Renaud Fiacre Avlessi
 Doctorant en Droit à l’Université d’Abomey Calavi (Bénin), Master droits de la personne et de la démocratie, Chaire UNESCO. Assistant de recherche au Groupe de recherche sur la nationalité, l’apatridie, et les migrations (GRENAM).
Coordonnateur bénévole à Amnesty International
renaudfiacreavlessi@ gmail.com


 Edition: AHRY Volume 3
  Pages: 276 - 297
 Citation: RF Avlessi ‘La prévention de l’apatridie dans le système africain des droits de l’homme’ (2019) 3 Annuaire africain des droits de l’homme 276-297 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2019/v3a14
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RÉSUMÉ:

L’apatridie n’est pas un phénomène nouveau en Afrique. Cependant, il a pris des tournures inquiétantes ces dernières années. Cette contribution questionne l’apport des normes juridiques du système africain des droits de l’homme dans la prévention de l’apatridie. L’analyse se base fondamentalement sur la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ses instruments connexes et la pratique de la Commission et de la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples. L’article aboutie à deux résultats. D’abord, il constate que l’arsenal normatif en matière de prévention de l’apatridie en Afrique n’est pas totalement satisfaisant. Ensuite, il démontre que la Cour et la Commission de par leurs jurisprudences, jouent un rôle important dans la prévention du phénomène. En vue d’une protection étanche à l’avenir, l’auteur propose d’une part, l’adoption et l’entrée en vigueur imminente du protocole à la Charte africaine sur les aspects spécifiques du droit à la nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique, d’autre part, l’érection des garanties au plan national contre l’apatridie et le respect des décisions issues des mécanismes de contrôle de la Charte africaine par les Etats.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

Prevention of statelessness under the African human rights system

ABSTRACT:

Although statelessness is not a new phenomenon in Africa, its recent developments are worrisome. This article interrogates the extent to which African human rights norms contributed to prevent statelessness. The analysis is essentially based on the African Charter on Human and Peoples’ Rights and its protocols and on the practice of the African Court and Commission on Human and Peoples’ Rights. The article finds that African human rights norms are not sufficiently equipped to prevent statelessness although the African Court and Commission have played important role in the prevention of statelessness. It recommends the rapid adoption and entry into force of the Protocol to the African Charter on Human and Peoples’ Rights on the Specific Aspects on the Right to a Nationality and the Eradication of Statelessness in Africa. It also recommends that domestic legislation aiming to prevent statelessness should be adopted whilst urging respect of decisions issued by the African Court and Commission on Human and Peoples’ Rights.

MOTS CLÉS: apatridie, nationalité, jurisprudence, Charte africaine, Commission africaine, système africain de protection des droits de l’homme, prévention, droits de l’homme, Cour africaine

 

SOMMAIRE:

1 Introduction

2 Une prévention normative à géométrie variable

2.1 Le silence de la Charte Africaine des droits de l’Homme et des peuples

2.2 Les efforts de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et du protocole de Maputo

3 Une prévention jurisprudentielle admirable

3.1 L’office de la Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples

3.2 La parade de la Cour Africaine

4 Conclusion

1 INTRODUCTION

Il en va de la nationalité comme de l’air qu’on respire: on en aperçoit l’importance quand elle manque.1 Ceux d’entre nous qui sont citoyens d’un pays ont tendance à considérer comme allant de soi les droits et obligations que nous confère la citoyenneté.2Or, le nombre d’apatrides dans le monde et en Afrique est considérable et les conséquences de l’absence ou de la perte de nationalité sont dramatiques. Dans quelle mesure les mécanismes juridiques africains existants assurent-ils la prévention de l’apatridie? C’est la question à laquelle se propose de répondre la présente contribution.

L’apatride, selon l’article 1er de la Convention de New York sur le statut de l’apatride de 1954, « désigne une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de la législation ». Philip Leclerc3 ajoute à cette définition «ou de sa constitution »4 comme pour marquer le fait que le droit de la nationalité puise dans certains cas, directement de la constitution elle-même et non de la loi stricto sensu. A la suite de la définition conventionnelle précitée, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) précisera plus tard qu’est également apatride, l’individu dont la nationalité n’est pas déterminée.5 Or, la Cour internationale de Justice (CIJ), à travers son célèbre arrêt Nottebohm du 6 avril 1955, définit la nationalité comme le « lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d’existence, d’intérêts, de sentiments jointe à une réciprocité de droits et de devoirs ».6

La nationalité permet l’exercice de certaines prérogatives étatiques, comme la protection diplomatique. Elle confère aussi, un statut juridique nécessaire à l’exercice de nombreux droits civils et politiques. Elle s’acquiert souvent selon des modalités variées et diverses; soit par naissance, soit par naturalisation ou par alliance.

En outre, l’apatridie expose celui qui en est victime à la violation de ses droits, lui enlève toute dignité, pire il fait de lui un étranger en tout pays et de la pire condition.7 Il faut donc le protéger, lui porter secours, l’extirper de l’impasse; et mieux encore, prévenir le phénomène. Longtemps ignorée et reléguée au second rang, l’apatridie, s’est révélée de nos jours, comme le mal du 21e siècle.8 Aucun Etat, aucune région, ne sont épargnés. Le nombre des « sans Etat » a atteint le triste record des 12 millions9 dans le monde. En Afrique, l’ampleur reste encore méconnue du fait de l’absence de statistiques fiables dans nombre d’États africains. Toutefois, le UNHCR a pu avancer le chiffre de 750.000 apatrides en Afrique de l’Ouest10 et celui d’un million en Afrique en général.11

La situation d’infortune qu’engendre l’apatridie, a conduit à une prise de conscience collective. Cette prise de conscience a abouti à l’adoption de nombreuses conventions et à la multiplication des groupes de travail, des colloques et des conférences12 sur la question au niveau international, régional et national. Autrement dit, la protection du droit à une nationalité est devenue un objet nouveau dans l’agenda international, et une préoccupation importante du calendrier interne des Etats. Ainsi, une variété de textes au niveau universels liées à la nationalité et à l’apatridie ont été adoptés. Les plus importants sont : la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,13 la Convention de 1954 relative au statut des apatrides14 et de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.15

A l’échelle continentale, aucune référence au droit à la nationalité n’est faite dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant de 1990 comble, en partie, cette lacune. Aussi, ce droit à une nationalité a, en outre, été élaboré en 2003 avec l’adoption du Protocole sur les droits des femmes en Afrique.16 De même, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a abordé les questions relatives à la nationalité et à l’apatridie dans sa résolution 234.17

En dépit de la carence législative, il existe une super activité jurisprudentielle relative à la protection de la nationalité. Cette jurisprudence émane tant de la Commission que de la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples. On peut citer respectivement, l’affaire John K. Modise,18 l’affaire Amnesty International c. Zambie,19 et la première et récente décision de la Cour Africaine des Droits de

l’Homme et des Peuples dans l’affaire Anudo Ochieng Anudo.20 La liste n’est pas close.21 Il ressort de l’examen de ces affaires et des études réalisées sur l’apatridie, que les sources du phénomène sont diverses et variées. L’apatridie découle souvent des lacunes dans les lois sur la nationalité (discrimination en matière d’acquisition de la nationalité), de la privation arbitraire de la nationalité, des processus liés à la succession des Etats ainsi que des pratiques administratives restrictives, par exemple en matière de délivrance de documents prouvant la nationalité d’une personne.22 De surcroit, l’apatridie peut résulter de la gestion peu rigoureuse de l’état civil (problème d’enregistrement des naissances), de la gestion peu rigoureuse des frontières par les autorités étatiques23et de la politisation de la nationalité.24

