Sègnonna Horace Adjolohoun
 ENA, LLB (Bénin), LLM, LLD (Pretoria)
Professeur extraordinaire et invité de droit international des droits de l’homme et droit constitutionnel comparé (Université de Pretoria, Université d’Europe Centrale, Université Gaston Berger); Juriste Principal en Chef, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Les opinions émises dans le présent article sont exclusivement celles des auteurs et n’engagent en aucune manière la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
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 Eric M. Ngango Youmbi
Docteur en droit public de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne (France), Diplômé en droit de l’Union européenne de l’IEE de Bruxelles Enseignant- Chercheur à l’Université de Maroua (Cameroun).
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 Edition: AHRY Volume 3
  Pages: 22 - 48
 Citation: SH Adjolohoun & EMN Youmbi ‘L’émergence d’un juge électoral régional africain’ (2019) 3 Annuaire africain des droits de l’homme 22-48 http://doi.org/10.29053/2523-1367/2019/v3a2
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RÉSUMÉ

Les élections en Afrique sont des moments qui cristallisent de grandes tensions et s’accompagnent bien souvent de crises politiques. Dans un contexte de perte de confiance et de disqualification du juge national, considéré comme l’allié du pouvoir, la présente contribution pose la question du recours à la solution juridictionnelle supranationale. Nous y soutenons tout d’abord, dans une approche positiviste et contentialiste, l’émergence progressive d’un juge électoral africain à l’identité plurielle. Ce juge, nous arguons, a conquis ses titres de compétences originellement sous la bannière d’instruments classiques de protection des droits de l’homme puis, progressivement, par l’avènement plus récent de conventions hybrides régulant la démocratie, les élections et la gouvernance politique. Les décisions de la Commission et de la Cour africaines des droits de l’homme et des peuples ainsi que celles des Cours de justice de la CEDEAO et de la Communauté d’Afrique de l’Est, ayant trait à la matière électorale, en donnent une parfaite illustration. Nous relevons ensuite qu’il s’agit d’un juge à la juridiction limitée, en ce que sa compétence est sujette à l’observance de la traditionnelle condition d’épuisement des recours internes et qu’il applique exclusivement la norme de référence prévue par le législateur et dont il a reçu mandat de sauvegarde. Il s’agit enfin d’un juge à l’imperium discuté, dont l’autorité des décisions est à géométrie variable et les garanties d’exécution incertaines.

TITLE AND ABSTRACT IN ENGLISH:

The rise of an African regional electoral judge

ABSTRACT: Elections in Africa are moments of great tension, which often come with political crises. In a context where the municipal election judge is untrusted and disqualified due to its perceived affiliation with the ruling party, this paper is devoted to appraising the alternative remedy of supranational mechanisms. Based on a positivistic and litigation standpoint, we observe the steady rise of an African regional electoral judge of a plural identity. This judge, we argue, was originally entrusted with jurisdiction as prescribed in traditional human rights instruments and, progressively in the recent years, in hybrid legal instruments pertaining to democracy, elections and political governance. This trend is well illustrated by the decisions of the African

Commission and African Court on Human and Peoples’ Rights, as well as those of the ECOWAS and East African Courts of Justice relating to electoral matters. We further stress that the African regional election judge enjoys a limited jurisdiction, in that he is required to observe the well-established rule of exhaustion of local remedies and that he exclusively adjudicate on the applicable law as prescribed by the legislator and which he was entrusted to supervise. The authors finally posit that the judicial powers of the regional judges are disputed, and their decisions enjoy a variable authority while guarantees of their enforcement is uncertain.

MOTS CLÉS: juge électoral africain, démocratie, élection, juridiction, imperium

 

SOMMAIRE:

1 Introduction

2 Un juge à l’existence affirmée

2.1 La pluralité du juge électoral africain

2.2 La production des normes électorales

3 Un juge à l’emprise limitée

3.1 La limite liée à la juridiction

3.2 La limite liée à l’imperium

4 Conclusion

1 INTRODUCTION

Peut-on dire du droit régional africain comme le fit le célèbre juriste anglais L. Denning à propos du droit européen, qu’il est aujourd’hui comparable à un raz-de-marée qui emporte nos digues et qui, pénétrant à l’intérieur de nos terres, vient submerger nos maisons et nos champs, à la grande consternation de tous?1 En l’état du droit et de la pratique, il est prudent de relativiser une telle assertion comparative. Il n’aurait toutefois échappé à aucun observateur attentif, le bourgeonnement en Afrique d’une justice électorale supranationale.2

Il convient d’entrée de jeu de rappeler qu’il n’existe pas à proprement parler, au niveau régional africain, un juge dont l’office exclusif serait de régler les questions relatives aux élections.3 « Le juge électoral africain » doit par conséquent s’entendre dans le cadre de la présente contribution, de tout juge supranational - qu’il soit continental ou sous-régional - compétent pour examiner et trancher un différend portant sur des questions électorales.4

En tout état de cause, la question de l’essor de ce juge régional est d’un intérêt certain eu égard à la récurrence dans le contexte africain des crises électorales (présidentielles notamment) mal jugées en droit national (entre autres, Côte d’Ivoire en 2010,5 Bénin en 2011, Gabon en 2016,6 Cameroun en 2018,7 et République Démocratique du Congo en 2019). L’organisation d’élections disputées8 demeure une gageure dans les Etats africains.9

Dans un tel contexte, l’on peut légitimement se demander si le juge électoral africain ne serait pas la pièce maîtresse de l’ambition portée par l’Union africaine et les autres organisations intergouvernementales africaines, d’une Afrique où la paix et la sécurité seraient le gage de succès d’une intégration politique et économique. Cette question simple en apparence mais qui charrie de vives controverses théoriques se pose en des termes similaires sous d’autres cieux: c’est celle de l’existence, mieux, de l’autorité de ce juge international ou supranational et celle de son identité.

La première controverse nous plonge au cœur du débat plus étendu sur le phénomène de « régionalisme constitutionnel »10 ou de l’exis-tence d’un droit constitutionnel supranational africain dont le juge régional serait le garant, et qui se construirait à partir de la matière électorale. La seconde controverse est celle de l’identité du juge électoral africain. A la vérité, on est en présence dans le cadre supranational d’une pluralité d’acteurs aussi bien continentaux que sous-régionaux, pouvant intervenir dans le contentieux électoral. Cette question s’inscrit dans la problématique des rapports de systèmes qui, en Europe continentale, a fait en surabondance l’objet de développements par des auteurs tels JP Jacque,11 M Delmas Marty,12 F Ost et M Van der Kerchove,13 M Virally,14 M Troper15 ou P Amselek.16

Par la présente contribution, nous proposons de mener une incursion de précurseurs en fournissant la preuve de l’existence affirmée d’un juge électoral africain (2), dont l’emprise reste hélas, encore limitée (3).

2 UN JUGE A L’EXISTENCE AFFIRMEE

De quelque manière que l’on tourne les choses, il est difficile pour tout observateur sérieux de contester la compétence en matière électorale, d’institutions de nature judiciaire ou quasi-judiciaire, créées sous l’égide des organisations intergouvernementales africaines. On est toutefois en présence d’un juge électoral pluriel (2.1) dont l’émergence au cœur de la conscience juridique est également attestée par son importante œuvre jurisprudentielle (2.2).

2.1 La pluralité du juge électoral africain

Par « juge électoral africain », nous entendons, comme il a été signalé ci-avant en introduction à la présente discussion, une pluralité d’instances pouvant intervenir dans la résolution des différends relatifs aux élections. Il peut être rattaché à un mécanisme à vocation continentale, et être désigné par la locution adjectivale « juge électoral continental » (2.1.1), ou revêtir une portée sous-régionale, on parlera alors de « juge électoral sous-régional » (2.1.2).

2.1.1 Le juge électoral continental

Au plan continental, deux organes dont la vocation première n’est pas de vider le contentieux électoral, peuvent, pour autant qu’une disposition du droit de l’Union africaine applicable en la matière est en cause, être saisis de contestations soulevées relativement à un acte se rapportant à la question des élections: il s’agit de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission ou la Commission africaine) et de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour ou la Cour africaine).

a La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

Les dispositions de la Charte pouvant être considérées comme formant la fondation de la fonction de juge électoral de la Commission de Banjul sont les articles 1 et 13.

L’article 1 dispose que « Les Etats membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (...), reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s’engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer ». Cette disposition a été interprétée tant par la Commission que par la Cour africaine, comme induisant une obligation tant de légiférer, que de créer des institutions de protection des droits de l’homme.17

L’article 13 de la Charte quant à lui prévoit le droit à la participation politique (celui d’élire, d’être élu, de participer librement aux affaires publiques et d’accéder aux fonctions politiques de son pays). Dans sa jurisprudence pertinente, la Commission s’est prononcée à maintes occasions sur le respect par les Etats parties des dispositions relatives au droit électoral de portée continentale.

Avant de revenir sur cette formation du droit par interprétation, il faut épuiser la démonstration sur l’existence d’un juge électoral continental.

b La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

Le caractère non expressément obligatoire et exécutoire de ses décisions et son inféodation alléguée à la Commission de l’Union africaine ont valu à la Commission de Banjul d’acerbes critiques des commentateurs.18 A l’opposé, ou plutôt en complémentarité de la Commission, la Cour africaine est un organe de plein impérium judiciaire en tant que ses décisions sont à la fois obligatoires et exécutoires tel qu’il ressort des dispositions de l’article 30 du Protocole qui l’a créée.

D’un point de vue ratione materiae, la Cour est compétente pour connaître du contentieux de l’interprétation et de l’application de la Charte, et de « tout autre instrument des droits de l’homme ratifié par l’Etat concerné ». La jurisprudence de la Cour confirme qu’elle a une acception lato sensu ou universelle de sa compétence prévue à l’article 3 du Protocole.19 On rappellera utilement à cet égard, les décisions rendues par la Cour dans les affaires APDH c. Côte d’Ivoire,20 Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso et Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso.21

Cette jurisprudence mise en contexte, il apparaît en effet qu’aussi bien la Charte africaine de la démocratie que le Protocole de la CEDEAO sur la gouvernance sont du droit éminemment électoral. L’entier chapitre 7 de la Charte de la démocratie est consacrée aux « élections démocratiques » et traite des questions y afférentes.

