit et économie: trois hypothèses concurrentes’ in T Kirat & E Servirin (dirs) Le droit dans l’action économique (2000) 25-41.

4. OS Bemuna ‘Portée criminogène des conditions de production et de réception des lois en droits positifs congolais’ in JPS Bigira & I Mingashang Le droit pénal entre douleur et enchantement dans le contexte contemporain (2021) 1113-1140.

5. L’article 17 de la Charte (1981/1986) dispose: ‘1.[t]oute personne a droit à l’éducation. 2. Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de la Communauté. 3. La promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté constituent un devoir de l’Etat dans le cadre de la sauvegarde des droits de l’homme’.

6. Chaque année, lors de la Conférence de l’UA, les chefs d’État et de gouvernement proposent et approuvent un thème de réflexion pour l’année suivante [...]. C’est ainsi que lors de la 33e session de la Conférence, qui s’est tenue en février 2020, les chefs d’État et de gouvernement ont approuvé la proposition de M Ibrahim Boubacar Keita, alors Président de la République du Mali, de déclarer 2021 ‘Année des arts, de la culture et du patrimoine de l’UA’ . Voir note conceptuelle sur l’année 2021 comme année de la culture et du patrimoine en Afrique, Déc. EX.CL/1231(XXXVII)Rev.1. Disponible sur https://au.int/sites/default/files/docu ments/40121-doc-f-_draft_concept_note_on_2021_as_the_year_of_arts_cul ture_and_heritage_in_africa_.pdf (consulté le 6 décembre 2021).

7. Sur l’Afrique et sa diaspora voir E Akyeampong ‘Africans in the diaspora: the diaspora and Africa’ (2000) 99(395) Africa affairs 183-215.

8. Pour comprendre cette dialectique, voir M Murphy & B Tiller ‘Ethique et politique de la restitution des biens culturels à l’Afrique: les enjeux d’une polémique’ (2019) 48(2) Sociétés & Répresentations 257-270.

9. Un libéralisme allant de la libre circulation des biens culturels et - ‘l’unité du territoire culturel universel’ pour des raisons économiques et culturelles à la ‘porte ouverte’ qui permettrait le rayonnement du génie, du prestige national, l’éducation des peuples lointains; c’est ‘l’appréciation mutuelle des valeurs culturelles par des échanges à tous les niveaux et dans tous les domaines’, et l’universalisation du langage et des valeurs culturels. Elle cherche ainsi à se muer dans les idéaux de L’UNESCO. Voir R Goy ‘Le régime international de l’importation, de l’exportation et du transfert de propriété des biens culturels’ (1970) 16 Annuaire français de droit international 605-606.

10. VY Mudimbe The invention of Africa: gnosis, philosophy and the order on knowledge (1988) 1-255; CA Diop Nations nègres et cultures: de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique noire d’aujourd’hui (1954) 1-564; CA Diop Antériorité des civilisations nègres: mythe ou vérité historique? (1967); E Mveng Les sources grecques de l’histoire négro-africaine, depuis Homère jusqu’à Strabon (1972) et T Obenga L’Afrique dans l’antiquité: Egypte pharaonique, Afrique noire (1973).

11. Le Manifeste culturel panafricain dans son préambule considère le colonialisme comme un tout comprenant la traite négrière et la domination politique. Pour le Manifeste, le colonialisme est ‘ [...] un mal que tous nos peuples ont subi et vécu, d’abord sous sa forme la plus destructrice, la ‘traite négrière’, qui a dévasté la quasi-totalité du continent africain, et sous sa forme la plus tangible et la plus insolente, la domination politique dont nous nous efforçons de triompher’. Voir Manifeste culturel panafricain (1969), para 6.

12. C’est à travers la Résolution A/Rés. 1514 (XV) du 14 décembre 1960 que la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux était adoptée à l’initiative de Nikita Khrouchtchev.

13. Parlant de la domination, la Charte culturelle de l’Afrique précise qu’elle a ‘ [...] entraîné la dépersonnalisation d’une partie des peuples africains, falsifié leur histoire, systématiquement dénigré et combattu les valeurs africaines, tenté de remplacer progressivement et officiellement leurs langues par celle du colonisateur’. Préamble de la Charte culturelle de l’Afrique (1976/1990) para 7.