En Afrique, trois causes sont récurrentes. En matière de gestion peu rigoureuse des frontières et de l’état civil, on peut citer l’exemple de la frontière entre le Bénin et le Burkina Faso. En effet, dans la région litigieuse de Kourou/Koualou revendiquée par les deux Etats, on note l’absence ou l’insuffisance de service d’état civil et d’hôpitaux.25 Ce qui fait courir de grand risque d’apatridie aux populations de ladite région. Dans le même registre on peut mentionner le cas des populations de Djifa située à la frontière entre le Niger et le Nigéria où 82% de la population n’a pas de document d’identification et 61% courent le risque d’apatridie.26 En outre, les lacunes dans les lois sur la nationalité ont généré des cas d’apatridie au Sénégal. L’histoire d’Oulimata est édifiante. « Sénégalaise, elle est mère de deux garçons nés en France d’un père originaire d’un pays d’Afrique de l’est. Jusqu’en 2013, les femmes sénégalaises ne pouvaient pas transmettre leur nationalité à leurs enfants nés à l’étranger sauf si le père était inconnu ou apatride. Le père des enfants d’Oulimata est ressortissant d’un pays instables qui requiert la présence physique des enfants pour obtenir la confirmation de leur citoyenneté. La famille avait peur de se rendre dans le pays en raison de la guerre. De ce fait, ses enfants se sont retrouvés apatrides ».27 Enfin, la déchéance semble, de plus en plus devenir sur le continent, une arme d’élimination des adversaires politiques, en témoigne l’emblématique affaire de la nationalité de l’ancien Président de la Zambie, Kenneth Kaunda,28 et l’affaire Baba Alpha au Niger.29 Tout ceci fait penser à Ervé Dabonne, qu’on assiste à une crise de la nationalité.30

Le grand malaise est que les apatrides ne sont généralement pas reconnus comme des personnes devant la loi et font face à de grandes difficultés pour voyager, se marier et accéder à l’éducation ou aux soins de santé. L’apatridie est le déni d’un large éventail de droits. En résumé, être apatride signifie souvent qu’il est impossible de vivre sa vie comme les autres au sein de la société. Cette redoutable infortune que constitue l’apatridie est manifestement une violation des droits de l’homme.31 Pire, elle peut être une source de conflit.32 La question fondamentale qui se pose est de savoir si les normes régionales africaines et les mécanismes de contrôle sont en mesure de prévenir l’apatridie.

L’intérêt du présent sujet se justifie à la fois sur le plan théorique et pratique. D’abord sur le plan théorique, la situation difficile des « apatrides » est sous-évaluée, insuffisamment documentée et nécessite de toute urgence des réponses plus fortes et plus efficaces.33 Les études34 et réflexions35 sur le sujet se contentent d’évoquer les généralités sur l’apatridie sans s’intéresser souvent à la réponse apportée par le système africain de protection des droits de l’Homme ou réserve à ce dernier, une part infime. Ensuite, sur le plan pratique, la présente étude est une contribution au débat sur la nécessité de la prévention de l’apatridie en Afrique par l’analyse de l’effet des normes juridiques sur la situation des personnes à risque. De plus, l’Affaire, Anudo Ochieng Anudo Tanzanie, et le projet de Protocole à la Charte sur la nationalité en Afrique,36 donnent la mesure de l’importance de la présente réflexion. Car, ce projet de texte spécifique donne un nouveau visage à la protection du droit de la nationalité par l’érection de plusieurs garanties contre l’apatridie.37

L’étude fait recours à plusieurs disciplines des sciences juridiques, notamment, le droit de la nationalité, le droit international privé, le droit international public, les droits de l’homme. Elle a été menée à l’aune de la documentation juridique et sociologique ainsi que des données statistiques. L’analyse de la Charte africaine ses droits de l’homme et des peuples, de la doctrine ainsi que de la jurisprudence de la Commission et de la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples forme la trame de l’étude. Elle a abouti à la conclusion selon laquelle, l’arsenal juridique en matière de nationalité est à renforcer malgré l’excellente contribution de la Cour et de la Commission africaines des droits de l’homme et des peuples. Pour parvenir à ces résultats, il s’est agi d’abord de constater que la prévention normative de l’apatridie est à géométrie variable (2) avant de noter, contre toute attente, l’existence d’une prévention jurisprudentielle de l’apatridie admirable (3).

2 UNE PREVENTION NORMATIVE A GEOMETRIE VARIABLE

L’arsenal normatif sur l’apatridie n’est pas satisfaisant. En claire, la prévention assurée par les instruments africains manque de ferveur. Elle est surtout caractérisée par le silence de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur la question de la nationalité (2.1). Toutefois, les efforts de rattrapage tentés par la Charte africaine des droits et du Bien-être de l’enfant et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo) participent à la correction de cette imperfection (2.2).

2.1 Le silence de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

Partie intégrante du bloc de constitutionalité de beaucoup de pays africains,38 il n’est pas superflu de se questionner sur la contribution de la Charte africaine à la prévention de l’apatridie.

A première vue, la Charte africaine, ne contient pas de dispositions spécifiques sur le droit à une nationalité.39 Aucune référence à l’apatridie n’y figure, non plus. Elle évoque, par ailleurs, l’appartenance de l’individu à la communauté sans aucune précision sur les modalités de la détermination de cette appartenance. Cette omission que l’on pourrait qualifier de « volontaire »40 du droit à la nationalité a pu être motivée par le projet d’un « peuple Africain »,41 nourri par les rédacteurs de la Charte. Hélas, l’assimilation totale du concept de peuple, marque de la régionalisation de la fraternité, devrait être nécessairement et très rapidement abandonnées car la jouissance des droits est désormais subordonnée à la qualité de national.42

Néanmoins, certaines dispositions de protection des droits de l’individu prévues par la Charte peuvent servir à la prévention de l’apatridie. Il s’agit notamment du droit à l’égalité (l’interdiction de la discrimination) et du droit à la dignité individuelle.

Premièrement, il importe de noter que la relation entre apatridie et discrimination est évidente. De ce fait, l’apatridie provient souvent directement de la discrimination opérée par les lois sur la nationalité en Afrique. Ces discriminations le plus souvent fondées sur le sexe, la race et l’ethnie, violent le droit à l’égalité instituée par les articles 243 et 344 de la Charte africaine. Ces deux articles ont servi de base à la Cour constitutionnelle du Bénin pour déclarer certaines dispositions discriminatoires de la loi 65-17 du 23 juin 1965 portant Code de nationalité en République du Bénin contraire à la Constitution.45

Avant l’inédite décision DCC 14-172 du 22 septembre 2014 de la Cour constitutionnelle du Bénin, il était impossible pour la femme béninoise de transmettre la nationalité à son époux et à son enfant. En effet, l’étranger qui épouse un citoyen béninois n’a pas les mêmes droits selon que son conjoint béninois soit un homme ou une femme puisque dans le premier cas, elle acquiert d’office la nationalité béninoise46 par le seul lien du mariage et la garde en dépit de sa nationalité d’origine.47 Alors que, dans le second cas, il ne peut en faire l’acquisition que par décision de l’autorité publique. De telles dispositions sont potentiellement génératrices d’apatridie.

La Cour constitutionnelle sous le visa d’une part, des articles, 2 et 3(1) de la Charte africaine et de l’article 26 de la Constitution du 11 décembre 1990,48 a jugé que l’impossibilité pour la femme de transmettre sa nationalité à son époux est discriminatoire49 et donc, contraire à la Constitution du 11 décembre 1990. Le juge constitutionnel, pour arriver à cette conclusion a pris par les détours du principe de l’égalité. Concrètement un étranger qui se marie à une femme béninoise aujourd’hui peut acquérir la nationalité béninoise.50 Cette affaire s’inscrit dans la même veine qu’une décision rendue par de la Haute Cour du Botswana en 1992. Dans ce procès Unity Dow, une avocate a contesté la constitutionnalité du Code de la nationalité du Botswana pour discrimination en fonction du genre. La Cour a de ce fait déclaré la disposition contestée contraire à la constitution.51

Au surplus, le Code de nationalité béninoise du 23 juin 1965 fait une discrimination en matière de transmission de la nationalité par la femme. En réalité, l’article 12 dispose:

« Est Dahoméen: 1°- l’enfant né d’un père dahoméen

2°- l’enfant né d’une mère dahoméenne lorsque le père est inconnu ou n’a pas de nationalité connue ». L’article 13 dispose aussitôt « Est Dahoméen, sauf la faculté s’il n’est pas né au Dahomey de répudier cette qualité dans les six mois précédant sa majorité, l’enfant né d’une mère dahoméenne et d’un père de nationalité étran- gère ».