Pour ce qui est du Protocole de la CEDEAO sur la gouvernance, il érige des principes fondamentaux de la démocratie électorale en normes constitutionnelles régionales.22 Ainsi, l’article 1 du Protocole qui consacre les « principes de convergence constitutionnelle » oblige les Etats parties à, entre autres, garantir « toute accession au pouvoir à travers des élections libres, honnêtes et transparentes ». La forme substantielle la plus parachevée d’une législation régionale est illustrée par la section 2 de l’instrument consacrée exclusivement aux « élections » et qui formule la fameuse prohibition de toute « réforme substantielle de la loi électorale (...) dans les six mois de l’élection » concernée, « sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ». Il revient de ces constatations que se construit progressivement un droit international africain de la gouvernance publique démocratique.23

La présence et le fonctionnement concomitants de deux adjudicateurs au plan continental exigent une coordination qui réponde à la sécurité juridique et judiciaire.24 Il revient à dire qu’elles exercent à cet égard des compétences concurrentes avec un res judicata réciproque. Leurs jurisprudences le confirment d’ailleurs.25

Certaines juridictions sous-régionales africaines se sont également découverts une vocation de protection des droits de l’homme, à l’image de la Cour de Justice de l’Union européenne qui par les arrêts stork,26 stauder,27, international handelgesselschaft,28 initia un processus dont l’aboutissement fût l’adoption, en 2001, de la Charte des droits de l’homme de l’Union européenne également dite de Nice.

2.1.2 Le juge électoral sous-régional

Pour les besoins de contextualisation, nous prenons l’option de limiter notre démarche aux deux juridictions sous-régionales qui nous semblent être les plus illustratives, par leur activité, du moins dans la matière électorale. Il s’agit de la Cour de justice de la CEDEAO et de la Cour de justice de la Communauté d’Afrique de l’Est.

A partir des années 2000, la galaxie institutionnelle du système africain de protection des droits de l’homme va connaître le phénomène dit de « déclinaison du système continental vers les systèmes régionaux ». Cette tendance se manifeste d’une part, à travers une compétence « universelle » expresse de la Cour de justice de la CEDEAO et, d’autre part, dans une juridiction induite du droit communautaire par la Cour de justice de la Communauté d’Afrique de l’Est.

a La Cour de Justice de la CEDEAO

Créée par le Protocole de 1991, la Cour de justice de la CEDEAO se voit attribuer les fonctions traditionnelles d’une juridiction communautaire mais dont le prétoire est très peu fréquenté jusqu’en 2004. Le Protocole additionnel de 2005 met un terme à la léthargie juridictionnelle de la Cour, en ouvrant le prétoire aux victimes des violations des droits de l’homme et aux ONGs.29 Entre le premier arrêt rendu dans la célèbre affaire Hadijatou Mani Koraou c. Niger, qui confirme sa compétence sur la DUDH30 et celui par lequel elle se prononce sur le Protocole de Maputo dans l’affaire Njemanze c. Nigéria,31 la Cour de justice de la CEDEAO se forgera une compétence quasi illimitée sur la Charte internationale des droits de l’homme.32 C’est ainsi qu’elle applique ensuite le PIDCP avec une compétence quasi ordinaire dans l’arrêt Hissène Habré c. Sénégal.33

Dans la matière électorale en particulier, il suffira d’indiquer que la Cour de justice de la CEDEAO s’est principalement illustrée par l’interprétation et l’application du Protocole de la Communauté sur la gouvernance sans nécessairement écarter sa compétence pour connaître du contentieux des droits de l’homme consacrée aux termes aussi bien de la Charte africaine des droits de l’homme que de celle de la démocratie. Il serait partiel de ne pas renvoyer à la position de principe sur sa compétence dans le chef du droit électoral stricto sensu. Une telle position ressort de l’arrêt Ugokwe c. Nigéria où la Cour se déclare incompétente pour connaître de la demande du requérant d’annuler l’élection de son adversaire et la proclamation de la sienne à la Chambre des Représentants de l’Etat d’Anambra.34 Par ricochet, la juridiction régionale conclut qu’elle n’est pas une juridiction d’appel des décisions rendues par les juridictions internes.35 La position de principe rappelée, la pratique impose de constater qu’il n’en est rien de cette censure à exercer compétence en matière électorale qui s’est, à la réalité, révélé être un préambule à la juridiction électorale indirecte, par le moyen de l’impérium des droits de l’homme. Quid de la Cour de Justice de la Communauté de l’Afrique de l’Est ?

b La Cour de Justice de la Communauté de l’Afrique de l’Est

La Cour de justice d’Afrique de l’Est voit juridiquement le jour en 1999. Sa compétence expresse est limitée à la mise en œuvre du droit communautaire.36 Il faut considérer que cette juridiction régionale a consacré, sur la base de sa compétence de droit communautaire, ce que la doctrine a qualifié de compétence induite ou inférée dans la matière des droits de l’homme.37 C’est dans l’affaire James Katabazi et autres c. Ouganda que la Cour s’affranchit de l’argument d’absence de norme.38 L’affranchissement est poursuivi dans l’arrêt Sitenda Sebalu où la Cour sanctionne le refus de lui conférer expressément la compétence des droits de l’homme.39

Sous le chapitre plus spécifique des principes électoraux, si le Traité fondateur de la Communauté ne fait aucune mention expresse des élections ou de principes directement affiliés, son article 3 prescrit comme condition d’adhésion, l’acceptation des « principes universellement admis de bonne gouvernance, de démocratie, d’Etat de droit », le respect « des droits de l’homme » et la « justice sociale ». Mieux, l’article 6 du Traité fait des mêmes conditions, des « principes fondamentaux de la Communauté » auxquels sont adjoints la transparence, la reddition des comptes et les droits de l’homme. Etant stipulées par des dispositions substantielles du Traité, on peut arguer que ces prescriptions emportent obligations conventionnelles en dépit de la terminologie de « principe » qui les qualifie.

La Cour de justice d’Afrique de l’Est confirme cette approche lorsqu’elle conclut dans l’arrêt Union des Journalistes Burundais c. Burundi, que la seule catégorisation en « principes » des normes telles que l’Etat de droit ou la bonne gouvernance ne saurait les soustraire aux obligations des Etats membres.40 C’est sur la même fondation jurisprudentielle que ladite juridiction déclare en violation des articles 6(d) and 7(2) du Traité, parce que contraires aux principes de bonne gouvernance, d’Etat de droit et de droits de l’homme, les dispositions de la Loi 1/11 du 4 juin 2013 portant amendement de la Loi 1/025 du 27 novembre 2015 régissant la presse au Burundi.41

Enfin, même s’il est encore en attente d’adoption par le Parlement régional, le projet de Protocole de la Communauté d’Afrique de l’Est sur la bonne gouvernance prévoit en son article 7(3) que « la promotion et l’institutionnalisation de la démocratie, des processus démocratiques et de la bonne gouvernance » seront réalisées entre autres en « créant un environnement propice à l’exercice de la liberté d’expression, d’association et de réunion; une presse libre et indépendante; une société civile forte et un secteur privé dynamique ».

Ainsi que nous en dresserons ultérieurement le tableau, cette double entreprise normative et jurisprudentielle lancera la rampe d’une justice sous-régionale qui touche largement les droits de l’homme, les libertés publiques, mais également, in casu, les libertés électorales.

2.2 La production des normes électorales

On notera que nous adoptons des notions de droit et de justice électoraux une tendance lato sensu mais objectiviste. Dès lors, l’inclusion dans ce débat sur la justice électorale des questions liées à la vie des partis politiques se justifie amplement par la nature imbriquée des éléments du droit à la participation politique. On conçoit en effet, par exemple, que le droit de s’inscrire comme candidat ne pourrait être réalisé en dehors de la garantie de pouvoir enregistrer un parti politique.

Il importe de souligner l’importante production de normes électorales par le juge régional africain en deux temps, en distinguant entre les principes liés aux libertés politiques (2.2.1) mais qui exhibent des traits fortement électoraux, et ceux relatifs à l’élection proprement dite (2.2.2).

2.2.1 Les principes liés aux libertés politiques

Les décisions rendues dans ce cadre touchent diverses dispositions de la Charte avec en fond de cause, l’article 13(1), qui consacre le droit à la participation politique. Les espèces répertoriées se rapportent, entre autres, à la création des partis politiques, au parrainage des candidats, au contentieux des candidatures, à l’éligibilité, au dépouillement du scrutin et à la proclamation des résultats.

Sur la question de l’existence et de la vie des partis politiques, il est d’un intérêt indéniable de noter la décision rendue par la Commission africaine dans l’affaire Lawyers for Human Rights c. Swaziland. Dans cette affaire, l’organe régional estime que « l’adoption d’une loi qui interdit la création des partis politiques porte une grave atteinte à la capacité des citoyens de participer à la direction des affaires de leur pays ».42 En concluant en conséquence que ladite loi est en violation de l’article 13 de la Charte, la Commission endosse indiscutablement le rôle de juge administratif ou constitutionnel, et exerce son impérium sur l’existence légale des partis politiques. Mieux, un tel decidendi peut être considéré comme emblématique de l’activité d’un juge électoral régional avant-gardiste, à une époque où la législation continentale, en l’occurrence celle de l’Union africaine, restait encore à affiner. On relève en effet que ladite décision est rendue en 2005, soit avant l’adoption en 2007 de la Charte africaine de la démocratie, et son entrée en vigueur bien plus tard en 2012.