14. Pour ce qui est de l’hégémonie en droit international, voir M-N Laperrière & R Bachand L’hégémonie dans la société internationale: un regard néo-gramscien (2014) Hors-série Revue québécoise de droit international 1-13. Disponible sur https://doi.org/10.7202/1068070ar (consulté le 6 décembre 2021).

15. MC Ribeiro & AP Ribeiro ‘La restitution des œuvres d’art: un pas décisif dans le processus de décolonisation’ (2020) Mémoires en jeu 1-8. Disponible sur https://estudogeral.sib.uc.pt/bitstream/10316/90472/1/La%20restitution%20des%20œ uvres%20d_art.pdf (consulté le 20 février 2021).

16. Le Sénégal est parmi les rares Etats à se dôter d’une législation déclarant l’esclavage et la traite négrière crime contre l’humanité. Il s’agit de la Loi 2010-10 du 5 mai 2010 JO n0 6560 du 11 décembre 2010.

17. A Mbembe Critique de la raison nègre (2013) 120.

18. O Patterson Slavery and social death: a comparative study (1982) 1-560.

19. Certains doctrinaires, comme Eteka Yemet, auraient souhaité que la définition du génocide soit élargie aux considérations linguistique, politique, sanitaire, sexuelle et culturelle. Il forge le concept de génocide culturel ou ethnocide, définit comme ‘destruction de la culture d’un peuple par un autre’. Voir VE Yemet La Charte africaine des droits de l’homme (1996) 203.

20. Cfr A/Rés 3187 (XXVIII) (1973) sur la restitution des œuvres d’art aux pays victimes d’expropriation. Dans cette résolution, l’organe délibérant de l’ONU ‘a ffirme que la restitution prompte et gratuite à un pays de ses objets d’art, monuments, pièces de musée, manuscrits et documents par un autre pays, autant qu’elle constitue une juste réparation du préjudice commis, est de nature à renforcer la coopération internationale’.

21. Cette pratique se cristallise à travers le nombre de plus en plus croissant des accords bilatéraux conclus entre les Etats africains et européens portant sur la restitution des biens culturels.

22. A Gay ‘La restitution des œuvres d’art à leur pays d’origine: un débat au carrefour entre le droit, la politique et la morale’ (2013) 2 Université Lumières Lyon 1-67.

23. Dans sa Résolution A/67/L.34 du 5 décembre 2012 consacrée au retour ou restitution des biens culturels dans leur pays d’origine, l’Assemblée générale des Nations unies donne une liste des pays dépossédés de leurs biens culturels concernés par leur retour ou leur restitution. Soixante-douze pays de quatre continents différents sont concernés. Il s’agit de: Afghanistan, Algérie, Argentine, Arménie, Bélarus, Belize, Bolivie , Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Canada, Chine, Chypre, Colombie, Congo, Côte d’Ivoire, Croatie, Égypte, Équateur, Érythrée, Espagne, Estonie, États-Unis d’Amérique, Éthiopie, Finlande, Gabon, Gambie, Géorgie, Grèce, Grenade, Guatemala, Haïti, Hongrie, Inde, Iran, Iraq, Italie, Koweït, Liban, Lituanie, Luxembourg, Libye, Madagascar, Mali, Malte, Mexique, Micronésie, Mongolie, Monténégro, Myanmar, Nigéria, Pakistan, Panama, Pologne, Portugal, République arabe syrienne, République de Corée, République démocratique du Congo, République de Moldova, République tchèque, Roumanie, Samoa, Serbie, Seychelles, Slovaquie, Slovénie, Tadjikistan, Tunisie, Turquie et Viet Nam. Disponible sur https://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/67/L.34&Lang=F (consulté le 6 décembre 2021).