La condition posée par l’article 12 est épouvantable. La nationalité de la mère n’est transmise que lorsque le père est inconnu ou n’a pas de nationalité connue. Or, une telle condition est supprimée pour « l’enfant né d’un père béninois ». Ce surplus de critère mis à charge de l’enfant né d’une mère béninoise entretient « une supériorité de l’homme sur la femme ».52 Plus loin, l’article 13, quant à lui, prévoit que l’enfant né hors du territoire national d’un père de nationalité étrangère puisse répudier la nationalité de sa mère avant sa majorité, alors que pour le père, la transmission est sans condition.

Le juge constitutionnel conclut donc que « l’article 12(1) et l’article 13 du code de nationalité béninoise créent une inégalité fondée sur le sexe du géniteur ».53 Elles sont de ce fait « contraires à la constitution ».54 Par cette jurisprudence originale, la Cour constitutionnelle du Bénin a conjuré de façon efficace le risque d’apatridie qui planait autour de l’époux étranger et surtout autour de l’enfant. Cette jurisprudence de la Cour constitutionnelle béninoise, confirme la position de Likibi, selon laquelle le juge prend une place importante dans le cadre de la création prétorienne du droit55 au service de la lutte contre l’apatridie.

On en retient aussi comme Nanteuil que, même les textes qui ne font pas référence à l’apatridie ou à la nationalité apportent aux apatrides ou aux personnes à risque un certain nombre de droits fondamentaux, qui leur sont reconnus en tant qu’individu.56 Ainsi, les juridictions nationales africaines sont appelées à suivre l’exemple du juge constitutionnel béninois afin de protéger les citoyens victimes de discrimination en matière de nationalité et d’apatridie.57 Mieux, les Etats qui ont adoptés des dispositions discriminatoires devraient revoir leurs législations. En priorité, il s’agit entre autres du Burundi, de la Guinée, du Kenya, du Libéria, de Madagascar, du Mali, du Soudan, du Togo,58 du Zimbabwe de la Gambie59 qui pratiquent encore une discrimination basée sur le genre en matière de nationalité d’origine à des enfants nés sur le territoire ou à l’étranger.60

Deuxièmement, il est une évidence que l’acquisition de la nationalité est la première image de l’existence juridique de l’être humain. Tout bien considéré, la Charte proscrit toutes formes d’acte arbitraire portant entorse à la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Or, faut-il le rappeler, l’apatridie constituerait bien la forme par excellence de la méconnaissance de la personnalité juridique des personnes. En l’absence de toute forme de statut juridique reconnu, ils sont continuellement menacés d’exploitation de détention et d’expulsion. Le témoignage de Lara une ancienne apatride, qui a été constamment refoulée aux frontières est illustrateur.61 Plus concret, la Commission a eu recours au droit à la dignité pour prévenir l’apatridie. Elle constate dans l’affaire Amnesty International contre la Zambie : « qu’en forçant les plaignants d’une part, à vivre comme des apatrides dans des conditions dégradantes, et d’autre part, qu’en les privant de l’affection de leurs famille » que le gouvernement Zambien à porter entorse à la dignité et de ce fait a violé l’article 5 de la Charte africaine.

Toutefois, une consécration claire et sans ambiguïté aurait pu éviter ces contournements aux juridictions chargées de protéger la nationalité des individus. La Charte a ainsi raté une excellente occasion de protéger un droit qui est au centre de tous les droits. Cette situation aurait pu générer une sorte de vide juridique, en l’absence de la possibilité offerte à la Cour de recourir à d’autres instruments pertinents de protection des droits de l’Homme.62 Heureusement, de lege feranda, le projet de protocole à la Charte africaine sur les aspects spécifiques du droit à la nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique, prévoit clairement le droit à la nationalité en son article 3,63 dans les termes que celui de la DUDH.

Malheureusement ce protocole n’a pas pour l’heure été adopté. L’entrée en vigueur de ce protocole viendrait compléter les lacunes constatées au niveau de la Charte africaine.

Mais, avant l’entrée en vigueur du protocole sur la nationalité, la Charte africaine de l’enfant et du bien-être et le protocole de Maputo participent à la prévention de l’apatridie en Afrique.

2.2 Les efforts de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples relatif aux droits de la femme en Afrique

Le droit à la nationalité a été élaboré par la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (Charte africaine sur le droit de l’enfant) et le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, communément appelé « Protocole de Maputo ». Ces deux textes catégoriels ont, tour à tour, consacré le droit à la nationalité contrairement à la Charte africaine. Il convient d’abord d’interroger la réponse de la Charte africaine sur le droit de l’enfant à la problématique de l’apatridie avant d’examiner la contribution du protocole de Maputo.

Premièrement, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant pose des garanties essentielles visant à éviter l’apatridie pour les enfants. Le texte, protège le droit à la nationalité pour l’enfant de quatre manières.64 La première protection consiste en la reconnaissance du droit à un nom,65 autrement la garantie d’une identité pour l’enfant. La deuxième mesure concerne, l’injonction faite aux Etats d’enregistrer les naissances.66 La charte fait de l’enregistrement des naissances, un moyen de taille dans la prévention de l’apatridie. Car l’enregistrement des naissances serait donc un des moyens essentiels de prévention des cas d’apatridie, en ce qu’il permet l’établissement des documents d’identité des personnes et facilite la détermination de leur nationalité. Enfin, la troisième et la dernière précaution se rapportent à la consécration du droit à la nationalité pour chaque enfant67 du continent. Ainsi, les Etats sont appelés à adopter des législations souples conciliant, le droit du sol68 et le droit du sang.69

Les Etats se sont engagés lors de la conférence d’Abidjan à réduire les risques d’apatridie en renforçant les mécanismes de l’Etat civil et en veillant particulièrement à ce que chaque enfant soit enregistré immédiatement après la naissance.70 Mieux, les rapports soumis par les Etats au Comité sur les droits de l’enfant révèlent d’énormes progrès réalisés par certains gouvernements en matière de la garantie du droit à la nationalité. A cet effet, l’Algérie, à la faveur d’une révision de son code de nationalité a corrigé les discriminations entretenues par l’ancienne loi de 1970.71 Concrètement, l’article 772 de l’ordonnance 05-01 du 27 février 2005 accorde la nationalité à tout enfant né sur le territoire algérien.73 Le Burkina Faso quant à lui, a mis en place un mécanisme de rattrapage pour les déclarations de naissances effectuées hors délais. Conformément à l’article 106 du Code des personnes et de la famille du Burkina : « Toute naissance survenue sur le territoire national doit faire l’objet d’une déclaration à l’officier d’état civil du lieu de naissance dans les deux mois à compter du jour de sa naissance ». Cependant, Lorsque ce délai n’a pas été respecté pour des raisons diverses, le défaut d’acte de l’état civil peut être suppléé par jugement c’est-à-dire par décision du juge.74

Le Bénin aussi, s’est conformé à la Charte en adoptant en décembre 2015 un nouveau code de l’enfant qui consacre les mêmes droits75 évoqués par l’article 6 et va plus loin en pénalisant l’absence de déclaration des naissances. De façon précise76

Quiconque soit le père ou la mère, l’ascendant ou le proche parent, le médecin, la sage-femme, la matrone, soit le chef de village ou de quartier de ville ou toute autre personne ayant assisté à une naissance qui par négligence ou par intention de nuire, ne procède pas à la déclaration de naissance à l’officier de l’Etat civil, dans les délais prescrits par la loi, est puni d’une amende de vingt-cinq mille (25.000) à cinquante mille (50.000) francs CFA

 

Les peines sont plus sévères pour les médecins, les sages-femmes et les matrones qui ne transmettent pas les fiches de naissances dans les délais requis.77