Il est vrai que c’est déjà dès le début des années 2000 que la Commission fait œuvre de censeur de la mise en œuvre du droit à la participation politique. En effet, au plus fort du régime foncièrement violateur des libertés dirigé par Yahya Jammeh, la Commission avait estimé dans l’affaire Dawda Jawara c. Gambie que l’interdiction des partis politiques est constitutive d’une violation du droit à la liberté d’association protégé à l’article 10 de la Charte.43

On ne peut manquer de relever que la Commission a par ailleurs fait office de juge du contentieux de l’éligibilité en ce qu’elle s’est prononcée à maintes reprises sur la conformité à la norme électorale régionale de source conventionnelle, du droit électoral de l’Etat défendeur. La décision qu’elle a rendue dans l’affaire John Modise c. Botswana est indiscutablement précurseur à cet égard. Dans ladite cause portée devant elle par l’homme et opposant politique déchu de sa citoyenneté, la Commission a estimé que le refus de reconnaître au requérant la nationalité jus solis a eu pour conséquence son inéligibilité - restreint qu’il était à la nationalité par acquisition. La Commission demandera par conséquent au défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour reconnaître à Modise, la nationalité par naissance.44 Dans l’affaire Constitutionnal Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria, la Commission conclut, dans quasiment le même registre, que « le droit de participer librement aux affaires de son pays implique, entre autres, le droit de voter pour le représentant de son choix (...) et que l’annulation des résultats constitue une violation de ce droit ».45

Des traits similaires marquent une autre espèce sur laquelle s’est prononcée la Commission en 2008 relativement au fameux concept « d’ivoirité ». Dans l’affaire Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme (MIDH) c. Côte d’Ivoire, l’organe continental a conclu à la violation du droit à la participation politique et demandé à l’Etat défendeur de réviser sa Constitution en vue de la mettre en conformité avec les normes régionales.46 On ne peut s’empêcher d’associer l’affaire MIDH où un candidat sérieux a été empêché de participer à l’élection en Côte d’Ivoire, et la décision rendue en 2000 par la Commission dans l’affaire Media Rights Agenda et Constitutional Rights Project c. Nigéria. L’adjudicateur de Banjul avait conclu que « Le gouvernement par la force est incompatible avec le droit des peuples à déterminer leur avenir politique et à choisir leurs dirigeants ».47 Il s’est agi là d’une prohibition des changements anti-constitutionnels de gouvernement consacrée textuellement plus tard, en 2007, par l’adoption de la Charte africaine de la démocratie.

Le juge électoral sous-régional ne reste pas en marge de cette tendance à la régionalisation du contentieux des matières électorales et assimilées. Au prétoire de la Cour de justice de la CEDEAO, l’arrêt Ugokwe cité ci-haut doit être à nouveau évoqué pour rappeler que par principe, la juridiction régionale n’est pas compétente pour connaître des demandes expresses relevant du contentieux des élections nationales. Cette position est tout de même largement infléchie par une compétence électorale tacite, induite du contentieux des droits de l’homme devant la juridiction communautaire. On peut convoquer à cet égard l’arrêt Godwill Mrakpor et 5 autres (Intervention militaire en Côte d’Ivoire) c. Conférence des Chefs d’Etats de la CEDEAO.48 Si cette décision n’avait été rendue qu’en avant-dire droit et par conséquent en réserve du fond, la juridiction a quo y a tout de même ordonné au plus important des organes de la Communauté, de suspendre toute intervention militaire jusqu’à ce qu’elle se fût prononcée sur le fond de la cause devant elle. Cette cause, on s’en rappelle judicieusement, portait sur le contentieux du dépouillement et de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle controversée de 2011 en Côte d’Ivoire.

Il y a eu mieux dans la jurisprudence de la Cour de justice de la CEDEAO, avec l’insolite arrêt CDP c. Burkina Faso où la juridiction conclut que « Le Code électoral, tel que modifié (...) », excluant des membres du parti du président déchu B. Compaoré des élections post-transition, « est une violation du droit de libre participation aux élections ».49 La motivation catalytique en l’espèce revient de ce qu’en dépit de l’invocation par la requérante des dispositions de la Charte des droits de l’homme et de celle de la démocratie relatives à l’égalité et à la participation politique, la Cour décide d’élire les seules dispositions correspondantes du Protocole communautaire sur la démocratie qui fondent exclusivement son raisonnement conclusif.50 A en croire la doctrine d’obédience empirique, il s’agit là de l’expression la plus achevée de l’office électoral du juge régional en Afrique.51 On peut affirmer que la Cour avait déjà manqué l’opportunité d’une telle expression dans l’affaire RADDHO c. Sénégal où elle a plutôt rejeté la requête pour être devenue sans objet.52

Dans l’affaire Révérend Christopher R. Mtikila c. Tanzanie,53 la Cour d’Arusha sanctionnait, quant à elle, la Tanzanie pour avoir exclu les candidatures indépendantes aux élections politiques. Elle estime que cette exclusion constitue une atteinte au droit reconnu à tout citoyen de participer aux affaires de son pays.54 Le juge africain des droits de l’homme souligne en substance au paragraphe 99 de l’arrêt : « vu la clarté manifeste du libellé de l’article 13(1) de la Charte, (...), exiger d’un candidat qu’il soit membre d’un parti politique avant d’être autorisé à participer à la vie politique en Tanzanie, constitue certainement une violation des droits consacrés à l’article 13(1) de la Charte ».

Pour conclure sur cet aspect de l’action électorale du juge régional, il n’est pas futile de relever deux opportunités jurisprudentielles manquées. La première se solde par une irrecevabilité dans l’affaire Bloc pour l’Alternance en Guinée c. Guinée55 où la Cour de justice de la CEDEAO aurait dû examiner la demande principale du requérant de voir ordonner à l’Etat défendeur d’autoriser son enregistrement comme parti politique. Elle prouve à suffisance que le juge régional avait été mis en lisière de connaître du contentieux de l’enregistrement des partis politiques.

Dans la seconde espèce, la Cour africaine se voit demander, dans l’affaire Komi Koutché c. Bénin,56 de prendre une ordonnance de mesures provisoires intimant au défendeur de faire tomber les effets du mandat d’arrêt international émis à l’encontre du requérant afin de lui permettre de prendre part à l’élection législative du 28 avril 2019 au Bénin. La demande est manifestement devenue sans objet. En tout état de cause on réalise aisément que le juge africain pourrait bien, là aussi, se prononcer indirectement sur une question touchant au droit électoral.

Sur l’autre versant de l’activité du juge électoral régional en Afrique, notre intérêt porte sur les questions liées à l’élection en elle-même.

2.2.2 Les principes liés aux élections

Les décisions rendues dans ce cadre touchent aussi bien à l’indépendance et l’impartialité de l’organe d’organisation des élections, qu’à la transparence et la sincérité devant présider aux opérations électorales.

Dans ce registre, une décision de principe est sans doute celle rendue par la Commission dans l’affaire Pierre Mamboundou c. Gabon, où elle fixe les minimas devant déterminer les caractères libre et transparent d’une élection.57 Outre cet énoncé majeur des grands principes électoraux de source régionale, la Commission cherche à savoir si le rejet de la demande en annulation de la présidentielle de novembre 2005 est en violation du droit à la participation politique (article 13 de la Charte). Elle procède à un examen minutieux de la parité politique dans la composition de la Commission électorale et ses démembrements, dans la composition des bureaux de vote, la régularité et la conformité aux règles équitables du mode de décompte des voix, de l’accès aux médias d’Etat et de la gestion du contentieux par la Cour constitutionnelle, pour conclure à la conformité du processus à l’article 13 de la Charte.58

Si, dans l’affaire Action pour la Protection des Droits de l’Homme (APDH) c. Côte d’Ivoire, la Cour africaine n’a pas eu l’occasion d’adjuger dans une substance aussi large que la Commission, elle a certainement exercé compétence dans une cause qui va marquer fondamentalement la donne politico-électorale en Côte d’Ivoire. Dans l’arrêt qu’elle rend le 18 novembre 2016, le juge d’Arusha contrôle en effet la conformité à la Charte africaine de la démocratie de la loi portant composition de la Commission Electorale Indépendante. Le requérant faisait valoir qu’elle viole les principes d’égalité entre les candidats, ainsi que les garanties d’indépendance et d’impartialité de l’organe électoral. La Cour conclura à la violation des articles 17 et 3 du Protocole de la CEDEAO (obligation pour les Etats de créer un organe indépendant); ainsi que de l’article 13(1) et (2) de la Charte africaine (droit de participation). Elle ordonne par conséquent au défendeur dans un prononcé inédit, de réviser la loi à l’effet de la mettre en conformité avec les normes électorales régionales. Il apparaîtrait que l’Etat de Côte d’Ivoire a mis en œuvre ledit arrêt59 même s’il s’en est suivi une double saga judiciaire devant le juge constitutionnel ivoirien60 puis, à nouveau, devant la Cour africaine.61

En Afrique de l’Est, dans un régime plutôt sous-régional, le juge réalise également une œuvre prétorienne méritoire. Une décision de principe en l’espèce est celle rendue par la Cour de justice d’Afrique de l’Est dans l’affaire Prof Nyongo et autres c. Kenya.62 Dans cette espèce, les requérants demandent au juge communautaire de dire que l’élection par l’Assemblée nationale du Kenya, de ses neufs membres devant siéger au Parlement de la Communauté s’est faite en violation du Règlement électoral adopté en vertu de l’article 50 du Traité.