24. F Sarr & B Savoy Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain: vers une nouvelle éthique relationnelle (2018) 8. Les auteurs renseignent que la captation du patrimoine culturel des Etats vaincus faisait partie intégrante de la stratégie militaire des Etats européens: En Chine en effet (1860), en Corée (1866), en Éthiopie (1868), dans le royaume Ashanti (ou Asante, 1874), au Cameroun (1884), dans la région du lac Tanganyika, futur Congo belge (1884), dans la région de l’actuel Mali (1890), au Dahomey (1892), au Royaume du Bénin (1897), dans l’actuelle Guinée (1898), en Indonésie (1906), en Tanzanie (1907), les raids militaires et les expéditions dites punitives de l’Angleterre, de la Belgique, de l’Allemagne, des Pays-Bas et de la France sont au XIXe siècle l’occasion de prises patrimoniales sans précédent. Le type et la quantité d’objets convoités, la présence d’experts auprès de certaines armées, l’attention aiguë que plusieurs musées et bibliothèques d’Europe prêtent à l’avancée lointaine des troupes, la destination muséale souvent précise assignée à certains objets dès leur prise prouvent combien ces captations patrimoniales s’apparentent davantage, au XIXe siècle, à des soustractions ciblées qu’à de pillages militaires stricto sensu (visant traditionnellement le numéraire, les armes et drapeaux ennemis).

25. S Martin ‘L’Afrique ne peut pas être privée des témoignages de son passé’ Le Figaro (6 décembre 2017) entretien avec Éric Biétry-Rivierre.

26. Voir l’allocution d’Alain Godonou au ‘Forum de l’Unesco sur la mémoire et l’universalité’ (5 février 2007) in VL Prott Témoins de l’histoire: recueil de textes et documents relatifs au retour des objets culturels (2011) 63.

27. Terme forgé par Grmek Mirko et emprunté par VK Dissake Le ‘Mémoricide’ Thèse Doctorat de droit privé et sciences criminelles Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis (2017) 1-432.

28. JV Nijen La restitution du patrimoine culturel africain. L’Afrique au musée, les musées en Afrique: solutions et impasses (2020) Mémoire rédigé pour l’obtention du Certificat Cours de base en muséologie ICOM 3.

29. Voir Akyeampong (n 7) 183-215; Murphy & Tiller (n 8) 257-270; Goy (n 9) 605-606; Ribeiro & Ribeiro (n 15) 1-8; Patterson (n 18) 1-560; Gay (n 22) 1-67; Sarr & Savoy (n 24); Martin (n 25); Nijen (n 28).

30. Nations Unies Recueil des Traités vol 823, 231 N0 11806 (1970/1972).

31. Nations Unies Recueil des Traités Vol 1037 N0 15511 151 (1972/1975).

32. Pour plus de precisions, voir MZ Abdouddhab ‘Protection du patrimoine culturel et droits de l’homme’ in JAR Nafzinger & T Scovazzi (eds) The cultural heritage of mankind (2005) 252-253.

33. Voir le Préambule de la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, (26 juillet-6 août 1982) para 6. Disponible sur www.unesco.org/culture/laws/mexico/html-fr/page1.shtml (consulté le 6 décembre 2021).

34. Manifeste culturel panafricain (n 11) para 13.

35. (fond) (2017) 2 RJCA 9 para 179.

36. Charte culturelle de l’Afrique (n 13) art 26.

37. C Bories Le patrimoine culturel en droit international: les compétences des Etats à l’égard des élements du patrimoine culturel (2011) 35.

38. Charte culturelle de l’Afrique (n 13) art 28.

39. Aux fins de la présente Convention sont considérés comme biens culturels les biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par chaque Etat comme étant d’importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science, et qui appartiennent aux catégories ci-après: a) collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie et d’anatomie; objets présentant un intérêt paléontologique; b) les biens concernant l’histoire, y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie des dirigeants, penseurs, savants et artistes nationaux, et les événements d’importance nationale; c) le produit des fouilles archéologiques (régulières et clandestines) et des découvertes archéologiques; d) les éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques et des sites archéologiques; e) objets d’antiquité ayant plus de cent ans d’âge, tels que inscriptions, monnaies et sceaux gravés; f) le matériel ethnologique; g) les biens d’intérêt artistique tels que: i) tableaux, peintures et dessins faits entièrement à la main sur tout support et en toutes matières (à l’exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés décorés à la main; ii) productions originales de l’art statuaire et de la sculpture, en toutes matières; iii) gravures, estampes et lithographies originales; iv) assemblages et montages artistiques originaux, en toutes matières; h) manuscrits rares et incunables, livres, documents et publications anciens d’intérêt spécial (historique, artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en collections; i) timbres-poste, timbres fiscaux et analogues, isolés ou en collections; j) archives, y compris les archives phonographiques, photographiques et cinématographiques; k) objets d’ameublement ayant plus de cent ans d’âge et instruments de musique anciens.