De plus, l’article 6 de la Charte a fort inspiré le Comité sur les droits de l’enfant, dans sa première décision dite affaire Children of Nubian Descent in Kenya. En l’espèce, les plaignants alléguaient que les nubiens au Kenya sont originaires des Monts Nouba qui s’élèvent dans une région située maintenant au centre du Soudan et furent enrôlés de force dans l’armée coloniale britannique au début du 20ème siècle alors que le Soudan était sous domination britannique. Lors de leur démobilisation, ils auraient demandé à retourner au Soudan, mais le gouvernement colonial de l’époque refusa et les contraignit à rester au Kenya. Les plaignants allèguent que lors de l’accession du Kenya à l’indépendance, le problème de la citoyenneté des nubiens n’a pas été directement abordé et qu’ils ont toujours été traités comme des étrangers parce que le gouvernement stipulait qu’ils n’avaient aucune terre ancestrale au Kenya et de ce fait, ne pouvaient se voir accorder la nationalité kényane. Alors, les parents rencontrent beaucoup de difficultés pour enregistrer leur naissance. De ce fait, les plaignants invoquent principalement la violation de l’article 6 en particulier des alinéas 2, 3 et 4 qui énoncent que l’enfant doit être enregistré et avoir une nationalité dès sa naissance. Le Comité africain reçoit la plainte, l’examine au fond et constate entre autres la violation de l’article 6 de la Charte. L’organe traite de l’incapacité du Kenya à enregistrer et à attribuer la nationalité aux enfants d’origine nubienne vivant dans le pays contraire à l’article 6 de la Charte.

Pour corriger cette situation, le Comité sur les droits de l’enfant, recommande entre autres solutions que le gouvernement du Kenya prenne toutes les mesures législatives, administratives et autres nécessaires afin de garantir que les enfants d’ascendance nubienne au Kenya, qui sans cela se retrouveraient apatrides, puissent acquérir la nationalité kényane et la preuve de cette nationalité dès la naissance. Cette décision est un précédent qui donne un contenu concret à l’article 6 de de la Charte. Il est souhaitable que les Etats dans lesquels les enfants sont exposés à l’apatridie puissent travailler à la garantie du droit à la nationalité pour ces derniers.

Toutefois, il convient de préciser que malgré les éloges qui lui sont faites en matière de prévention de l’apatridie, la Charte africaine sur le droit de l’enfant comporte une insuffisance. Elle est muette sur la situation des enfants trouvés. En revanche, le projet de protocole à la Charte africaine sur les aspects spécifiques du droit à la nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique prévoit cette éventualité. Selon l’alinéa 2(a) de l’article 5 de ce texte, « Un État partie attribue également la nationalité à: a. L’enfant trouvé sur son territoire de parents inconnus, qui sera réputé né sur son territoire de parents possédant sa nationalité, à moins que sa filiation soit établie avant sa majorité et qu’il n’acquiert alors la nationalité d’un de ses parents ». Cette bonne pratique est déjà présente dans la législation algérienne.78 C’est aussi le cas du code de l’enfant du Bénin, qui donne pouvoir au procureur de procéder à la déclaration de naissance des enfants retrouvés et dont les parents ne sont pas connus.79

Au demeurant, en dehors de la Charte, le Protocole de Maputo comporte quelques vertus en matière de prévention de l’apatridie.

Quelle est la nationalité de la femme africaine? La réponse à cette question n’est pas évidente. En effet, nombreux sont les textes qui interdisent encore aux femmes mariées à des non-ressortissants de transmettre leur propre nationalité à leurs enfants ou leur mari, alors que les hommes peuvent le faire sans difficulté.80 L’avènement du Protocole de Maputo a jeté à travers deux dispositions, les fondamentaux pour que le droit de la nationalité deviennent plus égalitaire. D’une part, l’article 6 du Protocole en son point g dispose : « La femme mariée a le droit de conserver sa nationalité et d’acquérir la nationalité de son mari ». Par ce fait, le texte protège la nationalité de la femme par le mécanisme de la double nationalité. Ainsi, le mariage ne saurait avoir un effet sur sa nationalité. Dans cette logique, les Etas comme le Botswana, la Cote d’Ivoire, le Lesotho et le Madagascar, le Niger prévoient automatiquement la double nationalité pour la femme mariée.81 Cet idéal voulu par le protocole n’est toujours pas été respecté par certains Etats. A titre d’exemple, le code de nationalité du Malawi82 et celle du Soudan du Sud83 ne permettent pas la double nationalité.

D’autre part, le texte, proscrit toutes discriminations à l’égard des femmes dans la transmission de la nationalité.84 Selon le point (f) de l’article 6 du protocole : « La femme a le même droit que l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants sous réserve des dispositions contraires dans les législations nationales et des exigences de sécurité nationale ».85 Le Protocole met la femme sur le même piédestal que l’homme, pour préserver86 ses enfants du risque d’apatridie engendré par les effets pervers du jeu des législations en matière de la nationalité. Par ailleurs, depuis l’adoption du Protocole, des évolutions sont observées sur le continent africain. Le cas d’Oulimata, une sénégalaise rend compte de cette avancée. Une réforme intervenue en juin 2013 permet aux femmes et aux hommes d’être égaux en matière de transmission de leur nationalité à leurs enfants et à leurs époux.87 Depuis, les Etats adoptent de plus en plus des législations neutres en matière de nationalité.88 Mieux, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples s’érige en gardien de cette égalité. Ainsi, au cours de l’examen du rapport soumis par le Burundi, la Commission lors de sa 13ème Session Extraordinaire du 19 au 25 février 2013 a enjoint à l’Etat burundais: « d’abroger toutes les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes contenues dans les textes de lois »,89 après avoir constaté: «L’existence des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes dans certaines lois notamment dans le code des personnes et de la famille, le code de la nationalité ».90

La contribution des deux textes est immense dans la lutte contre l’apatridie. Cependant, il faudrait que les Etats soumettent conformément à l’article 62 de la Charte africaine, leurs rapports de façon régulière pour une évaluation de l’effectivité du respect desdits textes par la Commission africaine.

La proclamation du droit à la nationalité au plan régional n’est pas la seule étape dans le combat pour la réduction de l’apatridie. Certaines instances comme la Commission africaine et la Cour africaine veillent, à travers leur œuvre jurisprudentielle, à la prévention de l’apatridie.

3 UNE PREVENTION JURISPRUDENTIELLE ADMIRABLE

La texture des instruments juridiques africains en matière de préservation du droit à la nationalité, ne préfigurait pas d’une jurisprudence abondante sur les questions relatives à la nationalité en Afrique. La Commission africaine (3.1) et la Cour africaine vont déjouer ce pronostic en rendant des décisions chargées d’enseignements (3.2).

3.1 L’office de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

La proclamation du droit à la nationalité au plan régional n’est pas la seule étape dans le combat pour la réduction de l’apatridie. Certaines instances comme la Commission africaine veillent à l’effectivité dudit droit.91 En effet, la Commission joue un rôle quasi judicaire de protection et de promotion.92 Elle procède à un examen contradictoire des requêtes à l’issue de laquelle elle établit les responsabilités et indique s’il y a lieu, le versement des dommages-intérêts aux victimes des violations.93 C’est pourquoi, on parle d’ailleurs de la jurisprudence de la commission.

La Commission est l’organe mandaté pour assurer le contrôle de l’application de la Charte africaine. C’est à ce titre qu’elle s’est érigée en gardien et protecteur du droit à la nationalité sur le continent. Deux importantes affaires ont permis à l’institution de préciser le contenu de ce droit. Il s’agit respectivement des affaires John K. Modiste c. Botswana94 et Amnesty International c. Zambie.