Il était reproché au parlement national d’avoir procédé à la désignation des députés concernés alors qu’ils auraient dû être élus. Le 23 mai 2007, l’Assemblée nationale du Kenya adoptait alors un nouveau Règlement en exécution de l’arrêt de la Cour de justice de la

Communauté63 sur la base duquel de nouvelles élections étaient organisées. Malheureusement, la Cour de justice paiera son audace en subissant des réformes politiques tendant manifestement à restreindre son libéralisme jurisprudentiel.64 En dépit de cette mauvaise fortune, le juge régional a fait œuvre utile au plan de la consolidation de l’Etat de droit électoral dans la sphère communautaire. On note ainsi avec satisfaction que, mu par le précédent dans l’affaire Nyongo, des requérants ougandais et tanzaniens attaquent les élections conduites par les parlements de leurs pays respectifs. Dans les affaires Democratic Party et un autre c. Uganda65 et Mtikila c. Tanzanie,66 la Cour ordonne aux défendeurs d’amender le droit interne applicable aux élections des députés devant siéger au Parlement communautaire.67

En rapportant cette tendance au plan national, il est intéressant de faire référence à l’arrêt rendu par la même juridiction dans l’affaire East African Civil Society Forum EACSOF c. Burundi.68 Au principal, la requête tendait à voir dire le juge que la participation du président Pierre Nkurunziza à l’élection présidentielle de 2015 au Burundi - c’est-à-dire l’autorisation de briguer un troisième mandat - constituait une violation des principes communautaires. De manière notable, le requérant attaque expressément la décision RCCB 303 du 5 mai 2015 du Conseil constitutionnel burundais portant contentieux des candidatures et autorisation de celle du président Nkurunziza, décision dont la conformité aux principes communautaires est requise.

Dans un premier temps, la Division de première instance de la Cour de justice d’Afrique de l’Est s’ést déclarée incompétente sur le fondement de la doctrine de la question politique, concluant notamment que la demande ne relevait pas du ressort judiciaire, mais ressortissant plutôt du mandat du législateur. La division d’appel infirma cette décision, affirma la compétence, et renvoya en instance pour examen à nouveau.69

En dépit de l’ampleur des normes pertinentes qui justifient son action, de la fréquence systématisée à son prétoire et de l’étendue des pouvoirs dont il jouit, le juge électoral régional subit des contraintes indiscutables. C’est en effet un juge à l’emprise limitée ou tout au moins conditionnée.

3 UN JUGE A L’EMPRISE LIMITEE

Dans un contexte pluraliste, il est plus que nécessaire pour le juge de s’autolimiter, afin d’éviter le désordre juridique, et garantir par la même occasion sa pérennité.

Le juge électoral africain n’est pas en reste. La nature de son office rassure et apaise à la fois quant aux critiques formulées en son encontre.

La première limite est liée à sa « juridiction », au sens des attributions (3.1); la seconde est liée à son « imperium », autrement dit ses pouvoirs et son autorité (3.2).

3.1 La limite liée à la juridiction

Evoquer les limites liées aux attributions du juge électoral africain, revient en particulier à examiner les différentes conditions d’exercice de sa compétence et de recevabilité d’une requête. Elles sont nombreuses. La limite dont il s’agit n’a de sens que lorsqu’elle permet de faire le départ et tracer la frontière non seulement entre lui et un autre juge électoral régional, mais également entre lui et le juge électoral national.

On songe ainsi à deux limites en particulier, qui garantissent cette coexistence pacifique : l’épuisement des recours internes (3.11) et l’application exclusive de la norme de référence qui l’a institué et qu’il a reçu mandat de sauvegarder. Il peut certes faire recours dans ses motivations à d’autres instruments juridiques, mais reste limité à la sanction du non-respect des dispositions d’une norme de référence particulière (3.1.2).

3.1.1 L’épuisement des recours internes

Cette condition est unanimement admise par le juge électoral régional africain. Elle découle aussi bien des textes que de la jurisprudence pertinente des différentes instances compétentes. Elle rend compte de l’observance des principes de subsidiarité ou de complémentarité du juge international.

La subsidiarité signifie que le juge international n’a vocation à exercer compétence qu’après que le juge national ait eu l’opportunité d’agir et qu’il n’a pu le faire ou ne l’a voulu. C’est en effet le juge national qui est juge naturel ou de proximité de la convention une fois que, par ratification suivie d’incorporation ou non, ladite norme fait corps avec le droit interne, tombant du coup dans l’assiette de compétence du juge interne.

La complémentarité signifie que le juge international vient soutenir ou se substituer à l’action de garantie des droits, entamée par le juge interne, lorsque celui-ci l’a laissée inachevée. Tout en disposant pour la recevabilité des requêtes devant le juge régional, c’est donc en primeur la compétence de ce juge que régule le principe d’épuisement des recours internes. Le but de la règle est à rechercher dans le besoin d’ériger des garde-fous à toute tentative d’atteinte à la souveraineté de l’Etat défendeur.

Il suffira de rappeler que jusqu’à une époque récente, les individus ou autres entités non-étatiques n’étaient pas autorisés à tutoyer les souverains dans un contentieux international impliquant exclusive-ment les Etats. L’ouverture du prétoire international, tout au moins celui des droits de l’homme, aux individus et ONGs a été strictement régulée par des conditions telles l’épuisement des recours internes, l’objectif étant de permettre à l’Etat concerné de remédier à la situation par le biais de ses institutions.

Examinons un tant soit peu l’application de cette condition aussi bien devant le juge électoral continental que devant le juge électoral sous régional.

Le recours au juge continental n’est en principe recevable qu’après épuisement des recours internes.

Pour ce qui est de la procédure devant la Commission africaine,la règle est d’abord conventionnelle puisqu’édictée à l’article 56(5) de la Charte, qui dispose que la Commission ne peut connaître d’une plainte individuelle qu’après épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’ils ne se soient prolongés de façon anormale.70

Dans son œuvre d’interprétation de la Charte, la Commission a forgé une pratique remarquable de la règle d’épuisement des recours internes. Les prémices de cette pratique se trouvent dans l’affaire Dawda Jawara c. Gambie où la Commission pose le principe de recours dont l’existence énoncée à l’article 56(5) de la Charte ne peut plus suffire, mais qui doivent au surplus être disponibles, efficaces et satisfaisants.

Le long de ses décennies de contrôle de l’application de la Charte, la Commission a élargi le champ des exceptions à l’épuisement des recours, y compris dans les cas de violations graves et massives,71 de défaillance notoire du système judiciaire national,72 ou encore de la crainte du requérant pour sa vie par suite de représailles réelles ou potentielles de la part des autorités de l’Etat défendeur.73 Dans l’affaire Mamboundou citée plus haut, la Communication n’est par conséquent déclarée recevable qu’après que la Commission eut vérifié, entre autres conditions, que les recours internes avaient été épuisés par la décision de la Cour constitutionnelle du Gabon.

Pour ce qui est de la procédure devant la Cour africaine, on note qu’aux termes de l’article 5(2) du Protocole qui la crée, le droit applicable en matière de recevabilité des requêtes devant elle est le même article 56(5) de la Charte. L’analyse ci-avant relative à la Commission est par conséquent extensible à la procédure devant la Cour africaine. En application de la convention, l’article 34(4) du Règlement intérieur de la Cour dispose que « La requête doit indiquer la violation alléguée et comporter la preuve de l’épuisement des voies de recours internes ou de leur prolongation anormale (...) ».74

Cette condition a été abondamment rappelée dans la jurisprudence de la Cour. C’est dès son premier arrêt sur le fond, dans l’affaire Mtikila, que la Cour en donne le ton avant que l’application de la règle et de ses nombreuses exceptions ne passe en jurisprudence constante dans la pratique.75 On note que la juridiction se fait largement l’écho d’un libre commerce jurisprudentiel avec sa consœur de Banjul, dont elle cite abondamment les décisions en formulant ses propres positions sur l’épuisement des recours internes.76

La condition de l’épuisement des recours internes a également fait l’objet d’application par le juge électoral sous-régional.

Pour ce qui est de la Cour de justice de la CEDEAO, elle adopte une approche sui generis en ce qu’elle ne prescrit par l’épuisement des recours par le requérant.

C’est dans l’arrêt Koraou cité supra, que la Cour en pose le principe en « application de la norme par silence ».77 La Cour estime, en réponse à l’exception soulevée par le Défendeur, que la règle ne saurait être prescrite là où le législateur ne l’a pas expressément prévue. Selon la haute juridiction, le législateur CEDEAO a entendu une renonciation de la souveraineté des Etats parties qui fonde la possibilité préalable pour eux de régler le différend concerné par leurs mécanismes internes. Dans des espèces ultérieures, la Cour a fait une observance implicite du principe.78

La Cour de justice d’Afrique de l’Est n’observe pas le principe d’épuisement des recours internes dans l’examen de la recevabilité des requêtes. Cette pratique résulte bien évidemment de ce que, ni le Traité, ni le Règlement de la juridiction ne pose cette condition. Ainsi, la Cour le rappelle déjà dans l’affaire Plaxeda Rugumba c. Rwanda examinée en 2010, en rejetant l’exception tirée du défaut d’épuisement des recours internes, au motif que les textes applicables n’en font pas une condition de recevabilité.79

Cette position qui n’a pas varié s’est plutôt consolidée dans le temps jurisprudentiel, comme l’illustre bien la Cour lorsqu’elle estime dans son arrêt de 2019 rendu dans l’affaire Media Council of Tanzania et autres c. Tanzanie, que la seule reconnaissance de la règle dans la coutume du contentieux international ne saurait emporter exception à la volonté expresse du législateur de ne pas en faire l’option dans le Traité.80 La référence à la jurisprudence de la Cour de justice de la CEDEAO, expressément citée par le Défendeur n’a pas convaincu le juge d’Afrique de l’Est.

Contraint par les frontières spatiales de la juridiction, le juge électoral régional est par ailleurs limité par la norme qu’il applique.

3.1.2 La limité liée à la norme de référence

Pour commencer par la Commission africaine, et tel qu’il ressort de l’argumentaire précédent sur sa compétence matérielle, la norme de référence quant au contrôle du respect des droits politiques, de la régularité de l’organe chargé des élections ou des élections proprement dites, est prioritairement, sinon exclusivement, la Charte africaine.