40. Voir E David, F Tulkens & D Vandermeersch Code de droit international humanitaire (2012) 110-118.

41. Aux termes de cette disposition ‘[...]sont considérés comme biens culturels, quelle que soit leur origine ou leur propriétaire: a) les biens, meubles ou immeubles, qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples, tels que les monuments d’architecture, d’art ou d’histoire, religieux ou laïques, les sites archéologiques, les ensembles de constructions qui, en tant que tels, présentent un intérêt historique ou artistique, les œuvres d’art, les manuscrits, livres et autres objets d’intérêt artistique, historique ou archéologique, ainsi que les collections scientifiques et les collections importantes de livres, d’archives ou de reproductions des biens définis ci-dessus; b) les édifices dont la destination principale et effective est de conserver ou d’exposer les biens culturels meubles définis à l’alinéa a, tels que les musées, les grandes bibliothèques, les dépôts d’archives, ainsi que les refuges destinés à abriter, en cas de conflit armé, les biens culturels meubles définis à l’alinéa a; c) les centres comprenant un nombre considérable de biens culturels qui sont définis aux alinéas a et b, dits “centres monumentaux”’.

42. Selon cette disposition, ‘Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l’homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants. L’épanouisse-ment d’une diversité créatrice exige la pleine réalisation des droits culturels, tels qu’ils sont définis à l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux articles 13 et 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Toute personne doit ainsi pouvoir s’exprimer, créer et diffuser ses œuvres dans la langue de son choix et en particulier dans sa langue maternelle; toute personne a le droit à une éducation et une formation de qualité qui respectent pleinement son identité culturelle; toute personne doit pouvoir participer à la vie culturelle de son choix et exercer ses propres pratiques culturelles, dans les limites qu’impose le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales’.

43. Emanant d’une équipe d’universitaires dirigée par Patrice Meyer-Bitsch désignée par ‘Groupe de Fribourg’, cette déclaration a pour le moment valeur de doctrine. A sa lecture, elle ne définit pas les droits culturels in concreto mais on comprend que ces derniers portent sur l’identité culturelle (article 3), se réfèrent à des communautés culturelles (article 4), portent sur l’accès et a participation à la vie culturelle (article 5), ont trait à l’éducation, la formation, l’information et la communication (articles 6 et 7), enfin, ils font référence à la coopération culturelle.

44. A titre indicatif citons la Déclaration universelle des principes de la Coopération culturelle internationale adoptée par la quatorzième session de la Conférence générale de l’UNESCO (1966); La Convention Internationale sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954) et ses protocoles additionnels; La Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (1970); La Convention pour la protection du patrimoine mondial culture et naturel (1972); La Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2001); La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003); La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des contenus et des expressions culturels (2005).

45. A titre d’exemple notons le Manifeste culturel panafricain d’Alger (1969); La Charte Culturelle de l’Afrique (1976); La Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples (1981); la Charte de la renaissance culturelle africaine (2006).

46. Article (II)(1) de la Charte de l’OUA (1963/1963).

47. Article (II)(2)(c) de la Charte de l’OUA (1963/1963).

48. Article (3)(j) de l’Acte constitutif de l’UA (2000/2001).

49. L’article 27 de la DUDH du 10 décembre 1948 dispose: ‘1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. 2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur’.

50 L’article 15 du PIDESC (1966/1976) dispose: ‘1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit: a) De participer à la vie culturelle; b) De bénéficier du progrès scientifique et de ses applications; c) De bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur. 2. Les mesures que les Etats parties au présent Pacte prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce

50. droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le développement et la diffusion de la science et de la culture. 3. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices. 4. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent les bienfaits qui doivent résulter de l’encouragement et du développement de la coopération et des contacts internationaux dans le domaine de la science et de la culture’.