Dans la première affaire, John Modise, par trois fois de suite, a fait l’objet de déportation vers l’Afrique du Sud et finalement condamné pour entrer illégale au Botswana. Ne disposant pas la nationalité sud-africaine, il a résidé dans le « Bantoustan » sud-africain du Baphutatswana où il a vécu pendant sept années avant d’être déporté une cinquième fois. Il s’est retrouvé dans une zone de non droit entre le Baphutatswana et le Botswana où il a vécu pendant cinq semaines avant d’être admis au Botswana sur une base humanitaire. Modise ne disposant ni la nationalité Sud-africaine, ni celle du Botswana demande au gouvernement de lui reconnaitre sa nationalité de naissance.

La commission africaine a d’abord considéré, que « la souffrance et l’indignité dans lesquelles était placé Modise constitue une violation de l’article 5 de la Charte Africaine ».95 Ensuite a-t-elle fait remarquer que le défaut de possession de nationalité du requérant l’a empêché de se présenter aux fonctions électives de son pays. Ceci constitue alors une violation de son droit d’accès aux fonctions électives tel que garanti par l’article 13 de la Charte africaine qui à son tour consacre l’éligibilité en tant que droit fondamental.96

Le second contentieux qui oppose Amnesty International (représentant John Lyson Chinula et William Steven Banda) contre la Zambie, s’inscrit dans le même sillage que le premier. Les droits en cause sont presque analogues. En effet, le sieur William Steven Banda a reçu un ordre d’expulsion le 10 novembre 1991 et déporté illégalement, par malice politique vers le Malawi le 25 octobre 1994; à son tour, John Lyson Chinula a été enlevé de son domicile et déporté également vers le Malawi. Les victimes étaient toutes les deux d’éminentes personnalités politiques en Zambie. Elles étaient des membres dirigeants de l’UNIP, le parti qui a été au pouvoir jusqu’en 1994. La principale raison évoquée pour la déportation de ces hommes politiques est que leur présence risque de compromettre la paix et l’ordre en Zambie. Aucune raison de fait ou de droit n’a été évoquée pour justifier cette conclusion. Les actions intentées devant les tribunaux d’ordre nationales par les deux hommes pour que justice soit faites ont été vaines. C’est alors qu’Amnesty International, qualifiant la déportation de ces deux hommes d’exil forcé, introduit une requête devant la Commission africaine. La Commission africaine dans ses conclusions invoqua une panoplie de droits touchés. En premier, elle soutint « qu’en forçant les plaignants à vivre comme des apatrides dans des conditions dégradantes, le gouvernement zambien les a privés d’affection de leur famille et privé ces familles du soutien apporté par ces hommes, et que ceci constitue une violation de la dignité humaine, violant ainsi l’article 5 de la Charte ».97 En plus, la commission a observé que l’impossibilité pour les victimes d’attaquer en justice leur expulsion98 est une violation « du droit de saisir les juridictions nationales compétentes » et le « droit à un procès juste et équitable» consacré par l’article 7 de la Charte.

Les deux affaires expliquent comment, la Commission africaine de « façon quelque peu contournée » a protégé les individus contre l’apatridie. L’instance a d’une part, confirmé la prise en compte de la question d’apatridie par la Charte africaine99 et d’autre part, évoqué l’exigibilité du droit à la nationalité. De ce fait, aucun Etat ne peut de façon arbitraire déchoir ou refuser de reconnaitre le droit à la nationalité à ses nationaux. Ce fut un précédent important qui a donné au droit à la nationalité en Afrique, tout son sens et sa splendeur.

3.2 La parade de la Cour africaine

L’affaire Anudo ochieng Anudo a enfin offert une occasion à la juridiction de lever le doute sur la justiciabilité du droit à la nationalité en Afrique. Au surplus, l’affaire a permis à la Cour de protéger la nationalité qui, selon Yves Calier serait à la fois un droit fondamental et un facteur d’atteinte des droits.100

Dans cet arrêt du 22 mars 2018 qui oppose Anudo Ocheing Anudo à la République Unie de Tanzanie, le requérant déclare que « Sa nationalité tanzanienne lui a été retirée, il a été expulsé au Kenya d’où il a été ré-expulsé en Tanzanie, mais ne pouvant plus rentrer en Tanzanie, il est demeuré dans la « zone tampon » située entre la République Unie de Tanzanie et la République du Kenya, à Sirari ».101

La Cour a été donc saisie à titre principale au fin de constater la violation du droit à la nationalité et de faire droit à la victime. Ainsi, pour préserver le requérant de l’apatridie, la décision des juges s’est basée sur trois piliers. A savoir, la reconnaissance du droit à la nationalité, du droit de ne pas être expulsé de manière arbitraire et du droit d’être entendu par une juridiction.

3.2.1 Sur Le droit à une nationalité.

En l’espèce, il a été demandé à la Cour si le retrait de la nationalité du requérant a été arbitraire ou conforme aux normes internationales des droits de l’homme. Pour répondre à la question posée, la Cour va recourir à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à la jurisprudence de la CIJ102 pour palier le silence de la Charte africaine. Ainsi, la juridiction, dans une double démarche, va reconnaitre que: « l’octroi de la nationalité relève de la souveraineté des Etats et par conséquent, chaque Etat détermine les conditions d’attribution de la nationalité »,103 tout en précisant que « le pouvoir de priver une personne de sa nationalité doit être exercé conformément au droit international, pour lutter contre l’apatridie ».104 De surcroit, pour les juges, la jouissance de la nationalité est la règle et la déchéance, l’exception. De ce fait, nul ne peut être déchu de façon arbitraire de sa nationalité. La notion d’arbitraire renvoie au caractère inapproprié, à l’injustice, au manque de prévisibilité et au non-respect des garanties judiciaires ainsi que les principes du caractère raisonnable, de la nécessité et de la proportionnalité.105 Après avoir constaté que « Le Droit international n’admet la déchéance de la nationalité que dans les situations très exceptionnelles suivantes: i) être fondées sur une base juridique claire; ii) servir un but légitime conforme au droit international; iii) être proportionnelle à l’interdit qu’elle vise de protéger; v) respecter les garanties procédurales permettant à l’intéresse de faire valoir tous ses moyens de défense devant un tribunal indépendant »,106 les juges vont conclure au caractère disproportionné et rapide de la déchéance.107 Cette position de la Cour, a pour l’ultime objectif de lutter contre la banalisation de la déchéance de la nationalité et la reconnaissance du droit à la nationalité comme un droit fondamental.

3.2.2 Le droit de ne pas être expulsé de manière arbitraire.

Peut-on expulser un citoyen de son propre pays ou l’empêcher d’y retourner? En effet, à la suite du retrait de sa nationalité et de l’annulation de son passeport, le requérant a été déclaré « immigrant clandestin » et expulsé de son pays en vertu de l’article 11(1) de la loi tanzanienne sur l’immigration, laquelle loi dispose que: «L’entrée en Tanzanie de tout immigrant clandestin est illégale ». A priori, la question a été déjà tranchée par l’article 12(2) de la Charte africaine qui dispose: « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Cependant, l’article 12 n’aborde pas spécifiquement le point de l’expulsion en lien avec la déchéance de la nationalité. Une observation du comité des droits de l’Homme de l’ONU sur la liberté de circulation a réglé la question en ces termes « qu’il existe peu de circonstances dans lesquelles l‘interdiction d’entrer dans son propre pays pourrait être raisonnable. Un Etat partie ne peut, en privant arbitrairement une personne de sa nationalité ou en expulsant une personne vers un pays tiers, empêcher cette personne de rentrer dans son propre pays ».108 De surcroit, la Cour note que même si l’Etat défendeur considérait le requérant comme un étranger, il est évident que les conditions de son expulsion n’ont pas respecté la règle prescrite de l’article 13 du Pacte international relatif aux droit civils et politiques (PIDCP) qui dispose qu’ «  un étranger qui se trouve légalement sur le territoire d’un Etat partie au présent Pacte ne peut en être expulsé qu’en exécution d’une décision prise conformément à la loi ». Voilà autant d’éléments qui justifient le caractère arbitraire de l’expulsion du sieur Anudo. L’objectif poursuivi par la Cour en protégeant contre l’expulsion arbitraire est de permettre au requérant d’exercer les voies de recours contre la décision de déchéance de sa nationalité. Cette même solution a été adoptée par la Commission africaine dans l’affaire Amnesty International c. Zambie.