Il est vrai que ledit instrument autorise la Commission, lorsqu’elle interprète la Charte, à s’inspirer de nombreuses autres normes de droit international général ou spécialisé à la matière des droits de l’homme. Aux termes des articles 60 et 61 de la Charte, le champ du droit d’inspiration ouvert devant la Commission se ressource largement dans les dispositions de l’article 38 du Statut de la CIJ.81

Dans sa pratique, la Commission de Banjul a constamment écarté l’examen spécifique ou exclusif d’une allégation de violation des dispositions d’une convention autre que la Charte. Lorsqu’elle l’a fait, l’organe quasi-juridictionnel a toujours conclu à la violation de la seule Charte même si, dans le raisonnement qui l’y a conduit, elle a recouru aux dispositions, et bien entendu à la jurisprudence formée, du « tiers instrument ».82 Elle a d’abord recherché dans la Charte, les dispositions correspondantes du « tiers instrument ».83

On peut certainement noter, comme la décision Mamboundou citée plus haut l’illustre à suffisance, que les normes de référence formant ce que l’on pourrait appeler le « bloc de conventionalité », ne peuvent comprendre la Constitution de l’Etat en cause ou ses lois électorales nationales. La Commission rappelle sur ce point qu’ « elle n’a pas compétence pour connaître de la constitutionnalité des actes de l’Etat défendeur, mais plutôt de leur conformité à la Charte africaine ».84

En dépit de cette apparente prudence, on admettrait, avec toutefois des nuances nécessaires, qu’elle opère incidemment en référence à la Charte, un contrôle de conventionalité de la Constitution et des lois électorales, en ce qu’elle peut déclarer celles-ci ou celle-là contraires à la Charte.

Sur la question du contrôle qu’elle exerce relativement à la conformité des lois et actes de l’Etat défendeur à la Charte et au droit international applicable, la Cour africaine adopte quant à elle un discours jurisprudentiel à trois tendances.

Primo, la Cour doit répondre à l’exception de l’Etat défendeur tiré du défaut de compétence pour juger en tant que juridiction d’instance en examinant une requête dont les juridictions internes, notamment du fond ont déjà connu la substance. Suivant la formule typique, le requérant allègue par exemple la violation du droit d’être assisté par un avocat dès l’interrogatoire de police. En réponse, l’Etat défendeur avance que la Cour africaine ne saurait examiner une telle allégation sans agir en juridiction première instance alors que le requérant aurait dû épuiser les recours internes en soulevant le grief y afférent devant les juridictions nationales. La solution désormais consacrée de la Cour est de recourir à la théorie dit du bundle of rights and guarantees - « faisceaux de droits et garanties ». Cette théorie postule qu’il ne saurait être exigé du requérant d’évoquer des griefs dont le juge interne aurait dû ou pu avoir connaissance lors de l’examen de la cause devant lui. La jurisprudence abondante de la Cour est devenue constante à ces égards.85

Secundo, les Etats défendeurs reprochent à la Cour de s’ériger en juridiction d’appel en examinant des questions ayant précédemment fait l’objet d’une décision définitive par les plus hautes juridictions de l’ordre interne. Par la belle parade de la subsidiarité, la Cour exerce compétence quant à l’examen de la conformité au droit international applicable, des actes de l’Etat défendeur et de ses organes ou agents.86 Le juge continental estime toutefois, dans une variante de cette approche, qu’elle n’exerce pas compétence législative à l’égard du droit interne dont elle ne peut prononcer l’abrogation.87 Il est notable que plusieurs Etats ont opposé une farouche contestation à cette direction jurisprudentielle.88

Tertio, et enfin, le juge d’Arusha décline également sa compétence pour connaître de la violation de la Constitution de l’Etat défendeur ou de la conformité à la loi fondamentale, des actes de l’Etat ou de ses démembrements.89

Mais il faut rester réaliste face à cette navigation prudente entre les deux ordres régional et municipal. En somme, alors même qu’elle s’en défend vigoureusement, la Cour africaine dit le droit en exerçant une compétence qui a pour conséquence de la voir agir comme une juridiction internationale de cassation ou un troisième ou même quatrième degré de juridiction, infirmant ou annulant les décisions des juridictions internes qu’elles soient de fond ou suprêmes. Dans une formule parachevée de cette tendance, la Cour ordonne, par exemple dans l’arrêt Ajavon c. Bénin, que l’Etat défendeur annule l’arrêt violateur et en efface tous les effets.90

La Cour de justice de la CEDEAO exerce, dans le chef du droit applicable, une compétence quasi universelle. Cette juridiction a connu expressément de l’interprétation et de l’application directe de la quasi-totalité des instruments formant la Charte internationale des droits. La juridiction agit bien naturellement dans la sphère du droit de source communautaire. Sa jurisprudence inclut la DUDH prise comme droit international coutumier comme vu dans l’arrêt Koraou c. Niger qui fait le procès de l’esclavage moderne;91 le PIDCP dans l’arrêt Hissène Habré c. Sénégal;92 la Charte africaine dans l’arrêt Mamadou Tandja c. Niger;93 la Charte africaine de la démocratie et le Protocole de la CEDEAO dans l’arrêt CDP c. Burkina Faso;94 ou encore le Protocole dit de Maputo, à la Charte africaine sur les droits des femmes en Afrique dans l’arrêt Dorothy Njemanze c. Nigéria.95

Le juge de la Communauté d’Afrique de l’Est a exercé, comme discuté ci-avant, une compétence implicite ou déduite sur les normes internationales des droits de l’homme, en particulier la Charte africaine érigée par le Traité au rang de principe de la Communauté. La technique jurisprudentielle a consisté, chaque fois que le requérant la sollicitait pour connaître d’une violation de ses droits, à contrôler la conformité des actes déférés, aux principes d’Etat de droit, de bonne gouvernance, de démocratie et de droits de l’homme reconnus par le Traité comme « fondamentaux ». Les arrêts Katabazi, Sebalu et Union des Journalistes Burundais cités plus haut, en constituent des illustrations de principe.

De manière notable, la Cour de justice d’Afrique de l’Est rejette l’exception tirée du défaut d’épuisement des recours internes fondée sur la restriction de sa compétence à celle conférée par le Traité aux organes des « Etats partenaires ». A titre illustratif, l’Etat défendeur argue, dans l’affaire Media Council of Tanzania citée plus haut, que la ratification du Traité et son incorporation en droit interne ont limité l’impérium du juge régional, dont la compétence a dès lors été reversée au juge interne. En rejetant un tel moyen, la Cour a conclu qu’il ne peut en être ainsi parce que: d’abord, la norme ne l’a pas prévu expressément; ensuite, elle a compétence en primauté et en suprématie pour interpréter le Traité; et enfin, la primauté du Traité et de la compétence de la Cour communautaire se fonde de manière irréversible sur la mise en conformité des Constitutions nationales au Traité et non le contraire.96

Le juge régional africain est enfin limité dans son impérium, en l’occurrence quant à l’autorité de ses décisions et à la garantie de leur exécution.

3.2 La limite liée à l’imperium

L’impérium du juge serait vain si ses ordonnances n’étaient ni obligatoires, ni exécutoires. Quelles sont l’autorité et la portée des décisions rendues par le juge électoral régional africain ? La nature des organes concernés, leur positionnement dans la galaxie politico-juridictionnelle et les pouvoirs qui leur sont conférés obligent à appréhender la question suivant une perspective diversifiée (3.2.1). Par ailleurs, les garanties d’exécution des décisions (3.2.2) relèvent de paradigmes tout aussi divers que dépendant par-ci, de ce qu’en a disposé le législateur, et par-là, de la réception qu’en veut faire l’Etat défendeur souverain.

3.2.1 L’autorité diversifiée des décisions

La Charte africaine, convention fondatrice de la Commission, ne dispose pas expressément que les décisions de l’organe sont obligatoires ou exécutoires. On note d’ailleurs, à cet égard, que lesdites décisions ont aux termes de l’article 92 du Règlement de l’organe, valeur de « recommandations » conformément à l’article 53 de la Charte.97

La nature présumée non-exécutoire, parce que non expressément obligatoire, des décisions de la Commission est confortée par l’article 59 de la Charte. La norme qui oblige l’organe à la confidentialité dans l’exercice de sa fonction juridictionnelle, et assujettit la publication du rapport d’activités contenant ses décisions à un « examen » par la Conférence.

Dans la pratique, cet « examen » va au-delà d’un simple visa administratif pour inclure un pouvoir de censure ou d’appel des organes politiques de l’Union. La plus illustrative des décisions à cet effet est celle prise par le Conseil exécutif de l’Union africaine lors de l’examen du 37ème Rapport d’activités de la Commission, demandant à cet organe, entre autres, de « supprimer les extraits concernant deux décisions sur des plaintes individuelles dirigées contre la République du Rwanda et accorder une audience audit Etat dans les deux cas » et de « retirer le statut d’observateur accordé aux ONGs qui pourraient tenter d’imposer des valeurs contraires aux valeurs africaines ». Le Conseil avait proposé et obtenu que le Rapport ne soit pas publié jusqu’à ce que la Commission mette en œuvre lesdites décisions.

Dans une perspective plus juridique et moins politique, la doctrine et la Commission elle-même ont dépassé les enfermements de la Charte pour relire les pouvoirs de l’organe à la lumière des grands principes tels que l’effet utile, le pacta sunt servanda et les décisions des organes politiques de l’Union africaine appelant les Etats à se conformer à ses décisions.98

L’autorité des décisions de la Cour africaine ne souffre d’aucune contestation juridique. Organe de plein impérium judiciaire, ses décisions sont obligatoires et doivent être exécutées par les Etats dans les délais qu’elle fixe, ainsi que le prévoit l’article 30 du Protocole. Lesdites décisions sont par ailleurs définitives et non-susceptibles d’appel comme en dispose l’article 28(2) du Protocole. On note qu’elles peuvent faire l’objet de révision ou d’interprétation, sous les conditions généralement admises à cet égard.

Lorsque la violation alléguée est établie, la Cour peut par ailleurs « ordonner toutes les mesures appropriées » afin d’y remédier « y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».99 Elle a également pouvoir pour ordonner des mesures provisoires dans « les cas d’extrême gravité ou d’urgence » en vue d’éviter des préjudices irréparables.100

Les arrêts et autres décisions de la Cour de justice de la CEDEAO sont non seulement obligatoires, mais d’exécution directe et immédiate dans les Etats membres. C’est du moins ce qui ressort des dispositions de l’article 15 du Traité révisé et de l’article 24 du Protocole additionnel de 2005.