51. L’article 14 du Protocole additionnel à la convention américaine relative aux droits de l’homme traitant des droits économiques, sociaux et culturels (1988) prévoit le Droit aux bienfaits de la culture en ces termes:  ‘1. Les Etats parties au présent Protocole reconnaissent à chacun le droit: a. de participer à la vie culturelle et artistique de la collectivité; b. de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications; c. de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur. 2. Les mesures que les Etats parties au présent Protocole prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit devront comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer la préservation, le développement et la diffusion de la science, de la culture et de l’art. 3. Les Etats parties au présent Protocole s’engagent à respecter la liberté indispensable à la recherche scientifique et aux activités créatrices. 4. Les Etats parties au présent Protocole reconnaissent les bienfaits qui doivent résulter de la stimulation et du développement de la coopération et des relations internationales dans le domaine de la science, de l’art et de la culture. Ils s’engagent par conséquent à encourager une plus large coopération internationale en la matière.’

52. Voir l’article 17(1) & (2) de la Charte de Banjul (1981/1986).

53. Point 9 (n 11) sur les suggestions et propositions.

54. Charte culturelle de l’Afrique (n 13) Préambule para 5.

58. En vertu de l’article 35 de la Charte, son entrée en vigueur est conditionnée par la réception des instruments de ratification et d’adhésion de deux tiers des Etats membres de l’UA par la Commission de l’UA.

59. L’article 26 prévoit que: ‘Les Etats africains devront prendre les dispositions nécessaires pour mettre fin au pillage et au trafic illicite des biens culturels africains et obtenir que ces biens culturels soient restitués à leurs pays d’origine’. Et l’article 27 d’ajouter: ‘Les Etats africains devront prendre les mesures nécessaires pour garantir que les archives et autres documents historiques qui ont été illicitement déplacés d’Afrique leur soient restitués afin qu’ils puissent disposer d’archives complètes concernant l’histoire de leurs pays’.

60. Sarr & Savoy (n 24).

61. Certains chercheurs africains basés en Europe soutiennent aussi cet argument. Pour ce qui est de la République démocratique du Congo (RDC), nous pouvons citer à titre indicatif GL Kasongo ‘La restitution du patrimoine culturel africain, et après? L’Etat congolais et l’urgence d’une politique de réappropriation du patrimoine culturel et de la promotion des droits culturels’ in JB Akilimali & TM Makunya (dirs) L’Etat africain et la crise postcoloniale: repenser 60 ans d’alternance institutionnelle et idéologique sans alternative socioéconomique (2021) 331-355.

62. A celui qui lui posait la question de savoir si l’indépendance était précocement accordée à l’Afrique, Julius Nyerere répondait avec ironie que ‘si vous volez mon jacket de ma maison, ne me demandez pas par la suite si je suis disposé ou capable à le conserver avant de me le rendre. Il était mien en premier lieu et vous n’aviez aucun droit de me le prendre’. Voir ‘Prospects of Mankind; Africa: Julius Nyerere Interview’ (1959) disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=MSmYo NmN40s (consulté le 6 décembre 2021).

63. La Commission africaine dans l’affaire Endorois, Communication 276/03 Centre for Minority Rights Development (Kenya) et Minority Rights Group International (au nom de Endorois Welfare Council) c. Kenya (25 novembre 2009) para 239-251.

64. Endorois (n 63) para 1.

65. Endorois (n 63) para 239.

66. Endorois (n 63) para 251.

67. CADHP c. Kenya (2013) 1 RJCA 200 (mesures provisoires) para 1-25.

68. CADHP c. Kenya (2017) (n 35) para 1-227.

69. CADHP c. Kenya (2017) (n 35) para 170.

70. CADHP c. Kenya (2017) (n 35) para 190.

71. CADHP c. Kenya (2017) (n 35) para 175.

72. CADHP c. Kenya (2017) (n 35) para 187. La Cour poursuit en opinant qu’ ‘Il est naturel que certains aspects de la culture d’un peuple, comme la façon de se vêtir, ou les symboles du groupe, changent avec le temps. Cependant, les valeurs et surtout les valeurs traditionnelles invisibles ancrées dans le sentiment d’identification de soi et la mentalité commune restent généralement les mêmes’.

73. CADHP c. Kenya (2017) (n 35) para 174.

74. CADHP c. Kenya (2017) (n 35) para 187.

75. Pour ce qui est des originalités normatives de la Charte africaine voir Yemet (n 19) 199-249; F Ouguergouz La Charte africaine des droits de l’homme et des peoples. Une approche des droits de l’homme entre tradition et modernité (1993) 75-81.