3.2.3 Du droit d’être entendu par un juge

Tout litige, dans sa résolution, est soumis à une procédure légalement établie. Celui portant sur la nationalité n’est guère épargné.109 Lorsque le doute sur la nationalité présente des motifs sérieux, la saisine des tribunaux devient le moyen approprié pour vaincre le doute et prévenir la nationalité. La fonction de cette procédure est soit pour rappeler à l’Etat ses engagements pris au plan international en faveur des droits de l’homme, soit pour éviter l’arbitraire dans la procédure d’octroi ou de déchéance de la nationalité. Tout ceci, suppose non seulement le recours au juge, mais davantage, la garantie des droits procéduraux. Dans la présente affaire, le requérant, n’a pas eu droit aux voies de recours pouvant lui permettre de contester la déchéance de sa nationalité. La Cour constate que le sieur Anudo avait, au titre des principes généraux de droit, le droit de recours devant une juridiction nationale. Le fait qu’il a été arrêté puis expulsé immédiatement vers le Kenya ne lui a pas laissé la possibilité d’exercer un tel recours. De même, lorsque par la suite, il s’est retrouvé dans la zone tampon, il lui était très difficile d’utiliser ce recours. Par ce fait, la Tanzanie a violé l’article 7 de la Charte et 14 du PIDCP. La présente affaire est l’illustration parfaite de l’inconfort ou encore du périple que vivent les apatrides. Ils sont exposés à toutes sortes d’abus et de refus.

Après avoir constaté la violation des trois droits indiqués, la Cour dans son dictum final, a ordonné à l’Etat défendeur d’amender sa législation pour ouvrir aux individus des recours judiciaires en cas de contestation de leur nationalité.110 Plus intéressant, la juridiction enjoint à l’Etat tanzanien de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir le requérant dans ses droits en lui permettant de revenir sur le territoire national. Toutes ces mesures concourent à la prévention de l’apatridie en Afrique.

4 CONCLUSION

Le premier droit de l’apatride, c’est le droit à la nationalité. Longtemps relégué au second rang, l’apatridie bénéficie aujourd’hui d’une grande et forte mobilisation. Pour une raison simple, la communauté internationale ne pouvait continuer ainsi à faire litière d’une cause si obsédante. Selon Monica Pinto, la leçon a été bien apprise et depuis 1948,111 « tout individu a le droit à une nationalité et nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit d’en changer ».112

Le droit de chacun à la nationalité est un droit fondamental de l’être humain. Nul Etat ne peut y déroger sans entrer en contradiction avec le Droit international des droits de l’Homme. La transition du droit de la nationalité au droit à une nationalité a été bien assurée. Ce droit, faut-il le rappeler, est substantiel dans la mesure où il conditionne l’exercice de bien d’autres.113 Il est indispensable de posséder une nationalité pour participer pleinement à la société et pour jouir de différents droits: droits politiques, droit d’obtenir un passeport national et de l’utiliser pour voyager, droit de pénétrer sur le territoire d’un pays et d’y résider. Dans la pratique, la nationalité facilite également la jouissance de l’ensemble des droits humains fondamentaux. Les apatrides peuvent être détenus pour la seule raison qu’ils sont apatrides et se voir refuser l’accès aux services éducatifs et médicaux, ainsi que l’accès au marché de l’emploi.

La réponse apportée par le système africain des droits de l’homme est admirable mais insuffisante. Le logiciel de la prévention est à repenser, il faut absolument un renouveau de la prévention. Le continent doit se doter des instruments de dernières générations. Il faut notamment mettre en place une Agence africaine de prévention et de protection de l’apatridie et d’un plan d’action réaliste. Le salut viendra aussi, d’une jurisprudence constante et des Etats qui respectent les décisions des juridictions régionales. Mieux, il est temps de travailler à l’émergence d’une citoyenneté africaine à l’instar de la citoyenneté européenne. C’est l’un des objectifs à attribuer au projet de protocole à la Charte sur la nationalité en Afrique.

 

 

 


1. D Felice ‘Nationalité, vote, immigrés’ http://www.lalibre.be/ (consulté le 15 novembre 2016).

2. Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) Nationalité et apatridie: un guide pour les parlementaires (2010) 3.

3. Ancien responsable de l’unité ‘apatridie’ du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).

4. Lire interview accordée à Haude Morel et Leo Dobbs le 18 mai 2007 www.unhcr.org (consulté le 12 mars 2017).

5. HCR ‘Glossaire extrait de L’appel global’ www.unhcr.org/fr/4ad2f61ae.pdf (consulté le 20 février 2016).

6. Voir CIJ, Affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), 6 avril 1955, 2e phase; Voir G Distefano et al Bréviaire de jurisprudence internationale (2005) 307.

7. E Montcho Agbassa ‘La nationalité de la femme mariée en droit béninois’ in N Gbaguidi (dir) Dix ans d’application du code des personnes et de la famille du Bénin Bilan et perspectives (2005) 309-320. 

8. ‘Le département de l’information du Secrétaire Général de l’ONU a évoqué l’Apatridie comme l’un des dix sujets dont le monde devrait entendre parler d’avantage’. Comité permanent du HCR ‘ Rapport intérimaire sur l’apatridie en 2009’, 29 mai 2009, EC/60/SC/CRP.10 para 4. Voir A Nanteuil ‘Réflexion sur le statut d’apatridie en Droit International’ in  Droit international et nationalité (2012) 320-335.

9. Voir Comité permanent du HCR, Rapport intérimaire sur l’apatridie en 2009, 29 mai 2009, doc.EC/60/SC/CRP.10, para 4.

10. UNHCR Nationalité et Apatridie en Afrique de l’Ouest note d’information (2015) 2.

11. Ibid.

12. Notamment la Conférence régionale ministérielle sur l’apatridie, Abidjan, 23 au 25 février 2015, UNHCR; La réunion des Experts des États membres du 7 au 11 mai 2018 à Abidjan en Côte d’Ivoire; Elaboration du plan d’action de Banjul 2017-2024, de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour l’éradication de l’apatridie.

13. Voir article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

14. Voir l’article 27 de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides: ‘Les États contractants délivreront des pièces d’identité à tout apatride se trouvant sur leur territoire et qui ne possède pas un titre de voyage valable’.

15 Article 1er de la Convention de New York sur la réduction des cas d’apatridie de 1961: ‘Tout État contractant accorde sa nationalité à l’individu né sur son territoire et qui, autrement, serait apatride. Cette nationalité sera accordée,

15. a) De plein droit, à la naissance, ou b) Sur demande souscrite, suivant les modalités prévues par la législation de l’État en cause, auprès de l’autorité compétente par l’intéressé ou en son nom; sous réserve des dispositions du paragraphe 2 du présent article, la demande ne peut être rejetée. L’État contractant dont la législation prévoit l’octroi de sa nationalité sur demande conformément au littera b du présent paragraphe peut également accorder sa nationalité de plein droit à l’âge et dans les conditions fixées par sa loi’.