Quant à la Cour de justice d’Afrique de l’Est, ses décisions sont obligatoires mais peuvent faire objet d’appel.101 Une question pertinente est de savoir si ladite juridiction peut ordonner des mesures spécifiques ou se limiter à des conclusions déclaratoires en l’absence de dispositions expresses des instruments applicables. Il serait évidemment impensable, au moins sur le fondement de l’effet utile, qu’ayant investi la juridiction de la fonction de « garantir le respect du Traité par son interprétation et son application », le législateur ait pu entendre que ses décisions ne seraient pas obligatoires et exécutoires.102

La Cour a pris une approche dynamique à cet égard comme l’illustre l’arrêt Katabazi où, en concluant qu’une nouvelle arrestation des requérants viole le principe d’Etat de droit, la juridiction ordonne implicitement la remise en liberté. Tel qu’on l’observe heureusement dans l’arrêt Sebalu, la Cour conclut que « la Communauté d’Afrique de l’Est doit prendre des actions promptes en vue de finaliser le Protocole devant opérationnaliser l’extension de compétence de la Cour de justice en vertu de l’article 27 du Traité ». La jurisprudence s’est confortée dans le temps et par des dispositifs plus expressifs comme on le note dans les arrêts EALS v Burundi et Union des Journalistes Burundais c. Burundi.103

Qu’en est-il des garanties d’exécution des décisions?

3.2.2 Les garanties d’exécution

Qu’advient-il si une recommandation de la Commission n’est pas exécutée? L’article 112 du Règlement de l’organe a prévu un mécanisme de suivi des décisions de la Commission et l’article 118 lui donne la possibilité de saisir la Cour en cas de non-respect de ses recommandations. Pour ce qui est des garanties d’exécution, les décisions de la Commission relatives aux plaintes individuelles sont incluses dans son rapport d’activités soumis au Conseil exécutif de l’Union africaine pour examen et adoption. Cette procédure est sanctionnée par une décision du Conseil appelant les Etats à s’exécuter. En cas de « résistance », toute garantie se résout en une réitération par la Commission dans ses rapports subséquents, et lors des sommets successifs, du défaut d’exécution rapporté lors du premier examen.

L’exécution des décisions de la Cour africaine semble jouir d’une garantie plus affirmée puisque l’article 29 du Protocole dispose d’une part, que les décisions sont notifiées à la Commission de l’Union africaine qui est le représentant juridique de l’Union et, d’autre part, au Conseil des ministres « qui veille à leur exécution au nom de la Conférence ». L’article 31 du Protocole vient compléter ce mécanisme tacite en prévoyant qu’à chaque session ordinaire de la Conférence, « la Cour soumet un rapport faisant état des cas où un Etat n’aura pas exécuté ses décisions ».

Il ressort des textes que deux mécanismes, l’un judiciaire et l’autre politique, garantissent l’exécution des décisions de la Cour, les deux ne s’excluant pas.

Si la Cour a exclu l’approche judiciaire au cours de sa première décennie de fonctionnement, la probabilité d’une audience publique dans l’affaire Commission africaine (population autochtone Ogiek) c. Kenya et le projet de Cadre de suivi d’exécution en attente d’adoption par le Conseil exécutif prouvent bien que le mécanisme judiciaire est inévitable.

Quant à l’approche politique, elle consiste essentiellement en l’adoption du rapport de la Cour par le Conseil exécutif de l’Union africaine. Pour l’harmonie juridique, on devrait aller plus loin en envisageant des sanctions prévues pour défaut d’observance des décisions d’un organe politique de l’Union ainsi que prévu par l’Acte constitutif.104 Le projet de Cadre de suivi prévoit ces deux options tout en faisant une part belle à la diplomatie et à l’assistance technique.

La Cour de justice de la CEDEAO bénéficie d’un cadre de garantie similaire à celui de la Cour africaine, à la différence notable que les deux options judiciaire et politique de suivi d’exécution sont prévues par un instrument spécial séparé, l’ Acte additionnel A/SA.13/02/12 du 17 Février 2012 portant régime des sanctions à l’encontre des États membres n’honorant pas leurs obligations vis-à-vis de la Communauté.

Il y est prévu une large palette de sanctions.105 Si l’article 77 du Traité ne prévoit qu’un cadre général, les articles 1 et 2(2) et 3 de l’Acte dispose expressément que le défaut d’exécution d’une décision de la Cour de justice emporte violation par l’Etat de ses obligations vis-à-vis de la Communauté. L’article 15(2) du même instrument prévoit que le défaut d’un Etat membre peut être rapporté par l’un de ses pairs et que le Président de la Commission de la CEDEAO est investi des prérogatives ordinaires de rapport et de demande d’enclenchement de la procédure de sanction. On relève toutefois qu’à ce jour aucune des tentatives à cet effet n’a abouti.106

Dans le régime de la Cour de justice d’Afrique de l’Est, il n’y a pas de disposition pour un mécanisme de suivi d’exécution des décisions de la juridiction. En revanche, sur le point de la mise en œuvre des décisions, l’article 38(3) du Traité dispose « qu’un Etat partenaire ou le Conseil des ministres prendra, sans délai, les mesures requises afin de mettre en œuvre les décisions de la Cour ». Les règles d’exécution sont prescrites à l’article 44 du Traité.107 Par ailleurs, l’article 143 prévoit expressément pour le défaut de paiement des contributions financières, mais également pour « les autres obligations » des sanctions larges, financières,108 politiques ou autres ; déterminées par la Conférence sur recommandation du Conseil des ministres. Les réformes sur ces questionspeinent à prendre effet.109 Il n’y a pas à proprement parler, une procédure de rapport par la Cour aux organes politiques. L’article 14 du Traité prévoit plutôt une procédure sommaire à l’issue de laquelle l’organe politique se contente presque toujours de « prendre note » du rapport.110

4 CONCLUSION

L’existence en Afrique d’un juge électoral régional est affirmée. La jurisprudence construite par ce juge pluriel n’est certes que bourgeonnante mais l’importance et le momentum de ses interventions vont immanquablement réguler les Etats de droit en construction sur le continent. Ce n’est qu’une question de temps du contentieux et de la constance de l’adjudication.

Que les Etats membres des organisations d’intégration régionale africaine l’ont ainsi entendu en légiférant expressément à cet égard est hors de contestation. Ce qui manifestement demeure un inconnu majeur, c’est bien l’adhésion que lesdits Etats ont voulu consentir à l’office du juge qu’ils ont eux-mêmes investi. Nous nous sommes proposés en précurseurs mais il s’agit d’une question à branches multiples à laquelle d’autres commentateurs devraient consacrer une énergie scientifique empirique. D’abord, l’adhésion à la Cour continentale de plein impérium remonte à 9 sur 55 Etats pouvant être appelés au prétoire du contrôle de conventionalité par les individus victimes et les ONGs d’intérêt public. Cet état d’adhésion restreint fortement l’action du juge électoral africain. Ensuite, les Etats n’ont pas démontré un attachement libéral à l’obéissance aux censeurs qu’ils se sont librement voulus. On notera que si la Cour de justice de la CEDEAO est créditée de la plus obéie d’entre elles avec un taux d’exécution d’environ 60 pour cent, la Cour africaine affiche à peu près 30 pour cent ou même beaucoup moins selon les Etats. Enfin, sur le terrain de la mise en œuvre extrajudiciaire, les élections africaines ne semblent pas connaître une embellie quant à leur gestion.

Ce tableau peu glorieux mais réaliste peut tout de même nourrir un certain optimisme. La fondation est en effet posée. Il restera pour les acteurs, Etats, juges, sociétés civiles et plaideurs d’y forger l’Etat de droit électoral voulu par les organisations régionales pour un développement humain des peuples d’Afrique.

 


1. L Denning, cité par G Marcou Les mutations du droit de l’administration en Europe - pluralisme et convergence (1995) 11.

2. Voir notamment la Déclaration de Bamako du 03 novembre 2000 adoptée dans le cadre de la Francophonie lors du Symposium sur ‘le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et libertés dans l’espace francophone’; le Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la bonne gouvernance adopté à Dakar, le 21 décembre 2001 ; la Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et la gouvernance adopté à Addis Abeba, le 30 janvier 2007.

3. Voir M Kamto ‘Le contrôle de la mise en œuvre des règles et standards internationaux de la démocratie en Afrique. Des chainons manquants?’ in K Ahadzi-Nounou, D Kokoroko et FJ Aïvo (dirs) La Démocratie en question(s), (Mélanges en l’honneur du Professeur Théodore HOLO) (2017).

4. F Meledje Djedjro ‘Le contentieux électoral en Afrique’ (2009) 129 Pouvoirs (2009/2) 150. Cette pluralité d’acteurs traduirait une recherche d’efficacité.

5. Lire JP Dozon Les clés de la crise ivoirienne (2011). Voir aussi FP Tetang ‘De quelques bizarreries constitutionnelles relative à la primauté du droit international dans l’ordre juridique interne: la Côte d’Ivoire et l’affaire de l’élection présidentielle’ (2012) 91 Revue Française de Droit Constitutionnel 45-66; GF Ntwari ‘La décision du Conseil constitutionnel ivoirien N° CI-2011-036 du 04 mai 2011’ Revue québécoise de droit international (2011) 407-411.

6. Voir A Alerianus-Owanga et M Debain ‘Demain, un jour nouveau? Un renversement électoral confisqué au Gabon’ (2016) 144 Politique Africaine (2016/4) 157-179.

7. Voir EMN Youmbi ‘Le nouveau Conseil constitutionnel camerounais: la grande désillusion’ (2019) 5 Revue du droit public 1379.

8. KD Kokoroko ‘Les élections disputes: réussites et échecs’ (2009/2) Pouvoirs  115-125.

9. JD Degaudusson ‘Les élections à l’épreuve de l’Afrique’ (2002) 13 Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, Etudes et doctrine, la sincérité du scrutin 100.