76. C Hershkovitch ‘La restitution des biens culturels. Fondements juridiques, enjeux politiques et tendances actuelles’ in Etnologie-Géopolitique (2017) 39 1 conflit et patrimoine 103-121.

77. A Sylla ‘Les musées en Afique: entre pillage et irrésponsabilité’ (2007) 70(1) Afrocultures 90-101.

78. L’article 7(b)(ii) de la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (1970/1972) stipule que ‘Les Etats parties à la présente Convention s’engagent: [...] à prendre des mesures appropriées pour saisir et restituer à la requête de l’Etat d’origine partie à la Convention tout bien culturel ainsi volé et importé après l’entrée en vigueur de la présente Convention à l’égard des deux Etats concernés, à condition que l’Etat requérant verse une indemnité équitable à la personne qui est acquéreur de bonne foi ou qui détient légalement la propriété de ce bien. Les requêtes de saisie et de restitution doivent être adressées à l’Etat requis par la voie diplomatique. L’Etat requérant est tenu de fournir, à ses frais, tout moyen de preuve nécessaire pour justifier sa requête de saisie et de restitution. Les Etats parties s’abstiennent de frapper de droits de douane ou d’autres charges les biens culturels restitués en conformité avec le présent article. Toutes les dépenses afférentes à la restitution sont à la charge de l’Etat requérant’. C’est nous qui soulignons.

79. Article 2(1) de cette convention, ‘Les Etats parties à la présente Convention reconnaissent que l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels constituent l’une des causes principales de l’appauvrissement du patrimoine culturel des pays d’origine de ces biens, et qu’une collaboration internationale constitue l’un des moyens les plus efficaces de protéger leurs biens culturels respectifs contre tous les dangers qui en sont les conséquences’.

80. Voir les details disponibles sur https://fr.unesco.org/fighttrafficking/1970.

81. AJ Arnaud (ed) Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit (1993) 218.

82. Arnaud (n 81) 218.

83. Airey c. République d’Irlande (arrêt CEDH 9 octobre 1979) para 24.

84. Ci-haut partie 2.2

85. Pour ce qui est de l’application de la Charte africaine par les Etats, voir JF Flauss & EL Abdelgawad (eds) L’application nationale de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (2004) 1-266.

86. En vertu de l’article premier.

87. Principalement le Titre VI, Chapitre V (articles 26, 27, 28 & 29).

88. Pour l’universalisme dans le contexte du multiculturalisme voir D Lochak Le droit et les paradoxes de l’universalité (2010) 117-158. Pour le vide éthique de la diversité culturelle voir RN Nsasay La Cosmodémocratie. Un principe de gouvernance pour la société technologique et mondialisée (2008) 111-153.

89. S Sur ‘Phénomène de mode en droit international’ in Le droit international et le temps (2001) Actes 34 Société Française pour le Droit International (25, 26 & 27 mai 2000) 55.

90. Kasongo (n 61) 331-335.

91. J Crampette ‘Réparer le passé et protéger l’avenir: la protection du patrimoine culturel en Afrique subsaharienne à travers les exemples de la République du Bénin et du Nigéria’ disponible sur https://1995unidroitcap.org/wp-content/uploads/2021/04/Rapport-Jeanne-Crampette.pdf

92. E Ficquet ‘La stèle éthiopienne de Rome. Objet d’un conflit de mémoires’ (2004) XLIV (1-2) Cahiers d’études africaines 369-385.

93. S Martens ‘Allemagne-Namibie: enjeux d’une réconciliation post-coloniale’ ( 2019) 3 Politique étrangère 129-140.

94. AZ Traoré & NY Traoré ‘Les biens culturels du Bèlèdougou et du pays Dogon (mali) objets de “pillage” colonial: procès d’une stratégie’ (2021) 003 1 Akofena 29-44.

95. J Paquette ‘France and the restitution of cultural goods: the Sarr-Savoy report and its reception’ (2020) 29 Cultural Trends disponible sur http://journals.open edition.org/etudesafricaines/4648 ; V Manuel ‘ Restituer le patrimoine “africain “. Les dessous d’une démarche symbolique’ (2019) 155 Les nouvelles de l’archéologie 47-51.

96. Blay (n 1) 176.