16. Voir l’article art 6(g) du Protocole de Maputo.

17. La résolution 234 ‘Réaffirme que le droit à une nationalité pour toute personne est un droit humain fondamental implicitement inscrit dans les dispositions de l’article 5 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples et essentiel à la jouissance des autres droits et libertés fondamentaux prévus à ladite Charte;

Demande aux Etats Africains de s’abstenir d’adopter des mesures discriminatoires en matière de nationalité et de procéder à l’abrogation des textes législatifs qui privent ou destituent des personnes de leur nationalité pour des motifs de race, de groupe ethnique, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou tout autre statut, en particulier lorsque les mesures et lesdits textes ont pour conséquence de rendre une personne apatride;

Demande aux Etats africains de respecter les normes de procédure minimum afin que les décisions relatives à la reconnaissance, l’acquisition, la privation ou le changement de nationalité ne contiennent aucun élément arbitraire et soient susceptibles de faire l’objet d’un examen par un tribunal impartial, conformément aux droits visés à l’article 7 de la Charte africaine;

Demande également aux Etats africains d’adopter et de mettre en œuvre les textes législatifs constitutionnels pertinents et autres, afin de prévenir et de réduire l’apatridie, en conformité avec les principes fondamentaux du droit international et de l’article 6 de la Charte africaine des droits de l’homme et du bien-être de l’enfant et plus particulièrement de: a) Reconnaître que tous les enfants ont le droit à la nationalité de l’Etat où ils sont nés, s’ils se trouvaient autrement apatrides; b)Interdire le refus ou la privation arbitraires de nationalité; c) Réaffirmer l’égalité des droits des hommes et des femmes et des personnes de toute race ou groupe ethnique en matière de nationalité; et Invite les Etats africains à ratifier tous les traités internationaux et africains des droits de l’homme pertinents, y compris la Convention relative au statut des apatrides et la Convention sur la réduction de l’apatridie’ http://citizenshiprightsafrica.org/wp-content/uploads/2016/07/CADHP-R%C3%A9solutions-sur-la-nationalit%C3%A9-201314.pdf (consulté le 20 octobre 2019).

18. John K. Modise v Botswana, Communication No 97/93(2000).

19. Amnesty International v Zambia, Communication No 212/98 (1999).

20. Affaire, Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie, arrêt du 22 mars 2018.

21. Voir le Comité Africain d’Experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, dans sa première décision dite affaire Children of Nubian Descent in Kenya, 2011.

22. UNHCR Nationalité et Apatridie en Afrique de l’Ouest note d’information (2017) 2.

23. G Aïvo ‘Frontière et apatridie en Afrique’ (2016) 3 Revue africain de la Démocratie et de la gouvernance 107-124.

24. On assiste à l’usage abusif des lois sur la nationalité pour réduire au silence des opposants politiques. Les cas de John Modise au Botswana, de Kenneth Kouanda et d’Alasane Ouatara en Côte d’Ivoire, respectivement citoyen ordinaire, ancien président de la république et premier ministre et dont la nationalité avait été contestée sont illustratifs. Voir E Dabonne ‘Les crises de nationalité’ (2016) n°001 in Revue CAMES/SJP 123-131.

25. Aïvo (n 25) 113.

26. B Hassane Etude sur la problématique de la documentation et du risque d’apatridie au sein des populations déplacées au nord du Nigéria vers la population de Djifa (2015) 7.

27. UNHCR L’apatridie en Afrique de l’ouest votre monde à la renverse (2018) 9.

28. Voir Communication No 211/1998, Legal Resources Foundation c. Zambie.

30. Dabonne (n 24) 123-131.

31. Du droit à la nationalité consacré par l’article 15 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

32. Crise ivoirienne. Guillaume Soro Chef du Mouvement Rebelle s’exprimait en ces termes ‘Donnez-nous des cartes d’identité et nous rendrons nos kalachnikov ’. Voir B Mamby La nationalité en Afrique (2001) 28.

33. UNHCR L’apatridie cadre d’analyse pour la prévention la réduction et la protection (2008) 1.

34. Notamment les études académiques, RF Avlessi La prévention de l’apatridie en droit béninois (2017) 108; Aïvo (n 23).

35. R Likibi Le droit de l’apatridie: Pratique et controverses (2013) 418; B Mamby La nationalité en Afrique (2011); B Mamby La nationalité la migration et l’apatridie en Afrique de l’Ouest (2015); B Mamby Les lois sur la nationalité en Afrique Une étude comparée (2010); UNHCR L’apatridie cadre d’analyse pour la prévention la réduction et la protection (2008).

36 Le projet sur l’élaboration d’un Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur le droit à la nationalité en Afrique a été adopté par la résolution 277, lors de la 55ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, tenue à Luanda en Angola, du 28 avril au 12 mai 2014. Elle fait suite à la résolution 234 et souligne fondamentalement ‘la nécessité

36. de franchir de nouvelles étapes significatives vers l’identification, la prévention, la réduction de l’apatridie et la protection du droit à la nationalité’ http://citizenshiprightsafrica.org/wp-content/uploads/2016/07/CADHP-R%C3%A9sol utions-sur-la-nationalit%C3%A9-201314.pdf (consulté le 20 octobre 2019).

37. Union Africaine, Note explicative du projet de protocole a la charte africaine des droits de l’homme et des peuples sur les aspects spécifiques du droit à la nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique, 2018. Voir Article 3: consécration du droit à la nationalité, Article 5: attribution de la nationalité selon le droit du sol et prise en compte des enfants trouvés, article 8: prise en compte des Populations nomadiques et transfrontalières, article 18: Limitation des Expulsions https://au.int/sites/default/files/newsevents/workingdocuments/351 39-wd-note_explicative_projet_de_protocole_nationalite_juin2018_pour_la_ cts.pdf (consulté le 30 octobre 2019).

38. Article 7 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990; article 65 de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996; la loi constitutionnelle sénégalaise du 22 janvier 2001.

39. Déclaration d’Abidjan des ministres des Etats membres de la CEDEAO sur l’éradication de l’apatridie de 2015 constate que: ‘La Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ne contient expressément aucune disposition sur le droit à la nationalité’.

41. ‘Le terme peuple s’impose dans le langage courant lorsqu’il s’agit d’identifier les populations d’une région par rapport aux populations d’autres régions du monde (Amérique, Asie, Europe, Océanie), c’est la dimension régionale du concept de peuple’. Voir M Mubiala Le système régional africain de protection des droits de l’homme (2005) 15.

42. B Goldman ‘Droit à la nationalité et nationalité imposée’ in Travaux du Comité français de droit international privé (1955) 43-60.

43. Lire l’article 2 de la charte africaine.

44. Lire l’article 3 de la charte africaine.

45. Cour Constitutionnelle du Bénin, DCC 14-172 du 22 septembre 2014 https://www.refworld.org/pdfid/547729054.pdf (consulté le 30 octobre 2019).

46. Article 18 de la loi n°65-17 ‘Sous réserve des dispositions des articles 19, 20, 22 et 23, la femme étrangère qui épouse un dahoméen acquiert la nationalité dahoméenne au moment de la célébration du mariage.’

47. Décision DC 8 du 16 juin 1992 de la Cour Constitutionnelle du Bénin.

48. Article 29 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990: ‘L’Etat assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. L’homme et la femme sont égaux en droit. L’Etat protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant. Il veille sur les handicapés et les personnes âgées’.

49. La Cour dans sa décision DCC 14-172, définit la notion de discrimi-nation comme ‘une discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la loi dans un domaine visé. Elle peut être directe lorsqu’une inégalité est créée de manière explicite et intentionnelle, ou indirecte, lorsqu’une règle, une pratique ou un critère apparemment neutre, a un effet défavorable sur un groupe visé par un critère de discrimination. Elle peut ne pas être intentionnelle. Parmi les critères de discrimination généralement retenus, il y a: la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, l’âge, le handicap, l’état de santé, la nationalité’.

50. Montcho (n 9) 318-319.

51. Arrêt de la Haute Cour du Botswana, Unity Dow c. Attorney General, MISCA 124/1990, juin 1991 in Recueil africain des décisions de droits de l’homme (1992): ‘Le temps où les femmes étaient traitées comme du bétail et n’existaient que pour obéir aux caprices et aux désirs des hommes est depuis longtemps révolu et ce serait faire injure à la pensée moderne et à l’esprit de la Constitution que de juger que la Constitution a été délibérément faite pour permettre la discrimination fondée sur le sexe’ (traduction non officielle).

52. Voir Décision DCC 14-172 du 16 septembre 2014.

53. Ibid.

54. Ibid.

55. Likibi (n 35) 149.

56. Nanteuil (n 10) 322.

57. Manby (n 35) 5.

58. Lire l’article 3 de l’ordonnance n°78-34 du 7 septembre 1978 portant code de nationalité togolaise: ‘Est Togolais:

1-l’enfant né d’un père Togolais;

2-l’enfant née d’une mère togolaise et d’un père n’ayant pas de nationalité ou dont la nationalité est inconnue’.