10. La notion de ‘régionalisme constitutionnel’ sublimée par SH Adjolohoun, est différente du sens que lui donne le professeur Vunduawe, c’est-à-dire un système qui serait à mi-chemin entre l’Etat unitaire décentralisé et l’Etat fédéral. Elle renvoie en revanche à la construction d’un droit constitutionnel commun aux Etats africains. Voir SH Adjolohoun ‘The making and remaking of national constitutions in African regional courts’ (2018) 1 African Journal of Comparative Constitutional Law 35-70.

11. J Jacque ‘Droit constitutionnel national, droit communautaire, CEDH, Charte des Nations-Unies -L’instabilité des rapports de systèmes entre ordres juridiques’ (2007) 69(1) Revue française de droit constitutionnel 3-37.

12. M Delmas Marty (dir) (Introduction), Actes du 8ème congrès de l’Association internationale de méthodologie juridique, Aix- en- Provence 4-6 septembre 2003; Presses universitaires d’Aix Marseille (2005).

13. F Ost et M Van der Kerchove De la pyramide au réseau? - Pour une théorie dialectique du droit; Publication des FUSL (2002). L’ouvrage constate la crise du modèle pyramidal et son remplacement par des paradigmes concurrents comme celui du droit en réseaux, sans que disparaissent pour autant des résidus du premier.

14. M Virally ‘Sur un pont aux ânes: les rapports entre droit international et droits internes’ in Mélanges offerts à Henri Rolin (1964) 491.

15. M Troper ‘Kelsen, la théorie de l’interprétation et la structure de l’ordre juridique’ (1981) 138 Revue internationale de philosophie 526; voir aussi, M Troper ‘La pyramide est toujours debout! Réponse à P Amselek’ (1978) 6 Revue de droit public 1531.

16. P Amselek ‘Réflexions critiques autour de la conception kelsénniene de l’ordre juridique’ (1978) 1 Revue de droit public 13.

17. Voir pour la Commission, entre autres, Geneviève Mbiankeu c. Cameroun, Communication 389/10 (CADHP 2015), paras 125-127 ; Jawara c. Gambie Communication 147/95 et 149/96 (2000) RADH 107 (CADHP 2000), para 46; Association des Victimes des Violences Post-Electorales et Interights c. Cameroun Communication 272/03 (2009) AHRLR 47 (ACHPR 2009), paras 105-115; et pour la Cour, Armand Guehi c. Tanzanie, CAfDHP (fond et réparations, 7 décembre 2018), paras 149-150; Alex Thomas c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 20 novembre 2015), 1 RCJA 482, para 135 ; Kennedy Owino Onyachi et un autre c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 28 septembre 2017), paras 158-159.

18. Voir SH Adjolohoun Droits de l’homme et justice constitutionnelle en Afrique: le modèle béninois à la lumière de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (2011).

19. Voir SH Adjolohoun ‘ The Njemanze ECOWAS Court ruling and “universal” jurisdiction: implications for the “grand African human rights system”’ International Journal of Constitutional Law Blog, 16 November 2017.

20. La Charte africaine de la démocratie et le Protocole de la CEDEAO sur la bonne gouvernance sont des instruments des droits de l’homme par leurs objets et les dispositions qu’ils contiennent.

21. La Cour a conclu à la violation du Traité révisé de la CEDEAO en application de l’article 77 relatif aux droits des journalistes.

22. Voir IM Fall et A Sall ‘Une Constitution régionale pour l’Espace CEDEAO: le Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance de la CEDEAO’  (2017) JAGA Gouvernance en Afrique.

23. AD Olinga ‘La promotion de la démocratie et d’un ordre constitutionnel de qualité par le système africain des droits fondamentaux: entre acquis et défis’ (2017) 1 Annuaire africain des droits de l’homme   221-243.

24. Voir les articles 5(1)(a), 6 et 33 du Protocole ; et les articles 68(3) du Règlement de la Cour et 118 du Règlement de la Commission.

25. Voir Jean-Claude Roger Gombert c. Côte d’Ivoire, CAfDHP (compétence et recevabilité, 22 mars 2018). Voir par ailleurs Dexter Eddie Johnson c. Ghana, CAfDHP (compétence et recevabilité, 28 mars 2019).

26. CJCE, 04 février 1959, Stork c. Haute Autorité de la CECA.

27. CJCE, 12 novembre 1969, Erich Stauder c. Ville d’Ulm.

28. CJCE, 17 décembre 1970, international handelgesselschaft.

29. Voir SERAP c. Nigéria (éducation) ECW/CCJ/JUD/07/10 du 30 novembre 2010; Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme c. Sénégal ECW/CCJ/JUD/20/15 du 20 octobre 2015.

30. Hadijatou Mani Koraou c. Niger ECW/CCJ/JUD/06/08 du 27 octobre 2008.

31. Dorothy Njemanze et autres c. Nigéria ECW/CCJ/JUD/08/17 du 12 octobre 2017.

32. Voir Adjolohoun (n 19).

33. ECW/CCJ/JUD/06/10 du 18 novembre 2010, paras 59 et 64.

34. Ugokwe c. Nigéria, para 33.

35. Ibid, paras 5 et 32. Sur les répartitions de compétence entre les juges régional et national en Afrique, voir en général, SH Adjolohoun ‘Un régulateur régulé? Le juge constitutionnel à l’ère du régionalisme constitutionnel en Afrique’ Colloque commémoratif du 25ème anniversaire de la Cour constitutionnelle du Bénin, Association Béninoise de Droit Constitutionnel, 2 - 3 juin 2018.

36. Traité établissant la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) 1999, entrée en vigueur 2000.

37. S Ebobrah ‘Human rights developments in sub-Regional Economic Communities during 2011’ (2012) 12 African Human Rights Law Journal 316.

38. James Katabazi et 21 autres c. Secrétaire général de la Communauté et République d’Ouganda , Référence No. 01/2007, Arrêt du 1er novembre 2007.

39. Voir Hon. Sitenda Sebalu c. Secrétaire général de la Communauté et autres, Reference no. 01 de 2010, Arrêt du 30 juin 2011. Relativement à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice d’Afrique de l’Est, voir SH Adjolohoun Giving effect to the human rights jurisprudence of the ECOWAS Court of Justice: compliance and influence, thèse de doctorat, Université de Pretoria (2013) 115-121.

40. Union des Journalistes Burundais c. Burundi Référence no. 7 de 2013, Recueil des arrêts de la Cour de justice d’Afrique de l’Est (2012- 2015) 299.

41. Voir paras 60-102. Sur la jurisprudence récente de la Cour de justice d’Afrique de l’Est sur la matière des droits de l’homme et sur la justice de la liberté d’expression dans les juridictions régionales africaines, voir N Jansen Reventlow & SH Adjolohoun ‘Will Konaté set African journalists free? Interrogating the promises of an emerging press freedom jurisprudence in African regional courts’ (2018) 18 African Human Rights Yearbook 427-453.

42. Para 63. Voir également Olinga (n 23) 227.

43. Voir Jawara c. Gambie, para 68.

44. Voir Modise c. Botswana, paras 95-98.

45. Constitutional Rights Project et Civil Liberties Organisation c. Nigeria.

46. MIDH c. Côte d’Ivoire, para 86.

47. Voir Media Rights Agenda et Constitutional Rights Project c. Nigeria, para 80.

48. Godwill Mrakpor et 5 autres (intervention militaire en Côte d’Ivoire) c. Autorité des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, Arrêt Avant Dire Droit ECW/CCJ/ADD/01/11 du 18 mars 2011.

49. Dispositif.

50. CDP c. Burkina Faso, paras 31, 32-37. Le droit mou et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme viennent en sources subsidiaires.

51. Voir à cet égard, Fall et Sall (n 24); Adjolohoun (n 10).

52. Voir Rencontre Africaine des Droits de l’Homme c. Sénégal, Requête No. ECW/CCJ/APP/03/12, Arrêt ECW/CCJ/JUD/20/15 du 20 octobre 2015.

53. TLS et autres (Mtikila) c. Tanzanie (fond) (2013) 1 RJCA 34. Voir Les Commentaires de AD Olinga Revue des droits de l’homme (2014/6) 1-23.

54. A titre de droit comparé, la question a été déjà fait l’objet d’un avis par le Comité des droits de l’homme (Observations générales n° 25 du Comité, adoptées lors de sa 57ème session le 12 juillet 1996, Participation aux affaires publiques et droit de vote) et d’une décision par la Cour interaméricaine des droits de l’homme (Cour IDH, Arrêt du 6 août 2008, Castaneda Gutman c. Mexique).

55. Bloc pour l’Alternance en Guinée c. Guinée, Arrêt ECW/CCJ/JUD/07/19 du 26 février 2019.

56. Voir Komi Koutché c. Bénin, Requête No. 020/2019.

57. La Commission souligne en substance: ‘l’existence d’une loi et d’un système électoral, la transparence dans l’organisation de la gestion des élections, le droit de voter, l’inscription des électeurs, l’éducation civique et l’information des électeurs, la participation des candidats, des partis politiques et des organisations politiques, une campagne électorale au cours de laquelle la protection des droits de l’homme et l’accès libre aux médias sont assurés, un scrutin libre soumis à un contrôle indépendant et dont les résultats sont publiés, et enfin un mécanisme crédible de gestion du contentieux des élections’, para 49.

58. Voir Pierre Mamboundou c. Gabon Communication 320/06 (2014).

59. Voir V Duhem ‘Côte d’Ivoire: une nouvelle CEI recomposée mais toujours pas consensuelle’ Jeune Afrique (2019).

60. Déclarée irrecevable principalement pour caractère prématuré de la requête, la loi n’ayant pas encore été votée par le Parlement, encore moins promulguée par le président de la République. Voir Décision N° CI-2019-005/DCC/05-08/CC/SG du 05 août 2019 relative à la requête de M Konan Koffi, Député à l’Assemblée nationale.

61. Voir Suy Bi Gohoré Emile et 8 autres c. Côte d’ivoire, Requête No 044/2019 enregistrée au Greffe de la Cour le 10 septembre 2019. Dans sa substance, la requête porte implicitement action en défaut d’exécution de l’arrêt APDH c. Côte d’Ivoire.

62. Prof Nyongo et autres c. Kenya Reference No. 1 de 2006 Recueil de jurisprudence de la Cour de justice d’Afrique de l’Est 2005 - 2011.

63. Kenya National Assembly ‘Approval of EAC Draft Rules on Election of EALA Members’ Kenya National Assembly Official Record Parliamentary Debates (23 May 2007) 1583-1603.

64. KJ Alter, JT Gathii et LR Helfer ‘Backlash against international courts in West, East and Southern Africa: causes and consequences’ (2016) 27 European Journal of International Law 293.

65. Democratic Party et Mukas a Mbidde c. The Secretary General of the East African Community et the Attorney General of the Republic of Uganda EACJ Reference No. 6 de 2011, First Instance Division.

66. Mtikila c. Attorney General of Tanzania et autres EACJ Reference No. 1 de 2007.

67. C Basl ‘What change in EALA election rules means’ https://observer.ug/news/headlines (consulté, 19 septembre 2019); NSegawa, ‘Parliament amends EALA election rules to provide for special interest groups’ https://chimpreports.com/parliaments-amends-eala-election-rules-to-provide-for-special-interest-groups/ (consulté le 19 september 2019).

68. East African Civil Society Forum EACSOF c. Burundi, Requête No. 5 de 2015, Arrêt du 29 juillet 2015.

69. East African Civil Society Forum EACSOF c. Burundi, Appel No. 4 de 2016, Arrêt du 24 mai 2018.

70. Voir aussi l’article 87 du Règlement intérieur de la Commission intitulé ‘Saisine de la Commission’, qui dispose que les Communications doivent contenir ou être accompagnées entre autres, ‘des mesures prises pour épuiser les procédures régionales [sous-régionales] ou internationales de règlement des bons offices’, ‘de toute procédure d’enquête internationale ou de règlement international à laquelle les Etats parties concernés ont eu recours’.

71. Voir par ex, Open Society Justice Initiative c. Côte d’Ivoire, Communication 318/06 (27 mai 2016), affaire des Dioulas sur le droit à la nationalité.

72. Voir par ex, Réseau Ouest Africain des Défenseurs des Droits de l’Homme c. Côte d’Ivoire, Communication 400/11 (1 août 2015).

73. Voir par ex, Gabriel Shumba c. Zimbabwe, Communication 308/05 (novembre 2008).

74. Par ailleurs, les ‘conditions générales de recevabilité’ mentionnées à l’article 40 du Règlement intérieur de la Cour (article 56 de la Charte auquel renvoie l’article 6, alinéa 2, du Protocole), prévoient que (article 40(5)) les requêtes dont est saisie la Cour doivent ‘être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale’.

75. Voir Recueil de jurisprudence de la Cour africaine, Volume 1 (2006-2016).

76. Voir R Ben Achour ‘La mobilisation des sources extérieures par la Cour africaine. L’exemple de la liberté d’expression’ in L Burgorgue-Larsen (dir) Les défis de l’interprétation et de l’application des droits de l’homme: de l’ouverture au dialoque (2017) 223.

77. Voir Koraou c. Niger, para 49.

78. Voir par exemple, Rencontre Africain pour la Défense des Droits de l’Homme c. Sénégal, Communication 71/92.

79. Plaxeda Rugumba c. Rwanda Référence No. 8 de 2010. Voir également, Malcom Lukwiya c. Ouganda et Kenya Référence No. 6 de 2015.

80. Media Council of Tanzania et autres c. Tanzanie Référence No. 2 de 2017, Arrêt du 28 mars 2019.

81. Voir F Ouguergouz ‘Les articles 60 et 61 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples’ in Burgorgue-Larsen (n 76) 135.

82. Voir par exemple, Interights, ASADHO et Maître O. Disu c. République Démocratique du Congo Communication 274/03 et 282/03 (novembre 2013), para 61 où la Commission fait le pont entre l’article 7 de la Charte et l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; Organisation Mondiale Contre la Torture et Ligue de la Zone Afrique pour la Défense des Droits des Enfants et Elèves (pour le compte de Céline) c. République Démocratique du Congo, Communication 325/06 (novembre 2015), paras 83-85 où les articles 2 et 18(3) de la Charte sont interprétés en lecture croisée avec les articles 2, 3, 4, 8 et 25 du Protocole de Maputo sur les droits des femmes en Afrique.

83. Interights et autres c. RDC (n 82) paras 66 et 67; OMCT et un autre c. RDC (n 82) para 87.

84. Voir Mamboundou c. Gabon, Communication 320/06.

85. Nguza Viking (BabuSeya) et Johnson Nguza (Papi Kocha) c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 23 mars 2018), paras 35-37; Kijiji Isiaga c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 21 mars 2018), paras 30-36; Thobias Mango et un autre c. Tanzanie, CAfDHP (fond,

86. 11 mai 2018), paras 30-36; Anaclet Paulo c. Tanzanie, CAfDHP (fond et réparations, 21 septembre 2018), paras 21-27; Armand Guehi c. Tanzanie, CAfDHP (fond et réparations, 7 décembre 2018), paras 31-34.

86 Ernest Francis Mtingwi c. Malawi (compétence)(2013) 1 RJCA 197, para 14 ; Alex Thomas c. Tanzanie (fond) (2015) 1 RJCA 482, para 130; Mohamed Abubakari c. Tanzanie (fond) (2016) 1 RJCA 624, paras 22- 29; Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, CAfDHP (fond, 24 novembre 2017), paras 52-56; 167; George Maili Kemboge c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 11 mai 2018), paras 17-21; Amiri Ramadhani c. Tanzanie, CAfDHP (fond, 11 novembre 2018), para 24; Oscar Josiah c. Tanzanie, CAfDHP (fond et réparations, 28 mars 2019), paras 21-28.

87. Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda, idem.

88. Voir à cet égard, SH Adjolohoun ‘Les grands silences jurisprudentiels de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples’ (2018) 2 Annuaire africain des droits de l’homme 45-46.

89. Voir par exemple, Kennedy Owino Onyachi et autres c. Tanzanie, op. cit., para 39.

90. Voir Sébastien Germain Ajavon c. Bénin, CAfDH (fond, 29 mars 2019), para 283.

91. Cité supra.

92. Cité supra.

93. Cité supra.

94. Cité supra.

95. Cité supra.

96. Voir Media Council of Tanzania et autres c. Tanzanie, op. cit., paras 18-41.

97. Cette terminologie est confirmée à l’article 58 de la Charte qui dispose que, dans les cas de violations graves et massives, et sur demande de la Conférence des Chefs d’Etat de l’Union africaine, la Commission produit un rapport accompagné de ‘recommandations’.

98. Voir F Viljoen International human rights law in Africa (2012) 339-342; CD Atoki ‘Enforcement of the recommendations of the African Commission’ Colloquium of the African human rights and similar institutions (Arusha, 4-6 October 2010) 4-5; R Alapini Gansou ‘Keynote Address’ Colloquium on application of the African Charter on Human and Peoples’ Rights by South African courts (Cape Town, 8-9 November 2012); G Naldi ‘Future trends in human rights in Africa: The increased role of the OAU?’ in M Evans & R Murray (dirs) The African Charter on Human and Peoples’ Rights: the system in practice 1986-2000 (2002) 1; J Salmon ‘Convention de Vienne de 1969 Pacta Sunt Servanda’ in O Corten et autres Les conventions de Vienne sur le droit des traités: commentaire article par article (2006) 1080-1081; Adjolohoun (n 41) 49-52.

99. Art 27(1).

100. Art 27(2).

101. Art 35(1), Traité de la Communauté d’Afrique de l’Est.

102. Art 23(1), Traité de la Communauté d’Afrique de l’Est.

103. East African Law Society c. Burundi App. No. 3 de 2014. Voir en outre, Union des Journalistes Burundais c. Burundi.

104. Voir art 23 Acte constitutif de l’Union africaine.

105. Elles vont de la suspension, au retrait du droit de vote, en passant par l’impossibilité de faire élire ou désigner des ressortissants à des postes au sein des organes de la Communauté, ou même le gel des avoirs et la confiscation de documents de voyage.

106. Dans la formule la plus préliminaire, la procédure d’exécution est enclenchée par la Cour elle-même. Aux termes de l’article 24 du Protocole additionnel de 2005, le Greffe de la Cour délivre un mandat d’exécution qui est transmis à une autorité nationale désignée par les Etats et qui suivra l’exécution après la seule vérification que la décision est authentiquement celle de la juridiction.

107. Voir Art 44, Traité de la Communauté d’Afrique de l’Est et Art 74(2) Règlement intérieur de la Cour de justice d’Afrique de l’Est. Voir également, JE Ruhangisa ‘The East African Court of Justice: Ten Years of Operation, Achievements and Challenges’ Sensitisation Workshop on the Role of the EACJ in the EAC Integration (2011) 7.

108. Voir M Anderson East African Community faces funding crisis ’ The Africa Report, 14 octobre 2016 http://www.theafricareport.com/East-Horn-Africa/east-african-community-faces-funding-crisis.html, consulté le 9 octobre 2019; C Ligami ‘EAC ministers vote for budget rules to stay’, 18 April 2017, The East African, consulté le 9 octobre 2019.

109. Voir E Verhaeghe et C Mathieson ‘Understanding the East African Community and its Transport Agenda’, European Centre for Development Policy Management (ed) http://ecdpm.org/wp-content/uploads/EAC-Background-Paper-PEDRO-Political-Economy-Dynamics-Regional-Organisations-Africa-ECDPM-2017.pdf ( consulté 9 octobre 2019).

110. Voir par ex EAC, Report of the 33rd Meeting of the Council of Ministers, 29 February 2016, Arusha, Tanzania, Section 8.2, 123.