59. Article 10 de la Constitution de la République de Gambie: ‘A person born outside The Gambia after the coming into force of this constitution shall be a citizen of The Gambia by descent, if at the time of his or her birth either of his or her parents is a citizen of The Gambia otherwise than by virtue of this section or any comparable provision of any earlier constitution’. Le Libéria porte les mêmes lacunes dans sa constitution, section 20(1)(3).

60. Ces dix (10) Etats ‘attribuent la nationalité d’origines sur une base discriminatoire, et privilégient le père à différents degré’. C Yakite La nationalité et l’apatridie en Afrique (2018) 35.

61. ‘Se faire dire “non” par le pays où je vis ; se faire dire “non” par le pays où je suis née ; se faire dire “non” par le pays d’où mes parents sont originaires, se faire dire encore et encore “ vous n’êtes pas des nôtres!”. On a l’impression de ne plus exister, de ne plus savoir même pourquoi on vit. Etre apatride, c’est avoir en permanence le sentiment d’être sans valeur’. UNHCR Nationalité et apatridie un guide pour les parlementaires (2014) 5.

62. L’article 3(1) du protocole à la Charte prévoit une très large compétence matérielle de la Cour; il est en effet libellé comme suit ‘La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les États concernés’.

63. Article 3 projet de protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 2018 sur les aspects spécifiques du droit à la nationalité et l’éradication de l’apatridie en Afrique ‘Les Etats parties conviennent et reconnaissent que:

a. Tout individu a droit à une nationalité;

b. Nul ne peut être privé ou se voir refuser arbitrairement la reconnaissance de sa nationalité ni le droit de changer de nationalité’.

64. Lire l’article 6 de la Charte africaine de l’enfant et du bienêtre.

65. Article 6(1) de la Charte africaine de l’enfant et du bienêtre: ‘Tout enfant a droit à un nom dès sa naissance’.

66. Article 6(2) de la Charte africaine de l’enfant et du bienêtre: ‘Tout enfant est enregistré immédiatement après sa naissance’.

67. Lire l’article 6(3) de la Charte africaine de l’enfant et du bienêtre.

68. Le droit du sol encore appelé jus soli est le mode d’acquisition de la nationalité en vertu de la naissance sur le territoire d’un Etat.

69. Le droit du sang encore appelé jus sanguinis est le mode d’acquisition de la nationalité par la filiation.

70. Voir UNHCR Plan d’action de Banjul de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour l’éradication de l’apatridie 2017-2014.

71. Ordinance 70-86 of 15 December 1970 on the Algerian Code of nationality.

72. Ordinance 05-01 of 27 February 2005 on the Algerian Code of nationality, article 7 ‘is of Algerian nationality by birth, in Algeria’.

75. Lire les articles 17 ; 19 ; 23 et 25 de la loi n°2015-08 du 08 décembre 2015 portant Code de l’Enfant en République du Bénin.

76. Article 333 du Code béninois de l’enfant.

77. Article 334 du code béninois de l’enfant: ‘ Tout médecin accoucheur, toute sage-femme ou toute matrone qui ne transmet pas à l’officier de l’état civil, dans les délais requis par la loi , les fiches de naissance des enfant nés dans son centre de travail, est puni d’une amende de 50.000 à 200 000 francs d’emprisonnement de 15 à 30’.

78. Ordinance 05-01 of 27 February 2005 on the Algerian Code of nationality, article 7: ‘is of Algerian nationality by birth, in Algeria: i. A child born in Algeria of unknown parents: However, a child born in Algeria of unknown parents shall be deemed never to have been Algerian if, during his minority, his parentage is legally established in respect of a foreign national and if he/she is given the nationality of the foreign national’s country, in accordance with their national law. The newborn child found in Algeria is presumed born in Algeria, unless it is proven otherwise. ii. A child born in Algeria of unknown father and a mother, whose only name is on his/her birth certificate, without further particulars may prove nationality thereof’.

79. Article 19 de la loi n°2015-08 du 8 décembre 2015 portant code de l’enfant en République du Bénin: ‘L’enfant, à sa naissance doit être déclaré à l’officier d’état civil par son père ou sa mère. Lorsqu’il s’agit d’un enfant retrouvé dont les parents ne sont pas connus, la déclaration est faite par le procureur de la République territorialement compétent’.

80. Manby (35) 19.

81. Union Africaine (n 37) 33.

83. Sudan Nationality Act, 2003, Section 9.

84. Lire l’article 6 Protocole de Maputo.

85. Ibid.

86. Ibid.

87. Ibid.

88. ‘En mars 2010, le Parlement kenyan a adopté un nouveau projet de constitution, le premier depuis la constitution de l’indépendance de 1963. La constitution a été approuvée par voie de référendum en août 2010 et est entrée en vigueur le même mois. En conséquence de cette adoption, le Code de la nationalité kényan est appelé à être réformé en profondeur. Les principales modifications sont les suivantes:

Fin à la discrimination de genre en vertu de la loi sur la capacité d’une femme de transmettre sa nationalité à son enfant ou son conjoint. Mamby (37) 67.

89. Observations finales et recommandations relatives au Rapport Périodique cumulé de la République du Burundi, 13ème Session Extraordinaire 19 au 25 février 2013, Banjul, Gambie In https://www.policinglaw.info/assets/downloads/ACHPR _Concluding_Observations_on_Burundi_(2014)_(French_original).pdf (consulté le 15 septembre 2019).

90. Ibid.

91. Voir article 30 de la Charte africaine.

92. Voir les articles 55, 56, 57 et 58 de la Charte africaine.

93. Voir JL Antagana-Amougou ‘Commentaire de l’article 66 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples’ in M Kamto (dir) La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le protocole y relatif portant création de la Cour africaine des droit de l’homme (2011) 905-906.

94. Affaire John K. Modise v Botswana, Communication N° 97/93(2000).

95. Communication 97/93.

96. Confère article 13 al 2 de la Charte Africaine ‘ tous les citoyens ont également le droit d’accéder aux fonctions publiques de leurs pays’.

97. Communication n°201/98, Amnesty International c. Zambie para 50.

98. Communication n°201/98, Amnesty International c. Zambie, Douzième rapport annuel d’activité de la Cour africaine 1998-1999, para 33. Voir aussi, Communication n°159/96, Union interafricaine des Droits de l’Homme et autres c. Angola, 11e rapport d’activité de la Cour africaine.

99. ‘La Commission a estimé que le refus de la nationalité qui a entrainé l’apatridie du demandeur équivaut à une violation des droits fondamentaux, notamment le droit à la protection par la loi, le respect de la dignité, la liberté de circulation, le droit de partir et de revenir dans son propre pays, le droit de participer à son gouvernement le droit d’accéder aux services publics, le droit de propriété et le droit à une vie de famille’.

100. J-Y Calier ‘Droit de l’homme et nationalité’ (2003) 63 Annales de droit de Louvain 683.

101. Voir l’ Affaire Anudo Ochieng Anudo Contre la République Unie de Tanzani, arrêt du 22 mars 2018.

102. ClJ Affaire Nottebohm, (Liechtenstein contre Guatemala) Arrêt du 6 avril 1955 20.

103. Para 77.

104. Para 78.

105. Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Observation générale No 35 Article 9, para 12.

106. Para 79.

107. Para 132.

108. Comité des droits de l’Homme de l’ONU, Observation générale No 27 sur la liberté de circulation.

109. G Katchovi Le contentieux de la nationalité en droit positif béninois, mémoire de master, Chaire Unesco (2015-2016) 11.

110. Para 132.

111. M Pinto ‘L’identification des sources du droit international de la nationalité: du droit de la nationalité au droit à la nationalité; du droit de l’Etat au droit de la personne; de la souveraineté aux droits de l’homme’ in Droit international et nationalité (2012) 45 à 45.

112. Article 15 de la DUDH.

113. Likibi (n 35) 148.